EXTRAITS D’ARRÊTS DE LA
COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
INTRODUCTION
Convention EDH , Préambule :
Les Gouvernements signataires, Membres du Conseil de l’Europe,
Considérant la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, proclamée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 ;
Considérant que cette Déclaration tend à assurer la reconnaissance et l’application universelles et effectives des droits qui y sont énoncés ;
Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Membres, et que l’un des moyens d’atteindre ce but est la sauvegarde et le développement des Droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Réaffirmant leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique, d’une part, et, d’autre part, sur une conception commune et un commun respect des Droits de l’homme dont ils se réclament ;
Résolus, en tant que gouvernements d’États européens animés d’un même esprit et possédant un patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains droits énoncés dans la Déclaration Universelle,
Sont convenus de ce qui suit :
Art. 1. Obligation de respecter les droits de l’homme.
Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention.
Art. 13. Droit à un recours effectif
Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.
§ 1 - Domaine de la convention européenne
1° - Autorité du préambule
Cour EDH (Ass. plén.), 21 février 1975
Golder c. Royaume-Uni
Ainsi que le précise l’art. 31, § 2, de la Convention de Vienne, le préambule d’un traité forme partie intégrante du contexte. Le passage le plus significatif du Préambule de la Conv.EDH est celui où les gouvernements signataires s’affirment résolus, en tant que gouvernements d’États européens animés d’un même esprit et possédant un patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration universelle du 10 déc. 1948.
2° - Domaine d’Application de la convention
Application de la Convention dans le temps
Cour EDH 28 septembre 2004
Kopecky c. Slovaquie (D. 2005 J 870)
Les États n'ont pas une obligation générale de restituer des biens qui leur ont été transférés avant qu'ils ne ratifient la Convention.
Application de la Convention quant aux personnes
Cour EDH 26 septembre 1995
Vogt c. Allemagne (Gaz.Pal. 1996 II 526)
Le droit d’accès à la fonction publique a été délibérément omis de la Convention. Il n’en ressort pas pour autant qu’un fonctionnaire ne puisse pas dénoncer sa révocation si celle-ci enfreint la Convention.
Cour EDH 8 décembre 1999
Pellegin c. France (Gaz.Pal. 2000 J 1055 note Lambert)
Pour déterminer l’applicabilité de l’art. 6-1 aux agents publics, qu’il soient titulaires ou contractuels, la Cour estime qu’il convient d’adopter un critère fonctionnel, fondé sur la nature des fonctions et des responsabilités exercées par l’agent. Seuls sont soustraits de l’art. 6 § 1 de la Conv.EDH les litiges des agents publics dont l’emploi est caractéristique des activités spécifiques de l’administration publique dans la mesure où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques. Les litiges en matière de pension, quant à eux, relèvent tous du domaine de l’art. 6 § 1.
Application de la Convention quant à la matière
Cour EDH 29 septembre 1999
Serre c. France (D.2000 SC 182, note Fricero)
La Cour rappelle l’applicabilité de l’art. 6 § 1 Conv.EDH au contentieux disciplinaire, dont l’enjeu est le droit de pratiquer [sa profession].
Application de la Convention en cas de demande d’exequatur
Cour EDH 20 juillet 2001
Dame Pellegrini c. Italie (Gaz.Pal. Tables 2005 v° Droits de l’homme n° 22)
Sommaire : Lorsque la décision dont l’exequatur est demandé dans un État contractant émane du Tribunal d’un État qui n’applique pas la Conv.EDH, il incombe au juge requis de procéder au contrôle de conformité à l’art. 6 et d’examiner si la procédure relative à la décision qui lui est présentée remplissait les garanties du procès équitable, parmi lesquelles le droit à une procédure contradictoire impliquant pour chaque partie la faculté de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation soumise au tribunal en vue d’influencer sa décision et, aussi, le droit d’être informée de la faculté de se prévaloir de l’assistance d’un avocat.
3° - Principe de la prééminence du droit
Cour EDH Ass. plén., 29 novembre 1988
Brogan et autres c/Royaume-Uni
La prééminence du droit est l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique.
Cour EDH 2 août 1984
Malone c. Royaume-Uni,
La prééminence du droit, mentionnée dans le Préambule de la Convention, implique aussi que le, droit interne doit offrir une certaine protection contre les attaques arbitraires de la puissance publique envers les droits garantis.
Cour EDH 9 décembre 1994
Raffineries Grecques Stan (Gaz.Pal. 1995 II 540)
Le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacré par l’art. 6 de la Conv.EDH s’opposent à toute ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le déroulement judiciaire d’un litige.
Cour EDH 21 mai 2002
Peltier c. France (Gaz.Pal. 2002 J 1469)
La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le but de la Convention européenne des droits de l'homme consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs.
4° - limites de la convention
Limites en temps de paix
Convention EDH :
Art. 15. Dérogation en cas d’état d’urgence
1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.
2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
3. Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application.
Cour EDH 22 novembre 1995
S.W. c. Royaume-Uni (Sudre et autres, « Grands arrêts de la Cour EDH » n°37)
La garantie que consacre l’art. 7, élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une place primordiale dans le système de protection de la Convention, comme l’atteste le fait que l’art. 15 n’y autorise aucune dérogation en temps de guerre ou autre danger public.
Limites en temps de guerre
Convention EDH. Protocole n° 6 :
Art. 2. Peine de mort en temps de guerre
Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions. Cet État communiquera au Secrétariat général du Conseil de l’Europe les dispositions afférentes de la législation en cause.
Limites à l’activité politique des étrangers
Convention EDH :
Art. 16. Restrictions à l’activité politique des étrangers
Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers.
§ 2 - Compétence et rôle de la Cour européenne
Compétence de la Cour EDH
Cour EDH 18 janvier 1978
Irlande c. Royaume-Uni (Requête n° 5310/71)
Il incombe d’abord à chaque État contractant, responsable de « la vie de (sa) nation », de déterminer si un « danger public » la menace et, dans l’affirmative, jusqu’où il faut aller pour essayer de le dissiper. En contact direct et constant avec les réalités pressantes du moment, les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la présence de pareil danger comme sur la nature et l’étendue de dérogations nécessaires pour le conjurer. L’article 15 § 1 leur laisse en la matière une large marge d’appréciation.
Les États ne jouissent pas pour autant d’un pouvoir illimité en ce domaine. Chargée, avec la Commission, d’assurer le respect de leurs engagements (art 19), la Cour a compétence pour décider s’ils ont excédé la « stricte mesure » des exigences de la crise. La marge nationale d’appréciation s’accompagne donc d’un contrôle européen.
Cour EDH 16 septembre 1996
Akdivar c. Turquie (Sudre, Grands arrêt de la Cour EDH, n° 71)
La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’art. 26 Conv.EDH impose aux personnes d’intenter contre l’État une action devant un organe judiciaire ou arbitral international, l’obligation d’utiliser auparavant les recours qu’offre le système juridique de leur pays.
Rôle de la Cour EDH
Caractère subsidiaire
Cour EDH 7 décembre 1976
Handyse c. Royaume-Uni (Sudre, « Grands arrêts de la Cour EDH n° 7)
Le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme.
On ne peut dégager du droit interne des divers États contractants une notion européenne uniforme de la « morale ». L’idée que leurs lois respectives se fonf des exigences de cette dernière varie dans le temps et l’espace, spécialement à notre époque caractérisée par une évolution rapide et profonde des opinions en la matière…
Dès lors l’art. 10 § 2 réserve aux États contractants une marge d’appréciation.
L’art. 10 § 2 n’attribue pas pour autant aux États contractants un pouvoir d’appréciation illimité… La marge nationale d’appréciation va donc de pair avec un contrôle européen.
Contrôle de la conformité de la loi en cause à la Convention
Cour EDH 28 octobre 1999
Zielinski c. France (D. 2000 SC 184 note Fricero)
Le fait qu’une loi ait été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ne suffit pas à établir sa conformité à la Convention.
Limites de la compétence de la Cour
Cour EDH 19 décembre 1997
Brualla de la Torre c. Espagne (D. 1998 SC 210 note Fricero)
La Cour n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes, seules compétentes pour interpréter la législation interne et ses dispositions transitoires, ni d’apprécier l’opportunité des choix de politique jurisprudentielle opérés par les juridictions internes : son rôle se limite à vérifier la conformité à la Conv.EDH, des conséquences qui en découlent.
Interprétation des principes posés par la Convention
Convention EDH :
Art. 17. Interdiction de l’abus de droit
Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention.
Art. 18 Limitation de l’usage des restrictions aux droits
Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues.
Tout naturellement, les principes posés par la Conv.EDH sont d’interprétation extensive, alors que les exceptions admises par elle sont d’interprétation étroite.
Cour EDH 23 mars 1995
Loizidou c. Turquie (Sudre, « Grands arrêts de la Cour EDH » n° 1)
La Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles … L’objet et le but de la Convention, instrument de protection des êtres humains, appellent à interpréter et à appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives.
Cour EDH 23 octobre 1990
Le droit à un procès équitable occupe une place si éminente dans une société démocratique qu’une interprétation restrictive de l’art. 6.1 de la Convention ne se justifie pas.
Cour EDH 25 juin 1997
(D. 1997 SC 359 note Renucci)
L’art. 6 § 1 Conv.EDH sur le droit à un procès équitable est applicable dès lors que l’arrêt de la Cour de cassation peut rejaillir à des degrés divers sur la situation juridique de l’intéressé.
Cour EDH 5 janvier 2000
Beyeler c. Italie (D.2000 187 note Fricero)
Le droit à un procès équitable doit s’interpréter à la lumière du préambule de la Convention, qui énonce la prééminence du droit comme patrimoine commun des États.
Interprétation des exceptions à ces principes
Cour EDH 1er juillet 1997
Mme X. c. Italie (D. 1997 SC 358 note Renucci)
La liste des exceptions au droit à la liberté figurant à l’art. 5 § 1, revêt un caractère exhaustif, et seule une interprétation étroite cadre avec le but de cette disposition : assurer que nul ne soit arbitrairement privé de sa liberté.
Signification de quelques termes et expressions
Notion de « accusation »
Cour EDH 31 mars 1998
Reinhardt et autre (Gaz.Pal. 1998 I somm. 188/189)
L’accusation, au sens de l’art. 6 § 1, peut se définir comme « la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir commis une infraction pénale ».
Notion de « autorité judiciaire »
Cour EDH 10 juillet 2008
Medvedyev et autres c. France (Gaz.Pal. 2008 J 3411)
Sommaire : Le procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion ; il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif.
Notion de « biens »
Cour EDH 23 novembre 2000
Ex-roi de Grèce c. Grèce (Gaz.Pal. 2001 J 1516 note C. Pettiti)
La Cour rappelle que la notion de « biens » prévue par la première partie de l’art. 1 du Protocole n° 1 de la Conv.EDH a une portée autonome qui est indépendante par rapport aux qualifications formelles du droit interne.
Cour EDH 26 septembre 2006
Société de gestion du port de Campoloro c. France
(Gaz.Pal. Tables 2007 v° Droits de l’homme n° 19)
La Cour rappelle qu’une créance peut constituer un « bien » au sens de l'art. 1 du protocole n° 1, si elle est suffisamment établie pour être exigible.
Notion de « droit »
Cour EDH 10 octobre 2006
Pessino c. France (Gaz.Pal. Tables 2007 v° Droits de l’homme n° 21)
La notion de «droit» (« law ») utilisée à l'art. 7 englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, entre autres celles de l’accessibilité et de la prévisibilité.
Notion de « durée raisonnable »
Cour EDH 21 février 1997
Guillemin c.France (Gaz.Pal. 1998 II 486)
Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause, lesquelles commandent une évaluation globale.
Notion de « expulsion collective »
Cour EDH 5 février 2002
Conka c. Belgique (Gaz.Pal. 2002 J 1382)
Il faut entendre par «expulsion collective», au sens de l’art. 4 du Protocole n° 4, toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forme le groupe.
Notion de « impartialité »
Cour EDH 1er octobre 1982
Piersack (Requête n° 8692/79)
Si l’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris, elle peut, notamment sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Conv.EDH, s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer sous ce rapport entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime.
Quant à la première, la Cour constate que le requérant se plaît à rendre hommage à l’impartialité personnelle de M. Van de Walle ; pour son compte, elle n’a aucun motif de la mettre en doute et d’ailleurs pareille impartialité se présume jusqu’à preuve du contraire.
On ne saurait pourtant se borner à une appréciation purement subjective. En la matière, même les apparences peuvent revêtir une certaine importance. Ainsi que la Cour de cassation de Belgique l’a relevé dans son arrêt du 21 février 1979, doit se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité. Il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux justiciables dans une société démocratique.
Notion de « juridiction »
Cour EDH 8 juillet 2004
Ilascu et autre c. Moldavie et Russie (Sudre et autres, « Grands arrêts de la Cour EDH », 5ème éd., n° 68)
La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « juridiction » au sens de l’art. 1 de la Convention doit passer pour refléter la conception de cette notion en droit international public.
Du point du vue du droit international public, l’expression « relevant de leur juridiction » figurant à l’art. 1 de la Convention doit être comprise comme signifiant que la compétence juridictionnelle d’un État est principalement territoriale…, mais aussi en ce sens qu’il est présumé qu’elle s’exerce normalement sur l’ensemble du territoire.
Notion de « matière pénale »
Cour EDH 8 juin 1976
Engel c. Pays-Bas (Sudre et autres, « Grands arrêts de la Cour EDH » 5ème éd. n°4)
Si les État contractants pouvaient à leur guise qualifier une infraction de disciplinaire plutôt que de pénale, ou poursuivre l’auteur d’une infraction « mixte » sur le plan disciplinaire de préférence à la voie pénale, le jeu des clauses fondamentales des art. 6 et 7 se trouverait subordonné à leur volonté souveraine. Une latitude aussi étendue risquerait de conduire à des résultats incompatibles avec le but et l’objet de la Convention. La Cour a donc compétence pour s’assurer, sur le terrain de l’art. 6 et en dehors même des art. 17 et 18, que le disciplinaire n’empiète pas indûment sur le pénal.
En résumé, l’« autonomie » de la notion de « matière pénale » opère pour ainsi dire à sens unique…
Le contrôle de la Cour se révèlerait illusoire s’il ne prenait pas en compte de degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé.
Cour EDH 21 octobre 1997
Pierre-Bloch c. France (Gaz.Pal. 1997 II somm. 490)
Pour déterminer ce qui a trait à la matière pénale, la Cour a égard à trois critères : la qualification juridique de l’infraction litigieuse, la nature même de celle-ci, et la nature et de degré de sévérité de la sanction.
Cour EDH 24 septembre 1997
Garyfallou Aebe c. Grèce (Gaz.Pal. 1998 II 472)
La Commission estime que l’amende contestée visait à préserver l’intérêt général de la société ce qui est également le but du droit pénal. Quant à son degré de sévérité, la Commission relève que la requérante risquait une amende maximale égale à la valeur des marchandises importées et que, en cas de non-paiement, la législation nationale (grecque) prévoyait la saisie des actifs de la requérante et la mise en détention de ses administrateurs. Elle conclut que l’amende infligée constituait, sous l’angle de la Convention, une accusation en matière pénale.
Notion de « nécessaire »
Cour EDH 23 septembre 1998
Lehideux et autre c.France (D. 1998 IR 248)
L’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 10 § 2, implique un « besoin social impérieux ». Les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais elle se double d’un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, même quand elles émanent d’une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » se concilie avec la liberté d’expression que protège l’article 10.
Notion de « peine »
Cour EDH 8 juin 1995
Jamil c. France (JCP 1996 II 22677 note Bourdeaux)
Pour rendre efficace la protection offerte par l’art. 7 § 1 Conv.EDH, la Cour doit demeurer libre d’aller au-delà des apparences et apprécier par elle-même si une mesure particulière s’analyse au fond en une peine au sens de cette clause…
Prononcée par une juridiction répressive et destinée à exercer un caractère dissuasif, la contrainte par corps infligée à J… pouvait aboutir à une privation de liberté de caractère punitif. Elle constituait donc une peine au sens de l’art. 7 de la Conv. EDH.
Notion de « peine perpétuelle et discrétionnaire »
Cour EDH 21 février 1996
Singh c. Royaume-Uni (Gaz.Pal. 1997 II 453 note Derhy)
Sommaire : La peine de détention indéterminée infligée à un mineur, vu sa nature et son objet, doit s’assimiler dans la jurisprudence de la Convention à une peine perpétuelle et discrétionnaire.
Notion de « prévue par la loi »
Cour EDH 24 avril 1990
Kurslin c. France (Sudre, « Les grands arrêts de la Cour EDH n° 5)
Les mots « prévues par la loi », au sens de l’art. 8 § 2, veulent d’abord que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais ils ont trait aussi à la qualité de la loi en cause : ils exigent l’accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui de surcroît doit pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la prééminence du droit.
Notion de « selon les voies légales »
Cour EDH 1er juillet 1997
Dame X. c. Italie (D. 1997 SC 358 note Renucci)
Les mots « selon les voies légales » de l’art. 5 § 1 c) de la Conv.EDH se réfèrent pour l’essentiel à la législation nationale et consacrent la nécessité de suivre la procédure fixée par celle-ci.
Notion de « tribunal »
Cour EDH 24 novembre 1994
Cts Beaumartin c. France (DS 1996 SC 199)
Seul mérite l’appellation de « tribunal » au sens de l’art. 6 § 1, un organe jouissant de la plénitude de juridiction et répondant à une série d’exigences telles que l’indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en cause.
Notion de « victime »
Cour EDH 26 avril 1995
Prager et Oberschlick c. Autriche (Gaz.Pal. 1996 II 518)
Par victime, l’art. 25 de la Conv.EDH désigne la personne directement concernée par l’acte ou l’omission litigieux, l’existence d’une violation se concevant même en l’absence de préjudice.
Notion de « vie privée »
Cour EDH 29 avril 2002
Pretty c. Royaume-Uni (Gaz.Pal. 2002 J 1407)
La notion de « vie privée » est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive. Elle recouvre l’intégrité physique et morale de la personne.
Suite des Grands arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme