DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  F
(Treizième partie)

FRACTIONNEMENT DE LA PEINE

Cf. Emprisonnement*, Libération conditionnelle*, Permission de sortie*, Semi-liberté*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-120, p.324

Le fractionnement constitue un nouveau mode d’exécution d’une peine d’emprisonnement (art. 132-27 et 132-28 C.pén. - art. 708 et 720-1 et s. C.pr.pén.), qui permet au détenu de purger en plusieurs fractions la sanction qui lui a été infligée.

 Pradel (Droit pénal général) : L’exécution de la sanction s’effectue en principe d’un seul trait, à la fois pour des raisons se simplicité et d’efficacité (dissuasion). Cependant le législateur récent a porté atteinte à ce principe dans un souci d’humanisation : c’est la suspension ou le fractionnement de l’exécution « pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social ».

 Cass 1e civ. 17 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I panor. 59) : L’exécution d’une peine d’amende peut être suspendue ou fractionnée pour motifs graves d’ordre médical, familial, professionnel ou social.

FRAIS ET DÉPENS

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-301 et s., p.367 et s.

L’expression « frais et dépens » regroupe les différents frais de justice. En théorie, c’est à la partie qui succombe qu’il incombe de supporter cette charge. Pour le droit français, voir l'art. 800 C.pr.pén.

 Code de procédure pénale allemand, § 464 : Tout jugement, toute ordonnance pénale et toute décision mettant fin à l’instruction doit déterminer qui doit supporter les frais de justice.
§ 467 : Dans la mesure où l’inculpé est acquitté, l’ouverture de la procédure principale contre lui refusée ou la procédure classée, les débours du Trésor et les débours nécessaires de l’inculpé sont à la charge du Trésor.

 Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Acquitté, et quelle que soit la cause de son acquittement, l’individu poursuivi est déchargé des frais de poursuite, mais conserve à sa charge les frais de sa défense ; cette règle est tempérée par la possibilité, pour toute personne poursuivie, de se faire désigner un défenseur d’office, donc gratuit. A l’inverse, le délinquant condamné doit payer les frais de poursuite avancés par l’État.

 Warée (Curiosités judiciaires) : On a comparé les tribunaux au buisson épineux où la brebis cherche un refuge contre les loups, et d’où elle ne sort point sans y avoir laissé une partie de sa toison.

Mais l'art. 800-1 C.pr.pén. dispose que les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'État et sans recours envers les condamnés.

 Cass.crim. 12 juin 2007 (Bull.crim. n°156 p.674) : Selon l'art. 800-1 C.pr.pén., les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'État et sans recours envers les condamnés.

 Cass.crim. 12 octobre 1995 (Bull.crim. n° 306 p.839) : Les frais de publication et d'affichage des jugements, qui ne sont pas des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police, au sens des art. 800, R.91 et R.92 C.pr.pén., échappent à l'application de l'art. 800-1 du même Code.

FRANCE  -  Voir : France*, Langue française*, Nation*, Nationalité française*, Patrie*.

FRATERNITÉ

Cf. Discrimination*, Hospitalité*, Non assistance à personne en péril*, Omission*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-106, p.149

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-11, p.292 (note 4)

Troisième élément de la devise républicaine, la « fraternité » constitue un sentiment généreux, mais intime. Elle apparaît dès lors comme un idéal, comme une notion de pure morale pouvant difficilement déboucher sur des dispositions juridiques. Il semble en particulier délicat d’y voir un intérêt juridique autonome pouvant donner lieu à une incrimination pénale.
On sait que, dans la réalité, la fraternité n'est pratiquée qu'au sein de groupements restreints.

 Constitution de 1958, art. 2 : Article 2 : La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité.

 Janet (La morale) : L'excellence de la personnalité ne consiste pas seulement en elle-même, elle consiste encore dans son union avec la personnalité des autres hommes, c'est-à-dire dans la fraternité.

 Bergson (Les deux sources de la morale et de la religion) : Il fallut attendre jusqu'au christianisme pour que l'idée de fraternité universelle, laquelle implique l'égalité des droits et l'inviolabilité de la personne, devînt agissante.

 Ahrens (Cours de droit naturel) : Une pensée religieuse répand ou vivifie le sentiment de l'égalité et de la fraternité des membres de la famille humaine.

 Liard (Morale et enseignement civique) : Aimer ses semblables, leur faire du bien, les traiter comme des frères, voilà la fraternité. Les devoirs de fraternité sont les plus beaux et les plus méritoires de tous.

 John Rawls (Théorie de la justice, n° 17) : L'idéal de la fraternité est parfois censé impliquer des liens sentimentaux qu'il est peu réaliste d'espérer trouver chez les membres d'une société étendue. Ceci constitue sans doute une raison pour laquelle il a été relativement négligé dans la théorie de la démocratie.

- Certaines Associations* portent le nom de « Fraternité » ; elles sont soumises au droit commun des associations.

 Bentham (Introduction aux principes de la morale) parle des fraternités telles que celles des voleurs, des contrebandiers...

 Code de droit canon. Canon 716 al.2 : Les membres d’un même institut garderont la communion entre eux, veillant avec soin à l’unité d’esprit et à une authentique fraternité.

FRATRICIDE

Cf. Abel*, Meurtre*, avec ses différentes variétés, notamment le Sororicide*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-244, p.257

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-328, p.181 (note 8)

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 347, p.229

 Voir : Platon, L'homicide  (extrait du "Traité des lois")

 Voir : Le jeune Gengis Khan assassin de son frère

Le fratricide s'analyse en une variété aggravée du crime d’Homicide*. Il s’agit du Meurtre* d’un frère par son propre frère, ou d’un frère par sa propre sœur. L’actuel Code pénal français ne lui a pas consacré de disposition particulière, et y voit donc un simple meurtre.

 Tarde (La philosophie pénale) : Partout, dans les légendes du haut passé, les fratricides, les parricides, sans compter les infanticides, pullulent.

 Caïn et Abel (Genèse 4) : Il advint que Caïn présenta des produits du sol à Yahvé, et qu’Abel, de son côté, offrit des premiers nés de son troupeau. Or Yahvé agréa Abel et son offrande ; mais il n’agréa pas Caïn et son offrande. Alors Caïn dit à son frère Abel : « Allons dehors », et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.

 Du Boys (Histoire du droit criminel) : Les traditions rapportent que, il y a bien des années, des Indiens Natchez ayant campé en ce lieu, une querelle s'éleva entre deux frères ; l'un tua l'autre d'un coup de couteau. Les témoins de cette scène tragique trouvèrent le crime si horrible que, sans balancer, ils mirent à mort le fratricide ; la victime et le meurtrier furent enterrés ensemble.

- Dans l'histoire des États, le fratricide a parfois constitué un moyen d'éviter le partage du pouvoir, la partition du royaume, voire les séditions et la guerre civile. On soupçonne Charlemagne de ne pas avoir été étranger à la mort de son frère Carloman, après le décès de leur père.

 Romulus et Remus (Plutarque, « Vie de Romulus ») : Pendant que Romulus faisait creuser le fossé qui devait entourer les murailles de Rome, Remus le raillait sur son ouvrage, il en entravait l’exécution ; il en vint jusqu’à sauter le fossé. Il fut tué sur le champ, par Romulus disent certains… [le fossé présentant un caractère sacré, le franchir constituait un Sacrilège*]

 Sumner-Maine (Études sur l'ancien droit) : On attribue à Mohammed II la déclaration formelle que le fratricide était la règle constitutionnelle des États ottomans. Mais ce fut Mohammed III qui donna l'exemple de sa plus large application, en massacrant dix-neuf de ses frères et en faisant noyer douze femmes de son père soupçonnées de grossesse.

FRAUDE

Cf. Abus de droit*, Concert frauduleux*, Dissimulation*, Escroquerie*, Examens*, Faux en écritures*, Fraude à la loi*, Fraude contractuelle*, Fraude électorale*, Fraude fiscale*, Homme de paille*, Importation*, Insolvabilité frauduleuse*, Interposition de personne*, Manœuvre frauduleuse*, Prête-nom*, Ruse*, Simulation*, Substitution*, Timbres-poste*, Tricherie*, Vente (police des)*, Vérité*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-232, p.240

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-5, p.125

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-333, p.406 / n° IV-310, p.596 / voir aussi : n° V-109, p.631

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur les fraudes commises lors d'un examen scolaire n° 337 1° et 2°, p.207

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le protection de la Société », n° 41, p.43 / n° 42, p.45 / n° 44, p.46 / n° I-I-123, p.98 / n° I-II-310, p.235/ n° I-II-311, p.236 / n° I-II-316, p.241 / n° I-II-403, p.257 / n° I-II-418, p.271-272 / n° II-I-147 n°2, p.400  

 Voir : Le livre des morts dans l’Égypte pharaonique

- Notion. La fraude est un acte humain qui relève de la notion de ruse, par opposition à la notion de violence.

 Cicéron (Traité des devoirs) : Comme je demandais à Aquilius ce qu’était la fraude, il me répondit que c’était « lorsqu’on a feint de faire une chose, et qu’on en fait une autre ».

 Gesualdo, prince de Venosa, célèbre compositeur de madrigaux, apprit que sa femme le trompait. Il fit semblant de partir en voyage, revint subrepticement de nuit et tua les deux amants. Il bénéficia de l’excuse du mari trompé sous le toit conjugal, par laquelle le législateur présume que le meurtrier a agi sous le coup de la surprise et sous l’empire d’une colère irraisonnée. Or, en l’espèce la fraude étant patente, Gesualdo aurait dû être déclaré irrecevable à invoquer cette disposition, et reconnu coupable de meurtre avec préméditation.

- Règle morale. Allant contre l'honnêteté, la loyauté et la vérité, la fraude est condamnée dans son principe, tant par les moralistes que par les juristes.

 St Thomas d'Aquin (Somme théologique, II-II q.77 a.1) : User de fraude pour vendre une chose au-dessus de son juste prix est certainement un péché, car on trompe le prochain à son détriment. C’est ce qui fait dire à Cicéron : « Tout mensonge doit être exclu des contrats ; le vendeur ne fera pas venir un acheteur qui enchérisse, ni l’acheteur un vendeur qui offre un prix moins élevé. ».

 Bentham (Déontologie ou science de la morale) : C'était autrefois la force qui régnait, aujourd'hui c'est la fraude ; autrefois la palme était au plus fort, aujourd'hui elle est au plus habile. La force physique commandait alors, aujourd'hui c'est la fraude intellectuelle.

 Ahrens (Cours de droit naturel) : Le malfaiteur est puni parce qu'il a employé un moyen injuste, illégal, comme par exemple la fraude.

 Caro (Problèmes de morale) : Il y a eu en Grèce une morale bien avant les philosophes, une morale très complète dans ses idées essentielles... qui flétrissait déjà le mal, la violence, la fraude.

 Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La fraude désigne une action qui porte atteinte à la justice commutative. L’usage du mot s’est maintenant élargi : il caractérise toute forme de falsification qui blesse les intérêts d’autrui. Peut-être a-t-on sous-estimé sa gravité et l’importance de ses conséquences. M. Le Net remarque : « La fraude dans le métro est une agression permanente. Chaque infraction dissout une parcelle de l’harmonie sociale. Elle est une injure envers l’individu respectueux des lois. Elle est le reflet d’un état d’abandon ».

- Science criminelle. À travers le temps comme à travers l'espace, la fraude a toujours été sanctionnée. Le législateur l’incrimine fréquemment en raison de sa gravité sociale (p.ex. délit d’escroquerie). Le juge l’assimile parfois à la violence, quand elle permet de contourner l’acte incriminé par la loi ; dans des cas de ce genre on peut souvent invoquer l'adage « fraus omnia corrumpit ».

 Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Fraude par B. Audit : La notion de fraude est omniprésente dans le droit, parce que la ta tentation est naturelle chez les individus de chercher à se soustraire à certaines des contraintes que la loi fait peser sur eux... Le vocable de fraude implique au premier chef la violation d'une règle dont les conditions d'application sont réunies. Sa spécificité réside dans le caractère volontaire de la transgression de la part du sujet. Il implique donc un élément intentionnel, de mauvaise foi.

 Morin (Répertoire de droit criminel) : La fraude est une faute intentionnelle, commise par l’un des moyens et dans le même but que le dol personnel. La loi pénale considère par dessus tout l’intention frauduleuse, parce que la morale et l’intérêt social s’accordent à demander qu’on prévienne ou punisse les faits immoraux qui peuvent être dommageables.

 Blackstone (Les lois criminelles anglaises) :Les statuts contre les fraudes doivent être entendus dans un sens large et tendant à des résultats utiles. Ceci semble en contradiction avec la règle selon laquelle un statut pénal doit être entendu strictement, un statut contre la fraude étant le plus souvent pénal dans ses conséquences.

 Denisart (Collection de jurisprudence) :C'est une maxime constante de Droit, que la Fraude ne se présume jamais : il faut qu'elle soit prouvée.

 Jousse (Traité de la justice criminelle) : Les crimes qui se commettent de dessein prémédité, sont ceux où il intervient du dol ou de la fraude de la part de celui qui les commet ; et c'est ce dol ou cette fraude qui rend criminel l'auteur du délit.

 Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Nous comprenons dans le faux relatif à la nourriture toutes les fraudes qui se commettent par les marchands de vin, par les boulangers, meuniers, et bouchers, lorsqu'ils vendent du pain, vin, ou viande, qu'ils ont dénaturés, en y mettant des matières étrangères et nuisibles à la santé.

 Code pénal du Luxembourg. Art. 297 : S'il y a eu fraude sur la nature, la qualité ou la quantité des travaux ou main-d'œuvre, ou des choses fournies, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende...

 Code pénal du Burkina Faso. Art. 360 : Est puni d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 50.000 à 150.000 francs, quiconque par fraude ou à l'aide de menaces ou de violences contre les personnes ou les choses s'introduit ou tente de s'introduire dans le domicile d'autrui.

 Exemple (Ouest-France 30 septembre 2016) : Un escroc achetait, depuis plusieurs années, des bouteilles de vin pétillant de bas de gamme. Il les revendait à bon prix, pourvues d'étiquettes prestigieuses de producteurs de Vouvray. Environ 50.000 bouteilles ont ainsi été éccoulées.

- Droit positif français. La fraude est prise en considération, tant par les règles de fond, que par les règles de procédure pénale.

- En droit pénal général, la fraude est assimilée à la violence lorsqu’elle évite de l’employer. En police commerciale, on parle de « fraudes et falsifications » (art. L.213-1 du Code de la consommation, ancien art.1 de la loi du 1/8/1905).

 Cass.crim. 17 janvier 1996 (Bull.crim. n°30 p.70) : En matière de fraude commerciale portant sur une produit non réglementé, il appartient aux juges du fond de se référer aux usages commerciaux en vigueur.

 Cass. com. 1er juin 1999 (D. 2001 somm. 472) : Doivent être annulées en vertu de l'adage fraus omnia corrumpit des marques qui sont déposées dans une intention de nuire, par exemple celles qui tendent à empêcher des concurrents du titulaire de la marque de diffuser un produit sur le marché français.

 Cass.crim. 30 octobre 2012, n° 11-81266 : Puisque ce n'est que par l'effet d'opérations frauduleuses que X... était devenu fictivement propriétaire de biens appartenant en réalité à une société en liquidation judiciaire, et avait procédé à leur donation ... les conventions qu'il invoquait, viciées par la fraude, étaient nulles et n'avaient pu lui conférer aucun droit ; par suite, la cour d'appel a justifié sa décision de le déclarer coupable de vol.

- En procédure pénale, la fraude dénature l’acte accompli en apparence de manière régulière et le sanctionne de la nullité. Elle peut de même justifier un report du point de départ de la prescription. « Fraus omnia corrumpit ».

 Cass.crim. 1er décembre 1981 (Gaz.Pal. 1982 I somm. 150) : Pour un écrit délictueux inséré dans un journal portant la date précise de sa publication, c’est cette date qui doit être retenue, sauf erreur matérielle ou fraude, comme étant celle du délit.

FRAUDE À LA LOI

Cf. Abus de droit*, Fraude*, Fraude fiscale (citation Warée)*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-5, p.124

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 115, p.60 / n° 118, p.63 / n° 210, p.90

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-123 (3°), p.98

Il y a fraude à la loi lorsqu'une personne détourne une disposition légale de son but légitime afin de commettre impunément une infraction ou d'échapper aux poursuites pénales.
Il en est ainsi lorsqu'un individu attire discrètement une personne chez lui de nuit, et la tue en espérant bénéficier de la présomption de légitime défense édictée par la loi. On est alors en présence d'une application de l'adage fraus omnia corrumpit.

  Digeste de Justinien, 48, 5, 15, 1 et 2. Ulpien : Par le septième titre de la loi Julia sur les adultères, il est décidé que l'on ne peut citer au nombre des accusés celui qui alors, sans que ce soit pour éviter le jugement, sera absent dans l'intérêt de la République. Car il n'a pas paru juste que celui qui est absent pour la République fût placé au nombre des accusés, tandis qu'il œuvre pour la République. Il a été nécessaire d'ajouter, « Sans que ce soit pour éviter le jugement ». Ainsi lorsque quelqu'un, à l'effet d'éviter l'accusation, s'est procuré une absence pour l'intérêt de la République, ce prétexte ne lui servira pas.

 Cass.crim.  22 juillet 1915 (Bull.crim. n°158 p.290), a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt condamnant pour diffamation le rédacteur en chef d’un journal qui, s’abritant derrière la règle qui autorise la publication des jugements, au lieu de faire paraître une décision judiciaire en employant des caractères uniformes, en a publié le texte en petits caractères et en a souligné les passages diffamatoires qu’elle reproduisait en les faisant imprimer en lettres capitales; si bien qu’un lecteur peu attentif pouvait croire que ces imputations émanaient des juges.

 Cass.crim.  13 novembre 2012, n° 10-80.862 (Bull.crim. n°245 p.519) : La cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur des preuves soumises au débat contradictoire et exactement retenu que l'opération de main d'œuvre conclue, relevant d'une fraude à la loi, constituait un prêt de main-d'œuvre illicite, a légalement justifié sa décision de de condamnation.

FRAUDE CONTRACTUELLE

Cf. Escroquerie*, Falsification contractuelle*, Fardage*, Fraude*, Fausses informations*, Filouteries*, Foi contractuelle*, Publicité mensongère*, Tromperie contractuelle*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-101, p.22

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-254, p.555

 Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle  (selon la science criminelle)

 Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle  (en droit positif français)

La Fraude* sévit notamment dans le domaine de la conclusion et de l’exécution des contrats. Si elle ne produisait d’effets dommageable que dans les relations privées, le législateur pénal pourrait s’en désintéresser en observant que chacun doit se montrer vigilant dans ses relations contractuelles (c’est pourquoi le simple mensonge n’est pas punissable en la matière). Mais il importe d’observer qu’il y a souvent déséquilibre entre un fournisseur professionnel et un client amateur, que la fraude d’un commerçant entache la réputation de toute la profession, et que le relâchement d’une corporation dans un pays pèse sur l’ensemble de ses relations internationales.

 Domat (Traité des lois, 1689) : Dans les engagements volontaires et mutuels, ceux qui traitent ensemble se doivent la sincérité, pour se faire entendre réciproquement à quoi ils s’engagent, la fidélité pour l’exécution et tout ce que peuvent demander les suites des engagements où ils sont entrés. Ainsi, le vendeur doit déclarer sincèrement les qualités de la chose qu’il vend ; il doit la conserver jusqu’à ce qu’il la délivre, et il doit la garantir après qu’il l’a délivrée.

Vidocq (Mémoires) : A la Courtille, nous nous mîmes à table dans un coin. Je demandai un lapin de garenne. Et nous dévorâmes le chat qu’on nous servit à la place.

 Exemple (Ouest-France 2 février 2008) : Un restaurateur marocain de Casablanca a été condamné par la justice de son pays à six ans de prison. L'homme vendait de la viande de chien à ses clients, en leur faisant croire que c'était du boeuf.

 Exemple (La Meuse 5 novembre 1976) : Des petits malins à Namur revendaient des marks est-allemands pour des marks ouest-allemands. Le mark est-allemand vaut 3 F. 50 ; alors que le mark ouest-allemand est à 15 F. 50. En prison..

- Cette exigence de sincérité et de fidélité a inspiré les législateurs des pays les plus tournés vers le commerce et l’industrie.

 Code brahmanique des gentoux (traduction 1778). Si un homme vend une pierre blanche qui imite la pierre précieuse, ou un tissu qui imite la soie, le magistrat le condamnera à huit fois la somme qu’il aura vendu ces choses au-delà de leur valeur réelle.

 Code chinois des Ta-Ts’ing : Les marchands de viande de porc qui y injecteront de l’eau… seront assimilés aux marchands qui ajoutent du sable ou de la terre au sel de l’État : ils recevront 80 coups de bâton.

 Bailly (La Sérénissime République de Venise) : La République interdisait l’emploi de matières premières d’une qualité médiocre, elle fixait le titre des métaux précieux utilisés pour l’orfèvrerie, elle prohibait l’emploi de pierres fausses, elle vérifiait la justesse des poids et mesures ; tout était objet de strictes réglementations qui ne laissaient que peu de place à la fraude.

 Édit royal du 21 juillet 1666 : A l’avenir il ne sera fait aucun chapeau dit de castor, qu’en pur castor.

FRAUDE ÉLECTORALE

Cf. Brigue*, Compère [l’exemple donné]*, Élections*, Fraude*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-306, p.468

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 40, p.41

 Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté politique  (en droit positif français)

- Notion. La fraude électorale consiste en des agissements qui tendent ou aboutissent à fausser l’expression de la volonté, soit des électeurs pris individuellement, soit du corps électoral pris dans son ensemble.

 Plutarque (Vie de César) : On voyait, à Rome, ceux qui briguaient des charges publiques dresser à la vue de tous des tréteaux de banquiers et acheter sans honte les suffrages de la multitude. Et les citoyens gagnés à prix d’argent descendaient à l’Assemblée, non simplement pour donner leurs voix à ceux qui les avaient achetés, mais encore pour soutenir sa brigue à coups d’épées, de flèches et de frondes.

 Caton le Censeur, alors que le Fraude électorale menaçait d'emporter la République romaine, fit prendre un décret en vertu duquel : Ceux qui seraient nommés à des charges publiques, seraient tenus de se présenter eux-mêmes devant les juges et, après avoir prêter serment de dire la vérité, d'y rendre compte des moyens qu'ils avaient employés pour être élus.

 Brian-Chaninov (Histoire de la Russie) : En 1610 Sigismon voulait régner personnellement en Moscovie. Pour y parvenir, il acheta à prix d'or les voix de quelques boyards, mais les autres qui n'avaient rien reçu découvrir le pot aux roses.

 Exemple (Ouest-France 3 août 2012) : Le procès du plus grand scandale politique depuis le retour de la démocratie s'est ouvert, hier, devant la Cour suprême de Brasilia. Trente-huit personnes comparaissent dans une affaire de corruption organisée par le Parti des travailleurs... il avait mis au point un système d'achat des votes au Congrès, afin de s'assurer de la discipline d'une majorité hétéroclite.

 Exemple (Ouest-France 16 mai 2014) : Le maire d'une commune, qui ne compte que 49 habitants, est soupçonné d'avoir falsifié le résultat en sa faveur lors des dernières élections municipales... Il a remporté le scrutin par 28 voix sur 39 suffrages exprimés. Or, dans les heures qui ont suivi l'annonce du résultat, 24 électeurs ont attesté sur l'honneur avoir voté pour son adversaire. Ainsi le maire sortant n'aurait dû recueillir que 15 voix et perdre l'élection. Interpellé par les gendarmes et placé en garde à vue, il est maintenant sous contrôle judiciaire.

- Règle morale. La morale condamne toute fraude, comme nous l'avons vu ci-dessus. Elle s'offusque particulièrement de la fraude électorale ; car celle-ci met en péril l'institution concernée, et de manière générale la notion de démocratie.

 Code de droit canon. Canon 166 : Le Président du collège ou du groupe convoquera tous les membres du collège ou du groupe ... Si plus du tiers des électeurs ont été négligés, l’élection est nulle de plein droit...

- Science criminelle. À l'évidence condamné par la loi morale, le délit de fraude électorale l'est également par la loi pénale. Il peut notamment entraîner l'annulation d'une élection, et déboucher sur une condamnation à l'inéligibilité de celui qui a eu recours à ce procédé.

 Proal (La criminalité politique) Préface à la 2ème édition : Lorsque la majorité plus un est tout et que la minorité moins une n'est rien, les partis emploient tous les moyens pour conquérir la majorité. L'élection devient un combat avec ruses, fraudes, violence, pour conquérir la majorité et écraser la minorité...
Aux partis qui se disputent le pouvoir dans l'intérêt d'une coterie, d'un groupe, il est nécessaire de rappeler les leçons de l'histoire et de leur dire : Gouvernez dans l'intérêt du pays tout entier, sans haine, sans représailles contre aucune catégorie de citoyen ; au lieu de prêcher la discorde, prêchez l'union. Rappelez-vous comment ont péri les peuples déchirés par les partis ; c'est la guerre civile, qui prépare la dictature et la domination étrangère.

 Proal (La criminalité politique) Chap. VIII, La corruption électorale : Machiavel disait à Léon XIII : « Conservez au peuple l'apparence des élections, mais faussez-en les résultats, s'ils vous sont contraires , en achetant  ou en altérant les votes dans le scrutin ».

 Plutarque (Vie de Caton le Jeune) : Lors d’une élection à la charge d’édile, Caton s’aperçut que les tablettes des suffrages étaient toutes écrites de la même main : il fit reconnaître la fraude, il en appela aux tribuns. L’élection fut annulée.

 Dion Cassius (Histoire romaine, 54,16) : En l'an 736 de Rome, Auguste édicta que seraient écartés des magistratures pendant cinq ans les citoyens coupables d'avoir acheté des suffrages.

 Code pénal suisse. Art. 282 : Celui qui aura contrefait, falsifié, détruit ou fait disparaître un registre électoral, celui qui, sans en avoir le droit, aura pris part à une élection, à une votation ou signé une demande de référendum ou d’initiative, celui qui aura falsifié le résultat d’une élection, d’une votation ou le chiffre des signatures recueillies à l’appui d’une demande de référendum ou d’initiative, notamment en ajoutant, modifiant, retranchant ou rayant des bulletins ou des signatures, en comptant inexactement les voix ou les signatures, ou en constatant le résultat par un procès-verbal contraire à la vérité, sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende...

 Code pénal du Salvador. Art. 295 : Sera sanctionné d'une peine de 1 à 6 ans de prison... celui qui a voté sans en avoir droit, qui a pris la place d'un autre électeur ou qui a voté plus d'une fois dans la même élection...

- Droit positif français. Les divers délits de fraude électorale sont incriminés, tout spécialement, par le Code électoral.

 Cons. d’État 2 septembre 1983 (Gaz.Pal. 1984 I somm. 216) : Les faits de l’espèce révélant à la juridiction administrative l’existence d’une fraude électorale, il y a lieu de communiquer le dossier au procureur de la République compétent, comme le prescrit l’art. L.117-1 du Code électoral.

 Cass.crim.  30 juin 1987 (Gaz.Pal. 1988 I 99) : Les présidents de bureaux de vote ayant été poursuivis pour avoir signé le procès-verbal centralisateur sur lequel avaient été reportés les résultats faux de ces bureaux et d'avoir ainsi concouru à la fraude commise dans le dessein de changer l'issue du scrutin, il ne saurait être reproché à la Chambre d'accusation d'avoir décidé que les faits à eux reprochés constitueraient non le crime de faux en écriture publique ou authentique mais le délit prévu et puni par les art. L 113 et L 116 C. élect. Ces dispositions comprennent en effet dans la généralité de leurs termes et défèrent aux Tribunaux correctionnels toutes les fraudes au scrutin non prévues par les lois, textes du Code pénal ou décrets spéciaux à la matière électorale.

 Cass.crim.  11 juin 1987 (Gaz.Pal. 1988 somm.3) : Caractérise une fraude aux art. L 71 à L 77 C. élect. entrant dans les prévisions de l'art. L 111 dudit Code la Cour d'appel qui constate qu'à l'occasion d'une élection, ont été déposées à la gendarmerie un certain nombre de demandes de formules de procuration de vote accompagnées de certificats de présence au nom des pensionnaires d'une maison de repos abritant des débiles mentaux légers, qu'un gradé qui s'était rendu à l'établissement en vue de vérifier l'identité des mandants a constaté que la plupart de ceux dont le nom figurait sur les imprimés n'avaient pas exprimé le désir de voter par procuration, que l'enquête puis l'information ont établi que c'était la directrice de l'établissement qui avait rédigé les attestations de présence à l'initiative non pas des intéressés mais d'employés municipaux qui avaient eux-mêmes rempli les imprimés et qu'il s'est également avéré que sur les demandes étaient déjà indiqués les noms des mandataires, inconnus des prétendus mandants, qui étaient ainsi mis dans l'impossibilité de leur donner des instructions de vote.

 Cass.crim.  30 juin 1987 (Gaz.Pal. 1988 I 99) : A caractérisé le délit prévu par l'art. L 111 C. élect. consistant à avoir employé des manœuvres frauduleuses ayant pour but d'enfreindre les dispositions des art. L 71 à L 77 du même Code, la Cour d'appel qui a énoncé que la prévenue, sachant qu'une électrice était immobilisée en raison de son état de santé, avait rempli en son nom une fausse demande de vote par procuration pour tenter de voter en ses lieu et place à l'occasion des élections municipales.

 Cass.crim. 11 mars 2014, n° 12-88312 : Pour déclarer M. X... coupable d'avoir, par l'entremise de M. Y..., promis à une électrice un emploi public en vue d'influencer le vote de celle-ci et tenté d'obtenir ainsi son suffrage, les juges du second degré relèvent que, lors d'une conversation téléphonique intervenue le 11 juin 2009 dans le contexte des élections municipales à Saint-Louis, le collaborateur du prévenu a proposé à sa correspondante un emploi à la mairie de la ville en contrepartie de l'abandon de son soutien au principal opposant politique local ; les juges ajoutent que M. Y..., qui a cherché à influencer le vote de cette électrice, a agi avec l'accord de M. X... ;
En l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que la promesse ainsi faite avait nécessairement pour objet d'influencer un vote et d'obtenir un suffrage au sens de l'article L. 106 du code électoral.

 Exemple (Ouest-France 11 avril 2014) : Serge Dassault a été mis en examen, hier, pour « achat de votes », « complicité de financement illicite de campagne électorale » et « financement de campagne électorale en dépassement du plafond autorisé ». Aucun contrôle judiciaire n'a été imposé à l'homme d'affaires. L'industriel avait été placé en garde à vue, les 19 et 20 février dans le cadre de cette enquête ouverte à Paris... Les juges enquêtent sur sept millions d'euros qui auraient pu atterrir entre les mains d'intermédiaires, notamment via des fonds venant du Liban .

FRAUDE FISCALE

Cf. Opposition à l’établissement de l’assiette de l’impôt*, Pot-de-vin (dessous de table)*, Refus de l’impôt*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n°II-II-134 (et 137), p.481 (et 483)

- Notion. La fraude fiscale résulte d'un acte, d'un ensemble d'actes, ou d'une omission ayant pour but d'éviter le versement de contributions légalement dues. Elle se distingue de l'évasion fiscale qui consiste à soustraire au fisc une partie de ses revenus imposables par un procédé qui ne tombe pas directement sous le coup de la loi.

 Jeandidier (Droit pénal des affaires) : Le délit général de fraude fiscale... consiste en la soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts... Il y a 'évasion fiscale lorsque l'agent profite des failles de la législation pour échapper à l'impôt, d'où l'essor de certains mouvements vers les fameux paradis fiscaux.

 Warée (Curiosités judiciaires) visant un cas à la limite de la fraude et de l'évasion fiscale : Thibault IV, comte de Champagne mit un impôt sur tous les troupeaux de cent bêtes et au-dessus. Pour échapper à l'impôt, les Champenois réduisirent leurs troupeaux à quatre-vingt-dix-neuf moutons. Mais, informé de cette subtilité, le comte interpréta son édit en ces termes : " Le berger du troupeau compte bien pour un mouton, l'impôt sera perçu ". Ce que le vulgaire impoli a traduit ainsi : "Quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes".

- Règle morale. Dans un État où les sommes provenant des impôts sont effectivement affectées au Bien commun, le fait de tricher sur sa contribution légitime aux charges de la collectivité constitue une faute au regard de la morale.

 Vittrant (Théologie morale) : L’impôt est une contribution au Bien commun, déterminée par celui qui a la charge de veiller directement à ce bien. C’est un correctif social indispensable de la pratique, nécessaire par ailleurs de la propriété privée. Il est certain que le devoir fiscal est grave de sa nature et que ceux qui prétendraient s’y soustraire commettraient une faute grave d’injustice sociale.

 Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : La taille est une imposition mise par le souverain sur ses sujets, destinée à ses propres besoins et à ceux de l’État. On ne peut douter de la justice de ce tribut ; car l’État formant un corps, dont chaque particulier est membre, il faut que chacun contribue, selon son pouvoir, à ses besoins et à ses dépenses ; telles sont celles de la guerre, de l’entretien de la maison du souverain, des ambassades, des grands chemins, de la navigation …

 Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La fraude relève du contrat social. Si l'État  remplit efficacement les divers services que les citoyens attendent de lui, ceux-ci seront moins enclins à le tromper dans leurs déclarations de revenus.

 Baudin (Cours de philosophie morale) : Payer les impôts, que l'État a la mission de fixer équitablement et de recouvrer rigoureusement, est un devoir strict. Ce devoir oblige, en même temps qu'envers l'État, envers la nation, dont les impôts servent les intérêts généraux, et envers les membres de la nation, dont ils servent les intérêts collectifs.

- Science criminelle.  Dans ces conditions, la fraude fiscale peut légitimement être sanctionnée par la loi pénale. Elle l'est alors souvent par des techniques particulièrement rigoureuses qui relèvent, des techniques inquisitoires pour la forme, et de la responsabilité objective pour le fond.

 Voir : Tableau des incriminations assurant la levée de l'impôt  (selon la science criminelle)

 Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La multiplicité des tâches que l’État entend contrôler exige qu’il possède un budget énorme, alimenté pour la majeure partie par l’impôt. Une pression fiscale croissante s’exerce ainsi sur les citoyens et sur les sociétés, pression qui apparaît à certains trop lourde, et dont certains essaient d’éluder les conséquences par toutes sortes de moyens. La législation pénale fiscale et douanière s’efforce de lutter contre les fraudes par des techniques répressives rigoureuses assez différentes de celles qu’emploie le droit pénal commun.

 Bayet (La morale des gaulois) : Le second devoir des citoyens envers l'État consiste à payer l'impôt.

 Code pénal de Yougoslavie de 1962. Art. 235 : Celui qui, afin de se soustraire totalement ou partiellement au paiement des impôts … aura fourni aux organes d’État de faux renseignements concernant ses revenus sera puni de l’emprisonnement.

 Code pénal du Guatemala. Art. 358 A : Commet l'infraction de fraude fiscale celui qui, par simulation, dissimulation, manœuvre, ruse, ou toute autre forme de tromperie, induit en erreur à l'Administration fiscale dans la détermination ou la recette de la contribution fiscale, de sorte qu'il produise des moins perçus dans la collecte fiscale.

 Code de procédure pénale du Mexique. Art. 194 : Sont qualifiées d'infractions graves, pour tous les effets légaux, comme affectant de manière  importante les valeurs fondamentales de la société... la fraude fiscale.

 Cass.crim. 1er décembre 1980 (Bull.crim. n° 325 p.832) : Il incombe aux parties poursuivantes, Ministère public et Administration, de rapporter la preuve du caractère intentionnel, soit de la soustraction, soit de la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts.

 Exemple (Le Figaro 12 mai 2001) : Quatre personnes ont été exécutées hier en Chine pour leur implication dans la plus grosse affaire de fraude fiscale découverte dans ce pays, portant sur 3,9 milliards de dollars avec de fausses factures de TVA.

- Droit positif français. Le délit de fraude fiscale est incriminé, à titre principal, par l’art. 1741 du Code général des impôts.

  Cass.crim. 16 janvier 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 98) : En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, toute personne imposable doit, chaque année souscrire et faire parvenir au service des impôts du lieu de sa résidence une déclaration détaillée de l’ensemble de ses revenus et bénéfices, ainsi que de ses charges de famille, au vu de laquelle un rôle d’imposition est émis avec l’indication des sommes à acquitter. Le manquement à cette obligation caractérise le délit de fraude fiscale.

 Cass.crim.  8 février 2006 (Bull.crim. n° 35 p.139) : Caractérise en tous ses éléments matériels et intentionnel le délit de fraude fiscale l'organisation d'un montage juridique frauduleux pour transférer des bénéfices imposables vers un pays à fiscalité privilégiée.

 Cass.crim. 4 juin 2009 (Bull.crim. n° 114 p.62) : Caractérise le délit de fraude fiscale le fait de placer indûment une société sous le régime de l’art. 44 sexies C.gén. impôts prévoyant une réduction d’imposition pour les entreprises industrielles nouvellement créées.

Il peut être imputé non seulement à son auteur, mais également à ses complices.

 Cass.crim. 19 novembre 2008 (Bull.crim. n° 237 p.110) : Le dirigeant de fait d’une entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, exploitée en la forme individuelle, peut être déclaré pénalement responsable des chefs de banqueroute et de fraude fiscale.

 Cass.crim. 22 octobre 2008 (Bull.crim. n° 214 p.78) : La solidarité du complice avec le redevable de l’impôt fraudé, prévue à l’art. 1745 C.gén. impôts, s’étend à tous les faits de fraude fiscale poursuivis et qui procèdent d’une conception unique.

 Cass.crim. 20 février 2008 (Bull.crim. n° 43 p.160) : Justifie  sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment de fraude fiscale, retient, notamment, que l’art. 324-1 C.pén. n’impose pas que des poursuites aient été préalablement engagées ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchies mais qu’il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses.

FRAUDULEUSEMENT

Cf. Dol pénal - dol général*, Intention criminelle*, Éléments constitutifs de l'infraction - Élément moral*, Volonté*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 110, p.68 / n° 124, p.71

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-208, p.45 / n° I-II-I-303, p.183 / n° I-II-II-4, p.215

 Voir, p.ex. : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-218, p.321 / n° II-226, p.328 / n° II-238, p.344 / n° II-240, p.346 / n° III-112, p.447 / n° IV-107, p.553 / n° IV-109, p.556, / n° IV-305, p.587/ n° IV-310, p.595  / etc.

 Voir, p.ex. : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 209, p.87 / n° 214, p.98 / n° 314, p.145 (note 1) / n° 316, p.150 / n° 412, p.255 / n° 510, p.334

 Voir, p.ex. : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-111, p.85 / n° I-II-126, p.180 / n° II-I-136, p.383 / n° II-I-147 (2°), p.401 / n° II-II-136, p.483 / n° II-II-209. p.499 / etc.

Nombre d'incriminations comportent que tel acte est punissable s'il est accompli « frauduleusement ». Par exemple, le Code pénal français incrimine le fait de prendre « frauduleusement » connaissance d'une correspondance adressée à autrui. Le législateur entend par là que l'auteur des faits reprochés doit avoir agi par des voies détournées, afin de contourner tant les précautions prises par la victime que les dispositions de la loi.

 Ortolan (Éléments de droit pénal) : Le Code a souvent fait entrer dans la définition même du crime ou du délit la mention de l'intention, en ces termes : volontairement, sciemment, avec connaissance, sciemment et volontairement, à dessein, dans la vue de nuire, méchamment, frauduleusement, et autres semblables.

 Code pénal de Porto Rico. Art. 7 (15) : Frauduleusement - Acte accompli par ruse, simulation, manœuvre, stratagème, ou par tout autre procédé de tromperie.

 Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Est coupable du délit de blanc-seing celui qui, abusant du blanc-seing qui lui a été confié, a frauduleusement écrit au dessus une obligation ou décharge, ou tout autre acte pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire.

 Code pénal du Burundi. Art. 184 : Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol.

 Code pénal suisse. Art. 150 : Celui qui, sans bourse délier, aura frauduleusement obtenu une prestation qu’il savait ne devoir être fournie que contre paiement, notamment celui qui aura utilisé un moyen de transport public, aura accédé à une représentation, à une exposition ou à une manifestation analogue, se sera servi d’un ordinateur ou d’un appareil automatique, sera, sur plainte, puni de l’emprisonnement ou de l’amende.

FRAUS OMNIA CORRUMPIT  -  Voir : Fraude*.

FREDUM

Cf. Composition (volontaire puis légale)*, Wergeld*.

Dans le droit germanique ancien le fredum était une somme versée, après un crime, à l'autorité qui s'était entremise pour la conclusion d'une Composition* volontaire et qui s'engageait à en assurer l'exécution. Certains y voient l'origine de la peine d'amende.

 Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Fredum. On appelait ainsi, dans le moyen âge, un droit local perçu au profit de celui qui rendait la justice. Le fredum était la récompense de la protection accordée contre le droit de vengeance.

 Du Boys (Histoire du droit criminel) : Il y a un capitulaire dans lequel Charlemagne n'a plus recours que rarement au wergeld et au fredum et où il prodigue la peine capitale : nous voulons parler de celui qu'il donne aux Saxons.

 Montesquieu (De l'esprit des lois) : Outre la composition qu'on devait payer aux parents pour les meurtres, les torts et les injures, il fallait encore payer un certain droit que les codes des lois des Barbares appellent fredum.

 Carrara (Cours de droit criminel) : Les sommes qu'un délinquant payait à l'offensé était le prix de la paix, de la renonciation que faisait la partie lésée ou sa famille au droit de se venger, et la somme que tous les délinquants payaient au chef de la tribu sous le nom de fredum, était une rétribution que le délinquant devait au chef pour la protection qu'il lui avait accordée contre la vengeance de l'offensé.

 Lombroso (L'homme criminel) : Chez les Germains, l'offense privée, le meurtre, n'étaient pas justiciables du pouvoir public ; l'État n'intervenait que si les parents du mort renonçaient au droit de vengeance privée et se contentaient d'une composition en argent: c'était le wergeld, ou rachat de la vengeance. Plus tard, au wergeld s'ajouta l'amende proprement dite, fredum.

FRÈRE  -  Voir : Fratricide*, Sororicide*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 346 et 347, p.228 et 229 (sur les rapports entre frères et sœurs)

Suite de la lettre F