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LE LIVRE DES MORTS
DANS L’ÉGYPTE PHARAONIQUE

(extrait de A.Moret, « Au temps des pharaons » éd. Armand Colin Paris 1925)

Le mort pénètre « dans la salle de la double Justice, où l’homme se sépare de ses péchés pour mériter de voir la face des Dieux ». Au fond, l’Etre-bon, Osiris rédempteur et justicier, attend son fils qui « vient de la terre ». Une grande balance se dresse au centre, près d’elle Maït, la dame de Vérité et de Justice, se tient debout, prête à peser le cœur du défunt… Tout autour de la salle sont accroupies à l’orientale, sur leurs talons, quarante-deux divinités drapées dans leurs linceuls ; c’est un jury tiré des quarante-deux provinces de l’Égypte pour juger le défunt.

Celui-ci adresse une humble requête : il vient se justifier des quarante-deux péchés canoniques ; chacun des quarante-deux jurés a compétence pour un de ces crimes et en personnifie le châtiment. « Salut à vous, maîtres de Justice, salut à toi, dieu grand, maître de Vérité et de Justice… en ce jour où l’on rend ses comptes devant l’Etre-Bon, je vous apporte la Vérité et j’ai détruit pour vous les péchés ».

Suit l’énumération de ces péchés, que le défunt se défend d’avoir commis : cette Confession négative est pour nous comme un code de morale. Le défunt en fait d’abord un exposé général et impersonnel, puis il se justifie auprès de chacun des juges :

 

Je n’ai pas fait le mal ;

je n’ai pas commis de violence ;

je n’ai pas volé ;

je n’ai pas fait tuer d’homme traîtreusement ;

je n’ai pas diminué les offrandes (des dieux) ;

je n’ai pas dit de mensonge ;

je n’ai pas fait pleurer ;

je n’ai pas été impur ;

je n’ai pas tué les animaux sacrés ;

je n’ai pas endommagé de terres cultivées ;

je n’ai pas été calomniateur ;

je n’ai pas été colère ;

je n’ai pas été adultère ;

je n’ai pas refusé d’entendre les paroles de vérité ;

je n’ai pas commis de maléfices contre le roi ni contre mon père ;

je n’ai pas souillé l’eau ;

je n’ai pas fait maltraiter l’esclave par son maître ;

je n’ai pas juré (en vain) ;

je n’ai pas faussé le fléau de la balance ;

je n’ai pas enlevé le lait de la bouche des nourrissons ;

je n’ai pas pris au filet les oiseaux des dieux ;

je n’ai pas repoussé l’eau en sa saison ;

je n’ai pas coupé une rigole sur son passage ;

je n’ai pas éteint le feu en son heure ;

je n’ai pas méprisé Dieu en mon cœur.

Je suis pur, je suis pur, je suis pur !

 

La cause était entendue, car Thot et Anubis avaient interrogé la balance, mettant dans un des plateaux le cœur du mort, dans l’autre l’image de la Vérité ; l’équilibre des deux plateaux attestait la sincérité de la confession. Thot écrivait sur ses tablettes le résultat de la pesée, et disait à Osiris : « Le défunt a été pesé sur la balance : il n’y a point de faute en lui ; son cœur est selon la vérité, l’aiguille de la balance marque juste, il n’y a pas de doute ». Osiris rendait un arrêt écrit sur tablettes, comme un document authentique. « Que le défunt sorte victorieux pour aller dans tous les lieux où il lui plaira auprès des esprits et des dieux. Il ne sera point repoussé par les gardiens des portes de l’Occident ».

Signe de fin