DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre F
(Quatorzième et dernière partie)
FRIPON (Friponnerie)
Cf. Arnaque*, Chevalier d'industrie*, Coquin*, Filouterie*, Escroquerie*, Malfaiteur*, Vol*.
Ce vieux terme du langage populaire ne figure plus dans le langage des juristes contemporains. Il désigne un individu qui s’empare du bien d’autrui par l’astuce, la ruse ou la fraude, plutôt que par la force ; il évoque plus les délits de filouterie, de tromperie et d’escroquerie, que celui de vol avec violence.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : Les hommes, fripons en détail, sont en gros de très honnêtes gens; ils aiment la morale.
E. de Girardin (Le droit) : La raison de Dieu, telle qu’elle a prévalu, guillotine le meurtrier, emprisonne le voleur, flétrit le fripon, punit le diffamateur.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : Un sot, dit La Bruyère, ni n'entre, ni ne sort, ni ne se tait, comme un homme d'esprit. On peut dire de même qu'un fripon ne fait rien comme un honnête homme.
Garofalo (La criminologie) parle de la répugnance qu’inspirent les voleurs, les escrocs, les faussaires ou autres fripons.
Argou (Institutions de droit français, 1764) : Les Juges ne suivent pas toujours la rigueur de la loi, et l’on peut dire en général qu’ils ont à cet égard trop d’indulgence pour la friponnerie et la mauvaise foi.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : M. Saule, gros petit vieux tout rabougri, toute sa vie ivrogne, jadis colporteur charlatan … ensuite chef de claque dans les galeries de la Constituante fut chassé de là pour friponnerie.
Boileau (Épîtres) : J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.
- Constituait autrefois une injure le fait de traiter quelqu’un de fripon. Il semble en être de même aujourd’hui, quoique le terme ait perdu de sa vigueur.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : On appelle injure verbale toute parole injurieuse qui est prononcée pour offenser quelqu’un … comme si on appelle quelqu’un sot, traître, lâche, coquin, fripon etc.
Cass.crim. 1er février 1851 (S. 1851 545) a retenu la qualification d'injure publique pour cette phrase : "Les juges vous ont cru sur parole ; ils n'ont pas pensé que vous fussiez un fripon".
FUITE (Défendeur en)
Selon la doctrine libérale, l’attrait de la liberté est tel, chez un être humain, que le législateur ne saurait légitimement incriminer le fait, pour un prévenu ou un accusé, de s’enfuir plutôt que de comparaître devant des tribunaux répressifs. Cette méfiance envers la justice peut simplement justifier des mesures de rétorsion à caractère procédural. Voir, toutefois : Fuite (délit de)*.
Garraud (Traité de droit pénal) : L’instinct de la conservation, qui porte un inculpé ou un détenu à se soustraire à la justice par la fuite est trop naturel, et trop humain, pour que la loi ait pu songer à ériger en crime spécial le fait de n’y pas résister.
Dupin (Règles de droit et de morale) : Le président de Harlay, au milieu des troubles de la Ligue, disait que si on l’accusait d’avoir volé les tours de Notre-Dame, il commencerait par se sauver. En effet, en ces jours sinistres, l’absurdité même de l’accusation n’atteste que mieux la passion des accusateurs.
FUITE (Délit de)
Cf. Conduite automobile*, Homicide par imprudence*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° IV-112, p.559
- Notion. Le délit de fuite consiste, de la part d’une personne qui vient de causer, de provoquer ou d’occasionner un accident, et qui en a pris conscience, à tenter de s’éloigner afin d’échapper à son éventuelle responsabilité pénale ou civile. Sa répression constitue une exception au principe voulant que la Fuite* d’un justiciable ne puisse donner lieu à une incrimination légale.
Larguier (Droit pénal spécial) : Le délit de fuite est le fait, pour un conducteur d’un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter, et de tenter ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut avoir encourue.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La place normale du délit de fuite est au sein du groupe des dispositions tendant à protéger l’administration de la justice, car il entend lutter contre des attitudes de nature à compromettre la constatation des preuves d’un accident, et, par là, à entraver le fonctionnement normal des organes judiciaires.
- Science criminelle. Le fait de s'enfuir après avoir causé un accident de la circulation ajoute la lâcheté à l'imprudence. Aussi le législateur peut-il légitimement condamner cette attitude. Tantôt il y voit un délit autonome, tantôt une circonstance aggravante .
Code pénal du Burundi. Art. 396 : Le fait, pour tout conducteur d’un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter et de tenter ainsi de s’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir, est puni d’un mois à six mois de servitude pénale et d’une amende ...
Code pénal
du Burkina Faso. Art. 353 et 355 : Est puni d'un
emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de
150.000 à 600.000 francs ou de l'une de ces deux peines
seulement, quiconque commet par maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou inobservation des règlements
involontairement un homicide ou en est involontairement la
cause...
Les peines prévues aux deux articles précédents sont portées au
double lorsque l'auteur du délit a agi en état d'ivresse, a
commis un délit de fuite ou a tenté par tout autre moyen
d'échapper à la responsabilité qu'il pouvait encourir.
- Droit positif. Autrefois incriminé par le Code de la route, le délit de fuite commis par le conducteur d’un véhicule terrestre est aujourd’hui visé par l’art. 434-10 C.pén. Au regard de l’intérêt protégé, on observera que ce délit a été rangé par le législateur dans la catégorie des « entraves à l’exercice de la justice ». L’infraction n’est caractérisée, dans un cas d’espèce, que s’il est établi que l’agent a eu effectivement conscience d’être impliqué dans un accident.
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Cass.crim. 26 mars 1963 (JCP 1963 IV p.62, Saim Beniounes) : Pour être caractérisé, le délit de fuite exige à la fois qu’un accident ait été causé et que son auteur ait su qu’il venait de l’occasionner.
Cass.crim. 29 octobre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.23) : L’obligation de s’arrêter, imposée en pareil cas par la loi est destinée à permettre la détermination des causes de l’accident ou, tout au moins, l’identification du conducteur auquel il peut être imputé.
Cass.crim. 3 octobre 1983 (Bull.crim. n° 235 p.599) : Les prescriptions relatives au délit de fuite sont applicables sur l’ensemble du territoire, serait-ce sur une voie privée.
Exemple (Ouest-France 30 avril 2015) : Ivre, un jeune homme avait renversé deux sœurs enceintes et pris la fuite... Le tribunal a prononcé la confiscation du véhicule, l'annulation du permis de conduire, l'interdiction de passer les épreuves du permis pendant un an et 250 € d'amende. Il devra également indemniser l'une des victimes à hauteur de 3.588 €, et verser 4.000 € à la seconde qui bénéficie d'une expertise.
FUNÉRAILLES
Cf. Cadavre*, Incinération*, Mort*, Respect*, Sépulture*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-251, p.546
- Notion. Les deux mots « funérailles » et « obsèques », désignent les cérémonies et rites qui accompagnent un enterrement ; ils visent notamment les marques de respect manifestées à l’égard du défunt.
Larousse des synonymes : Enterrement désigne proprement l’inhumation, la mise en terre … Funérailles est l’ensemble des cérémonies faites en l’honneur d’un mort … Obsèques suppose de moins grandioses cérémonies que funérailles, elles se présentent surtout comme des marques de déférence et de respect.
Saint-Just (Fragments) : Les funérailles des citoyens sont solennelles et accompagnées d’un magistrat. Les rites des différents cultes seront respectés. Il y a un petit champ donné à chaque famille pour les sépultures. Les cimetières sont de riants paysages ; les tombes seront couvertes de fleurs, semées tous les ans par l’enfance.
- Règle morale. Les modalités des funérailles relèvent, quant au fond de la religion du défunt ou des volontés qu'il a exprimées, et quand à la forme de la police sociale. Deux modalités principales retiennent l'attention : l'inhumation et la crémation. La seconde a longtemps été prohibée en Europe ; mais elle tend à se développer, ce qui ne va pas sans poser un problème : la crémation effectuée, les cendres une fois dispersées, il devient pratiquement impossible de procéder à la recherche des causes de la mort.
Capitulaire saxon de 785 : Celui qui livrera aux flammes le corps d'un défunt, suivant le rite païen, et réduira ses os en cendre sera condamné à mort.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La législation ecclésiastique autorise l'incinération depuis 1964.On ne voit pas quelle objection morale pourrait lui être faite, si le rite ne traduit pas une marque de méfiance envers la foi chrétienne. Les obsèques se déroulent alors comme pour une inhumation.
- Science criminelle.
Par prudence, afin qu'une personne ne soit pas enterrée alors
qu'elle se trouve simplement dans un état de catalepsie ou de
coma, la plupart des législateur exigent, avant que ne puisse se
dérouler la cérémonie des obsèques, la production d'un
certificat de décès émanant d'un médecin .
Par crainte de la disparition des preuves d'un éventuel
homicide, résultant d'une inhumation ou plus encore d'une crémation
précipitée, certains codes s'opposent à ce qu'elle se déroule
dans l'immédiat, avant que la famille proche n'ait pu être
avertie.
Leclère (Codes cambodgiens) : Si un des enfants n’a pas pris part à la cérémonie des funérailles il faut l’écarter de la succession.
Code
pénal belge. Art. 315 : Seront punis de huit jours à deux
mois d'emprisonnement, ou d'une amende ...
Code pénal de Madagascar. Art. 358 : Ceux qui, sans l’autorisation préalable de l’officier public, dans le cas où elle est prescrite, auront fait inhumer un individu décédé, seront punis de six jours à deux mois d’emprisonnement, et d’uneamende de 25 000 francs à 50 000 francs, sans préjudice de la poursuite des crimes dont les auteurs dece délit pourraient être prévenus dans cette circonstance i.
- Droit positif français. La loi permet aussi bien l'inhumation que l'incinération. Elle impose de respecter scrupuleusement sur ce point les dernières volontés du défunt, dans la mesure où elles sont compatibles avec la réglementation en vigueur (art. 433-21-1 C.pén.). Le Code de 1810 sanctionnait dans son article 358 les inhumations précipitées (qu'il rapprochait non sans raison du recel de cadavre).
Circulaire d’application du Code pénal : Cette incrimination permet de réprimer l’organisation de funérailles religieuses auxquelles le défunt s’était opposé de son vivant, ou, inversement, l’organisation de funérailles civiles alors que le défunt avait demandé une cérémonie religieuse.
Cass. (1re Ch. civ.) 9 novembre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I panor. 48) : L’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887, qui a prévu la liberté pour chacun de régler testamentairement sa sépulture implique que, même en l’absence de testament, les volontés exprimées par le défunt quant à ses funérailles et sa sépulture soient respectées.
Trib.inst. Albertville 22 novembre 1985 (Gaz. Pal.
1986 I 36) : Si les Tribunaux de l’ordre judiciaire n’ont pas compétence pour faire appliquer les lois de l’Église, ils ont néanmoins pour
mission de faire respecter celles de l’État français.
La loi du 15 novembre 1887 consacrant le droit de toute personne à régir ses funérailles par testament, le rôle du juge saisi d’une contestation en une
telle matière consiste à faire respecter les volontés que l’intéressé a exprimées, dès lors qu’elles ne sont contraires ni aux lois, ni aux mœurs.
La volonté exprimée par un curé, que la messe célébrant ses funérailles soit célébrée selon le rite du Missel romain de Saint-Pie V, quoiqu’elle
puisse être considérée comme incompatible avec la doctrine de l’Église catholique, n’est pas contraire aux lois de l’État français. Il y a donc lieu de
faire respecter la volonté du défunt, comme celle de tout citoyen.
FURIES (Fustiger) - Voir : Érinyes*.
FURIEUX
Cf. Causes de non-imputabilité*, Démence*.
Terme de l'Ancien droit, le mot furieux désignait une personne qui avait commis une infraction sous l’empire d’une « folie violente » (Littré). Du fait qu’il s’agissait manifestement d’un malade mental, il bénéficiait d’une cause de non-imputabilité.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Dans la règle générale, les furieux et les insensés ne doivent point être punis pour raison des crimes qu’ils ont commis.
Desmaze (Histoire de la médecine légale) : Le Code pénal (de 1810) se contente d’édicter certaines punitions contre ceux qui ont laissé les fous furieux en liberté.
FURTUM
Cf. Abus de confiance*, Escroquerie*, Filouterie*, Mandat*, Recel successoral*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-112, p.559
Voir : Digeste de Justinien, L. 47, II-1
Voir : R. Garraud, Définition et éléments du vol
Sur la distinction du vol, de l'escroquerie et de l'abus de confiance, voir le Cas pratique n°96
- Notion. Délit très général du droit romain, le furtum était l’infraction par laquelle une personne portait atteinte au patrimoine d’autrui dans un but d’appropriation personnel. Cette incrimination assurait la protection des seuls biens meubles, contre des actes matériels de dépossession, soit temporaire (vol d’usage), soit définitive (vol avec appropriation) ; elle supposait comme élément moral un mobile de lucre. Son domaine était particulièrement étendu, voire imprécis, puisqu'il incluait, outre le vol au sens strict, l'escroquerie et l'abus de confiance. En droit portugais, le vol se dit encore furto.
Mommsen (Le droit pénal romain) : Le terme furtum désigne le fait d’emporter une chose ; il se rapporte, dans son acception exclusivement délictuelle, à l’appropriation injuste du bien d’autrui.
Gaius (Institutes) : Il y a vol, non seulement par soustraction en vue d’appropriation, mais encore par rétention contre le gré du propriétaire d’une chose qui ne vous appartient pas. Ainsi, l’usage d’une chose confiée en dépôt constitue un vol. Et si l’on reçoit une chose en vue de l’utiliser d’une certaine façon et qu’on en fait un autre usage, on commet un vol.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : On entend par vol, toute soustraction et enlèvement frauduleux du bien d’autrui, dans le dessein de le l’approprier ou de s’en servir, sans le consentement de celui à qui il appartient.
- Droit positif français. Le furtum s'est maintenu sous l'Ancien droit. C’est un décret de 1791 qui l'a fait éclater, afin de satisfaire au principe de précision des incriminations. Depuis les codes français distinguent le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance ; mais ils continuent à les assimiler dans certains cas particuliers, p.ex. lorsqu’il s’agit d’apprécier l’état de récidive d’un malfaiteur.
Décret des 19-22 juillet 1791 (II-35) : Ceux qui par dol, ou à l’aide d’un faux nom ou de fausses entreprises, ou d’un crédit imaginaire, ou d’espérances et de craintes chimériques, auraient abusé de la crédulité de quelques personnes, et escroqué la totalité ou partie de leurs fortunes, seront poursuivis devant les tribunaux de districts.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’art. 131-6 C.pén. assimile, au point de vue de la récidive : le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie et l’abus de confiance. Ces infractions sont considérées, à cet égard, comme une même infraction.
FUSILLADE
Cf. Délit militaire*, Mort (peine de mort )*.
La fusillade est le mode d’exécution de la peine de Mort* qui est le plus souvent employé en droit pénal militaire contemporain. Cette sanction ne peut plus être pratiquée en France depuis l’abolition de la peine capitale.
P.Huguehey (Traité de droit pénal militaire) : A l’arrivée du condamné, les troupes présentent les armes, les tambours ou les clairons battent ou sonnent aux champs. Lorsque le condamné a été placé au lieu de l’exécution, lecture d’un extrait du jugement de condamnation est fait par le greffier ; un soldat bande ensuite les yeux du condamné et le fait mettre à genou… Au signal d’un adjudant, les douze hommes mettent en joue… Le commandement Feu ! est immédiatement suivi d’exécution. Un sous-officier s’approche alors du condamné et lui donne le coup de grâce…
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : J’ai été fusillé par derrière, comme traître au pays, tandis que j’étais fidèle à mon Roi, par les Constitutionnels qui m’ont laissé pour mort.
FUSTIGATION (Fustiger) - Voir : Fouet*.