DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Huitième partie)
CHIFFRE NOIR
Cf. Crime parfait*, Criminalité*, Délinquance*, Insécurité*, Main courante* (citation Morvan visant le Chiffre gris).
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-307, p.471
Les documents administratifs, policiers et judiciaires ne permettent pas de connaître le niveau exact de la criminalité, car ils ne peuvent tenir compte que des infractions qui ont été constatées ou pour lesquelles il a été porté plainte. Le degré de la criminalité réelle est évalué, sur cette base, par des suppositions, des estimations, des extrapolations ; c’est le chiffre noir de la criminalité.
Gassin (Criminologie) : La criminalité réelle demeure inconnue ; il existe entre cette dernière et la criminalité connue un écart, que l’on appelle le chiffre noir de la criminalité. Du chiffre noir on distingue le chiffre gris, ou nombre des auteurs de crimes non identifiés par la police, bien que les crimes soient connus.
Larguier (Criminologie et science pénitentiaire) : Il existe une très grande différence entre la criminalité officielle et la criminalité réelle ; le rapport entre les deux s'appelle le chiffre noir, ou obscur (dark number). Ce chiffre noir est évidemment peu précis lui-même et variable selon : les infractions (certaines infractions sont presque toujours connues, d'autres presque jamais), les délinquants (mineurs ou délinquants professionnels), et les périodes (police et justice peuvent être plus énergiques à certains moments)...
Pradel (Droit pénal général) : Les statistiques judiciaires permettent de connaître l’activité de la police, mais pas la criminalité réelle. Aussi parle-t-on de chiffre noir (ou obscur), expression inventée par le criminologue japonais Oba, au début de ce siècle, pour désigner la différence entre la criminalité réelle et la criminalité apparente.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il est généralement admis par les criminologues qu’une importante proportion d’infractions demeure inconnue (chiffres cachés, dark number de la criminalité) … Parmi les infractions qui restent le plus fréquemment inconnues figurent les avortements (un pour mille seulement serait découvert), les vols à l’étalage dans les grands magasins (0,30 % du chiffre d’affaires), les abus de confiance, les attentats aux mœurs, voire les infanticides et les homicides volontaires puisque la police estime que, sur les 5.000 personnes qui disparaissent chaque année en France, 3.000 environ ont été victimes de crimes non identifiés.
Ortolland (Comment
prévenir le crime, éd. 1988) : En s'en tenant à une
période récente, le taux de criminalité - c'est-à-dire le nombre
de crimes et de délits commis pour 1.000 habitants - est passé
de 39,10 en 1977, à 40,39 en 1978, 43,67 en 1979, 49,03 en 1980,
53,67 en 1981, 63,09 en 1982.. Il a donc régulièrement
progressé.
En outre, il existe, à côté des infractions constatées,
« une criminalité méconnue«
, c'est-à-dire non constatée par la police. Cette
situation n'est d'ailleurs pas propre à la France. C'est ce
qu'on appelle « le chiffre
noir du crime »,
c'est-à-dire l'écart existant entre les infractions enregistrées
et la criminalité réelle.
Les recherches menées ne permettent pas d'être précis. Elles ont par
contre montré que la criminalité cachée provient de la tolérance
de public à l'égard de certaines infractions (vols dans les
grands magasins), de la méfiance de l'opinion publique à l'égard
de la police, ou encore des infractions (violence, racket,
drogue) à l'encontre des enfants et des adolescents qui n'osent
ni les dénoncer à la police, ni même en parler à leurs parents.
[avec la montée en puissance des groupes mafieux et des cellules
terroristes, il faut ajouter à cette liste la crainte de
représailles sanglantes]
Devroye (L'inceste - Actes de psychiatrie belge 1973 p.661) : Il est indéniable que, dans le domaine de l'inceste le chiffre noir est important. [ce qui s'explique par le fait que ce délit se commet dans le cercle fermé de la famille]
Agence France Presse du 22 novembre 2011 : Avec l'Insee, l'ONDRP a interrogé les Français sur les faits de délinquance dont ils se disent victimes afin de donner un autre éclairage que les chiffres enregistrés par les forces de l'ordre souvent à partir des plaintes. Ainsi, en 2010, selon cette enquête effectuée auprès de près de 17.000 personnes de 14 ans et plus, quelque 4 millions de vols sont déclarés contre 1,5 million rapportés dans les chiffres officiels de la police et de la gendarmerie.
CHIOURME
Cf. Bagne*, Galères*.
On appelait autrefois chiourme l’ensemble des rameurs affectés à une galère, et plus généralement l’ensemble des forçats d’un bagne.
Corre (Les criminels) : Le bagne, où les forçats traînent leur chaîne, vil troupeau conduit par la chiourme, est nommé par eux "le pré".
Joly (Le crime, étude sociale) : On voit assez souvent sur les bras ou la poitrine des prisonniers des tatouages comme ceux-ci : « J'aime les femmes. - Mort à la chiourme.- Le bagne m'attend. - L'échafaud m'attend ».
Michelet (Histoire de la Révolution) : Albert de Rioms, un de nos meilleurs capitaines, croyait mener les deux villes comme une chiourme de forçats, à coups de cordes et de lianes.
La personne affectée à la surveillance des bagnards était le garde-chiourme.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Une association se composant, et de ceux qui sont au bagne, et de ceux qui en sont sortis, rend la classe des forçats libérés extrêmement redoutable. Souvent un crime exécuté à Paris a été conçu, calculé, sous le fouet d'un comite et en présence du garde-chiourme.
Vidocq (Mémoires) : Il y avait à la porte de la ville, à poste fixe, un ancien garde-chiourme qui vous devinait un forçat au geste, à la tournure, à la physionomie.
CHIQUENAUDE
Cf. Voie de fait*.
Une chiquenaude, ou pichenette, consiste en un coup léger, porté en repliant le majeur sous le pouce puis en le détendant brusquement de façon à atteindre une partie de la personne d'autrui. Lorsqu'elle vise le nez de la victime, on parle d'une nasarde. Cette agression s'analyse en une voie de fait ou violence légère, et tombe sous le coup de l'art. R.624-1 du Code pénal.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4° éd.), n° 48, p.47
Littré (Dictionnaire) : Coup appliqué au moyen du doigt du milieu dont le bout est appuyé ferme sous le bout du pouce et que l'on desserre avec effort.
Montesquieu (Lettre persanes 51). Cité par Littré: Il ne lui a pas donné une chiquenaude, il ne l'a pas frappé : "La moindre chiquenaude qu'il me donnera, je crierai de toute ma force".
Huc (L'empire chinois) : Le gardien de la maison des hôtes alla chercher une table dans une pièce voisine, et plaça dessus la chandelle rouge qu’il moucha très habilement en donnant une chiquenaude à la mèche.
CHÔMAGE - Voir : Assurances sociales*.
CHIRURGIE ESTHÉTIQUE - Voir : Médecine*, Médecine (exercice illégal)*.
CHOSE (commune, non appropriée, abandonnée, appropriée) - Voir : RES* (communis, nullius, derelicta, propria).
CHOSE JUGÉE
Cf. Banqueroute - droit positif*, Erreur judiciaire*,
Jugement*, Non bis in idem*, Présomption*, Rectification des
erreurs matérielles*, Révision*.
Et voir ci-dessous : Chose jugée à l'étranger.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-316, p.291
- Notion. Quand un jugement ou un arrêt est devenu définitif, débats achevés, délais de recours écoulés, ses dispositions sont couvertes par une "autorité de chose jugée" qui interdit de remettre en cause les faits qu'il a déclaré établis.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Quand les parties au procès ont épuisé les recours que la loi leur ouvre contre les décisions répressives, ou qu'elles ont laissé passer les délais légaux sans les exercer, ces décisions deviennent irrévocables. On dit qu'elles acquièrent l'autorité de la chose jugée.
Sudre et autres (Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, n°72) : Classiquement, l'autorité de la chose jugée empêche que ce qui a été définitivement jugé ne soit remis en cause... La Cour reconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à ses arrêts .
Code de droit canonique, Commentaire Université de Salamanque : La chose jugée est un moyen institué par le droit qui rend ferme et inattaquable une sentence définitive. Du point de vue formel ou processuel, la sentence elle-même ne peut plus être attaquée par un nouvel appel. Du point de vue du fond, la décision qui met fin au litige en octroyant, ou en délimitant les droits des parties devient irrévocable. (le canon 1642 précise que la chose jugée assure la stabilité du droit)
Cass.(Chambre mixte) 10 octobre 2008 (Gaz.Pal. 30 octobre 2008, avis Régis de Gouttes) : Seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous.
- Nature juridique. L'autorité de la chose jugée repose sur présomption de vérité qui ne peut être discutée (res judicata pro veritate habetur), donc sur une présomption irréfragable.
Pradel (Procédure pénale) : Une décision irrévocable est tenue pour l'expression de la vérité par l'effet d'une présomption irréfragable de la loi.
Perdriau (Les incertitudes du juge, Gaz.Pal. 7 février 1995) : "Res judicata pro veritate habetur". Cette forte maxime ne dissimule pas que, si on doit tenir la chose jugée pour l'expression même de la vérité, cela repose sur un postulat, pour ne pas dire sur une fiction.
Faustin-Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : L’exception de chose jugée repose sur un double fondement. Elle constitue, en premier lieu, une règle de droit public : l’autorité des jugements, en effet, cette sauvegarde de tous les droits et de tous les intérêts de la société civile, n’existe que parce qu’ils sont inattaquables ; toute leur souveraineté réside dans leur fixité. Quel serait le sort des citoyens si leurs intérêts, perpétuellement agités, ne trouvaient dans les jugements aucune garantie durable ? … L’exception constitue, en second lieu, une règle de défense. Est-ce que la position de l’accusé peut demeurer perpétuellement incertaine ? Est-ce qu’il peut dépendre de quelques témoignages qui ont varié ou de persécutions tardives de changer un état qui a été fixé par les tribunaux ? Ne faut-il pas mettre un terme à toutes les poursuites, et ce terme n’est-il pas dans le jugement qui a prononcé sur l’action ?
- Effets 1° - D’une part, les juges répressifs, civils, administratifs, prud'homaux et disciplinaires doivent dès lors tenir pour acquis, d’une part les faits constatés, d’autre part les responsabilités retenues par la juridiction répressive dans une décision devenue définitive.
Voir : J. Ortolan, L'autorité de la chose jugée (La règle "Non bis in idem")
Voir : R. et P. Garraud, les effets de la chose jugée au pénal sur le procès civil
Sur la portée de l’autorité de la chose jugée, voir : Cass. civ. 14 août 1940
Sur l’autorité au civil d’un acquittement prononcé au pénal, voir : Cass. civ. 03 février 1976
Code de droit pénal allemand, § 34 a : Si, après l’exercice en temps utile d’une voie de recours, une décision entraîne directement l’autorité de chose jugée de la décision attaquée, cette autorité vaut du jour où la décision a été prise.
Cass.crim. 10 février 1986 (Bull.crim. n°49 p.117) : La décision d’une juridiction répressive, devenue définitive faute de recours, est irrévocable et doit être exécutée, alors même que les juges ont prononcé en violation de la loi.
Cass.crim. 12 décembre 2012, n°12-82905 (Gaz.Pal. 24 janvier 2013 p.26) : Le principe de l'autorité de la chose jugée, fût-ce de manière erronée, fait obstacle à ce qu'une chambre de l'instruction remette en cause un jugement définitif...
Cass.crim. 28 février 2012, n° 10-18283 (Gaz.Pal. 24 avril 2012 p.28 note Detraz) sommaire : La relaxe prononcée par le juge pénal du chef de discrimination syndicale s'impose à la juridiction prud'homale saisie d'une requête en annulation du licenciement.
Cass.crim. 23 mai 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 440) : L’autorité de la chose jugée ne peut être valablement retenue que lorsqu’il existe une identité de cause, d’objet et de parties entre deux poursuites successives. Il n’en est pas ainsi en l’espèce, dès lors que la première poursuite, close par une décision de non-lieu fondée sur une insuffisance de charges, n’ayant comporté aucune inculpation, l’autorité de la choses jugée ne pouvait être retenue à l’égard de quiconque.
Cass. 1e civ. 24 octobre 2012, n°11-20442 (Gaz.Pal. 6 décembre 2012 p.25) : L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé .
Selon le Conseil d'État, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose pas pleinement aux juridictions disciplinaires qui doivent tenir compte du but poursuivi par l'agent.
Cons.
d'État 30 décembre 2013 (Gaz.Pal. 30 janvier 2014) :
L'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux
juridictions des ordres professionnels qu'en ce qui concerne les
constatations matérielles des faits que le juge pénal a retenues
et qui sont le support matériel de sa décision.
Il appartient à ces juridictions d'apprécier l'intention dans
laquelle l'intéressé a agi.
Il est par ailleurs certain que les décisions rendues par les juridictions disciplinaires n'ont pas autorité de chose jugée à l'égard des tribunaux répressifs.
Cass.crim. 19 février 2014, n° 12-87558 : La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins de ne pas donner suite à la plainte de Mme Y... contre son médecin est sans portée sur la procédure suivie devant le juge pénal.
2° - Par ailleurs une décision définitive éteint définitivement l’action publique (Non bis in idem*). En conséquence, aucune poursuite nouvelle ne peut plus être entreprise pour les mêmes faits devant un tribunal répressif.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : En droit français moderne, l’individu qui a été légalement jugé ne peut plus être poursuivi à raison des mêmes faits, même si le jugement rendu apparaît erroné… Si l’on pouvait à tout moment remettre en cause les décisions pénales, on créerait un doute dans le public sur la valeur de la procédure répressive, on multiplierait les procédures, on désarmerait la répression en lui enlevant les principales conditions de son efficacité : la rapidité et la certitude. Il s’agit aussi d’assurer au prévenu que son sort ne sera pas remis en question.
Cass.crim. 1er avril 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 140/141) : Aux termes de l’art 368 C. pr. pén., toute personne légalement acquittée ne peut plus être reprise ni accusée à raison des mêmes faits.
Cass.crim. 19 janvier 2005 (Gaz.Pal. 26/30 août 2005
p.16) : Selon l’art. 4.1 du protocole n° 7 additionnel à la Conv. EDH, et l’art. 6 al.1 C.pr.pén., l’action publique s’éteint par la chose jugée.
Un même fait ne peut donner lieu, contre le même prévenu, à deux actions pénales distinctes.
Lorsqu’une personne poursuivie du chef de harcèlement sexuel a bénéficié de ce chef d’un jugement de relaxe devenu définitif, elle ne saurait
ultérieurement être poursuivie en raison des mêmes faits, commis pendant la même période, sous la qualification d’agression sexuelle.
Cass.crim. 9 mai 1961 (Bull.crim. n° 241 p.64) : Un même fait ne peut donner lieu à deux actions pénales distinctes… La nullité d’une poursuite engagée en violation de la règle non bis in idem intéresse l’ordre public et peut être invoquée à tout moment de la procédure.
Plutarque (Vie de Démosthène) nous apprend que la Grèce classique pouvait méconnaître ce principe : Antiphon avait été absous par l’Assemblée du peuple. Démosthène reprit l’accusation, traduisit Antiphon devant l’Aéropage, le convainquit d’avoir promis à Philippe de Macédoine de brûler l’arsenal d’Athènes, et le fit condamner à mort par les sénateurs.
Cazotte, l’auteur du « Diable amoureux » avait eu la chance d’être épargné lors des Massacres de septembre ; poursuivi devant le Tribunal révolutionnaire, il invoqua l’adage non bis in idem et soutint qu’ayant été jugé par le peuple souverain et par ses officiers municipaux qui l’avaient mis en liberté, l’on ne pouvait sans porter atteinte à ce même peuple, procéder contre lui sur des faits pour lesquels il avait été arrêté et ensuite élargi. Argument rejeté, accusé guillotiné (1792).
3° - Enfin, une décision passée en force de chose jugée ayant définitivement éteint une action civile, la poursuite de l'action publique ne saurait avoir pour effet de remettre en cause l'indemnisation accordée à la personne déjà reconnue victime. Ni à la demande de celle-ci, ni à la demande de l'accusé.
Cass.crim. 10 mai 2012, n°11-81437 (Gaz.Pal. 5 juillet 2012 p.23) : Lorsqu'un arrêt criminel d'une cour d'assises a seul été frappé de pourvoi, la cassation de cet arrêt n'entraîne pas celle de l'arrêt statuant sur les intérêts civils, lequel a acquis l'autorité de la chose jugée. Il s'en suit que les victimes ou leurs ayant droits sont irrecevables à présenter toute demande nouvelle d'indemnisation autre que celle d'augmentation des dommages- intérêts pour préjudice souffert depuis la première décision et celles relatives aux frais de procédure.
- Chose jugée à l'étranger. Sous certaines conditions, la chose jugée par un tribunal étranger permet à une personne, poursuivie en France pour les mêmes faits, d'invoquer comme fin de non recevoir l'adage non bis in idem (art. 113-9 C.pén. et 692 C.pr.pén.).
Cf. Application de la loi dans l'espace*, Compétence internationale*, Jugement étranger*.
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : Le droit français admet partiellement qu'une décision pénale étrangère - de non-lieu, de relaxe ou de condamnation - a en France une "autorité négative de chose jugée"... Si le droit français consacre ainsi la règle "non bis in idem", ce n'est pas dans un esprit d'entraide internationale, mais pour des raisons de justice et d'équité.
Cass.crim.
8 juin 2005, n°05-81800 (Bull.crim. n° 174 p.620) :
Une dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l'art. 21 de
la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale, est un acte d'entraide judiciaire n'emportant pas
renonciation de la part de l'État requérant à l'exercice de son
droit de poursuite.
L'exception de la chose jugée à l'étranger ne fait pas obstacle
à cet exercice lorsque la compétence internationale des
juridictions françaises est fondée sur le principe de la
territorialité.
Cass.crim.
20 juin 2012, n°12-81729 (Gaz.Pal. 6 septembre 2012 p.27) :
À la suite de l'enquête préliminaire diligentée en France à la
demande du procureur de la République de Paris saisi d'un
signalement de l'attaché de sécurité intérieure français à
Manille, une information est ouverte au cours de laquelle un
homme est mis en examen des chefs de viols et agressions
sexuelles sur mineure de quinze ans, corruption de mineurs et
détention d'images et de représentations de mineurs à caractère
pornographique, s'agissant de photographies et de vidéos
trouvées en sa possession en France.
Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour
écarter le moyen d'annulation proposé par le prévenu, pris de
l'autorité de chose jugée attachée à un arrêt de la cour d'appel
de Manille rendu sur le recours déposé par les plaignantes et de
l'impossibilité qui en résulterait d'exercer des poursuites en
France à raison des mêmes faits, énonce que cet arrêt s'analyse
en la "simple validation d'une décision hiérarchique de
classement sans suite, laquelle est dépourvue d'autorité de
chose jugée", dès lors qu'une décision d'une juridiction
étrangère, se bornant à déclarer irrecevable en la forme un
recours contre le classement administratif d'une plainte, ne
saurait constituer un jugement définitif intervenu à la suite de
l'exercice de l'action publique et faisant obstacle à la
poursuite des mêmes faits en France.
CHOSES SUSPECTES OU DANGEREUSES
Cf. Animaux dangereux*, Armes*, Danger*, Explosifs*, Mise en danger d'autrui*, Personnes dangereuses*, Poison*, Prévention des infractions*, Sanction réelle*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4° éd.), n° I-209, p.103 / n° I-444, p.232
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »
- sur le délaissement de choses dangereuses : n° II-II-245, p.535
- sur l'amiante, les produits radioactifs ou autres : n° II-II-261, p.568
- sur les produits manufacturés dangereux pour la santé : n° II-II-260,
p.566
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'intégrité corporelle en (droit positif français)
Les choses suspectes ou dangereuses sont celles qui sont susceptibles de mettre en danger l'intégrité des personnes ou des biens, et à plus forte raison celles qui ont déjà causé un dommage. L'Ancien droit admettait que ce dommage soit imputé à cette chose.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : On fait quelque fois le procès aux choses inanimées ; comme quand on brûle des libelles et autres écrits séditieux, quand on brise des statues, ou que l’on rase des châteaux ou autres édifices.
Warée (Curiosités judiciaires) : En 1498, pendant l’assaut livré au couvent de Saint-Marc pour en arracher Savonarole, la cloche du prieuré avait sonné l’alarme et appelé au secours des assiégés. Par une sentence des magistrats, cette cloche séditieuse fut condamnée à être promenée sur un âne par toute la ville en signe d’ignominie.
Le droit contemporain ne l'admet plus, mais autorise la destruction des choses dangereuses. Par ailleurs si une chose a été cause d’un dommage, celui qui en assurait la garde au moment des faits peut être tenu pour civilement responsable envers la victime.
Carbonnier (Droit civil) : Sur le fondement de l’art. 1384 al.1 C.civ. s’est formé dans notre droit, d’une manière purement jurisprudentielle, un système général de responsabilité des choses que l’on a sous sa garde.
- Chose suspecte. Une chose est suspecte lorsque les circonstances présentes laissent à penser qu’elle pourrait être dangereuse pour les personnes. Il appartient alors aux autorités de police de prendre des mesures conservatoires, telle une mise sous scellés ou une saisie. Dans une période d’attentats par explosifs, la police peut aller jusqu’à détruire tout colis suspect.
Affaire des poisons. Après la mort naturelle du chevalier de Sainte-Croix (30 juillet 1672), le commissaire Picard fut chargé de procéder à l’inventaire des biens du défunt afin que fussent préservés les droits des créanciers. Dans l’exercice de sa mission, il examina une cassette de couleur rouge fermant à clef. A l’intérieur, des fioles contenant des liquides colorés et des lettres de la marquise de Brinvilliers ; sur le tout une lettre rédigée en termes particulièrement insistants suppliait que cette cassette fût remise en mains propres à Mme de Brinvilliers qu’elle concernait seule. Le commissaire fut intrigué, et au lieu de la faire remettre à la personne désignée, la fit placer sous scellés. La marquise ayant alors tenté de soudoyer un sergent pour en obtenir la remise, on éprouva des soupçons plus marqués. Quelques essais faits sur des animaux causèrent leur mort. C’était le début de la fameuse « affaire des poisons ».
- Chose dangereuse. Il est des choses dangereuses par nature. Leur seule
fabrication doit être interdite ou réglementée par le législateur. Il en est ainsi de l’emploi de l’amiante dans la construction ; de même une loi
du 16 mars 1915 a prohibé la fabrication et le commerce de l’absinthe et des liqueurs similaires.
C’est au pouvoir judiciaire, plutôt qu’au pouvoir exécutif, qu’il appartient de prendre la décision de confisquer une chose dangereuse, hors les cas
spécialement prévus par la loi.
Code pénal suisse (état en 2003), art. 58 : 1
Alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononcera la confiscation d’objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une
infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public.
2 Le juge pourra ordonner que les objets confisqués soient mis hors d’usage ou détruits.
Paris 7 juillet 1989 (D 1989 IR 239) : La manipulation d’une chose dangereuse par son utilisateur, sans précaution particulière, constitue une faute.
Vente d'uranium (Le Figaro 9 décembre 2001). La police russe a arrêté sept personnes accusées d'avoir vendu quelque 9 kg d'uranium enrichi destinés à la fabrication d'armes. Si ces faits sont confirmés, ce serait le premier cas reconnu de vol de matériaux servant à construire des armes nucléaires en Russie.
En matière de vol on a assimilé l'électricité à une chose. De manière générale on peut également assimiler des ondes électromagnétiques à des choses pouvant être dangereuses dans certaines conditions ; ce qui justifie une réglementation préventive.
Ondes électromagnétiques (Ouest-France 30 janvier 2015). Les députés ont voté hier une proposition de loi... qui prévoit, entre autres, une procédure d'information et de concertation lors de l'implantation d'antennes-relais, interdit le Wi-Fi dans les crèches, limite son usage aux activités pédagogiques dans les écoles...
- Il est aussi des choses dangereuses par l’emploi qu’on en fait. Ainsi une échelle peut permettre à un cambrioleur de pénétrer dans une maison en passant par une fenêtre non fermée de l’étage : c’est pourquoi l’art. R. 641-1 C.pén. incrimine le fait d’abandonner dans un lieu ouvert au public une arme ou tout objet dangereux pour les personnes et susceptible d’être utilisé pour commettre une infraction (ancien art. R.26-7°, très ancien art. 471 § 7, dont la rédaction était moins précise).
Garçon (Code pénal annoté) : L’art. 471 § 7 défend de laisser à la disposition des malfaiteurs, dans les lieux où le public a libre accès, tout ce qui pourrait leur servir pour accomplir leurs mauvais desseins. Il fournit un exemple frappant d’une contravention où la loi incrimine un acte absolument indifférent et inoffensif en soi, en vue de prévenir un danger éventuel qui peut menacer la sécurité publique. Cette disposition est traditionnelle. Elle tire son origine d’anciens règlements pris à l’époque où l’autorité royale luttait contre le brigandage qui infestait les campagnes de France.
Cass.crim. 26 août 1880 (S. 1881 I 488) : Une échelle fait partie des instruments que l’art. 471 § 7 défend d’abandonner sur la voie publique.
CHOSE TROUVÉE
Cf. Cel frauduleux*, Soustraction frauduleuse*, Trésor*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-107, p.553
C'est une question classique de savoir si constitue un Vol* le fait de s'approprier une chose perdue, que l'on a simplement trouvée, ramassée, puis conservée.
Pour savoir si celui qui a acquis d'un tiers une chose trouvée commet un recel civil, il faut se tourner vers les art. 2279 et 2280 du Code civil.
- Règle morale. De ce point de vue, on considère généralement que celui qui trouve une chose perdue a le devoir de chercher à identifier son propriétaire. S'il n'y parvient pas, il fait preuve de charité en la remettant à une œuvre de bienfaisance ; mais il ne commet pas véritablement une faute en la conservant, à moins qu'elle ne soit de grande valeur.
Catéchisme de l'Église catholique. § 2409 : Toute manière de prendre et de détenir injustement le bien d'autrui, même si elle ne contredit pas les dispositions de la loi civile, est contraire au septième commandement (tu ne voleras pas". Ainsi retenir délibérément des objets perdus.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Quand on a trouvé, disent les conférences d'Angers, une chose qu'un autre a perdue, on doit faire diligence pour découvrir celui à qui elle appartient ... l'ayant connu, on doit la lui rendre.
Pontas (Dictionnaire des cas de conscience) : En conscience à quoi peut-on s'en tenir à l'égard des choses trouvées ? Il est certain, 1° qu'elles doivent être rendues à leur maître dès qu'on peut le découvrir ; 2° que l'inventeur doit le rechercher avec d'autant plus de soin que la chose trouvée est d'un plus grand prix. La charité l'exige. Mais cette recherche doit être faite aux frais du maître de la chose trouvée. Si après cette recherche faite avec diligence, le maître n'a pas été découvert, que faut-il faire ? La plupart des théologiens pensent que de droit naturel elle doit être donnée aux pauvres, ou employée à des œuvres pies.
- Science criminelle. A priori, le fait de conserver une chose manifestement perdue constitue un vol. Toutefois, lorsqu'un législateur envisage spécialement cette hypothèse c'est pour y voir un délit spécial, dérivé du vol par atténuation : le Cel frauduleux*; il estime alors que celui qui se borne à conserver une chose trouvée ne fait que céder à la tentation, et peut dès lors se voir reconnaître une excuse atténuante.
Code pénal espagnol. Art. 253 : Seront punis d'une peine d'amende ... ceux qui, par esprit de lucre, s'approprient une chose perdue ou de propriétaire inconnu, à condition que dans ces deux cas la valeur du bien dépasse 400 €. S'il s'agit d'une chose possédant une valeur artistique, historique, culturelle ou scientifique, la peine sera l'emprisonnement de six mois à deux années.
Code pénal du Brésil. Art. 169 : Appropriation de chose trouvée. Celui qui, ayant trouvé une chose appartenant à autrui et perdue, se l'approprie en tout ou en partie, en omettant, soit de la restituer à son propriétaire ou légitime possesseur, soit de la livrer à l'autorité compétente dans les quinze jours ... encourt une peine de prison de un mois à un an, ou une amende.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 400 : Est puni des peines prévues par le 1er alinéa de l'art. 399 celui qui s'approprie une chose perdue. [3 mois à un an, au lieu des 5 à 10 ans de droit commun édictés par l'art. 393]
Il est de bonne politique de prévoir que celui qui a remis la chose perdue aux autorités recevra une récompense.
Code annamite de Gia Long. Art. 136 : Quiconque aura trouvé des objets perdus devra, dans le délai de cinq jours, les remettre aux autorités ... Si ce sont des choses appartenant à des particuliers, il sera donné avis, afin qu'on puisse les reconnaître et les réclamer ; la moitié sera donnée à celui qui les aura trouvées, à titre de récompense ; l'autre moitié sera rendue à la personne qui les aura perdues.
- Droit positif. Le droit français ne contient pas de disposition sur ce point particulier, aussi convient-il d'appliquer les textes de droit commun relatifs au Vol*. Précisons que celui qui découvre un bien a la possibilité de le déposer au Service des objets perdus, qui le lui remettra passé un certain délai.
Vitu (Droit pénal spécial) : La chose égarée n'est pas abandonnée, son propriétaire espèce bien la recouvrer. L'appropriation d'une chose trouvée est donc un vol.
Cass.crim. 24 juin 1876 (S. 1877 43) : Il y a vol de la part de celui qui, voyant à terre un objet perdu, et étant trop éloigné pour le ramasser, demande à un tiers de le ramasser et s'approprie frauduleusement cet objet.
CHOURAVER - Terme argotique signifiant : commettre un Vol*.