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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  A
(Cinquième partie)

ACTION CIVILE

Cf. Action de groupe*, Abus de constitution de partie civile*, Action en justice*, Action populaire*, Action publique*, Administrateur ad hoc*, Associations*, Capacité pour agir*, Caution judicatum solvi*, Citation directe*, Constitution de partie civile*, Concert frauduleux*, Créancier*, Désistement*, Dommages-intérêts*, Electa una via*, Héritier*, Intérêt à agir*, Partage de responsabilité*, Partie civile*, Personne morale*, Préjudice*, Renonciation*, Réparations civiles*, Responsabilité*, Sanction*, Subrogation*, Syndicat professionnel*, Transaction*, Viol*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.),
 - sur le caractère accessoire de l'action civile par rapport à l'action publique, n° II-206, p.342
- sur la compétence de la juridiction répressive après extinction de l'action publique. n° II-203, p.339,
-  sur la compétence de la juridiction répressive après acquittement du prévenu, n° II-204, p.339
- sur les limites de la saisine du juge répressif quant à l'action civile. n° II-208, p.344
- sur la loi applicable à l'action civile,  n° II-202, p.338,

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine »  (4e éd.), n° I-103, p.62 -  notamment

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents »,  n° 5, p.8 / n° 14, p.28 / n° 302, p.120 / n° 405, p.241 / n° 429, p.277 / n° 511, p.336

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »,  n° I-6, p.56 - notamment

Signe Renvoi article Voir notre étude : La loi applicable à l’action civile.

Signe Renvoi rubrique Voir : H. Gréau, Histoire de la distinction entre l’action civile et l’action publique

Signe Renvoi rubrique Voir : R.Garaud, L’interdépendance des actions publique et civile

Signe Renvoi rubrique Voir : Faustin Hélie, Quelles personnes peuvent exercer l’action civile

Signe Renvoi rubrique Voir : Faustin Hélie, La transaction sur l'action publique et sue l'action civile

Signe Renvoi rubrique Voir : R. et P. Garraud, les effets de la chose jugée au pénal sur le procès civil

Principalement en droit positif français, quatre points sont à examiner : 1° La notion ; 2° La recevabilité ; 3° L’exercice ; 4° L’extinction.

1° Notion d'action civile -   L’action civile est une voie de procédure ouverte à celui qui se tient pour victime d’une infraction pénale. Elle lui permet de veiller à ce que son agresseur comparaisse devant les juges répressifs et de solliciter du tribunal réparation du dommage qu’il prétend avoir subi (art. 2 à 5 C.pr.pén.).
- Institutionnalisée lorsque les familles, les clans, les tribus ont renoncé à l’exercice du droit de vengeance, cette action assure la protection des droits fondamentaux de chaque citoyen et préserve la collectivité de l’arbitraire dans le déclenchement des poursuites. Au choix de l’intéressé, elle peut être exercée, soit en même temps que l’action publique devant les juridictions répressives, soit séparément devant les juridictions civiles.
- Elle revêt deux aspects : vindicatif en ce qu’elle cherche à faire constater la commission d’une infraction, réparateur en ce qu’elle tend à l’octroi d’une indemnisation. De la sorte, une victime peut se constituer partie civile quoiqu’elle ait déjà reçu d’autrui une réparation civile. Cependant, si elle peut conclure à la reconnaissance de culpabilité du prévenu, elle n’est pas autorisée à prendre parti sur la peine appropriée.

Signe Histoire Huc (Souvenirs d’un voyage dans la Chine) : Autrefois, tout opprimé, tout homme lésé dans ses droits, pouvait se présenter au Tribunal ; il n’avait qu’à frapper sur une grande cymbale ; placée tout exprès dans la cour intérieur, et aussitôt le mandarin était obligé de paraître et d’écouter le plaignant que ce fût de jour ou de nuit… De nos jours on voit bien encore la cymbale des opprimés ; mais on se garde bien d’aller frapper dessus, parce qu’on serait immédiatement fouetté ou mis à l’amende.

Signe Droit comparé Code annamite de Gia Long, art 305 (décret complémentaire) : Il faut que l’on soit directement concerné par le fait pour que l’on puisse porter une accusation.

Signe Droit comparé Commission de réforme du droit du Canada (document n° 54) : De l'avis de la Commission, les poursuites privées doivent continuer à être autorisées. Glanville Williams déclarait à cet égard : « Le pouvoir d'intenter une poursuite privée est assurément bien fondé et indispensable, car il permet au particulier de traduire devant la justice pénale même des policiers ou des représentants de l'État, lorsque le gouvernement lui-même refuse d'agir ».

Signe Doctrine Duguit (Traité de droit constitutionnel) : Si la victime l’infraction peut agir, ce n’est pas parce que sa volonté a reçu de la loi une certaine qualité, qui lui donne une force particulière, c’est parce que l’intérêt collectif exige une répression et que dans l’intérêt collectif cette répression peut être provoquée par celui contre lequel l’infraction est dirigée.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’action civile se définit comme l’activité procédurale exercée par la victime d’une infraction pour faire constater par le juge compétent la réalité du préjudice né de cette infraction, établir la responsabilité du délinquant dans la production du préjudice et obtenir l’indemnisation ou les restitutions nécessaires
L’indemnisation effective n’est pas une condition nécessaire de l’exercice de l’action civile : la partie civile peut se satisfaire d’être simplement présente au procès, d’avoir pu mettre en mouvement l’action publique, d’apporter ses preuves, de faire valoir son point de vue, éventuellement d’exercer les voies de recours.

Signe Jurisprudence TGI Paris 17 décembre 1986 (Gaz.Pal. 1987 I 239) : Le droit d’ester en justice pour obtenir réparation de son préjudice est un droit fondamental, voire un droit naturel accordé à toute personne.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 octobre 1970 (Gaz.Pal. 1971 I 43) : Après avoir reconnu, dans son al.1er, à toute personne qui prétend avoir été lésée par un délit, le droit de se constituer partie civile devant la juridiction de jugement, l’art. 418 C.pr.pén., dans son al.3, accorde à la partie civile ainsi constituée la faculté, distincte de ce droit et dont elle est libre de ne pas user, de demander réparation de son préjudice.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 16 décembre 1980 (Bull.crim. n° 348 p.893) : Ayant pour objet essentiel la mise en mouvement de l’action publique en vue d’établir la culpabilité de l’auteur présumé d’une infraction ayant causé un préjudice au plaignant, le droit de se porter partie civile constitue une prérogative attachée à la personne et peut tendre seulement à la défense de son honneur et de sa considération, indépendamment de toute réparation du dommage.

Signe Histoire De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : La partie civile n’a pas la liberté de conclure à la peine que mérite le crime ; elle peut seulement conclure au paiement du dommage qu’elle a souffert par le crime de l’accusé.

2° Recevabilité de l'action civile  -  L’action civile exercée par une personne physique (voir par ailleurs : Personnes morales*) doit être prise en considération par les juges si cette dernière justifie d’un intérêt à agir. Et un plaignant a Intérêt à agir* lorsqu’il allègue, d’une manière vraisemblable, avoir subi un préjudice qui lui aurait été causé par les faits matériels de l’espèce, dans la mesure où ils correspondent à la qualification pénale proposée. Voir : Irrecevabilité*, Turpitude*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. (Ass.plén.) 9 mai 2008, pourvois n° 05-87.379 et 06-85.751 (Bull.crim. mai n° 1, p.1 ) : Sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction.
Dès lors, lorsque l’action publique n’a été mise en mouvement ni par la victime, ni par le ministère public, seule la voie civile est ouverte aux ayants droit de ladite victime pour exercer le droit à réparation reçu en leur qualité d’héritiers.
Par ailleurs, lorsque le ministère public a mis en mouvement l’action publique et que la victime n’avait pas renoncé à l’action civile, le droit à réparation des préjudices subis par celle-ci est transmis à ses héritiers qui sont recevables à l’exercer devant la juridiction saisie des seuls intérêts civils, peu important que leur auteur n’ait pas introduit d’action à cette fin avant son décès.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 juin 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 182) : Pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 23 septembre 2010, n° 09-84.108 (Bull.crim. n°141 p.601) : Aux termes de l’art. 3 C.pr.pén., l’action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite.
Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer recevable la constitution de partie civile faite au nom d’un enfant, né de relations incestueuses imposées par un père à sa fille, et bien fondée la demande de réparation du préjudice moral de l’enfant, retient notamment que l’enfant est privé du droit de faire établir sa filiation en vertu de l’article 310-2 du Code civil et que les circonstances de sa conception justifient la réparation de traumatismes psychiques
.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 février 1989 (Gaz.Pal. 1989 I 392 note Doucet) : Il résulte des dispositions des art. 2 et 3 C.pr.pén. que les proches de la victime d’une infraction de blessures involontaires sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant directement des faits objet de la poursuite.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 avril 2012 n° 11-81124 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) : Il ressort des art. 1, 2 et 85 C.pr.pén. que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; lorsqu'une information judiciaire a été ouverte à la suite d'une atteinte volontaire à la vie d'une personne, les parties civiles constituées de ce chef sont recevables à mettre en mouvement l'action publique pour l'ensemble des faits dont il est possible d'admettre qu'ils se rattachent à ce crime par un lien d'indivisibilité.
En conséquence, la chambre de l'instruction qui déclare irrecevables les constitutions de partie civile des chefs de corruption, abus de biens sociaux et recel, par le seul examen abstrait des plaintes, sans rechercher, par une information préalable, si les faits visés dans ces dernières n'entrent pas dans les prévisions des art. 433-1 et 432-11 C.pén., et alors qu'il se déduit des plaintes des parties civiles que les faits dénoncés sous les qualifications d'abus de biens sociaux, corruption d'agent public français, recel aggravé sont susceptibles de se rattacher par un lien d'indivisibilité aux faits d'assassinats, méconnaît les textes et le principe ci-dessus énoncés
.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 mai 2007 (Bull.crim. n° 116 p.541) : La Chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu, ne peut relever d'office l'irrecevabilité de la constitution de partie civile sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 avril 2012 n° 11-81124 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) : L’action civile n’appartient, sauf disposition légale contraire, qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage découlant directement des faits objets de la poursuite.

L'action civile est irrecevable lorsque les faits dénoncés ne concernent que l'intérêt général. Dans ce cas, au domaine imprécis, les poursuites ne peuvent être engagées que par le ministère public.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 1er octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.45) : Les infractions prévues aux art. 413-10 et 413-11 C.pén. ont pour objet exclusif la protection de l’intérêt général qui s’attache au secret de Défense nationale, qu’assure seul le ministère public.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 juillet 1913, après délibération en la Chambre du conseil (D.1915 150) : Si, aux termes des art. 1, 3 et 63 C.instr.crim., l’action civile est ouverte au profit de toute personne qui se prétend lésée par un crime, un délit ou une contravention, cette action n’est recevable et ne peut mettre en mouvement l’action publique qu’autant que la partie a été personnellement et directement lésée par l’infraction elle-même.
Mais le délit d’outrages aux bonnes mœurs ne lèse que la généralité des citoyens, en s’attaquant exclusivement à la morale publique, et, par suite, il n’entraîne pas, en principe, un préjudice direct porté à tel ou tel individu.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 janvier 1953 (D.1953 109 rapport Patin) : Hors les exceptions prévues par la loi, la victime d’une infraction à la loi pénale, en portant son action devant les juridictions répressives, met, par là même, l’action publique en mouvement, et il suffit, pour qu’elle puisse user de ce droit, opposable aux fonctionnaires et agents du Gouvernement, même pour des infractions commises dans leur service, aussi bien qu’aux particuliers, qu’ayant la capacité d’ester en justice, elle justifie d’un dommage actuel et personnel, prenant directement sa source dans le délit poursuivi.

Il est en revanche heureux que le Code des communes autorise tout contribuable inscrit au rôle d'une commune à exercer une action, même pénale, que cette commune omet de déclencher ; il doit pour cela obtenir l'autorisation du tribunal administratif.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 mai 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 383) : L'art. L. 316-15 (ancien) C. commun., en conférant à tout contribuable inscrit au rôle d'une commune le droit d'exercer, avec l'autorisation du tribunal administratif, « les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci... a refusé ou négligé d'exercer », ne distingue pas entre les diverses actions dont peut bénéficier la commune et n'exclut pas de ses prévisions l'action civile en réparation d'une infraction.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale allemand § 374 : Par la voie de la plainte privée peuvent être poursuivies par la victime, sans qu’il soit besoin de joindre préalablement le ministère public :
1. une violation de domicile (§ 123 du code pénal),
2. une injure (§§ 185 à 189 du code pénal), si elle n’est pas dirigée contre un corps politique…
3. une atteinte au secret des correspondances (§ 202 du code pénal),
4. une atteinte corporelle (§ 223 et 229 du code pénal),
5. une menace (§ 241 du code pénal)…

- Le Préjudice* invoqué doit être certain, actuel, direct et personnel. Ainsi, est irrecevable à exercer une action contre les fabricants de tabac, en raison de la nocivité de ce produit, une personne qui ne justifie pas être fumeur et n’établit même pas les prémices d’une intoxication. Si le préjudice éventuel ne peut être pris en considération, la perte d’une chance peut en revanche être considérée comme un préjudice : il en fut ainsi pour une jeune femme qui perdit son fiancé dans un accident, alors qu’il venait de terminer ses études dans des conditions lui ouvrant une carrière prometteuse.

Signe Renvoi livres Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-211, 212 et 213

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 octobre 1975 (Bull.crim. n°212 p.567) : L’élément de préjudice constitué par la perte d’une chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet du délit, d’un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 102) : Fait perdre à son client une chance sérieuse d’être indemnisé l’entrepreneur de maçonnerie qui omet de souscrire l’assurance de dommages qu’il est tenu de contracter, en application des art. L. 111-28 à L.111-30 Code de la construction et de l’habitation.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 mai 2012, n° 11-85507 (Gaz.Pal. 19 juillet 2012 p.21) : Constitue un préjudice indirect, au sens de l'art. 2 C.pr.pén., l'atteinte portée à l'image de marque d'un franchiseur à la suite d'une infraction d'homicide involontaire imputable à un franchisé, du fait d'un manquement de ce dernier aux règles d'hygiène et de sécurité.

Quant au préjudice personnel, il peut être invoqué aussi bien par la victime matérielle que par ses proches atteints dans leurs sentiments ; la jurisprudence a par exemple admis le recevabilité de l’action exercée par un enfant né du viol de sa mère.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 23 septembre 2010 (Bull.crim. n° 139 p.591) : Aux termes des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, les proches de la victime d’une infraction sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle des faits objet de la poursuite.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour écarter la demande tendant à la réparation du préjudice moral de l’enfant né d’un viol, partie civile, retient que celui-ci ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait des circonstances dans lesquelles il a été conçu, la conception ne pouvant être dissociée de la naissance, alors que le préjudice invoqué résulte directement des faits criminels poursuivis
.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 23 septembre 2010, n° 09-84108 (Bull.crim. n° 141 p.601) : Aux termes de l’art. 3 C.pr.pén., l’action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite.
Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer recevable la constitution de partie civile faite au nom d’un enfant, né de relations incestueuses imposées par un père à sa fille, et bien fondée la demande de réparation du préjudice moral de l’enfant, retient notamment que l’enfant est privé du droit de faire établir sa filiation en vertu de l’art. 310-2 du Code civil et que les circonstances de sa conception justifient la réparation de traumatismes psychiques
.

Le lien de causalité permettant de relier ce préjudice aux faits ci-après doit être direct. Il n’en n’est pas ainsi dans le cas de l’Assureur* de la victime d’une infraction, qui est tenu à réparation directement en vertu du contrat d’assurance, indirectement en raison de l’accident qui a rendu effective l’obligation de réparation.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 novembre 2007 (Bull.crim. n° 277 p. 1142) : L'utilisation frauduleuse d'un code d'accès bancaire ayant permis à l'auteur d'une escroquerie d'obtenir de la banque la remise de sommes indûment prélevées sur le compte d'un tiers porte directement préjudice à l'établissement bancaire, dépossédé des fonds qu'il détient et qu'il est tenu de représenter à son client.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 novembre 2007 (Bull.crim. n° 278 p. 1144) : L'utilisation frauduleuse de la carte bancaire d'un tiers porte préjudice non seulement à ce dernier mais encore à l'établissement bancaire, détenteur et possesseur des sommes détournées.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 11 décembre 1969 (Bull.crim. n° 339 p.810) : Une escroquerie  au préjudice d’une commune ne cause de préjudice direct qu’à la commune. Les citoyens et contribuables de cette commune n’éprouvent qu’un préjudice indirect.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 8 mars 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 348) : A la suite de l’accident d’avion survenu le 20 janvier 1992 près du Mont Sainte-Odile, au cours duquel de nombreuses personnes ont trouvé la mort ou ont été blessées, une information a été ouverte contre le pilote et le copilote pour homicides et blessures involontaires. Le Groupe Airbus Industrie, constructeur de l’avion, s’est constitué partie civile devant le juge d’instruction par voie incidente Pour déclarer, à bon droit, cette intervention irrecevable, l’arrêt attaqué énonce que les faits poursuivis ne sont pas de nature à lui causer un préjudice direct.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 27 juin 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 462) : Le délit d’abus des biens et du crédit d’une société ne cause de préjudice direct qu’à la société elle-même et à ses actionnaires. Les créanciers de la société ou les tiers ne peuvent dès lors invoquer devant le juge pénal un préjudice qui, à le supposer établi, ne serait qu’indirect.

Les faits matériels dénoncés ne justifient la saisine de la juridiction répressive que s’ils constituent une infraction pénale, et entrent donc dans la définition d’une incrimination légale. On admet toutefois qu’un plaignant invoque des faits connexes à l’infraction principale.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 février 1994 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 305) : Le demandeur a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de forfaiture contre les membres du Conseil constitutionnel en leur reprochant d’avoir, dans une décision du 6 mars 1990, jugé que « les fonctions de président-directeur général de la société Bernard Tapie Finance, exercées par Bernard Tapie, n’étaient pas incompatibles avec son mandat de député » et d’avoir ainsi, par faveur pour l’intéressé, volontairement porté atteinte à certaines dispositions du Code électoral. Par ordonnance du 4 septembre 1990, le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à informer sur cette plainte et a déclaré la constitution de partie civile irrecevable. Pour confirmer à bon droit cette ordonnance, la chambre d’accusation énonce que « les accusations formulées dans la plainte ne peuvent s’analyser qu’en la critique d’une décision de justice et qu’il est de principe qu’un acte juridictionnel ne peut constituer, par lui-même, quelque infraction que ce soit ».

Signe Jurisprudence Cass.crim. 23 mai 1973 (Gaz.Pal. 1973 II 521) : Déclare à bon droit recevable, dans des poursuites pour coups et blessures causés aux passagers d’une voiture, la constitution de partie civile du propriétaire de cette voiture pour obtenir la réparation du dommage occasionné à celle-ci.

La qualification pénale des faits reprochés conditionne elle aussi la recevabilité de l’action civile, quoique le droit positif ne semble pas s’être encore définitivement fixé sur ce point. L’idée générale est de dresser une digue contre le déferlement de l’Action populaire*, dangereuse pour la collectivité puisque livrée aux vues, lubies et phobies de quelques individus. On y parvient, sur le plan technique, en exigeant une certaine coïncidence entre l’intérêt protégé par la loi pénale et l’intérêt invoqué par le plaignant. Un texte pris dans l’intérêt général, comme l’incrimination d’association de malfaiteurs, concerne l’ensemble de la collectivité et non chacun d’entre nous pris individuellement ; c’est donc au ministère public qu’il appartient, en principe, d’apprécier le moment et les conditions dans lesquelles des poursuites doivent être intentées ; l’intervention brouillonne d’un simple citoyen risque de ruiner le travail préparatoire de la police judiciaire. La question se pose d’ailleurs plus pour l’action des Personnes morales* (Association*, Ordre professionnel*, Société* ou Syndicat*), que pour celle des personnes physiques. Un simple particulier est déclaré recevable à relever la violation d’un texte d’intérêt général, lorsqu’il parvient à établir qu’il en est présentement la première victime.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 décembre 1973 (Gaz.Pal. 1974 I 129) : S’il est exact qu’il suffit aux parties civiles, au stade de l’information, de démontrer seulement que le préjudice allégué et son lien direct avec l’infraction soient possibles, une telle démonstration ne peut être faite dans le cas d’un prétendu crime de faux en écritures publiques en raison de la nature de ce crime. [a contrario un simple particulier serait déclaré recevable s’il se plaignait d’un faux commis dans un registre d’état civil, au paragraphe le concernant]

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 août 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 698) : Pour déclarer à bon droit recevable la constitution de partie civile des demandeurs, dans les poursuites pour défaut de permis de construire, les juges ont pu retenir que la vue sur la mer dont ils jouissaient depuis leur résidence étant en grande partie masquée par la nouvelle construction. [l’urbanisme concerne pourtant, en principe, l’intérêt général]

3° Exercice de l'action civile -   Dans une société démocratique toute personne peut exercer l’action civile sans distinction de sexe, de race, de religion ou de statut social, à moins qu’elle n’encourt le reproche d’indignité (Nemo auditur propriam turpitudinem allegans*) et sous réserve qu’elle agisse à bon escient (voir : Abus de constitution de partie civile*).
- Celui qui se tient pour victime peut agir, à son gré, soit devant le tribunal répressif, soit devant le tribunal civil. Mais, une fois son choix fait il doit s’y tenir ; voir : Electa una via*. S’il a opté pour la voie civile, le tribunal civil risque d’être amené à prononcer un sursis à statuer par application de la règle Le criminel tient le civil en état*.
- L’action est exercée, à la demande de quelqu’un, ayant Capacité pour agir*, possédant un Intérêt à agir*, et devant plaider en son nom personnel (Nul ne plaide par procureur*).
- Elle se concrétise, soit par voie d’Intervention*, soit par voie d’action : Citation directe* ou Plainte avec constitution de partie civile*.

Signe Renvoi rubrique Voir : G. Levasseur, La mise en œuvre de l’action civile : le choix ouvert à la victime

Signe Histoire Allard (Les persécutions de Dioclétien) : L’édit de persécution de Dioclétien (23 février 303) disposait que les chrétiens tombaient dans la condition des personnes infâmes, et qu’en conséquence ils n’auraient plus le droit d’intenter aucune action devant un tribunal, même pour injure, adultère ou vol.

Signe Histoire Digeste, 48, 4, 7 pr. Modestin : Les infâmes qui n'ont pas le droit d'accuser sont admis sans aucun doute à porter accusation pour crime de lèse-majesté.

Signe Droit comparé Cour sup. just. Luxembourg 10 décembre 1958 (Pas.Lux. 1957-1959) : Les juridictions répressives ne peuvent statuer sur les actions civiles qu’accessoirement à l’action publique et pour autant seulement que le dommage a été causé par l’infraction dont le prévenu a été déclaré convaincu et du chef de laquelle il a été condamné à une peine.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 juillet 1996 (Bull.crim. n° 287 p. 884) : L’action civile, en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui en ont personnellement et directement souffert.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 10 mai 2012, n° 12-81197 (Gaz.Pal. 28 juin 2012 p.22) : Pour dire à bon droit que l'information a été régulièrement mise en mouvement par la seule plainte avec constitution de partie civile déposée par les ayants droit des militaires tués en Afghanistan et visant des délits de mise en danger d'autrui et de non-empêchement de crimes, l'arrêt attaqué retient que l'application de l'art. 113-8 C.pén. reviendrait à vider de sa substance le second alinéa de l'art. 698-2 C.pr.pén. prévoyant que l'action publique peut être mise en mouvement par la partie lésée, et le refus du ministère public d'engager les poursuites priverait les plaignants du droit de faire décider d'une contestation sur leurs droits à caractère civil.

La circonstance que l’action civile ne puisse être exercée, en raison de l'extinction de l'action publique, notamment du décès de l'auteur des faits en cause, ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Signe Jurisprudence Cons d'Etat 19 juillet 2011 (Gaz.Pal. 13 octobre 2011, note Giacopelli et Perrier) : Lorsque l'extinction de l'action publique consécutive au décès de la personne mise en cause fait obstacle à la tenue d'un procès pénal, la victime, qui n'est de ce fait privée d'aucun droit propre, ne peut soutenir que l'impossibilité qu'un tel procès puisse se tenir lui causerait un préjudice personnel de nature à ouvrir droit à indemnité.

4° L'extinction de l'action civile  -  L’action civile s’éteint normalement par la décision accordant, à celui qui a été reconnu victime de l’infraction sanctionnée, des Réparations civiles* . Elle s’éteint aussi par Désistement*, par Prescription*, par Renonciation* ou par Transaction* ; mais pas du seul fait d'une Composition pénale*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 16 décembre 1954 (D.S. 1955 145) : Aux termes des art. 2 et 3 C.instr.crim., l’action civile fondée sur le dommage résultant d’une infraction pénale ne peut être portée devant les tribunaux de répression qu’accessoirement à l’action publique et conjointement avec elle ; il suit de là que lorsque, par suite de l’abrogation de la loi pénale, survenant même après la saisine du juge répressif, mais avant toute décision sur le fond, le fait envisagé ne saurait plus constituer un délit ou une contravention, la juridiction correctionnelle est incompétente pour statuer sur l’action civile.

ACTION DE GROUPE

Cf. Action civile*, Commerce [rapprocher de Police du commerce]*.

Une loi du 17 mars 2014 a fait prudemment entrer en droit français l'action de groupe, inspirée de la « class action » née il y a un siècle aux États-Unis.
Le nouvel article L.423-1 du Code de la consommation dispose :
« Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L.411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
1°/ À l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
2°/ Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles...
L'action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs ».

Signe Doctrine Stéphane Piedelièvre (La loi du 17 mars 2014 et l'action de groupe - Gaz.Pal. 29 mars 2014) : Mesure phare de la réforme du droit de la consommation par la loi du 17 mars 2014, l'action de groupe fait l'objet d'une naissance très médiatisée, mais en réalité assez timide dans notre système juridique.

Signe Exemple concret Commentaire officieux : Les recours collectifs sont désormais possibles en France.
Jusqu’à aujourd’hui, lorsque plusieurs consommateurs étaient victimes d’un même manquement commis par un professionnel, ils pouvaient entamer des procédures individuelles, mais pas attaquer ensemble l’entreprise fautive. Le coût et la lourdeur d’un procès freinaient généralement les velléités de se défendre des citoyens. L’action de groupe va permettre de rééquilibrer le rapport de force entre consommateurs et professionnels. Le détail de ces nouvelles actions, en pratique.

Vers qui m'adresser si je souhaite qu'une action de groupe soit engagée ?
Si vous êtes victime d'un manquement de la part d’un professionnel - et que vous pensez que d’autres consommateurs peuvent être dans la même situation - vous devez vous adresser à une association de consommateurs agréée: UFC-Que Choisir, UNAF, CLCV, CNL... Quinze associations sont autorisées à entamer des actions de groupe. Il est impossible de lancer une action de groupe sans passer par l’une d’entre elles. Liste des associations agréées : CNAFAL, CNAFC, CSF, Familles de France, Familles rurales, UNAF, Adeic, AFOC, Indecosa-CGT, ALLDC, UFC-Que choisir, CLCV, CGL, CNL, Fnaut. 

Combien faut-il être pour entamer une action de groupe ?
Une action de groupe peut être lancée à partir du moment où au moins deux consommateurs estiment avoir subi un préjudice résultant du même manquement d'un professionnel . Il n’est pas nécessaire que vous trouviez un autre consommateur dans la même situation que vous pour vous adresser à une association de consommateurs. C’est cette dernière qui se charge de voir si plusieurs consommateurs sont concernés. 

Après avoir prévenu l’association de consommateurs, que se passe-t-il ?
L’association examine la réclamation et détermine si, à son sens, il existe effectivement un préjudice dont serait victime un groupe de consommateurs. Si c’est le cas, elle saisit le tribunal de grande instance compétent, par le biais de son avocat.
Le tribunal vérifie si le professionnel a effectivement commis les manquements reprochés et s’ils ont été la cause de préjudices au détriment de plusieurs consommateurs.
Si c'est le cas, le juge détermine quel est le groupe de consommateurs à indemniser (par exemple : tous les clients d’une société qui lui ont acheté tel produit entre telle et telle date) et fixe la somme que l'entreprise devra verser à chaque consommateur ou précise tous les éléments permettant l'évaluation de cette somme. Le juge indique aussi dans quel délai l’indemnisation des consommateurs doit intervenir.
Le juge fixe en outre les mesures de publicité destinées aux consommateurs potentiellement concernés (voie de presse, courriel, affichage…), afin qu'ils se déclarent auprès du professionnel ou de l’association pour être indemnisés. Les consommateurs disposent d'un délai fixé par le juge, entre 2 et 6 mois, pour se manifester. Ces mesures de publicité ne peuvent être mises en œuvre qu'une fois que le premier jugement rendu ne peut être remis en cause par l'exercice des voies de recours.
L'association se charge ensuite d'obtenir l'indemnisation des consommateurs concernés. En cas de contestations ou en l’absence d’indemnisation de certains consommateurs, le juge est à nouveau saisi, par le professionnel ou l’association.

Combien cela va-t-il me coûter ? Dans la très grande majorité des cas, rien du tout. Le fait de signaler des manquements commis par un professionnel à une association de consommateurs est gratuit...

Suite de la lettre A