DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre S
(Onzième et dernière partie)
SUSPECT
Cf. Agissements suspects*, Garde à vue*, Soupçon*, Terreur*.
Cf. Accusé*, Coupable*, Défendeur*, Délinquant*, Inculpé*, Innocent*, Justiciable*, Malfaiteur*, Prévenu*, X (poursuites contre)*.
Voir : Décret du 17 septembre 1793 relatif à l’arrestation des gens suspects
Voir : L'affaire "Jack l'éventreur"
Voir : La première utilisation du portrait robot par Scotland-Yard
- Notion. Une personne peut être considérée comme suspecte lorsqu’il existe à son encontre des indices matériels donnant à penser qu’elle a commis ou pu tenter de commettre une infraction.
Code brahmanique des Gentoux : Un homme qui n’a point de revenus, et qui fait beaucoup de dépenses, sera soupçonné de vol.
Henri Martin « Histoire de France » : Le 1er août 1793, il fut décrété que les autorités auraient le droit d’arrêter comme suspects les étrangers appartenant aux nations avec lesquelles nous étions en guerre.
Un suspect innocent. Hillairet (Dictionnaire des rues de Paris) : On conte qu’Eugène Scribe, ayant été reçu un soir par une actrice des Variétés, dut se réfugier tout habillé dans la baignoire pleine d’eau, l’amant en titre ayant fait un retour intempestif. Il put s’échapper au cours de la nuit. Mais il fut arrêté par une patrouille qui prit pour un malfaiteur cet individu ruisselant d’eau surpris en cours d’escalade.
Certains se réfèrent à une notion proche, celle de personnes mises en cause.
Garnot (Histoire de la justice) : Les personnes mises en cause sont les personnes entendues, à propos desquelles ont été réunis des indices suffisants pour laisser présumer qu'elles sont auteurs ou complice d'une ou de plusieurs infractions. En 2007, on en compte 1.128.871.
- Science criminelle. Un simple suspect doit assurément être au départ présumé innocent, et il doit donc être traité avec tout le respect dû à sa dignité de personne humaine. Mais, dans l’intérêt de la société, il n’en peut pas moins avoir à subir des mesures de contrôle.
Établissements de Saint-Louis : Si quelqu'un de mauvais renom est soupçonné de quelque crime, la justice doit le faire prendre, et l'interroger sur sa vie, ses actions, sa demeure.
Code de procédure pénale allemand, § 163 b : Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction, le ministère public et les fonctionnaires des services de police peuvent prendre les mesures nécessaires à la vérification de son identité. Le suspect peut être appréhendé, lorsqu’il est impossible ou très difficile de contrôler son identité autrement.
- Droit positif français. Un suspect peut faire l’objet de mesures restrictives de
liberté : il est ainsi possible de vérifier son identité ou de le placer en garde à vue (art. 63 et 77 C.pr.pén.).
La loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 vise le cas des
personnes soupçonnées mais ne faisant pas l'objet d'une garde à
vue.
Cass.crim. 5 janvier 1973 (Bull.crim. n° 7 p.15) : Dés lors que la carte d’identité détenue par l’intéressé était suspecte, et que sa possession laissait présumer que des infractions pouvaient avoir été commises, les services de police, en gardant l’intéressé à leur disposition n’ont pas excédé leurs pouvoirs.
Cass.crim. 27 septembre 2011 (n° 11-81458, Gaz.Pal. 20 décembre 2011 note Bachelet) sommaire : L'audition d'un suspect hospitalisé dans un service de réanimation sans que les policiers aient agi avec l'autorisation préalable d'un mécecin méconnaît l'art. 3 de la Conv. EDH..
Paris (Ch. accus.) 27 juin 1984 (Gaz.Pal. 1984 II 514) : Est régulière l’écoute de la conversation d’un suspect et de deux avocats qui jouaient à l’égard du premier un rôle d’informateur et non de conseil et dont le comportement était dicté par des liens personnels, comme l’atteste une certaine familiarité de langage, un témoin ayant d’ailleurs déclaré à la police que ce suspect lui avait dit «qu’il avait des tuyaux sur le dossier par un de ses copains avocat».
Dans les périodes troublées, les suspects sont souvent soumis à un régime d'exception, voire assimilés à des criminels.
Décret du 17 septembre 1793 relatif aux gens suspects :
Art. 1er. Immédiatement après la publication du présent décret, tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République, et qui
sont encore en liberté, seront mis en état d'arrestation.
Art. 2. Sont réputés gens suspects : 1° ceux qui, soit par leur conduite, soit par leur relations, soit par leur propos ou leurs écrits, se sont
montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme, et ennemis de la liberté ; 2° ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le
décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d’exister et de l'acquit de leurs devoirs civiques ; 3° ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme
; 4° les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou ses commissaires, et non réintégrés, notamment
ceux qui ont été ou doivent être destitués en vertu du décret du 14 août dernier ; 5° ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères,
mères, fils ou filles, frère sou sœurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la révolution ; 6° ceux qui ont
émigré dans l'intervalle du 1er juillet 1789 à la publication du décret du 30 mars - 8 avril 1792, quoiqu'ils soient rentrés en France dans le délai fixé
par ce décret, ou précédemment.
Exemple (Ouest-France 8 juin 2007) : La police kényane a tué, hier, 12 membres présumés d'une secte, accusée d'une série de meurtres, dont des décapitations. Cela porte à 34 le nombre des suspects tués depuis le déclenchement d'une répression de ce mouvement.
SUSPENSIF (EFFET)
Cf. Appel*, Cassation*, Dévolutif (effet)*, Voies de recours*.
L’« effet suspensif » a pour effet d’empêcher de mettre temporairement un jugement à exécution. Il se rencontre notamment en matière de voies de recours, à deux niveaux : d’abord c’est l’écoulement du délai donné pour exercer la voie de recours qui fait obstacle à l’exécution, ensuite c’est l’exercice même de la voie de recours qui s’oppose à ce que le jugement contesté soit mis en œuvre.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’appel a un effet suspensif en ce sens que l’exécution du jugement est rendu impossible, non seulement une fois l’appel interjeté, mais aussi pendant toute la durée du délai d’appel.
Code de procédure pénale allemand. § 454 : Le pourvoi du ministère public contre la décision qui ordonne le sursis pour le reste de la peine a un effet suspensif.
Cass.crim. 20 octobre 1992 (Bull.crim. n°328 p.905) : La peine d’emprisonnement prononcée contre un prévenu n’est exécutoire, en raison de l’effet suspensif du pourvoi en cassation, qu’à compter du rejet de ce pourvoi.
SUSPENSION DE L’EXÉCUTION DE LA PEINE
Cf. Peine*, Relèvement de peine*.
L’exécution d’une peine peut être suspendue, en matière correctionnelle pour des motifs d’ordre médical, familial, professionnel ou social (art. 720-1 C.pr.pén. français), et de manière générale à l’égard d’un condamné qui est atteint d’une pathologie incompatible avec la détention (art. 720-1-1 C.pr.pén.).
Bouloc (Droit pénal général) : Une suspension de la peine d’emprisonnement … peut être décidée après le jugement lorsqu’il reste à subir par le condamné une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an.
Cass.crim. 15 juillet 1981 (Bull.crim. n° 231 p.615) :Il s’agit là d’une simple faculté de l’exercice de laquelle les juges ne doivent aucun compte.
Cass.crim. 12 février 2003 (Gaz.Pal. 2003 J 1058) : L’art. 720-1-1 al.1 CPP, qui prévoit la possibilité de suspendre une peine privative de liberté, quelle qu’en soit la nature ou la durée, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, à l’égard des condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, ne fixe aucune condition tenant à la nature des infractions sanctionnées ou à l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public.
Cass.crim. 24 octobre 2007 (Bull.crim. n° 257 p.1060) : Il appartient aux juridictions de l'application des peines d'apprécier souverainement, au vu des éléments soumis à leur examen, si le requérant peut bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale.
Cass.crim. 15 mars 2006 (Bull.crim. n°80 p.297) : L'art. 720-1-1 C.pr.pén. ne fixe aucune condition tenant à l'existence d'un risque pour la sécurité et l'ordre public.
SUSPENSION DE L’EXERCICE DE CERTAINS DROITS
Cf. Interdiction de droits*, Peine*, Sanction (disciplinaire)*.
La suspension est une Sanction disciplinaire* qui peut être prononcée contre celui qui a enfreint les règles d’un code de Déontologie* ; elle emporte interdiction de l’exercice de la profession ou des fonctions pendant la durée précisée par la décision prononçant la sanction. Une suspension peut également être prononcée, à titre conservatoire, envers une personne qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire.
Beignier, Blanchard et Villacèque (Droit et déontologie de la profession d’avocat) : Le Conseil de l’Ordre peut… suspendre provisoirement de ses fonctions l’avocat qui fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire.
Code pénal d’Andorre. Article 37- : En sus de ces peines peuvent être infligées les peines accessoires suivantes … La suspension ou l’annulation du permis de conduire … La suspension ou l’annulation des permis concernant les armes.
Cons. d’État 10 novembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J somm. 2122) : Un brigadier-chef en poste à Nouméa a, malgré divers rappels antérieurs de l’autorité hiérarchique d’avoir à respecter l’obligation de réserve, organisé dans son appartement en février 1994 le congrès constitutif d’un mouvement politique, puis… Ces faits constituent des manquements suffisamment graves justifiant, en attendant qu’il soit statué sur les poursuites disciplinaires, le prononcé d’une mesure de suspension.
Exemple (Télétexte du 16 juin 2004) : Pour avoir célébré un mariage homosexuel un maire, a été suspendu de ses fonctions pour une durée d’un mois.
Exemple (Ouest-France 5 août 2005) : L’ex-organisateur du Vendée Globe, condamné pour fraude fiscale, est suspendu pour deux ans du droit de porter ses décorations de la Légion d’honneur et de l’ordre du Mérite, par deux décrets parus hier au Journal officiel.
SUSPENSION DES DÉBATS
Cf. Débats*.
La suspension des débats, devant la cour d’assises (art. 307 al.2 C.pr.pén. français), est ordonnée par le président agissant en vertu de son pouvoir de direction des débats. Elle tend ordinairement à assurer le repos des participants au procès, ou permet de diligenter une mesure d’instruction complémentaire.
Angevin (La pratique de la cour d’assises) : C’est le président, dans l’exercice de son pouvoir de direction des débats, qui est compétent pour ordonner leur suspension. En l’absence d’incident contentieux, la cour n’a pas à intervenir… Le président apprécie souverainement le moment auquel il est opportun de suspendre les débats.
Code de procédure pénale allemand. § 228 : Le tribunal décide de la suspension des débats ou de leur interruption en vertu du § 229, alinéa 2. C’est le président qui ordonne les brèves interruptions.
Cass.crim. 4 octobre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 27) : L’art. 307 al. 2 C.pr.pén., qui prévoit la suspension des débats pour le repos des juges et de l’accusé, ne donne pas une liste limitative des causes de suspension. En l’absence de réclamation des parties, le président n’a fait qu’user du pouvoir de direction des débats, qu’il tient de l’art. 309 du même Code, en ordonnant une suspension d’audience, sans qu’il soit nécessaire que le procès-verbal des débats en énonce la cause.
SUSPICION LÉGITIME
Cf. Impartialité*, Récusation*.
Il y a motif de suspicion légitime lorsqu’existent des éléments objectifs de nature à faire naître un doute sur l’indépendance d’un juge. En droit français, il est alors
possible à toute partie de demander que l’affaire soit déplacée d’un magistrat à un autre, voire d’un tribunal à un autre (art. 662 et s.
C.pr.pén.).
À côté du renvoi pour suspicion légitime, existe un renvoi dans un but de sûreté publique qui peut être demandé par le procureur général près la
Cour de cassation (art. 665 C.pr.pén.).
Pradel (Procédure pénale) : En vue d’assurer l’indépendance des juges, la loi a prévu deux hypothèses de renvoi : la suspicion légitime et la sûreté publique… La suspicion légitime, qui peut être invoquée par le ministère public ou les autres parties, existe quand des circonstances, telles que des passions locales, perturbent les relations entre juges et justiciables, et font suspecter l’impartialité des premiers… La sûreté publique, qui ne peut être invoquée que par le procureur général près la Cour de cassation, est dominé par la notion de sauvegarde de l’ordre public : le renvoi est alors possible si par exemple le procès peut entraîner des scènes de désordre.
Code de procédure pénale d’Algérie. Art. 548 : En matière criminelle, délictuelle ou contraventionnelle, la Cour suprême peut … pour cause de suspicion légitime, dessaisir toute juridiction et renvoyer la cause devant une autre juridiction du même ordre.
Cass.crim. 21 août 1990 (Gaz.Pal. 1991 I Chr.crim. 104) : Il existe des motifs suffisants de suspicion légitime pour attribuer à un autre juge d'instruction la connaissance de l'information suivie contre D..., dès lors que l'actuel magistrat instructeur a déclaré publiquement à un inspecteur de police «Ah, je suis avec l'affaire D..., je ne peux pas le voir, celui-là. Ah, c'est plus fort que moi, je ne peux pas le voir, vous devriez lui acheter un putching ball ou le mettre au tranxène 5».
SYCOPHANTE
Cf. Chantage*, Délation*, Démocratie*, Dénonciation intéressée*, Indicateur*, Mouton*.
Dans la Grèce antique, où était pratiquée une procédure accusatoire avec action populaire, le sycophante était un délateur professionnel. C’était notamment lui qui portait accusation contre les citoyens que l’on voulait écarter du milieu politique (accusation le plus souvent mensongère). La simple menace de poursuites suffisait à certains pour se livrer au chantage.
Voir : Lysias, Sur l'Olivier sacré
Diodore de Sicile : Charondas imposa au sycophante condamné de parcourir la ville couronné d’une branche de tamaris, afin que tous les citoyens puissent voir qu’il venait de remporter le premier prix de la scélératesse.
Flacelière (La vie quotidienne en Grèce au siècle de Périclès) : En l’absence de tout ministère public, les lois encourageaient les dénonciateurs en leur attribuant une partie des biens confisqués à l’accusé, si celui-ci était reconnu coupable. Lorsque l’accusé était absous et que son accusateur n’avait pas obtenu le cinquième des voix, celui-ci était condamné à une amende. Quand Eschine, en 330, perdit son procès contre Ctésiphon dans l’affaire de la Couronne, il fut condamné à la très lourde amende de mille drachmes.
Plutarque (Vie de Cimon) : Les habitants d’Orchomène, voisins et ennemis des Chéronéens, suscitèrent, à prix d’argent, un délateur romain qui intenta une accusation à la ville et la poursuivit en justice pour complicité des meurtres commis par Damon. Chéronée échappa à la condamnation et à la destruction grâce au témoignage de Lucullus.
A.Hamilton (cité par Tocqueville) : Ce dont on doit s’étonner, c’est que le peuple ne se trompe pas plus souvent, poursuivi comme il l’est toujours par les ruses des parasites et des sycophantes; environné par les pièges que lui tendent sans cesse tant d’hommes avides et sans ressources.
Ahrens (Cours de droit naturel). La maxime: « rotation dans les emplois », a rempli le Capitole d’avides sycophantes, a fait de la politique un jeu de ruse avec des moyens propres à captiver une basse populace. Il a fait du président une poupée pour entretenir le peuple pendant que les voleurs font leurs affaires.
SYLLOGISME JUDICIAIRE
Cf. Analogie*, Attendu,* Induire (3e sens)*, Jugement*, Raisonnement judiciaire*, Sophisme*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n°5-b, p.6 / n° I-I-I, p.19 / n° I-III-1, p.255
- Notion de syllogisme. En allant au plus simple, le syllogisme apparaît comme un procédé de raisonnement qui se décompose en trois éléments : le premier comporte un énoncé général (tout homme est mortel), le second l'énoncé d'un cas particulier (Socrate est un homme), le troisième est la conclusion à laquelle on aboutit de manière nécessaire (Socrate est mortel).
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Syllogisme – Type de déduction formelle tel que deux propositions appelées prémisses étant posées, on en tire une troisième appelée conclusion qui y est logiquement impliquée.
Vergely (Dico de la philosophie) : Si le syllogisme n’invente rien à proprement parler, il permet en revanche de corriger la pensée et d’affermir sa rigueur.
Luquet (Logique, morale, métaphysique) : Si la déduction se réduit pas définition à une tautologie, n'est-elle pas nécessairement stérile ? Il est vrai que la déduction ne crée rien en ce qui concerne le contenu de signification de la conclusion par rapport à l'hypothèse, et c'est pour cette raison qu'elle garantit la vérité formelle de la conclusion.
- Application judiciaire.
Les philosophes reprochent au syllogisme d'être un mode de
raisonnement réducteur, ne permettant aucune avancée. Le
pénaliste leur répond que c'est justement ce que requiert le
principe de la légalité criminelle.
En droit criminel, la majeure
est constituée par la loi pénale ; la mineure réside dans les faits de l’espèce ;
ce n'est que si la mineure entre dans les
termes de la majeure, que le juge peut retenir la qualification
pénale proposée par le ministère public aux actes reprochés
(lors de la seconde phase du raisonnement judiciaire, relative à
l'imputation, on vérifie que le prévenu, notamment le complice,
a bien accompli un acte légalement imputable).
Exemple de syllogisme condensé : La soustraction frauduleuse de la
chose d'autrui est punie selon la loi de X... années de prison / En
l'espèce, le prévenu a soustrait frauduleusement un livre
appartenant à autrui / Conclusion : ce prévenu encourt X... années
de prison.
Fr. Bacon (Œuvres) : L'art de juger par le syllogisme n'est autre chose que l'art de ramener les propositions aux principes, à l'aide des moyens termes.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Démontrer c'est prouver une chose par des principes certains, et en faire la liaison nécessaire avec ces principes , comme sa cause propre, en forme de syllogisme.
Ferri (Sociologie criminelle) : La peine prononcée n’est que la conséquence d’un syllogisme abstrait et non une induction positive de l’observation des faits.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Méthodes du juge, par Y. Gaudemet : Du syllogisme juridictionnel, il faut d'abord dire qu'il n'est pas cette mécanique simpliste à laquelle trop souvent on en réduit la représentation ; c'est qu'un syllogisme, avant de se résoudre, se construit, et le syllogisme judiciaire inclut ces deux opérations.
Jeuland (Le syllogisme judiciaire, in "Dictionnaire de la justice") : Le syllogisme judiciaire n'est pas un carcan inflexible qui traduirait la soumission du juge à la loi... On pourrait peut-être y voir une méthode de présentation d'une décision. Dans les arrêts de la Cour de cassation, le texte de loi est généralement posé... puis le juge présente les faits ; il applique ensuite la règle générale au fait (on parle de motifs du jugement) et en déduit une solution dans un partie du jugement que l'on nomme le dispositif. D'une certaine façon, cette présentation n'est qu'une reconstruction du raisonnement du juge.
Rapport de la Cour de cassation 2005. À propos du recours à l'informatique en matière judiciaire. Il ne devrait pas être trop délicat de reconstituer un raisonnement juridique reposant sur un syllogisme rigoureux. Mais les expériences tentées en la matière n'ont pas démontré un apport appréciable.
- Le sophisme, faux syllogisme.
Le syllogisme doit être d'une totale rigueur, que l'une des deux
prémisses soit erronée, ou que l'une des deux prémisses ne s'harmonise
pas parfaitement avec l'autre, et la conclusion qu'on en tirera
sera forcément inexacte. On se trouvera alors en présence d'un sophisme
(faux raisonnement qui a quelque apparence de vérité, selon
Littré).
Ainsi, dans une affaire qui défraya la chronique dans les années
1970, le juge d'instruction avait commis cette erreur de
raisonnement. Première prémisse, la victime a acheté une
orange à 8h. ; deuxième prémisse, la victime est morte deux
heures après avoir mangé l'orange ; conclusion, l'enfant
a été tuée à 10h. Mais il n'était nullement acquis que cette enfant
ait mangé l'orange dans la rue aussitôt après l'avoir achetée.
SYMBOLES
Cf. Balance de la justice*, État*, État étranger*, Justitia*, Main de Justice*, Nation*, Injure*, Outrage*, Sacrilège*, Thémis*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-5, p.246
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-7, p.57 / n° II-1, p.280 (sur la protection du Drapeau)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Loi du 24 nivôse an VI (13 janvier 1798), relative aux arbres de la liberté
- Notion. Un symbole est une représentation concrète, parfois matérielle, d’un dogme, d’une foi, d’une philosophie, voire d'une personne. Par exemple, les symboles de la Justice sont : le bandeau sur les yeux (marque d'impartialité), la balance (marque d'équité) et le glaive (marque d'autorité).
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Symbolique de la justice et du droit, par R. Jacob : Le symbole est le lien que la culture instaure entre un être concret, animé ou non, naturel ou artificiel et une idée que cet être figure .
Lacombe de Prézel ((Dictionnaire iconologique) :
Balance... symbole qu'on donne à la justice, pour marquer qu'elle fait tout avec poids et mesure, et qu'elle rend à chacun ce qui lui appartient...
Avec une hache entourée de verges, symbole de l'autorité chez les romains. Une main sur un sceptre est encore un attribut de la justice, parce que c'est
avec la main qu'on prête serment. Quelquefois on met un bandeau sur les yeux de la justice, pour faire entendre que les juges ne doivent ni connaître ni
favoriser personne.
La justice a été peinte par Raphaël sous le symbole d'une femme vénérable, assise sur les nues. Sa tête est ornée d'une riche couronne de perles ;
elle regarde en bas et semble avertir les hommes d'obéir aux lois. D'une main elle tient la balance pour peser les actions des hommes, et de l'autre
l'épée pour le châtiment des coupables... Dessous on peut lire : Jus suum cuique tribuens ; elle rend à chacun ce qui lui est dû.
- Point de vue philosophique. L'attribution de symboles à une société, à une patrie, à une nation, notions abstraites par elles-mêmes, correspond à un besoin bien humain de leur conférer un aspect matériel sensible autour duquel les intéressés peuvent se regrouper.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.I, 2e éd.) : Le besoin de créer des
signes conventionnels comme marques de nationalité ou symbole du
groupe est une besoin naturel qu'on trouve dans toute les sociétés.
Lorsque des hommes forment une société quelle qu'elle soit, il leur
est naturel de chercher un costume, un insigne, un sceau, un
étendard, un chant, un cri de ralliement, une marque distinctive
quelconque sur laquelle se porte la fierté collective.
Dans notre civilisation l'usage s'est introduit d'attribuer une
valeur particulière, en tant que symbole de la patrie, au drapeau et
à l'hymne national.
- Science juridique. En
matière politique, les symboles sont nombreux. Ainsi, la
République française est représentée par la mythique Marianne ; tandis que le
Christianisme se reconnaît dans la Croix sur laquelle le Christ est
mort. La Royauté était incarnée par le Souverain en exercice,
qui tenait dans ses mains les symboles de son pouvoir : la Main
de Justice et la Fleur de Lis.
Dès lors qu’ils renvoient à des doctrines temporelles ou spirituelles auxquelles certains sont légitimement attachés, les symboles doivent protégés. Il
y a va de la cohésion de la société et de l’intégrité morale des personnes.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Politique symbolique, par L. Sfez : La politique est affaire de symbolique. Énoncer les règles et les manifestations de la symbolique politique, c'est du même coup définir le champ du politique, ses frontières, ses variations. [Ainsi la suppression du crucifix derrière le siège des magistrats judiciaires a marqué l'avancée de l'athéisme et par suite celle du matérialisme totalitaire]
Digeste de Justinien (48, 4, 6). Venuleius-Saturninus : Ceux qui auront fondu des statues ou des images de l'empereur déjà consacrées, ou fait quelque chose de semblable, sont tenus de la loi Julia sur le crime de lèse-Majesté.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Commettent un crime de lèse-Majesté au second chef ceux qui abattent, mutilent ou déshonorent les statues et tableaux qui représentent le souverain.
Loi du 24 nivôse an VI, relative aux Arbres de la liberté. Art. 4 : Tout individu qui sera convaincu, d’avoir mutilé, abattu, ou tenté d’abattre ou de mutiler un arbre de la liberté, sera puni de quatre années de détention. [Le 4 messidor an II, quatre jeunes gens furent guillotinés pour avoir abattu un arbre de la liberté]
Tribunal révolutionnaire 13 frimaire an II.
Il
a condamné à mort un certain Gorneau, pour avoir écrit cette
satire de la Marseillaise :
Le jour de deuil pour la patrie
Le jour de honte est arrivé.
Du peuple aveugle en sa furie,
Le couteau sanglant est levé…
Code pénal roumain de 1968. Art. 236 : Toute manifestation exprimant le mépris vis-à-vis des emblèmes de la république socialiste de Roumanie est punie de l’emprisonnement.
Code pénal suisse. Art. 270 : Celui qui, par malveillance, aura enlevé, dégradé, ou aura par des actes outragé un emblème suisse de souveraineté arboré par une autorité, notamment les armes ou le drapeau de la Confédération ou d’un canton, sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende.
Fédorovski (Le roman du Kremlin) : Peu après les funérailles de Lénine, Staline convoqua plusieurs intellectuels de renom du Parti, pour l'aider à mettre au point le système des symboles de cette religion païenne... Il fit hisser des étoiles rouges en haut des murs du Kremlin. Ces étoiles symbolisaient le communisme et s'inspiraient de Mars, l'astre rouge sang, qui porte le nom du dieu de la guerre... La dépouille momifiée de Lénine reposait sur un drapeau de la Commune de Paris, frappé d'inscriptions maçonniques.
- Droit positif français.
La protection des symboles temporels vise surtout l’hymne et le drapeau d’un pays. Ainsi l’art. 433-5-1 C.pén. français
incrimine le fait d’outrager publiquement l’hymne officiel et le drapeau tricolore, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par l’autorité
publique (on notera le caractère trop restrictif de ce texte). En complément, l'art. R.645-15 vise le fait d'outrager intentionnellement le drapeau dans
des conditions de nature à troubler l'ordre public (les familles qui ont perdu un des leurs "en service sous le Drapeau" trouveront légitimement trop
légère cette sanction contraventionnelle).
Charte des droits et des devoirs du citoyen français de 2011. Préambule : « Marianne » est la représentation symbolique de la République.
Code
de la défense, art. L.322-17 : Le fait pour tout militaire ou
toute personne embarquée de commettre un outrage au drapeau ou à
l'armée est puni de cinq ans d'emprisonnement.
Si le coupable est officier il encourt, en outre, la destitution
ou la perte de son grade.
TGI Paris 18 novembre 1987 (D. 1989 somm. 93) : Le symbole de la République française est le personnage mythique de « Marianne ».
Cons. d'État 9 juillet 2011 (n° 343430) : Le décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l’incrimination de l’outrage au drapeau tricolore ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression garantie par les art. 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’art. 10 de la Conv. EDH.
Exemple (Ouest-France 16 octobre 2008) : Marseillaise sifflée. Indignation générale, après les sifflets de mardi soir lors du match France-Tunisie. Le Président de la République demande l'arrêt des matchs si de tels incidents se reproduisent.
La protection des symboles spirituels vise les principalement signes essentiels de telle philosophie, de telle
religion, de telle Nation. Pour la France, p.ex., il s’agit de la mémoire et de la représentation de Jeanne d’Arc.
Cette protection est assurée sur le plan pénal à certaines époques et dans certains pays ; elle ne l’est en France que sur le plan civil (art. 1382
C.civ.).
TGI Paris 20 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I 328 ) : La croix est le symbole religieux des Chrétiens.
Paris 3 juillet 1995 (D. 1995 IR 189) : La publication d’une image représentant une femme dénudée associée au symbole de la Croix est, par sa présence incongrue et racoleuse, de nature à heurter les sentiments religieux d’un certain nombre de croyants. La publication d’une telle illustration constitue une faute engageant la responsabilité civile de la société éditrice.
Exemple (Presse 30 août 2018) : Samedi 30 juin 2018 des manifestants de la marche des fiertés LGBTiq ont dégradé le monument édifié à la mémoire de Jeanne d'Arc par des tags et des inscriptions, et en osant coiffer la tête de notre héroïne nationale d'un sac noir.
- Protection des symboles des États étrangers. Elle peut être assurée par le législateur, afin d'assurer les bonnes relations internationales.
Code pénal du Japon. Art. 92 (Atteinte au drapeau d'un État étranger) : Celui qui, afin d'insulter un État étranger, endommage, abat ou souille le drapeau national ou tout autre emblème national sera puni de l'emprisonnement de deux ans au plus.
SYNDICAT PROFESSIONNEL
Cf. Associations*, Entrave à l’exercice des fonctions*, Liberté - Libertés temporelles*, Personnes morales*.
- Notion. Un syndicat est une association de personnes, exerçant la même profession ou des professions connexes, qui s’est constitué dans le but de défendre les intérêts des membres de ladite profession. Il existe des syndicats patronaux et des syndicats ouvriers.
Larousse (Dictionnaire des synonymes) : Syndicat désigne un groupement de plusieurs personnes pour la défense d'intérêts communs, généralement professionnels et matériels, et jouissant d'une certaine capacité juridique.
Code du travail, art. L.411-1 : Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par leurs statuts.
- Liberté syndicale. En application du principe de la liberté d'association, il est en principe permis aux ouvriers, salariés et fonctionnaires d'entrer dans un syndicat. Toutefois pour ces derniers, notamment pour les policiers, gendarmes et militaires, la loi peut fixer des limites tendant à assurer la continuité du service public.
Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre
2000 :
Art. 12. Liberté de réunion et d’association - 1°/
Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la
liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les
domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le
droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et
de s’y affilier pour la défense de ses intérêts.
Cour EDH 2 octobre 2014, n° 10609/10 : Si la liberté d'association des militaires peut faire l'objet de restrictions légitimes, l'interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer porte atteinte à l'essence même de cette liberté, atteinte prohibée par la Convention.
- Action syndicale. Les syndicats ouvriers ont été un temps particulièrement actifs, dans un contexte de lutte des classes indifférent au Bien commun*. Si actifs même que leur action civile (dite action syndicale) est quelquefois sortie de son domaine rationnel au point de menacer l’action publique, notamment sur le terrain économique. C’est pourquoi la Chambre criminelle s’est efforcée de maintenir cette action dans les limites de l’intérêt collectif des membres de la profession (art. L.411-1 du Code du travail français).
Cass.crim. 27 mai 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 131) : Selon l’art. L.411-1 C.trav., les syndicats professionnels peuvent exercer tous les droits reconnus à la partie civile lorsque les faits poursuivis portent un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession.
Cass.crim. 16 février 1999 (Bull.crim. n° 18 p.42) : Les syndicats n’ont qualité pour agir que lorsque le litige soulève une question de principe dont la solution, susceptible d’avoir des conséquences pour l’ensemble de leurs adhérents, est de nature à porter un préjudice, même indirect, à l’intérêt collectif de la profession.
Cass.crim. 6 décembre 2011, n° 10-86829 (Gaz.Pal. 21 avril 2011 p.45) sommaire : L'exercice d'un travail dissimulé est de nature à causer à la profession représentée par un syndicat un préjudice distinct de celui personnellement subi par les salariés concernés.
Cass.crim.
27 juin 2012, n° 11-86920 : Il résulte des art. 2 et 3
C.pr.pén. L. 2132-3 C.trav. que les syndicats peuvent agir en
justice et exercer les droits réservés à la partie civile pour
les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt
collectif de la profession qu'ils représentent ;
Pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile des
syndicats, l'arrêt se borne à énoncer que ceux-ci n'allèguent
pas un préjudice indirect porté à l'intérêt collectif de la
profession, se distinguant du préjudice lui-même indirect
qu'auraient pu subir individuellement les salariés de
l'entreprise ;
Mais en se déterminant ainsi, alors que les faits de prise
illégale d'intérêts dénoncés par eux, à les supposer établis,
rendent possible l'existence d'un préjudice, fût-il indirect,
aux intérêts moraux de la profession qu'ils représentent, et
distinct de celui qu'ont pu subir individuellement les salariés,
la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés...
Casse.
- Discrimination syndicale. L'article L. 2141-5 C.trav. interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement.
Cass.crim. 11 avril 2012, n° 11-83816 (Gaz.Pal. 5 juillet 2012) : L'art. L.2141-5 C.trav., concernant le délit de discrimination syndicale, n'institue aucune dérogation à la charge de la preuve en matière pénale. Il résulte alors de l'article préliminaire du Code de procédure pénale et de l'art. 6 § 2 de la Conv.EDH que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité en matière de discrimination syndicale incombe à la partie poursuivante.
SYSTÈME DE TRAITEMENT AUTOMATISÉ DE DONNÉES - Voir : Informatique*.