DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre O
(Quatrième partie)
OR - Voir : Poinçon*.
ORALITÉ DES DÉBATS
Cf. Cour d'assises*, Débats*, Interrogatoire*, Procédure pénale (accusatoire)*, Témoignage*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 11, p.21
- Notion. Un débat est dit oral lorsque le magistrat chargé de l'instruction du dossier (juge d'instruction ou président du tribunal) interroge directement le demandeur, le défendeur, les témoins et les experts, et que ceux-ci répondent en personne verbalement.
Code de procédure pénale de Colombie. Art. 9. Oralité. Le déroulement de la procédure sera orale, et pour sa mise eu œuvre on utilisera les moyens techniques disponibles permettant de lui imprimer la meilleure fluidité et fidélité, sans que cela interdise de tenir procès-verbal de son contenu.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : Pour le procès du général Lamarlière, Fouquier-Tinville n’assigna point Favart, trop impliqué dans l’affaire, et qui, présent, aurait pu faire mauvaise figure devant l’accusé. Mais il lui envoya son acte d’accusation ; et Favart le lui renvoya avec une attestation que tous les faits allégués dans cette pièce étaient vrais.
- Science criminelle. L’oralité des débats constitue, avec la publicité et la contradiction, l’un des trois piliers de la procédure accusatoire. L’idée est de donner priorité à la parole (spontanée, impulsive et ouverte) sur les écrits (contournés, ourdis et captieux).
Voir : Garraud, Les divers types de procédure pénale
Voir : M. Bluntschli, Les tribunaux en général et les tribunaux répressifs en particulier
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : L’instruction qui se fait à l’audience doit être exclusivement orale. C’est là une règle fondamentale de notre procédure criminelle. La discussion orale est la seule qui puisse faire jaillir la vérité d’un débat : elle place les accusés et les témoins en face les uns des autres ; elle provoque les explications et les révélations, les dénégations ou les aveux ; elle dépouille les faits de leur première apparence et les livre aux yeux dans leur nudité. La discussion écrite, plus froide et plus réservée, n’a ni ces épanchements, ni ces chocs qui font briller l’éclair ; elle est parfaitement propre à recueillir les éléments du débat ; mais le débat, c’est-à-dire la discussion de toutes les preuves, l’examen de tous les éléments du procès, ne peut se faire qu’oralement à l’audience.
Gorphe (L’appréciation des preuves en justice) : Le principe de l’oralité des témoignages, inhérent à tout système accusatoire, veut que les témoins soient entendus directement par le juge. Il est presque aussi nécessaire de voir l’enquête que de l’entendre. On a pensé que le face à face des juges et des témoins pouvait seul faire jaillir la vérité. De cette façon, le témoignage devient vraiment une preuve vivante, tandis que la déposition écrite n’est qu’une preuve morte. Comme le disait de la Grasserie, le procès-verbal d’enquête « voile la physionomie des témoignages » et n’en reflète plus que l’ombre.
Code de procédure pénale d'Azerbaïdjan. Art. 340 : Les plaidoiries se composeront des discours faits par l'accusateur public, la victime (ou la victime exerçant des poursuites privées) ou son représentant, la partie civile ou son représentant... l'accusé ou son avocat-conseil... alternativement.
Les récentes conventions internationales dédiées aux droits de l'homme ont consacré ce principe, qui revêt dès lors un caractère d'ordre public.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Article 14 1 : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi.
Angevin (La pratique de la cour d’assises) : C’est d’après les résultats de l’instruction orale qui se déroule devant elle, et non d’après les pièces de la procédure écrite, que doit se former la conviction de la cour d’assises. La règle du débat oral est d’ordre public et sa violation constitue une nullité absolue qui ne peut être couverte ni par le silence ni par le consentement de l’accusé.
- Droit positif français. Par souci d'efficacité, l'instruction préparatoire demeure en grande partie écrite. Mais, afin de garantir la recherche de la vérité, l'instruction à l'audience (ou instruction définitive) est dominée par le principe de l'oralité des débats.
Cass.crim. 27 juin 1990 (Bull.crim. n° 265 p.678) : Le principe de l’oralité des débats devant la Cour d’assises interdit de donner lecture, au cours de la déposition à l’audience d’un témoin, de tout ou partie de ses déclarations à l’instruction.
Cass.crim. 8 janvier 1981 (Bull.crim. n°7 p.21) : En autorisant un témoin à se reporter à une note écrite pour préciser certains chiffres concernant les redressements fiscaux imposés à l'accusé, le président de la Cour d'assises n'a pas violé la règle de l'oralité des débats.
Cass.crim. 9 avril 1986 (Gaz.Pal. 1987 I 15 note Doucet) : Avant l’audition de tout témoin et de tout expert, le président a fait extraire de la procédure écrite et a communiqué aux assesseurs et aux jurés, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des documents photographiques effectués lors de la reconstitution des faits, d’après les déclarations d’un témoin présent et non encore entendu, et un rapport d’autopsie établi par des médecins experts dont l’un a été entendu plus tard au cours des débats. En introduisant prématurément dans le débat des éléments qui ne lui appartenaient pas encore, le président a violé le principe selon lequel le débat devant la cour d’assises doit être oral.
ORDALIE
Cf. Cruentation*, Jugement de Dieu*, Preuves*.
Voir : Une Ordalie : Le jugement de l'eau
Voir : Une Ordalie : Le jugement par le feu (illustration)
Voir : Le procès de Ganelon : Un jugement de Dieu
- Notion. L’ordalie, que l’on rencontre dans les droits primitifs, est, moins un moyen de preuve, qu'une épreuve à laquelle un plaideur est soumis, et au cours de laquelle la divinité est sensée intervenir pour faire triompher la vérité.
Olivier-Martin (Histoire du droit français) : L’ordalie la plus connue est le duel judiciaire, combat réglé devant un juge, où le vainqueur est censé avoir prouvé son accusation ou son innocence… En revanche l’accusé se soumet seul aux ordalies unilatérales : ainsi il saisit un fer rouge ou plonge sa main dans l’eau bouillante ; sa main est mise sous scellés et si, trois jours après, la plaie est en voie de guérison, il est proclamé innocent.
J.Auboyer (La vie quotidienne dans l'Inde ancienne) : Un autre moyen de connaître la vérité est l'ordalie ; mais elle n'est généralement appliquée que pour les cas graves où le doute est grand... une forme consiste à faire toucher par la langue de l'accusé le soc rougi à blanc d'un araire.
- Science criminelle. Les droits anciens ont connu une grande variété d'ordalies, notamment le duel judiciaire, parfois nommé Jugement de Dieu*.
Voir : Garraud, Les divers types de procédure pénale
Code d’Hammourabi : Si quelqu’un a imputé à un homme des manœuvres de sorcellerie, mais s’il n’a pu l’en convaincre, celui à qui les manœuvres de sorcellerie ont été imputées ira au Fleuve. Si le Fleuve l’a maîtrisé, son accusateur emportera sa maison. Si le Fleuve l’a purifié et s’il en est sorti sain et sauf, celui qui lui aura imputé les manœuvres frauduleuses sera tué ; celui qui plongé dans le Fleuve victorieusement emportera la maison de son accusateur.
D’Arbois de Jubainville (Études sur le droit celtique) : Aux yeux des celtes le Rhin était un juge en dernier ressort… La doctrine reçue aux XIVe et XVe siècles était encore que le coupable tombait au fond et que l’innocent surnageait.
Lois de Manou : Celui que la flamme ne brûle pas, que l’eau ne fait pas surnager, auquel il ne survient pas de malheur promptement, doit être reconnu comme véridique dans son serment.
Riché (La vie quotidienne dans l’Empire carolingien) : La plus courante des ordalies était l’ordalie par l’eau bouillante : l’accusé plonge son bras dans l’eau pour en retirer un objet. Si au bout de quelques jours bras et main sont guéris, il a prouvé son bon droit. Une autre ordalie était celle du fer rouge qui consistait à faire marcher l’accusé sur neuf socs de charrue chauffés au blanc et placés à quelque distance l’un de l’autre.
- Il était parfois permis d'éviter cette épreuve, par un "rachat".
Loi Salique. Titre LV, art. 1 : Si celui qui a été assigné pour fournir la preuve par l’eau bouillante, est demeuré d’accord avec son adversaire de racheter sa main de cette épreuve, en présentant des témoins qui affirment son innocence avec serment, il paiera pour ce rachat une somme 120 deniers, ou 3 sous d’or, s’il s’agit d’un délit à raison duquel il eût dû payer une composition de 600 deniers, ou 15 sous d’or, s’il en eût été légalement convaincu.
- Le droit contemporain prohibe les ordalies.
Code pénal du Nigeria. Art. 207 : L’épreuve du feu, de l’immersion dans l'eau, de l’exposition aux attaques des crocodiles ou autres animaux sauvages, et n’importe quelle autre ordalie qui est susceptible d’entraîner la mort ou des dommages corporels est illégale.
ORDONNANCE
Cf. Commission rogatoire*, Renvoi (Ordonnance de)*, Soit-communiqué*.
Une ordonnance est une décision, qui ne touche ordinairement pas le fond, prise par un magistrat statuant seul. Il en est ainsi avec le juge des référés, le juge des libertés ou le juge d’instruction, voire le président d’une juridiction de jugement (p.ex. ordonnance de mise en détention, ou ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel).
Pradel (L’instruction préparatoire) : L’ordonnance est une décision du juge d’instruction, manifestée par écrit. Toute ordonnance indique le nom du magistrat et porte sa signature, celle du greffier n’étant en revanche pas nécessaire.
Cass.crim. 22 octobre 1986 (Bull.crim. n°301 p.768) : Une ordonnance qui ne comporte pas la signature du magistrat qui l’aurait rendue est inexistante ; l’expertise pratiquée en exécution d’un tel acte est entache de nullité.
ORDONNANCE DE PRISE DE CORPS (ou ARRÊT DE PRISE DE CORPS)
Cf. Mandat d'arrêt*.
Voir : Procès de Charlotte Corday
Complément de l’arrêt de mise en accusation, l’ordonnance de prise de corps (art. 215 al.2 C.pr.pén.) permet l’arrestation de l’accusé qui ne s’est pas constitué prisonnier la veille de l’audience. En outre, elle autorise son incarcération pendant la durée des débats.
Angevin (La pratique de la chambre d’accusation) : L’ordonnance de prise de corps est un titre de détention qui se substitue, le cas échéant, à celui délivré par le juge d’instruction quand l’arrêt de mise en accusation est devenu définitif. Elle fait partie intégrante de cet arrêt.
Cass.crim. (Bull.crim. n° 275 p.621) : L’arrêt de renvoi en cour d’assises ne forme qu’un seul et même contexte avec l’ordonnance de prise de corps.
Cass.crim. 13 novembre 1979 (Bull.crim. n° 315 p.857) : L’accusé, qui fait l’objet d’un arrêt prononçant sa mise en accusation et ordonnant son renvoi en Cour d’assises, doit, s’il est en liberté, se constituer prisonnier au plus tard la veille de sa comparution devant cette juridiction en vertu de l’ordonnance de prise de corps contenue dans ledit arrêt de renvoi.
ORDONNANCE PÉNALE
Cf. Tribunal - tribunal de police*.
L’ordonnance pénale est une décision du tribunal de police, qui est prise à l’issue d’une procédure simplifiée se déroulant sans débat préalable, mais qui ne peut déboucher que sur de
légères condamnations. Elle vise à une accélération des procédures.
Le droit positif étant en perpétuel évolution, nous nous bornerons à signaler que l’ordonnance pénale est à ce jour régie par les art. 524 et s. C.pr.pén.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Procédure pénale) : Le dossier est transmis par le procureur au président du tribunal qui statue sans débat préalable, par une ordonnance pénale dûment motivée.
Cass.crim. 3 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 103) : La procédure simplifiée prévue aux art. 524 et s. C.pr.pén. revêtant un caractère subsidiaire et facultatif jusqu’à l’expiration du délai d’opposition à l’exécution de l’ordonnance pénale, le ministère public conserve la faculté d’y renoncer en recourant à la procédure de droit commun.
Cass.crim. 25 mai 2011, n° 10-87135 (Gaz.Pal. 23 juin 2011 p.27) : Selon l'art. 528 C.pr.pén., le jugement rendu par défaut, sur l'opposition du prévenu à une ordonnance pénale, n'est pas susceptible d'opposition et seul le pourvoi en cassation est ouvert contre un jugement rendu en dernier ressort, par défaut, sur opposition à une ordonnance pénale.