DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre M
(Première partie)
MACHINATION
Cf. Escroquerie*, Faux*, Fraude*, Manœuvres frauduleuses*, Montage*, Ourdir*, Ruse*, Tromperie*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° I-232, p.238
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-310, p.192
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine », (4e éd.), I-251, p.151
Voir
: Jean-Paul, « La protection de la Société », n° II-112,
p.317
- Notion. Une machination consiste en des menées secrètes, ourdissant une intrigue destinée à faciliter la commission d'une infraction.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) enseignait
que : le mot « machination » a été employé pour la première fois dans l’ordonnance de Blois pour sanctionner la convention conclue et
les mesures arrêtées pour assassiner quelqu’un.
Lombroso (Le crime politique) : Sous Tarquin le
Superbe, les accusations de perduellio furent très nombreuses, surtout contre ceux que l’on soupçonnait de machinations contre le roi.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Selon Beaumanoir, la
trahison pouvait conduire au meurtre, mais elle n'était pas le meurtre lui-même ; c'était plutôt une série de machinations qui avaient pour but de perdre
celui dont on s'était fait l'ennemi.
Cass.crim.
19 octobre 1832 (cité par Blanche n° 91) : Le mot
machination, qui ne se prend jamais qu’en mauvaise part,
présente seul et par lui-même une prévention de culpabilité,
sans qu’il soit besoin, d’y ajouter le mot coupable.
Vidocq (Mémoires) : Ses-co-accusés ayant
été traduits en justice, les débats judiciaires me révélèrent une machination atroce, tendant à établir que j’étais l’instigateur du crime qui les avait
amenés sur les bancs.
- Science criminelle. La doctrine pénale a souvent critiqué l’imprécision de ce terme, qui se rencontre pourtant
encore ; plutôt que de machination, elle préfère parler de Manœuvre frauduleuse* visant à faire aboutir une entreprise
criminelle. De nos jours, on dit aussi Mise en scène*.
- La machination est, tantôt Élément matériel* de l'infraction, tantôt simple Circonstance aggravante
matérielle*.
Code pénal belge. Art. 114 : Quiconque aura
pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère... pour engager cette puissance à entreprendre la guerre contre la
Belgique, ou pour lui en procurer les moyens, sera puni de la détention de vingt ans à trente ans.
Code pénal du Mexique. Art. 386 : Commet le délit
de fraude celui qui, en trompant quelqu'un ou en profitant de l'erreur qu'il commet, fait illicitement une chose ou se procure un profit injuste. Le
délit de fraude est sanctionné des peines suivantes... Quand le sujet passif du délit livre la chose dont il s'agit par suite, non seulement d'une
tromperie, mais encore de machinations [maquinaciones] ou artifices [artificios], la peine indiquée dans les alinéas précédents sera
augmentée de trois jours à deux ans de prison.
Code pénal suisse. Art. 303 : Celui qui aura
ourdi des machinations astucieuses en vue de provoquer l’ouverture d’une poursuite pénale contre une personne qu’il savait innocente, sera puni de la
réclusion ou de l’emprisonnement.
Il est de bonne politique législative d'incriminer la machination, soit en tant qu'association de malfaiteur, soit en tant que délit-obstacle punissable qu'elle ait ou non produit effet. On peut également prévoir des mesures protectrices de la victime.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal, T.I) : L'art. 495 de
l'ordonnance de Blois défend de donner aucunes lettres d'abolition « à ceux qui à prix d'argent ou autrement se louent ou s'engagent pour tuer ou
outrager, ni à ceux qui les auront loués ou induits pour le faire, encore qu'il n'y ait eu que la seule machination ou attentat et que l'effet ne s'en
soit ensuivi. ».
C.just.civ. Genève 14 mars 1985 (D. 1986 IR 164 note
Vasseur) : Il appartient à celui qui sollicite interdiction de payer par sa banque, à titre de mesure provisionnelle, de rendre vraisemblable
l'existence d'une machination frauduleuse... et au juge de se montrer rigoureux dans l'appréciation de la vraisemblance du moyen invoqué.
- Droit positif français. La machination s’observe, par exemple dans la complicité par instigation (art. 60 de l’ancien Code pénal). Elle se rencontre également comme élément matériel du délit d’Escroquerie*.
Garçon (Code pénal annoté) : En matière de complicité,
la machination comprend toutes les ruses, intrigues, fraudes, tromperies, ayant pour objet d’amener un tiers à commettre un crime ou un délit.
Garraud (Traité de droit pénal) : En matière de complicité,
la machination ou artifices coupables comprend sous cette expression vague, ces fraudes, ces ruses, ces moyens divers, qui ont pour but et pour résultat
de faire naître une erreur dans l'esprit de l'agent, erreur qui devient une des causes déterminantes de l'action.
Cass.crim. 28 mars 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim.
115) : Déclare à bon droit la prévenue. coupable d'escroquerie, l'arrêt qui, après avoir relevé que l'intéressée avait fait croire à sa victime,
qui avait passé une annonce pour trouver une compagne et vivre chez elle, qu'elle accepterait de l'accueillir sous son toit et avait reçu de lui des
cadeaux et des sommes d'argent, d'un montant de 180.000 F, destinées à la rendre unique propriétaire de sa maison, énonce que, pour donner force et
crédit à sa promesse fallacieuse de vie commune, la prévenue avait usé de procédés combinés, consistant notamment dans des sorties et promenades
savamment dosées, dans la réception du mobilier de son futur compagnon et dans l'empêchement de rencontrer ses proches, ayant déterminé la remise des
fonds et valeurs. En effet, ces constatations et énonciations caractérisent les manœuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie par l'emploi d'une
machination destinée à donner crédit à une série de mensonges.
Cass.crim. 26 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim.
121) : Constitue une tentative d'escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la
religion du juge et susceptible, si la machination n'est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier
aux intérêts de l'adversaire.
MACHINATION POLICIÈRE - Voir : Pièges et artifices policier*, Preuve (recherche des)*, Provocation policière*.
MACHINES À SOUS - Voir : Jeu*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-417,
p.271
MAFIA (ou maffia)
Cf. Criminalité organisée*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-201,
p.99 / n° I-I-205, p.106 / n° I-I-227, p.131 / n° I-I-229, p.134-135
Fabrizio
Calvi (La vie quotidienne de la mafia de 1950 à 1983) préface
Sciascia : Pour le procureur général Mirabile, la Mafia était une
secte, une association ; avec une constitution précise (non écrite
comme il est évident) comportant des règles rigoureuses, avec des
signes de reconnaissance entre les affiliés. Il fondait cette
affirmation, non seulement sur sa propre expérience, mais aussi sur
un mémoire rédigé par Bernardo Verro, qui, au cours de sa jeunesse
semble avoir fait partie de la Mafia ; devenu par la suite
l'une des plus belles figures du socialisme sicilien, il fut un
adversaire acharné de ma Mafia jusqu'à sa mort.
Tom
Clancy (Octobre rouge), : Les policiers, la justice, ont
tout essayé en Colombie ; ils ont laissé assez de cadavres pour en
témoigner... Et il y a l'argent. Combien de types peuvent refuser
une valise pleine de billets ? Surtout qu'ils savent très bien
que l'autre solution, c'est la mort certaine pour eux et pour leur
famille. [ Cet auteur a acquis une grande réputation de sérieux
pour l'ensemble de sa documentation ]
Le
Pape François (le 21 mars 2014, lors de la cérémonie à
l'intention des victimes de la Mafia) : Il est encore temps
de se convertir, et de ne pas finir en Enfer ... Cet Enfer qui
vous guette si vous persévérez dans cette voie.
MAGANER - Voir : Mehaing*.
MAGIE - Voir : Sorcellerie*.
MAGISTRAT (JUDICIAIRE)
Cf. Corruption*, Déni de justice*, Juge*, Mercuriale*, Ministère public*, Nullités de procédure*, Prévarication*, Prise à partie*, Roulement*, Séparation des pouvoirs*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-117
et s., p.355 et s., sur l'exercice de sa fonction et sur sa
protection
Voir :
Tableau des incriminations
assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Voir :
Servant, Discours sur l’administration de la justice
criminelle
Voir :
G. Levasseur, Le principe de la séparation des fonctions
Voir :
Un cas de corruption de magistrat à Paris au XVIIe siècle
- Notion. Dans un sens large, un magistrat est un fonctionnaire, occupant un poste de responsabilité au service de l'État (un maire est un magistrat municipal). Dans un sens plus restreint, il s'agit d'une personne relevant de la hiérarchie judiciaire, versée dans la connaissance et la pratique du droit ; c'est ce second sens qui nous retiendra.
Alland
et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Magistrat, par
J. Hautebert : Le mot magistrat a deux sens. Dans un premier
sens, ancien, il signifie exercice d'une haute fonction politique ou
administrative. Dans un second sens, plus récent, il désigne,
parfois avec hésitation, certaines catégories de personnes exerçant
une fonction juridictionnelle.
Institutes de Justinien : La pratique du droit suppose
la connaissance du spirituel et du temporel, comme la perception du juste et de l’injuste.
Proal (La
criminalité politique - Paris 1908) Chap. IX, De la corruption
des lois : Le magistrat ne doit appartenir à aucun parti
politique, parce que l'esprit de parti est étroit, partial,
passionné, exigeant. [ Il doit encore moins être
affilié à un syndicat ou à une société secrète partisane ].
Sujets à la vindicte des justiciables, ils doivent bénéficier d'une protection renforcée. Le Code pénal français punit le meurtre d'un magistrat de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 221-4 4°) ; et les violences volontaires aux articles 222-8 4°, 222-10 4°, 222-12 4° et 222-13 4°, de sanctions proportionnelles à la gravité des blessures.
Exemple (Ouest-France
10 avril 2015) : Trois morts au Tribunal de Milan.
Arrivé dans la salle d'audience le prévenu a sorti une armes et
a tiré sur son avocat qui est décédé. Un autre homme a été
retrouvé mort, victime d'une crime cardiaque provoquée par la
panique... Loin de prendre la fuite, le tireur est ensuite
descendu au deuxième étage, où il est allé tuer le juge en
charge de l'affaire, dans son bureau.
- Droit positif. En droit français, il existe deux types de magistrats. Les uns, dits du siège, sont chargés de juger les affaires. Les autres, dits du parquet, sont chargés de porter la parole au nom du ministère public, du pouvoir exécutif et surtout de la Société. Cet ancien brocard vaut évidemment pour les deux : « La magistrature, comme le sacerdoce, puise sa force dans sa puissance morale plutôt que dans le droit positif » .
Perrot (Institutions
judiciaires) : Dans l'ordre judiciaire, l'expression
magistrat est très largement utilisée... Il y a en réalité deux
catégories de magistrats: ceux qui jugent (magistrats du siège)
et ceux dont le rôle est non point de juger mais de porter la
parole au nom du ministère public (magistrats du parquet).
Joly (Procédure
civile) : On distingue les magistrats du "siège" ( ou
magistrature assise) et les magistrats du "parquet" ( ou
magistrature debout ou encore ministère public).
- Magistrats du siège - Les magistrats du siège sont les magistrats chargés de l’instruction et du jugement des procès pénaux. Sous un régime accusatoire ils arbitrent le débat entre l’accusation et le prévenu, dans le double souci de la recherche de la vérité et du respect des droits de la défense. Ce sont eux qui rendent le jugement et prononcent éventuellement la peine.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Un
magistrat doit être prudent, docte, expérimenté et de bonne conscience ; il doit également craindre ses passions et celles de ceux qui
l’environnent.
A.
Lebigre (La justice du Roi, 1988) rapporte cette phrase que le
chancelier Pontchartrain écrivit en 1702 au Premier président du
Parlement, suite à une intervention maladroite de son fils :
Je vous laisse, comme à tout le parlement, la liberté de
juger le procès selon votre honneur et votre conscience.
Rapport
annuel de la Cour de cassation 2010 : Le Premier président de
la Cour de cassation préside, non seulement la formation
disciplinaire, mais aussi celle en charge des nominations
des magistrats du siège.
Conseil Constitutionnel 2 juillet 2010 (Gaz.Pal. 27
juillet 2010 p.11) : Le principe d'indépendance est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles.
Exemple.
Le 25 avril 1996, les magistrats du siège et du parquet du
TGI de Nice, réunis en assemblée générale, ont adopté et adressé
au Garde des Sceaux la motion suivante : « Depuis environ deux
ans les magistrats de Nice font l’objet d’allégations gravement
attentatoires à leur honneur. Face à cette campagne de calomnies
sans précédent ils sont restés sereins continuant à assumer leur
mission avec dignité. Réunis en assemblée générale le 25 avril
1996 ils demandent fermement et solennellement à Monsieur le
Garde des Sceaux de mettre un terme à cette situation
intolérable et d’engager toute poursuite pénale qui s’impose
».
- Magistrats du parquet - Les magistrats du parquet sont les magistrats chargés devant les
tribunaux, au nom du pouvoir exécutif, de mettre en mouvement puis de veiller au bon déroulement de l’action publique qui est née d’une infraction à la
loi pénale. S’ils doivent veiller à l’application de la loi, ils doivent surtout s’attacher à la recherche de la vérité et à la satisfaction du bien
commun.
- Le Ministère public est représenté devant les tribunaux correctionnels par le procureur de la République, assisté de substituts, et devant la
Cour d’appel par le Procureur général, assisté d’avocats généraux et de substituts généraux. Voir : Ministère
public*. On parle encore aujourd’hui de magistrature debout.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Les
avocats du Roi parlent debout, mains gantés et couverts, lors même qu’ils prennent des conclusions.
Faustin
Hélie (Traité d'instruction criminelle) : Quand la
royauté tendit à devenir... le seul représentant de la société,
les intérêts généraux se confondirent avec ses intérêts
particuliers. Alors il entra dans les formules juridiques que le
Roi, représentant de l'État, devait poursuivre la répression des
crimes qui y jetaient le désordre, et qu'il avait intérêt à
cette répression. Cette maxime fut la véritable source du
ministère public. Les procureurs du Roi furent insensiblement
portés à prendre, avec la défense des intérêts privés du Roi, la
défense des intérêts généraux de l'État.
Larguier
et Conte (Procédure pénale) : Les membres du
« parquet », désignation courante
du ministère public, ne sont pas des juges, mais ce sont des
magistrats.
MAIN COURANTE
Cf. Plainte*, Police judiciaire*, Preuve*.
La main courante est un registre, aux pages numérotées, qui est tenu dans un commissariat de police. Y sont mentionnés, avec un numéro d'enregistrement, les différents événements qui surviennent au fil de la journée, telles une intervention, une interpellation ou une déclaration faite par la victime d'une agression.
Etrillard (Le temps dans l'investigation pénale) : Selon la
terminologie policière, la main courante est "le libre journal tenu dans tout commissariat par le chef de poste et sur lequel les agents de tout grade
relatent succinctement, mais très clairement leurs diligences au fur et à mesure qu'ils les auront exercées, ainsi que les faits, plaintes et démarches
qui les auront déterminées de jour comme de nuit". En d'autres termes, la main courante n'est ni plus ni moins qu'un registre chronologique sur lequel
les autorités de police mentionnent les faits qu'elles recueillent.
Briand (La valeur probante des déclarations de main courante -
Gaz.Pal. 6 juillet 2010) : Il ne peut être affirmé de manière générale que la déclaration de main courante serait dénuée de toute valeur probante.
Cette pièce controversée doit faire l'objet d'une contrôle attentif par le juge, portant notamment sur la précision des faits relatés, la qualité de
l'auteur des déclarations, et les pièces produites pour corroborer ces dernières.
Code de procédure pénal du Cameroun (projet) : Art.
121: Le délai de la garde à vue court à partir de l’heure à laquelle le suspect se présente ou est conduit dans les locaux du commissariat de police
ou de la brigade de gendarmerie. Cette heure est s mentionnée dans le registre de main courante et au procès-verbal d’audition.
C.adm app. Lyon 23 janvier 1996 (Gaz.Pal. 1997 I
Panor.adm. 73) : Le fait pour un brigadier de police d'avoir laissé deux des membres de la patrouille qu'il commandait dérober un carton de vêtements
dans un véhicule déclaré volé, puis mentionner sur la main-courante et le formulaire de recherche que ce véhicule avait été retrouvé vide, justifie une
sanction disciplinaire.
La déclaration faite par une personne qui se présente comme victime d'une infraction n'a pas valeur de plainte, mais elle constitue un début de preuve des faits quant à la date et l'heure. Elle s'analyse en une mesure conservatoire.
Paris 22 juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 II somm. 525) sur
la responsabilité d'un avocat : Il fallait porter plainte et non se limiter à une simple mention sur la main-courante du commissariat de police.
Il existe maintenant une main courante informatisée, qui fait remonter à Paris l'ensemble des indications notées. Elles servent de base aux statistiques de l'Observatoire national de la délinquance, et fournissent des instruments de travail aux sociologues ( à manier avec précaution car il est bien connu que leurs résultats ne correspondent pas exactement à la réalité, quand elles ne sont pas purement et simplement truquées pour justifier aux yeux du public les actions entreprises par les pouvoirs publics).
Morvan (Criminologie) :
Depuis 2005, la main courante des commissariat est
informatisée (MCI) sur l’ensemble de territoire français dans
les zones de compétence de la Police nationale. Elle donne une
vue plus complète des faits commis, du "chiffre gris" de la
délinquance (celle portée à la connaissance de la police mais
non signalée aux procureurs).
Miquel (La main courante) : La main courante
est le fil continu des instantanés de la rue, sans aucun souci apparent de l'exactitude absolue. Elle est un témoignage brut de l'Histoire. L'origine des
rédactions est multiple. L'inscription sur la main courante est d'abord le résultat d'une négociation avec les plaignants qui viennent au poste de police
pour "porter plainte". Ils en sont souvent dissuadés, sauf si l'affaire justifie une procédure. Elle est alors consignée sur le registre, comme première
étape témoin. Mais les dépositions manuscrites viennent surtout de l'extérieur, des rondes accomplies chaque jour : les îlotiers parcourent les îlots qui
constituent les différents secteurs et ils rentrent rarement bredouilles... Le contenu de leurs observations est alors noté sommairement. On garde aussi
trace des arrestations opérées...
MAIN DE JUSTICE
Cf. Justice*, Mainlevée*, Restitutions*, Saisie*, Saint-Louis*, Symbole*.
Voir :
Tableau des incriminations
protégeant le système judiciaire quant aux personnes placées sous main de justice (en droit positif français)
Sorte de sceptre représentant une main droite dont l’auriculaire et l’annulaire sont repliés, la main de justice symbolisait jadis l’autorité judiciaire dont le Roi était investi.
Pour deux exemples, voir une gravure de
Saint-Louis tenant la Main de Justice, et le
« Fleurs de lis » de Charles V.
On dit aujourd’hui qu’un bien (voire une personne) est placé sous main de justice lorsqu’il a fait l’objet d’une saisie destinée à en assurer la protection jusqu’à ce que les tribunaux aient achevé l’instruction en cours, ou aient statué sur son sort. Le détournement d'un objet placé sous main de justice tombe sous le coup de l'art. 434-22 C.pén.
Marquiset (Les droits naturels) : Le pouvoir de l'État sur
l'individu qui a des comptes à rendre à la justice était autrefois symbolisé d'une manière très significative par la main de justice. Dans l'ancienne
France, elle figurait avec l'épée parmi les attributs royaux. Elle était représentée, fixée au bout d'un sceptre, par une main dont l'index et le médius
étaient levés dans l'attitude du commandement.
Le Graverend (Traité de la législation criminelle) : Il
peut arriver que l’on ait à recevoir les déclarations d’individus déjà placés sous la main de justice.
Lesclous et Marsat (Droit pénal 1997 Chr. 6) : L’art. 73
C.pr.pén. permet à tout citoyen d’appréhender un délinquant pour le placer sous main de justice, à condition que cette remise soit rapide et
effective.
Code de procédure pénale de Madagascar. Art.
461 : Le tribunal statue, soit d’office, soit à la demande des parties intéressées, sur la restitution des objets et valeurs placés sous la main
de justice.
Cass.crim. 30 avril 1998 (Gaz.Pal. 1998 Chr. crim.
145) : A la suite de sa plainte avec constitution de partie civile du chef de contrefaçon et fraude en matière d’œuvre artistique la veuve d’A.
Giacometti, a obtenu qu’une statue attribuée à A. Giacometti, propriété de G..., soit placée sous main de justice, étant présumée contrefaite en
violation du droit moral sur l’œuvre de l’artiste.
Cass.crim. 8 avril 2008 (Bull.crim. n°95
p.441) : Il résulte de l’art. 41-4 C.pr.pén. que, si la restitution n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la
décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets placés sous main de justice deviennent propriété de
l’État, sous réserve des droits des tiers.
Cass.crim. 5 janvier 2010 (Bull.crim. n° 2
p.3) : Selon l’art. 99-2, al. 1er, C.pr.pén., les juridictions d’instruction peuvent ordonner la remise au service des domaines, aux fins
d’aliénation, d’un bien meuble placé sous main de justice dont le propriétaire ne peut être identifié.
Cass.crim. 11 février 2009 (Bull.crim. n° 35
p.111) : Selon l’art. 99-2, al. 3, C.pr.pén., le juge d’instruction peut ordonner la destruction des biens meubles placés sous main de justice
dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu’il s’agit d’objets qualifiés par la loi de dangereux ou de nuisibles,
ou dont la détention est illicite.
MAINLEVÉE
Cf. Main de justice*, Restitutions*.
On suppose que, pour sauvegarder des indices susceptibles de servir à la manifestation de la vérité (ou pour figer les produits d’une infraction), des
magistrats les ont placés sous main de justice. Du jour où cette mesure est devenue inutile, les juges doivent mettre fin à cette situation et rendre au
propriétaire l’exercice de ses droits ; ils le font par une ordonnance ou un arrêt dit de « mainlevée ».
On parle aussi de mainlevée lorsqu’un tribunal met fin aux effets, soit d’un mandat d’arrêt ou de dépôt, soit d’une mesure de contrôle judiciaire ou de
suspension d’exercice d’une activité.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : On nomme
main-levée un acte qui détruit et fait cesser les effets de saisies et oppositions. Ainsi donner main-levée en fait de saisi, c’est ôter l’autorité de
justice apposée sur la chose saisie, et rendre à la partie saisie tous les droits qu’elle avait avant que la saisie ne soit faite.
Code de procédure pénale allemand. § 120 - (Mainlevée
du mandat d’arrêt). Le mandat d’arrêt doit être levé dès que les conditions de la détention préventive ne sont plus réunies… Il y a lieu notamment à
mainlevée si l’inculpé est acquitté.
Cass.crim. 6 mai 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim.
157) : L’indisponibilité des biens saisis se poursuit tant qu’une décision n’a pas prononcé la nullité ou la mainlevée de la saisie.
MAIRE
Cf. Arrêté*, Exception d'illégalité*, Faute*, Police municipale*, Responsabilité pénale*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 43, p.45
/ n°
I-II-320 1°, p.247 / n° II-I-151, p.411 / n° II-I-156, p.423 / n°
II-I-208, p.437 / n° II-II-104, p.456 / n° II-II-104, p.458 / n°
II-II-202, p.490 / n° II-II-235, p.523-524 / n° II-II-239, p.528
/ n°
II-II-240, p.529-530 / n° II-II-242, p. 533 / n° II-II-242,
p.533 / n° II-II-243, p.534-535 / n° II-II-244, p.535 / n° II-II-247,
p.539 / n° II-II-251, p.546-547 / n° II-II-254, p.553-554 / n°
II-II-257, p.560
En tant que magistrat municipal, le maire détient des pouvoirs de police. D'une part il lui appartient de prendre des arrêtés de police préventive ; d'autre part il a la qualité d'officier de police judiciaire (art. 16 C.pr.pén. : Ont la qualité d'officiers de police judiciaire : 1° Les maires et leurs adjoints...) ; de ce fait ils ont pouvoir pour ordonner la dispersion d'un attroupement (Art. 431-3 C.pén.).
De Laubadère (Traité de droit administratif) : C'est comme
représentant de l'État que le maire participe à des activités d'ordre judiciaire, à l'occasion desquelles il est placé sous la surveillance du procureur
de la République.
Cass.crim. 16 juin 1993 (JCP, 1994, II, 22303) :
L'arrêté municipal instituant une zone de stationnement payant, avec application d'un forfait mensuel pour les résidents de ladite zone, légalement
pris par le maire dans la limite des pouvoirs que lui confère l'art. L 131-5 C. commun., ne crée aucune catégorie privilégiée de citoyens.
- Le maire peut être tenu pour responsable des accidents survenus dans sa commune, dès lors qu'il s'est rendu coupable d'une faute caractérisée dans l'exercice de ses fonctions. Il en est de même de ses adjoints.
Cass.crim. 9 novembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 Chr.crim.
1146) : Pour retenir à bon droit la culpabilité du prévenu, dans l'incendie d'une maison de retraite ayant causé la mort de trois pensionnaires, la
juridiction du second degré énonce qu'il exerçait une double responsabilité, en tant que président du conseil d'administration de l'hôpital et en tant
que maire, titulaire de pouvoirs de police, chargé notamment de la prévention des incendies dans les établissements recevant du public.
Cass.crim. 4 septembre 2007 (Bull.crim. n° 193
p.822) : Un adjoint engage sa responsabilité pénale pour les infractions qu'il commet dans l'exercice d'une fonction déléguée par le maire d'une
commune, dès lors qu'il dispose de la compétence, des pouvoirs et des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
MAISON CENTRALE
Cf. Administration pénitentiaire*, Emprisonnement*, Prison*.
Les maisons centrales sont les Établissements pénitentiaires* où sont incarcérés les individus qui ont été condamnés à une longue peine d’emprisonnement ou de réclusion. Accueillant des délinquants dangereux, leur régime est marqué par la recherche d’une sécurité maximum. L’une des plus célèbres, et des plus rigoureuses, fut l’Abbaye royale de Fontevraud, qui a heureusement retrouvé une affectation civile.
Garraud (Traité de droit pénal) déplorait il y a un siècle déjà
que : Toutes les maisons centrales n’ont pas été construites en vue de leur affectation. Beaucoup sont d’anciens couvents, devenus domaines
nationaux, et aménagés, après 1810, en vue de l’exécution des longues peines. Quelques unes ont été imparfaitement transformées et ne présentent pas les
conditions d’hygiène nécessaires à une grande agglomération d’hommes.
Cons. d’État 19 juin 1989 (Gaz. Pal. 1990 I somm.
268) : La décision par laquelle le directeur d’une maison centrale a infligé à un détenu une sanction de quarante-cinq jours de cellule de
punition revêt le caractère d’une mesure d’ordre intérieur.
MAISON D’ARRÊT
Cf. Administration pénitentiaire*, Emprisonnement*, Prison*.
La maison d’arrêt est un Établissement pénitentiaire* où sont emprisonnées des personnes en cours de jugement (détention provisoire) et les condamnés qui n’ont qu’une courte peine à subir. Le régime y est en principe moins rigoureux.
Jeandidier
(Droit pénal général) : Les prisons de courtes peines sont les maisons de
correction, où sont incarcérés les condamnés à l'emprisonnement correctionnel n'excédant pas un an... Formellement du moins, elles ne doivent pas être
confondues avec les maisons d'arrêt où prévenus et accusés subissent la détention provisoire.
Cass.crim. 5 mai 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr. crim.
162) : Le juge d’instruction a requis l’extraction de la maison d’arrêt de H..., mis en détention provisoire dans une information suivie contre
lui pour trafic de stupéfiants.
Cass.crim. 18 octobre 1989 (Gaz.Pal. 1990 I
Chr.crim. 235) : La perquisition opérée dans une cellule de maison d’arrêt n’a pas été réalisée au domicile de l’inculpé. Dès lors la présence de
ce dernier n’était pas requise.
MAISON DE
CORRECTION - C'est
sous la Monarchie de Juillet que virent le jour, en France, les
premiers établissements destinés à recevoir les mineurs
délinquants. On a parlé aussi de «
colonies pénitentiaires », de « maisons d'éducation surveillée »
ou d' « institutions publiques d'éducation surveillée ».
Auxquels s'ajoutaient des établissements privés, tel celui de
Dom Bosco. Voir :
Mineurs délinquants*, Prison*.
Consulter, de Henri Gaillac, « Les
maisons de correction - 1830-1945 » (Cujas - 2e éd. 1991)
MAISON DE JEU ILLICITE - Voir : Jeu*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-416,
p.269
MAISON DE TOLÉRANCE
Cf. Bordeau (bordel)*, Prostitution*, Proxénétisme*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-122, p.175
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », quant aux enfants et adolescents n° 440,
p.294
- Notion. La maison de tolérance est un établissement accueillant des prostituées, dans un cadre législatif défavorable à la prostitution, voire hostile, mais non prohibitif. On parlait de Bordeau* sous l’Ancien régime, de « maison close » au siècle dernier ; on dit « maison de débauche » en droit belge, « maison de désordre » (disorderly house) en droit canadien.
Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal
belge) : Est une maison de débauche ou de prostitution tout lieu organisé pour favoriser la débauche ou la prostitution. L’expression
« tenue d’une maison » implique une certaine organisation et une certaine permanence.
Cour sup. just. du Luxembourg 3 octobre 1968
(Pas.lux. 1969-1971 p.1) : Par lieu de débauche il faut entendre non seulement les maisons de tolérance proprement dites, qui entretiennent un
personnel de prostituées pour le mettre à la disposition de clients, mais encore les maisons de passe où des femmes publiques éparses, étrangères à
l’établissement, sont admises pour y pratiquer leurs passes.
Code
criminel du Canada. Art.197 : Maison de débauche - Local
où, selon le cas, soit est tenu ou occupé, soit est fréquenté
par une ou plusieurs personnes, à des fins de prostitution ou
pour la pratique d'actes d'indécence.
Desmaze (Histoire de la médecine légale) :
On me demanda si je pouvais recevoir gratuitement au refuge de Genève une Anglaise, qui aspirait ardemment à quitter la maison de tolérance où elle
était renfermée. Je répondis affirmativement; mais on a fait disparaître la jeune personne et, probablement, elle a été vendue à une maison loin de
Nîmes.
- Règle morale. - De même qu'ils condamnent la Prostitution*, de même les moralistes sont opposés à l'ouverture de maisons de tolérance.
Leclercq (Leçons
de droit naturel - La Famille) : Il est inévitable que la
réglementation de la prostitution tourne à l'organisation et
donc au stimulant de la débauche. Une fois qu'on admet les
maisons de tolérance pour éviter les dangers de la débauche
clandestine, particulièrement au point de vue des maladies
vénériennes, les pouvoirs publics sont amenés à veiller à
l'établissement de maisons de débauche partout où se produit une
forte concentration masculine. La réglementation ainsi va à
l'encontre de sa raison d'être.
- Science criminelle. - Quelque soit le nom qu'on lui donne une telle maison est réprouvée par la loi morale, dès lors que ses pensionnaires sont contraintes d'accomplir des actes qui portent atteinte à leur dignité d’être humain.
Convention de
New York du 2 décembre 1949 : Les
Parties à la présente Convention conviennent de punir toute personne qui tient, dirige, ou sciemment finance une maison de prostitution.
Code pénal du Brésil. Casa de prostituição - Art.
229 : Entretenir, pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers, une maison de prostitution ou un lieu destiné à des rencontres à des fins
libidineuses, qu'il y ait,ou non, intention de lucre : Peine - de deux à cinq ans de réclusion...
Constant (Manuel de droit pénal) : Ne constitue pas la
tenue d’une maison de prostitution le fait pour une femme de se prostituer seule dans sa maison, parce que, dans ce cas, elle ne spécule pas sur la
prostitution d’autrui.
Une variante de la tenue d'une maison de prostitution est le « proxénétisme hôtelier », qui consiste pour le tenancier d'un hôtel à tolérer que des prostituées amènent régulièrement leur client dans son établissement.
Exemple (Ouest-France
26 février 2016) : Hôtel de passe - Hier le procureur a
demandé un mandat de dépôt contre le gérant d'une hôtel de passe
Lorientais . Entre 2012 et 2014, les prostituées utilisaient
Internet pour entrer en contact avec leurs clients afin de
convenir d'un rendez-vous au bar-hôtel Saint-Michel, près de la
gare, à Lorient. La gestion de l'établissement avait un côté
vieillot ; comme en atteste la tenue du registre de réservation
des chambres. Entre parenthèse, après chaque prénom féminin
figurait la mention "poule". Ce message, à l'adresse de la femme
de chambre, signifiait : au petit matin ne pas déranger.
- Droit positif français. Ces établissements ont fait l’objet d’une loi édictée le 13 avril 1946 disposant : « Toutes les maisons de tolérance sont interdites sur l’ensemble du territoire national ». Il s’ensuit, qu’outre les sanctions pénales (art. 225-10 C.pén.), sont encourues des sanctions civiles telles que la résiliation du bail.
Reims 12 mars 1986 (Gaz.Pal. 1986 I somm.
209) : Le gérant de la société exploitant un hôtel a été condamné par jugement devenu définitif pour avoir accepté habituellement que deux
personnes se livrent à la prostitution à l’intérieur de cet établissement ; dès lors les propriétaires des lieux loués étaient fondés, en vertu des
dispositions de l’art. 335-6 al. 4 C.pén., et indépendamment des dispositions contractuelles, à solliciter la résiliation du bail sans qu’il y ait lieu à
mise en demeure préalable.
MAÎTRE CHANTEUR
Cf. Chantage*, Corbeau*, Malfaiteur*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine » (4e éd.), V-301, p.639
On appelle maître chanteur l’individu qui se livre au Chantage*, en menaçant une personne de révélations ou d’imputations diffamatoires afin d’obtenir d’elle une somme d’argent, des documents, une signature …
Joly (Le crime, étude sociale) : Toutes les
entreprises du maître chanteur n'ont qu'un but, celui de se procurer de l'argent.
Lambert (Traité de droit pénal spécial) : Est complice
l’individu qui fournit au maître chanteur, en connaissance de cause, des renseignements diffamatoires destinés à alimenter le chantage.
Modèle de code pénal d’Australie. Le maître
chanteur peut s’appuyer sur une vulnérabilité spéciale de sa victime, qui la fera agir à contrecœur, alors qu’une personne de caractère normal pourrait
résister à une telle menace. Par exemple, la menace de dire à tout le monde qu’elle est un buveur peut ne pas contraindre une personne de caractère et de
courage normaux à agir à contrecœur, mais elle peut pousser un dévot à agir ainsi.
Encyclopédie Microsoft Encarta :
Stavisky, escroc et maître chanteur très lié au milieu politique, fut dénoncé en décembre 1933 ; il tenta de fuir mais fut rattrapé à Chamonix où
la police le retrouva mort bizarrement « suicidé ».
MAJEUR PROTÉGÉ - Voir : Personnes vulnérables*.
MAJORITÉ (des voix)
Cf. Délibéré (déroulement du)*, Jugement*, Partage des voix*.
Les décisions de justice sont ordinairement prises à la majorité simple des magistrats, et éventuellement des jurés. Mais certaines décisions, défavorables à la défense, doivent être prises à une majorité dite "qualifiée", par exemple par huit voix sur douze ; on parle parfois en ce sens de "minorité de faveur".
Angevin (La pratique de la Cour d'assises) : L'accusé
bénéficie d'une "minorité de faveur". Pour assurer la prééminence des jurés, l'art. 339 C.pr.pén. exige que toute décision défavorable à l'accusé soit
prise à la majorité de huit voix au moins, en sorte qu'une telle décision ne peut être acquise que si la majorité des jurés l'a votée.
Cass.crim. 14 décembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I
Chr.crim. 189) : La majorité qualifiée de huit voix au moins n'est requise que pour le prononcé du maximum d'une peine privative de liberté.
Cass.crim. 25 janvier 1995 (Gaz.Pal. 1995 Chr.crim.
I 247) : La feuille de questions précise que la décision prise à l'encontre de l'accusé l'a été à la majorité qualifiée de huit voix au moins. Il
n'importe, dès lors, que pareille mention ne figure pas dans l'arrêt attaqué.
MAJORITÉ PÉNALE, CIVILE ET ÉLECTORALE
Cf. Enfant*, Infans*, Mineur délinquant*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-105,
p.293
Voir :
Ortolan, « L’âge et la responsabilité
pénale, suivant la science rationnelle »
Voir :
G. Tarde, Rapport sur la sociologie criminelle
- Notion. Parvenu au stade de développement où il a pris conscience de sa responsabilité morale et où il a acquis
son libre arbitre, l’être humain peut être tenu pour pénalement responsable de ses actes. On dit alors qu’il a atteint sa majorité pénale (Sur la notion
de Maturité criminelle, voir : Sutherland*)
La majorité pénale ne correspond pas à la majorité électorale
qui suppose infiniment plus d'expérience de la vie sociale.
Bautain (Philosophie des lois) : Il y a un âge où
l’homme devient maître de lui-même, de l’exercice de sa liberté, et seul responsable de ses actes ; il devient un être moral, capable de se
gouverner ; il prend en main sa conduite. Par là, l’homme se constitue et se pose au sein de la société. Rien n’est plus conforme à la nature ;
mais à quel âge arrive la majorité ? On s’accorde généralement à la fixer à vingt et un ans.
Proal
(La criminalité politique- 1908) : Par les brochures et les
journaux, par les conférences, les sophismes anti-sociaux
se répandent avec un vitesse effrayante, surtout parmi les
jeunes gens qui deviennent facilement socialistes, anarchistes,
antimilitaristes. Ivres de liberté, impatients de tout frein,
passionnés pour la justice, ne connaissant pas encore les
difficultés de la vie et la méchanceté des hommes, ils se
laissent séduire par le rêve d'une société meilleure, où il n'y
aura plus ni riches et pauvres, où tout le monde sera heureux et
prennent en haine la société actuelle, à cause de ses
imperfections... N'y a-t-il pas là une indication pour reculer à
25 ans le droit de vote ?
[ Le Bon, spécialiste des phénomènes de foule, y ajouterait
les réunions d'étudiants enflammés ]
- Science criminelle. Comme il n’est pas envisageable de discuter ce point dans chaque poursuite visant un jeune
délinquant, le législateur a coutume de fixer un âge juridique à partir on est présumé punissable. Cet âge varie selon les lieux et les climats, les
traditions et l'évolution de la société (plus celle-ci devient complexe, plus l'âge de la majorité devrait être retardé) ; il peut être inférieur à celui
retenu pour la majorité civile, du fait que la loi pénale ne concerne pas seulement des intérêts privés, mais tend à assurer la protection de la
société.
Il est sage de la part du législateur de prévoir un échelonnement : absence de responsabilité des infans (+/- 7 ans), responsabilité spécifique des
jeunes mineurs (+/- 8 à +/- 15 ans), responsabilité pénale variable des adolescents (+/- 16 à 18 ans) et pleine responsabilité pénale des majeurs sains
d'esprit.
Smith et Hogan (Criminal law, London 1992) : Les mineurs
sont les personnes âgées de moins de 18 ans. En tant que tels, ils sont (à quelques exceptions près) incapables de conclure des contrats ou de dicter un
testament ; mais la loi n'impose pas de telles limitations à leur responsabilité pénale, car, ainsi que le dit Kenny : "un enfant connaît le bien et le
mal bien avant de savoir comment faire un marché avisé ou un sage testament". Pour les besoins du droit criminel, les enfants sont divisés en trois
catégories : enfants de moins de dix ans, enfants de plus de neuf ans et de moins de quatorze ans, personnes de plus de quatorze ans.
Code de droit canonique.
Can. 1323 : N’est punissable d’aucune peine la personne qui, lorsqu’elle a violé une loi ou un précepte,
n’avait pas encore seize ans accomplis.
Code pénal du Japon. Art. 41 : Un acte accompli
par une personne âgée de moins de 14 ans n'est pas punissable.
Code pénal de Bosnie-Herzégovine. Art. 1 -
Définitions - 8) un enfant, au sens du présent code, est une personne qui n'a pas atteint l'âge de quatorze ans. - (9) un adolescent, au sens du
présent code, est une personne qui n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans.
Code pénal d'Arménie. Art. 24 : La personne
qui a atteint l'âge de 16 avant la commission de l'infraction est sujette à la responsabilité criminelle.
- Droit positif. La majorité pénale est actuellement fixée à 18 ans, par la loi française. Mais il existe une période transitoire entre 16 et 18 ans.
Voir :
L'ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante
Jeandidier (Droit pénal général, 1991) : L’âge de la
majorité pénale est actuellement fixé à dix-huit ans, si bien qu’est mineur tout individu âgé de moins de dix-huit ans accomplis au moment de
l’infraction. La preuve de l’âge réel peut être rapportée par tous moyens, notamment par expertises médicales.
Cass.crim. 3 septembre 1985 (Gaz.Pal. 1986 I 20 note
Doucet) : L’âge d’une personne est déterminé par le temps écoulé depuis sa naissance, calculé d’heure à heure.
Cass.crim. 13 octobre 1986 (Gaz.Pal. 1987 I 103 et
la note) : La Chambre d’accusation, qui a renvoyé un étranger devant la Cour d’assises des mineurs, ne peut se voir reprocher de s’être fondée,
pour déterminer l’âge réel de l’intéressé, sur l’expertise et la contre-expertise diligentées, en retenant que si l’âge déclaré par l’intéressé était
conforme à des pièces turques apparemment officielles mais ne comportant pas de photographie récente, aucun texte légal français ne donne force probante
irréfragable aux actes d’état civil des pays étrangers sur le contrôle de l’autorité desquels la France n’a aucune compétence ; en droit pénal
français la preuve peut se faire par tout moyen.