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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  G
(Deuxième partie)

GENDARMERIE

Cf. Arrestation (par l'autorité publique)*, Police (administrative - judiciaire)*, Policier*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-104, p.454 / n° II-I-201, p.429

La gendarmerie est trouve son origine dans la Maréchaussée, institution de l'Ancien régime.

Signe Histoire Ayrault (Ordre et instruction judiciaire) : La maréchaussée est chargée de l'exécution des arrêts de justice et aussi de la recherche et de la poursuite des délits commis par les gens de guerre, tels que désertion, etc.

Signe Histoire Denisart (Collection de jurisprudence) : On nomme Maréchaussées, des Corps établis pour aller et venir à la campagne, empêcher les désordres qui peuvent s'y commettre, arrêter les brigands, les vagabonds, les mendiants valides, etc.

Signe Histoire Du Boys (Histoire du droit criminel de la France) : On commettait tant d'excès en France à l'époque où la juridiction de la maréchaussée fut instituée que l'édit qui la créait fut accueilli comme un soulagement et une délivrance par tout le peuple, et on remarqua que les habitants de nos campagnes prêtèrent énergiquement à la maréchaussée le concours qui leur était demandé pour l'arrestation des malfaiteurs.
Cette soif d'ordre et de sécurité était le sentiment qui dominait dans le royaume tout entier ; on applaudissait aux efforts que faisait le souverain pour assurer à ses sujets ce premier des biens sociaux
.

Signe Philosophie Tarde (La philosophie pénale) : La différenciation de la gendarmerie et de la police ne se fait qu'à la longue, mais elle se produit toujours ; et, comme le développement rural précède le développement urbain, l'organisation de la gendarmerie, ou du corps qui remplit son office (à savoir, la maréchaussée sous l'ancien régime français) précède l'organisation de la police. La police n'a été réellement constituée en France que par M. de Sartine, au milieu du XVIIIe siècle ; la maréchaussée, sous Louis XI déjà, exerçait des fonctions prévôtales.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La Gendarmerie nationale tire son origine de la maréchaussée, troupe spécialisée créée au XIVe siècle pour assurer la police aux armées, et dont la compétence personnelle avait été étendue au XVIe siècle aux brigands de grand chemin. Elle a toujours conservé sa structure militaire et sa compétence mixte. Son nom actuel date de 1791 et son statut d’une loi du 28 germinal an VI

Signe Droit comparé Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : La Guardia civil n'est autre chose, quant à son organisation, ses règlements, ses attributions, que notre gendarmerie française.

Elle constitue l’un des deux principaux corps de la police judiciaire ; et comporte deux cadres : la gendarmerie départementale, qui quadrille de manière permanente le territoire national, et la gendarmerie mobile, qui est chargée d’assurer le maintien de l’ordre de manière ponctuelle.
Entre autres missions, les gendarmes doivent apporter son concours au Ministère public et aux magistrats instructeurs dans l’exercice de l’action publique.
Le récent Code de la sécurité intérieure vise la police nationale et la gendarmerie nationale dans ses articles L.411-1 et suivants.

Signe Législation Code de la sécurité intérieure. Art. L-421-1: La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois.
La police judiciaire constitue l’une de ses missions essentielles.
La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l’ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.
Elle contribue à la mission de renseignement et d’information des autorités publiques, à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à la protection des populations.
L’ensemble de ses missions civiles s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France
.

Signe Doctrine Faustin Hélie  (Traité de l'instruction criminelle) disait déjà : Les sous-officiers et gendarmes sont agents de la force publique et spécialement institués pour veiller à la sûreté publique et pour assurer, dans toute l'étendue du territoire, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 février 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 1517) : À la suite de la découverte du corps de R., atteint de deux balles de fort calibre, le juge d’instruction de Montpellier a délivré à la gendarmerie une première commission rogatoire pour déterminer les circonstances du meurtre.

Signe Exemple concret Joly (Le crime, étude sociale) : Les associations de malfaiteurs (du temps du Directoire) étaient-elles difficiles à dissoudre ? Non. On a très bien dit que ce qui en faisait le succès, c'était surtout la désorganisation de la société régulière, la peur éprouvée par les honnêtes gens, la lâcheté des autorités. Voyons par exemple la bande des Chauffeurs. Ses bataillons s'étaient emparés de provinces entières et les rançonnaient. Un jour, enfin, la société se réveille. Un juge de paix intelligent, un brigadier de gendarmerie courageux, quelques gendarmes et quelques hussards nettoient des départements entiers et remettent tout dans l'ordre sans rencontrer de résistance sérieuse.

GÊNE

Cf. Emprisonnement*, Prison* .

La gêne était, dans notre Ancien droit et sous la Révolution, un mode d’exécution de la peine d’emprisonnement. Elle consistait essentiellement en un isolement de type cellulaire soumis à un régime particulièrement rigoureux.

Signe Renvoi rubrique Voir : Code pénal du 25 septembre 1791. (art. 14, 15 et 16)

Signe Histoire Merlin (Répertoire de jurisprudence) : C'était, après la mort, la déportation et les fers, la peine afflictive la plus grande qui pût, sous le Code pénal du 15 septembre 1791, être infligée à un crime.

Signe Histoire Seligman  (La justice en France pendant la Révolution) : La gêne, c’est l’emprisonnement aggravé par l’isolement. Cette peine réprime certains faits du droit commun, mais surtout des crimes politiques, les tentatives contre les assemblées administratives et les tribunaux, l’entrée des troupes de ligne à moins de trente milles du Corps législatif, la résistance armée à l’autorité.

GÉNÉTIQUE -  Voir : Empreinte génétique*.

GÉNOCIDE

Cf. Apologie*, Cour pénale internationale*, Crime atroce*, Crime contre l'humanité*, Massacre*, Racisme*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 101, p.53 / n° 103 1°, p.58 / n° I-105, p.148 / n° II-248, p.343 / n° III-210 2°, p.423

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-311, p.192

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 29, p.23

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 105, p.42 / n°306 1°, p.133 / n°334, p.199 / n° 414, p.257

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-101 p.70

- Notion. Le génocide est actuellement défini comme le fait, en exécution d’un plan concerté, de s’efforcer d’anéantir un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

Signe Doctrine Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : Le génocide résulte d’actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel

Signe Droit comparé Code criminel du Canada, art. 318  (2) : Au présent article, «génocide» s'entend de l'un ou l'autre des actes suivants commis avec l'intention de détruire totalement ou partiellement un groupe identifiable, à savoir : a) le fait de tuer des membres du groupe; b) le fait de soumettre délibérément le groupe à des conditions de vie propres à entraîner sa destruction physique.

Signe Exemple concret Exemple (Marseille-plus 12 octobre 2005) : Cri d’alarme de l’archevêque de Sarajevo : privés du droit à retourner dans leur maison, à pratiquer leur langue et leur religion, les catholiques de Bosnie n’ont même plus la force de crier que leur situation confine à l’extermination.

Fréquence dans l'histoire. Ce crime apparaît bien trop souvent au cours des siècles, les plus cités de nos jours sont le génocide arménien et le génocide juif. Ils ont été précédés notamment par la destruction de Carthage et le massacre de sa population, pas la destruction de Thèbes et le massacre ou la réduction en esclavage de sa population, par la destruction de Corinthe et le massacre ou la réduction en esclavage de sa population. Le triste modèle de ce crime majeur, qui touche les innocents comme les coupables, les combattants comme les femmes et les tout jeunes enfants a été élaboré sous la Révolution française, en particulier avec le génocide Vendéen.

Signe Histoire Parnell (History of the penal laws against the irish catholics) : Le Code de lois pénales dirigé contre les catholiques d'Irlande a été adopté dans le but d'exterminer une race d'hommes déjà frappés par une longue suite de calamités.

Signe Histoire Desmaze (Les pénalités anciennes) cite cette lettre écrite par un émissaire de Lebon à Lebas : Une perquisition vient d'être faite à la citadelle de Doullens par une commission ardente de sept patriotes ... La guillotine, depuis ce moment, de désempare pas ; les ducs, les marquis, les comtes et les barons, mâles et femelles, tombent comme grêle. La société populaire vient de se régénérer ; de trois cents à quatre cents membres qui la composaient, elle n'est plus que soixante-trois, y compris une douzaine d'absents (les deux Robespierre...). On m'a rendu justice, je suis des soixante-trois.

Signe Exemple concret Reynald Secher (Le génocide Franco-Français) : Le génocide vendéen s'inscrit dans une logique incontestée. Dès le 1er octobre 1793, la Convention le proclame solennellement à l'armée de l'Ouest : « Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés ; le soldat de la patrie l'exige, l'impatience du peuple français le commande, son courage doit l'accomplir... ».
Dès lors, la mission terroriste passe avant les opérations militaires : « dépeupler la Vendée
» (Francastel, 4 janvier 1794) ; « purger entièrement le sol de la liberté de cette race maudite » (général Beaufort, 30 janvier 1794)
... Femmes et enfants sont condamnés avec circonstance aggravante : les première, en tant que sillon reproducteur, sont « toutes des monstres », les seconds sont aussi dangereux car brigands ou en passe de le devenir.  

Signe Exemple concret Minois (Chronique d'une hécatombe, T.II, Paris 2015) : S'il est une chose qui révolte tout particulièrement le sens le plus élémentaire de l'humanité, c'est bien le massacre des femmes et des enfants. Et quand leur élimination est systématique et décidée au plus haut niveau de l'État... cela présente tous les critères de ce qu'en bon langage français on appelle un génocide. Et un génocide d'une cruauté défiant toute imagination.
Car l'intention du Comité de salut public et de la Convention est claire : il s'agit d'éliminer, non pas seulement les insurgés, mais toute une « race maudite », une « race impure », qui « souille le sol de la liberté ». Bref d'exterminer toute la population vendéenne en tant que telle. Ce n'est plus une « guerre civile », c'est la mise à mort de tout un peuple, à qui on reproche son existence même... Et pour liquider liquider définitivement un peuple, il faut en extirper... les femmes et les enfants
.

Signe Exemple concret Exemple. (Ouest-France 23 octobre 1991) : Entre 1930 et 1939 Staline a fait assassiner quelque 17.000 moines bouddhistes en Mongolie, et détruit 700 lamaseries. Une fosse commune contenant les corps de 5000 moines vient d’être mise à jour.

Signe Exemple concret Courtois (Le livre noir du communisme) : La logique génocidaire a été appliquée par le pouvoir communiste à des groupes désignés comme ennemis, à des fractions de sa propre société ; elle a été poussée à son paroxysme par Pol Pot et ses Khmers rouges : 2.000.000 de morts.

- Règle morale. Meurtre commis sur une grande échelle et visant à éliminer un peuple avec sa civilisation, le génocide est bien évidemment condamné par le droit naturel.

Signe Législation Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (ONU 9 décembre 1948). Les parties contractantes ... reconnaissant qu'à toutes les périodes de l'histoire, le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité ... Art. 1 : confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens...

Signe Philosophie Catéchisme de l'Église catholique. § 2313 : On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide.

Signe Philosophie Encyclique « Evangelium vitae » : Le Concile Vatican II a déploré avec force les multiples crimes et attentats contre la vie humaine... Tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide : le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré.

- Science criminelle. On observera que le crime de génocide relève de la catégorie des délits formels et non des délits de résultat, puisqu'il est constitué même si ses auteurs ne sont pas parvenus à leur fins. De plus, il est en général déclaré imprescriptible.

Signe Droit comparé Code criminel du Canada. Art. 318 (1) : Quiconque préconise ou fomente le génocide est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans.

Signe Droit comparé Code pénal suisse. Art. 264 : Sera puni d’une peine privative de liberté à vie ou d’une peine privative de liberté de dix ans au moins celui qui, dans le dessein de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, racial, religieux ou ethnique :
a) aura tué des membres du groupe ou aura fait subir une atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale ;
b) aura soumis les membres du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
c) aura ordonné ou pris des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
d) aura transféré ou fait transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe.

- Droit positif. Le Code pénal français condamne le génocide dans son art. 211-1 et la provocation au génocide dans son art. 211-2 (Loi du 9 août 2010).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 mars 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 110) : Les juridictions françaises peuvent poursuivre et juger, s’ils sont trouvés en France, les auteurs ou complices du crime de génocide ou de crime contre l’humanité.

GEÔLE (Geôlier)

Cf. Prison*.

Le mot geôle, dans l'Ancien droit français, désignait ce que nous nommons aujourd’hui prison ; il n’est plus guère employé de nos jours que sur le plan littéraire. En droit, on appelle encore parfois geôlier un gardien de prison.
- On peut observer que le mot geôle a suivi un étrange parcours : en latin, une enceinte destinée à des animaux ou à des personnes se disait cavea ; ce qui donna caveola en bas latin, puis gayola au Moyen-âge. C’est de mot gayola, signifiant « cage », qui s’est progressivement déformé pour donner geôle en français, gaol et jail en anglais.

Signe Histoire Ordonnance criminelle de 1670. Chap. XIII Article 6 : Les greffiers des geôles où il y en a, ou les geôliers et concierges, seront tenus d’avoir un registre relié, coté et paraphé par le juge dans tous ses feuillets, qui seront séparés en deux colonnes, pour les écrous et recommandations, et pour les élargissements et décharges.

Signe Histoire Code pénal de brumaire an IV. Art. 573 :  Chaque gardien des maisons d'arrêt, maisons de justice, ou geôlier des prisons, est tenu d'avoir un registre.

Signe Droit comparé Code criminel du Canada. Art. 231 (4) Est assimilé au meurtre au premier degré le meurtre, dans l’exercice de ses fonctions, … d’un geôlier.

Signe Exemple concret Warée (Curiosités judiciaires) : Clément Marot, en son Enfer, c’est-à-dire le grand Châtelet, appelle le geôlier le Cerberus.

Signe Exemple concret Lombroso (Les palimpsestes des prisons) rapporte ce graffiti : Les arbres ont beau se couvrir de fleurs ou de fruits, les briques et les barreaux de cette geôle ne donnent que la même récolte de... souris.

Signe Exemple concret Pellico Silvio (Encyclopédie Microsoft Encarta) écrivain et patriote italien (1789-1854). Sa longue réclusion dans les geôles autrichiennes lui inspira son œuvre majeure (Mes prisons, 1832) et en fit un héros de la cause nationaliste, victime de l’oppression étrangère.

GÉOLOCALISATION

Cf. Enquête de police*, Police (administrative - judiciaire)*, Preuve (recherche des)*.
Rappr. Sonorisation*, Vidéosurveillance*.

La procédure de géolocalisation consiste, de la part de la police, à suivre les déplacements d'un individu, soupçonné de préparer, de commettre ou d'avoir perpétré une infraction grave, en traçant son téléphone mobile.

Signe Doctrine Laurent Robert (Géolocalisation... - Gaz.Pal. 5 novembre 2013 p.16) : La technique de la géolocalisation (ou "suivi dynamique") des téléphones portables consiste à suivre les déplacements d'un individu en temps réel à partir du relevé, communiqué par l'opérateur téléphonique, sur réquisitions, des adresses des relais téléphoniques ou antennes GSM sur lesquels le téléphone portable surveillé a été connecté.

Signe Doctrine Grécourt (Surveillance par géolocalisation... - Gaz.Pal. 27 septembre 2014 p.9) : Si la géolocalisation s'analyse bel et bien en une ingérence dans la vie privée des personnes qui en font l'objet; de l'aveu même de la Cour européenne des droits de l'Homme, ce procédé de surveillance apparaît aussi parmi les moins susceptibles de porter atteinte au droit d'une personne au respect de sa vie privée.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation constate que la géolocalisation est de nature à porter atteinte à la vie privée des personnes concernées, et en déduit que si elle peut être autorisée par un juge d'instruction, magistrat indépendant, elle ne peut l'être par le Ministère public, éventuelle partie poursuivante. On peut se demander si la Cour a maintenu un équilibre raisonnable entre les exigences de la défense de la société et le souci de protéger l'intimité de personnes sérieusement soupçonnées d'être liées à une activité criminelle. Nombre d'enquêtes préliminaires vont se voir privées d'un précieux moyen d'investigation ; un nouvel frein dans la lutte contre la délinquance.
Ces réticences ont été confirmées par la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 janvier 2014, n° 13-84909 (Bull.crim.) : Quant à la " géolocalisation "... la mise en œuvre de ce moyen technique de surveillance ne peut, en raison de sa gravité, être réalisée que sous le contrôle d'un juge.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81731 : Il ne résulte d’aucun texte qu’une même ligne téléphonique ne puisse faire l’objet de plusieurs mesures de géolocalisation à l’occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 octobre 2013, n° 13-81945 (publication au Bulletin criminel prévue) : Pour écarter à bon droit le moyen de nullité pris du défaut de fondement légal de la mise en place, par les opérateurs de téléphonie, d'un dispositif technique, dit de " géolocalisation ", permettant, à partir du suivi des téléphones de M. X..., de surveiller ses déplacements en temps réel, l'arrêt retient, notamment, que cette surveillance, fondée sur l'art. 81 C.pr.pén. répond aux exigences de prévisibilité et d'accessibilité de la loi et qu'elle a été effectuée sous le contrôle d'un juge d'instruction constituant une garantie suffisante contre l'arbitraire ; les juges ajoutent que cette ingérence dans la vie privée de la personne concernée était proportionnée au but poursuivi, s'agissant d'une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme portant gravement atteinte à l'ordre public, et qu'elle était nécessaire au sens de l'article 8 § 2 de la Conv. EDH.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 octobre 2013, n° 13-81949 (publication au Bulletin criminel prévue) : Vu l'art. 8 de la Conv. EDH ; il se déduit de ce texte que la technique dite de " géolocalisation " constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge ;
Pour écarter le moyen de nullité pris du défaut de fondement légal de la mise en place, par les opérateurs de téléphonie, d'un dispositif technique, dit de géolocalisation, permettant, à partir du suivi des téléphones utilisés par M. X..., de surveiller ses déplacements en temps réel, au cours de l'enquête préliminaire, l'arrêt retient, notamment, que les art. 12, 14 et 41 C.pr.pén. confient à la police judiciaire le soin de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, sous le contrôle du procureur de la République ; les juges ajoutent que les mesures critiquées trouvent leur fondement dans ces textes, qu'il s'agit de simples investigations techniques ne portant pas atteinte à la vie privée et n'impliquant pas de recourir, pour leur mise en œuvre, à un élément de contrainte ou de coercition ;
Mais, en se déterminant par ces motifs, la chambre de l'instruction a méconnu le texte conventionnel susvisé ; d'où il suit que la cassation est encourue
.

GHETTO -  Voir : Discrimination*, Non-droit (zones de)*.

GIBET

Cf. Croix de justice*, Échafaud*, Hart*, Haute justice*, Mort (peine de)*, Patibule*, Pendaison*.

Signe Renvoi rubrique Voir pour illustration, le site du Gibet de Montfaucon, et le Gibet de Montfaucon .

Dans notre Ancien droit, le gibet était le lieu où étaient pendus les condamnés à mort (le plus important était celui de Montfaucon, qui comportait seize piliers de pierre réunis par des poutres de bois (où mourut notamment Olivier le Dain, ancien confident de Louis XI). On parlait aussi parfois des fourches patibulaires. Au château de Kerjean, en Bretagne, on voit encore se dresser les trois piliers du gibet.

Signe Histoire De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Le gibet est le lieu destiné pour exécuter les criminels, ou le lieu où l’on expose leur corps au public. Ce mot vient de l’arabe « Gibel », qui signifie une montagne ou une élévation, parce que les gibets sont ordinairement dressés sur des hauteurs.

Signe Histoire Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Les fourches patibulaires sont des colonnes de pierre qui soutenaient des pièces de bois auxquelles on attache les condamnés à mort… On ne doit attacher que les hommes aux fourches patibulaires.

Signe Exemple concret Régent (La presqu'île de Rhuys) sommaire : Les fourches patibulaires étaient constituées de six piliers en pierre soutenant une poutre de bois. Elles étaient placées assez près de Sarzeau, là où passait l’ancienne voie romaine de Vannes à Sarzeau, tout près du lieu où elle était rejointe par la voie menant de Nantes à Sarzeau. Les voyageurs passaient ainsi à 500 m. environ des pendus : de quoi rassurer les habitants quant à la vigilance de la justice ducale ; de quoi mettre en garde les maraudeurs et chemineaux, qui ne se bornaient pas à voler des poules.

GIBIER DE POTENCE

Cf. Cheval de retour*, Délinquant*, Gibet*, Patibule*, Pendard*, Récidive*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-323, p.385

On nommait autrefois « gibier de potence » une personne que l’on estimait destinée à être un jour pendue. Présentement, interpeller quelqu’un en ces termes constitue une injure.

Signe Doctrine Proal (Le crime et la peine) : Pourquoi voulez-vous lui enlever le sentiment de sa dignité, de sa valeur morale et le considérer comme un gibier de potence, voué à la criminalité ?

Signe Exemple concret Molière (L’avare, I-3) : Allons ! Que l’on détale de chez moi, maître juré, filou, vrai gibier de potence !

Signe Exemple concret Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Contenson appela le garçon en frappant trois coups secs sur la table avec une pièce d’or. Cet or est-il le produit d’un vol ou d’un assassinat ? Telle était la pensée de quelques esprits forts et clairvoyants qui regardaient Contenson par-dessous leurs lunettes tout en ayant l’air de lire leur journal. Contenson reçut sa monnaie, empocha tous les gros sous et n’en laissa pas un seul au garçon. - Quel gibier de potence ! dit le père Canquoëlle à son voisin.

GIFLE

Cf. Coups et blessures*, Crachat*, Soufflet*, Voie de fait* .

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-112, p.162 (note 3)

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-214, p.149

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-228, p.127

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 329 1°, p.190 / n° 330, p.191 (note 6)

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-113, p.350

La gifle est un coup porté, à main ouverte, sur la joue d’une personne, en vue de la corriger. Elles entre, matériellement, dans la catégorie des coups et blessures et, subjectivement, en raison de la manière dont cet acte est accompli, dans la catégorie des violences volontaires. Si la gifle légère peut être poursuivie comme une simple voie de fait, la gifle appuyée relève des coups et blessures volontaires. Rappr. : Soufflet*.

Signe Doctrine Lambert (Droit pénal spécial) : Si une petite gifle peut être qualifiée indulgemment « violence légère », on qualifiera de « coups volontaires » des gifles répétées.

Signe Droit comparé Code pénal de l'Equateur. Art. 490 4° : Les injures non calomnieuses sont graves... telles les gifles.

Signe Doctrine Garraud (Précis de droit criminel) :  La personne menacée d'un coup (le poing, d'une gifle, d'une voie de fait quelconque), est bien autorisée à se défendre, par exemple à repousser son agresseur, à le bousculer, à le mettre dans l'impossibilité de frapper en lui arrêtant le bras ; mais elle commettrait un crime ou un délit si elle allait jusqu'à tuer ou à blesser grièvement l'agresseur.

Signe Jurisprudence Trib.pol. Aix-en-Provence 12 janvier 1983 (Gaz.Pal. 1983 II 728) : Un témoin affirmant avoir vu la prévenue porter deux gifles au plaignant, il apparaît que la contravention de violences légères incriminée par l'art. R. 38-1 C.pén. et reprochée à la défenderesse est constituée.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 septembre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 1) : Pour déclarer à bon droit la prévenue coupable du délit de violences volontaires, la juridiction du second degré, après avoir relevé qu’elle avait donné une gifle sur la joue gauche du plaignant entraînant sa chute au sol, énonce qu’à la suite de ces violences ce dernier a été blessé et a subi une incapacité de travail personnel de dix jours.

- En raison de la légèreté de l’atteinte causée à la victime, la gifle donnée par une personne dans l’exercice de sa profession est souvent réprimée par une simple sanction disciplinaire.

Signe Jurisprudence Trib.admin. Orléans, 4 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1996 Panor.adm. 39) : Le fait pour une aide-soignante d’une maison de retraite d’avoir giflé et injurié un pensionnaire âgé et handicapé, qu’elle avait la charge d’habiller, constitue un manquement à l’honneur exclu du bénéfice de l’amnistie.

GOUVERNEMENT (Gouvernants) -  Voir : Aristocratie*, Démocratie*, Dictature*, Fonctionnaires*, Monarchie*, Politique*, Pouvoir politique - pouvoir exécutif*, République, Théocratie*.

Signe Philosophie Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : Quand l'État agit, il est représenté par certains hommes qui sont les gouvernants, et qui forment ensemble ce que, dans le droit moderne, on appelle le gouvernement.
La première leçon de l'Histoire est qu'il n'y a jamais eu de façon durable de bon gouvernement. Or une triste loi de l'Histoire est que les gouvernements les meilleurs se corrompent au bout d'un certain temps
[tel est malheureusement le cas en Europe au début de ce XXIe siècle]. Ainsi se poursuit dans l'histoire un cycle perpétuel de gouvernements, moins régulier que celui des saisons, mais tout aussi inéluctable.

GRÂCE

Cf. Amnistie*, Clémence*, Énerver (la répression)*, Peines*, Prescription*, Réhabilitation*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-312, p.478

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-221, p.126 / n° I-II-215, p.205 / n° II-101, p.303 / n° II-108, p.312 (note 4) / n° II-I-106, p.340 / n° II-I-149, p.406 / n° II-II-101, p.450

Signe Renvoi rubrique Voir : Flour, La grâce.

Signe Renvoi rubrique Voir : J-P. Marat, Des principes fondamentaux d'une bonne législation

Signe Renvoi rubrique Voir : Recours en grâce formé après la condamnation du Maréchal Bazaine suite à la défaite de Sedan en 1870

- Notion. La grâce consiste en une mesure de clémence par laquelle le Chef de l’État (le Président de la République, en France) fait remise à un condamné de tout ou partie de la peine qui lui a été définitivement infligée (art. 133-7 C.pén.).
Le poète François Villon sortit des geôles de la ville d’Orléans en raison de la grâce attachée à l’entrée solennelle de Louis XI dans la ville de Meung.

Signe Doctrine Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La grâce est une mesure de clémence. Elle consiste dans un acte de pardon que le pouvoir social accomplit au profit d’un individu reconnu coupable et irrévocablement condamné. Elle est un mode d’extinction de la peine.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 10 août 2012) : Paul Berliet, ancien industriel de l'automobile est décédé à l'âge de 93 ans. Il était le fils du fondateur de l'entreprise de voitures de luxe et poids lourds, Marius Berliet. Nommé directeur de la fabrication en 1942, il passera 40 mois en prison pour collaboration économique avec l'occupant. Gracié, il prendra les rênes de l'entreprise familiale en 1949 pour en faire un groupe d'envergure mondiale.

- Nature juridique. La nécessité de cette institution découle du principe de la séparation des pouvoirs : dans certains cas, tout à fait exceptionnels, l’application stricte de la loi apparaît illégitime, or le pouvoir judiciaire ne peut refuser d’observer la loi et le pouvoir législatif est incompétent pour poser une exception dans un cas d’espèce. Il faut donc nécessairement que le pouvoir exécutif puisse intervenir en dernier recours pour faire triompher l'équité, mais au plus haut niveau afin de limiter l’arbitraire. La grâce apparaît ainsi comme une soupape de sûreté, parmi bien d'autres, permettant d'appliquer raisonnablement le principe de la légalité criminelle.

Signe Histoire Ordonnance de Blois de mars 1498, art. 70 : À nous seul et à nos successeurs rois de France, appartient de donner grâces, pardons et rémissions… droit réservé en signe de souveraineté.

Signe Doctrine Dictionnaire universel du XIXe siècle, v° Grâce : La grâce nous semble le complément nécessaire de la pénalité sociale. Les lois pénales présentent des imperfections inévitables ; les jugements humains ne laissent pas que de subir les mêmes imperfection. Il est indispensable qu'une autorité suprême puisse, dans des cas exceptionnels, corriger ce que les jugements des hommes ont de nécessairement imparfaits.

Signe Jurisprudence Cour EDH. 23 novembre 2014, n° 10014/10 (Gaz.Pal. 20 novembre 2014 p.30) : La grâce n'est qu'une faveur accordée de manière discrétionnaire par le président de la République.

Signe Droit comparé Constitution du Luxembourg. Art. 38 :  Le Grand-Duc a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux membres du Gouvernement.

Signe Doctrine Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Par les progrès de l'ordre social, le droit de juger est sorti des mains du prince ; il a retenu celui de pardonner. La loi a corrigé d'abord les rigueurs de l'arbitraire ; et l'arbitraire est ensuite revu mitiger les rigueurs de la loi.

Signe Droit comparé Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : La grâce doit servir, en tant que soupape de sûreté du droit, à mettre en valeur, vis-à-vis des généralisations rigides du droit, les exigences de l’équité (mais toujours en faveur du condamné, et jamais réciproquement) ; elle peut servir à réparer une erreur du juge ou à aider, aux dépens du droit, au triomphe de la sagesse de l’État.

Signe Droit comparé Carrara (Cours de droit criminel) : On a beaucoup écrit contre le droit de grâce, qui appartient au pouvoir exécutif... mais les objections ont été combattues et le droit de grâce s'est partout maintenu malgré la guerre qu'on lui a faite. Il peut être très utile quand il est sagement exercé.
On ne peut admettre la grâce que si elle présente un caractère extraordinaire et accidentel, notamment par la crainte de troubles, du fait du grand nombre de coupables, par le besoin que le pays a du condamné ou en raison de la reconnaissance qu’il lui doit
.

Signe Droit comparé Clerc (Initiation à la justice pénale en Suisse) : Bien que le législateur suisse ait tout mis en œuvre pour adapter la sanction aux besoins d'une lutte efficace contre la criminalité, il existe parfois des circonstances qui inclinent à renoncer à l'exécution : le Code pénal prévoit à cette fin la grâce, qui permet de remettre, de réduire ou de commuer toute peine prononcée en application du Code pénal.

- Régime. Du fait qu'elle constitue un tempérament au principe de la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif, la grâce ne peut être sollicitée et éventuellement accordée par le chef de l'État qu'après le prononcé d'une condamnation définitive.

Signe Doctrine Jeandidier (Droit pénal général) : La grâce ne se conçoit que pour les condamnations définitives : tant que l'exercice d'une voie de recours reste possible, il est évident qu'aucune grâce ne peut intervenir, puisque la condamnation est sujette à modification.

Le tribunal qui prononce une condamnation, imposée par l'application des lois mais qui apparaît illégitime en raison des particularités du cas d'espèce, ne peut énoncer dans son jugement que le condamné mérite d'être gracié : ce serait empiéter sur les prérogatives du chef de l'État.

Signe Doctrine Merlin (Répertoire de jurisprudence) cite un arrêt de cassation rendu le 17 pluviôse an 13 : La Cour de justice criminelle du département de la Haute-Garonne a tout à la fois pris l'initiative sur le chef de l'État, en recommandant à la clémence de Sa Majesté les condamnés, et exercé elle-même le premier acte du droit de faire grâce, en sursoyant à l'exécution de ces deux particuliers... Une Cour de justice criminelle, pénétrée des motifs qui peuvent déterminer la grâce d'un accusé qu'elle condamne, les communique confidentiellement au chef de l'État.

Le droit français n'a pas enserré l'exercice du droit de grâce dans un carcan. Le plus souvent, c'est le condamné qui prend l'initiative de déposer un recours en grâce. Mais le Chef de l'État peut faire grâce de son propre mouvement. En toute hypothèse le dossier est examiné par le procureur de la République ou le procureur général concerné, puis par la Direction des Affaires criminelles et des grâces.

Signe Doctrine Puech (Droit pénal général) : Théoriquement le président de la République pourrait décider de gracier un condamné de sa propre initiative sans respecter aucune procédure particulière. Mais en pratique sa décision est subordonnée à l'existence d'un recours en grâce.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 31 mai 2007 (Bull.crim. n° 148 p.655) : Un condamné ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis au bénéfice de grâces collectives irrégulièrement accordées par l'administration pénitentiaire.

Quand la grâce est accordée, elle ne peut être refusée par son bénéficiaire.

Signe Jurisprudence Cons.d'État 30 juin 1893 (S.1893 III note Hauriou) : Les actes accomplis par le chef de l'État, dans l'exercice du droit de grâce, ne sont pas susceptibles d'être déférés au Conseil d'État par la voie contentieuse.

Signe Exemple concret Chamfort (Maximes et anecdotes) : Un anglais condamné à être pendu reçut la grâce du Roi.
- La loi est pour moi, dit-il, qu'on me pende
.

- Effet. Selon une antique formule, la grâce dispense de l'exécution de la peine, mais laisse subsister l'infamie.

Signe Droit comparé Code pénal roumain de 1968. Art. 120 : La grâce a pour effet d’écarter en tout ou en partie l’exécution de la peine.

Signe Droit comparé Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : Le condamné à mort peut être gracié de plusieurs manières : 1°/ la grâce peut consister dans une simple commutation de peine d'un seul degré ; 2°/ elle peut également être abaissée de plusieurs degrés ; 3°/ elle peut enfin être une grâce absolue, non seulement exemptant de toute peine, mais même réhabilitant le condamné.

Signe Doctrine Jeandidier (Droit pénal général), pour le droit français : La grâce n'a aucun effet sur la condamnation qui subsiste intacte. Celle-ci reste donc inscrite au casier judiciaire, elle fait obstacle au sursis ou à l'amnistie.

- Danger. L’abus des mesures de grâce a souvent été dénoncé sous l’Ancien régime, notamment dans les Cahiers de doléances du Tiers-état qui leur reprochait « d’enrouer la justice » (Rappr. Réduction de peine*).
En effet, on souligne habituellement que la grâce présente la qualité d'être une marque de miséricorde et de charité envers le coupable. Mais certains auteurs répondent que c'est faire peu cas du caractère préventif de l'exécution des sanctions, et du fait que le délinquant relâché pourra faire de nouvelles victimes.

Signe Doctrine Beccaria (Des délits et des peines) : Quand le souverain accordera la grâce d'un criminel, ne pourra-t-on pas dire qu'il sacrifie la sûreté publique à celle d'un particulier, et que par une acte de bienveillance aveugle, il prononce un décret général d'impunité ? Que les exécuteurs des lois soient inflexibles ; mais que le législateur soit indulgent et humain.

Signe Doctrine Servan (Œuvres complètes) rapporte cette anecdote : Comme Louis XIV s'applaudissait un jour d'avoir abandonné à la justice un assassin auquel il avait fait grâce, après son premier crime, et qui avait ensuite  tué vingt personnes, le vertueux Montausier eut la noble hardiesse de lui répondre :
« Non, Sire, il n'en a tué qu'une, et votre Majesté en a tué dix-neuf ».

Grâce traditionnelle. - La grâce ordinaire n’efface pas la condamnation, elle emporte seulement dispense totale ou partielle d’exécution de la peine. On disait autrefois que, par l’effet de la grâce, la sanction pénale était réputée exécutée ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Cf. Commutation*.

Signe Renvoi rubrique Le droit de grâce est prévu par l’article 17 de la Constitution.

Signe Renvoi rubrique L’octroi ou le refus de la grâce constitue un acte souverain : Conseil d'Etat 30 juin 1893.

Signe Renvoi rubrique La grâce emporte dispense d’exécution de la peine infligée : Cass. crim. 8 novembre 1960.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La grâce est une mesure de clémence décidée par le chef de l’État et en vertu de laquelle un condamné est dispensé de subir sa peine en totalité ou en partie, ou par l’effet de laquelle une peine plus douce est substituée à la peine normalement exécutoire.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 29 septembre 2004 (Bull.crim. n° 228 p.820) : La grâce ne vaut plus exécution de la peine, mais seulement dispense d’exécution : les remises gracieuses portant sur une peine ultérieurement absorbée ne peuvent s’imputer sur la durée de la peine absorbante.

Signe Exemple concret M. Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe République) : Bazaine, qui avait écouté sans émotion apparente la lecture du jugement le condamnant à la peine de mort, refusa de signer le pourvoi en révision et la demande de grâce. Ce furent les membres du Conseil de guerre eux-mêmes, qui prirent l’initiative de transmettre en leur nom une demande de remise de peine gracieuse au ministre de la Guerre. La demande fut favorablement accueillie.
- J.O. du 12 décembre 1873 : Sur la proposition du ministre de la Guerre, M. le président de la République a commué la peine de mort prononcée contre le maréchal Bazaine en vingt ans de détention.

Signe Exemple concret Corato (Grands criminels et grands bandits) : Dans l'affaire des sœurs Papin, le 22 janvier 1934, le président Albert Lebrun exerce son droit de grâce et commue la peine de mort en travaux forcés à perpétuité.

Grâce collective. Dans son esprit, la grâce est un procédé permettant au chef de l’État d’individualiser la sanction infligée à un coupable pour tenir compte de circonstances auxquelles les techniques judiciaires ne permettent pas de répondre. Pourtant, à côté des grâces individuelles, la pratique a connu des grâces collectives ; cette pratique est interdite dans le nouvel état de la Constitution qui n'autorise plus que le droit de grâce individuel.

Signe Renvoi livres Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », les décrets de grâce collective excluent normalement les auteurs de violences à enfants : n° 403

Signe Législation Décret de grâce collective du 15 février 1954 : Article premier.- Tout délinquant primaire faisant l’objet à la date du présent décret d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté égale ou inférieure à trois mois bénéficie de la remise de sa peine

Signe Jurisprudence Cass.crim. 16 juin 1992 (Gaz.Pal. 1992 II 481) : Sauf exception prévue par la loi, le condamné qui a bénéficié d’une grâce générale est censé avoir subi sa peine pendant un temps égal à celui dont il a obtenu remise.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 mars 2004 (Bull.crim. n° 70 p.269) : Les remises gracieuses régulièrement accordées sur le fondement des décrets de grâces collectives pour l’exécution d’une peine demeurent acquises au condamné, en cas de confusion ultérieure de cette peine avec une autre peine exclue du bénéfice desdits décrets.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 juin 2005 (Bull.crim. n° 189 p.668) : Aux termes du décret de grâce collective du 10 juillet 2001, sont exclus du bénéfice de cette grâce les condamnés détenus pour l’exécution d’une peine ou plusieurs peines dont l’une au moins a été prononcée pour « violences envers les représentants de la force publique ».

Grâce amnistiante. Résultat d’une confusion des pouvoirs, la grâce amnistiante est accordée par le président de la République, intervenant dans le cadre d’une loi spéciale. Son octroi est individuel, comme dans la grâce, mais les effets sont réels, comme dans l’amnistie. De la sorte, celui qui bénéficie d’une grâce amnistiante voit disparaître le caractère pénal de ses agissements (ce qui ne fait pas disparaître le devoir de réparation civile).

Signe Législation Ordonnance du 28 octobre 1944 : Le bénéfice de la grâce amnistiante pourra être accordé à toutes personnes condamnées pour infraction aux art. 193 à 198 C.just.mil. commises avant le 17 juin 1940, lorsque les intéressés auront pris postérieurement une part très active dans la résistance à l’ennemi de la nation française. (sont ici visés les crimes de désertion en temps de guerre).

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 26 mai 2006) : Jacques Chirac a pris une mesure individuelle d'amnistie en faveur de G. D... ... L'ancien ministre des sports, champion olympique du 110 m haies, avait été poursuivi pour avoir bénéficié d'un emploi fictif. Il s'était vu suspendre de ses mandats par le Comité international olympique où il siégeait. C'est une loi de 2002 qui autorise l'amnistie individuelle pour services rendus à la Nation.

GRAFFITIS

Cf. Détérioration*, Vandalisme*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-215, p.577

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-9, p.61

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant les biens patrimoniaux  (en droit positif français)

Les graffitis sont des inscriptions, signes ou dessins, tracés sur des bâtiments, des véhicules, du mobilier urbain, sans autorisation. Ces actes de vandalisme, désignés aussi sous le nom de « tags », sont sanctionnés par l’art. 322-1 al.2 C.pén.

Signe Doctrine Véron (Droit pénal 1994 254) : Pour tenter de lutter contre le développement de la pratique des tags et de limiter les importantes dépenses de remise en l’état de leur patrimoine qu’ils imposent aussi bien aux particuliers qu’aux collectivités publiques, le nouveau Code a décidé de donner à ceux-ci une qualification correctionnelle même s’il n’en résulte que des dommages légers.

Signe Jurisprudence Dijon 10 septembre 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm. 135) : Si l’attroupement n’a pas exercé de violences contre des personnes du fait que les lieux étaient déserts la nuit, il a agi à force ouverte en se livrant à des dégradations multiples… notamment en souillant les wagons de graffitis.

Signe Jurisprudence Cons. d'État 10 mars 2004 (Gaz.Pal. 2004 somm. 4002) : La revue «Graff It», qui est principalement consacrée à la pratique du graffiti, comporte des articles et des photographies présentant sous un jour favorable des graffitis réalisés sur des supports non autorisés. Ces éléments sont susceptibles d'inciter les lecteurs de cette publication à commettre les délits réprimés par les dispositions des art. 322-1 à 322-3 C.pén. Il suit de là que cette publication ne peut être regardée comme présentant un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée...

GRANDS-JOURS

Cf. Commissions (juridictions)*, Justice déléguée et justice retenue*, Tribunaux d'exception*.

Signe Renvoi article Voir : Aperçu de l'histoire de l'ancien droit criminel français

Dans le très Ancien droit, les Grands Jours étaient des sortes d'assises tenues plus ou moins régulièrement par un grand seigneur. Plus tard, les Grands Jours devinrent des Commissions désignées par le Roi, afin de rendre la justice et remettre de l'ordre dans une région troublée, ou dans le ressort d'une juridiction qui avait pris beaucoup de retard dans l'examen des affaires courantes. Il s'agit d'un cas caractéristique de justice déléguée.

Signe Histoire Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Les Grands Jours sont des séances extraordinaires d'un nombre de juges assemblés par Commission du Roi pour réformer les abus qui se commettent dans les provinces éloignées des Parlements.

Signe Histoire Olivier-Martin (Histoire du droit français) : En annexant la Champagne, Philippe le Bel maintint les Grands-Jours de Troyes, ancienne juridiction des comtes.

Signe Histoire De Ferrière (Dictionnaire de droit, Paris 1779) : Les Grands-Jours sont une Cour souveraine que les Rois instituent quelques fois dans les provinces, pour y faire le procès à ceux qui ont commis des crimes, pour connaître et décider de tous les abus, fautes et malversations, dont les officiers des provinces où ils se tiennent, se sont trouvés chargés, touchant le fait et la fonction de leurs charges ; et pour corriger tous les styles et procédures abusives.

Signe Histoire A. Lebigre (La justice du Roi) : À l'origine, les Grands-Jours avaient pour objet de remédier aux lenteurs de la justice provinciale. Quand dans un ressort les sacs de procédure s'étaient amoncelés au point de désespérer les juges les plus indolents et les plaideurs les plus endurcis, le Roi dépêchait sur les lieux des gens du parlement de Paris, parfois assistés de conseillers d'État. Dans le temps limité qui leur était imparti, ils jugeaient les affaires en souffrance, apportant en outre à cette opération de sauvetage l'impartialité de magistrats étrangers aux intrigues et factions locales.

Signe Histoire Henri-Martin (Histoire de France) : Certains hobereaux montagnards de l'Auvergne, protégés par leur éloignement de Paris et du Parlement et par la nature du pays qu'ils habitaient, intimidaient ou gagnaient les juges subalternes et commettaient impunément toute espèce de violences et d'exactions ... Le 31 août 1665 une déclaration royale, largement motivée, ordonna la tenue d'une juridiction ou cour "vulgairement appelée les Grands-Jours" dans la ville de Clermont, pour l'Auvergne. Un Président au parlement, seize conseillers, un avocat général et un substitut du procureur général furent désignés pour tenir ces assises extraordinaires. Leurs pouvoirs étaient à peu près absolus. Ils devaient juger en dernier ressort toutes les causes civiles et criminelles, punir les abus et fautes des officiers du pays, réformer les mauvais usages et vider les procès criminels avant tous autres... La publication des édits royaux et la prompte arrivée de "Messieurs des Grands-Jours" à Clermont produisirent dans toutes ces contrées une émotion extraordinaire. Le peuple accueillit les magistrats parisiens comme des libérateurs... La terreur, au contraire, planait sur les châteaux ; une foule de gentilshommes quittaient la province et la France, ou se cachait dans les montagnes.

GRAPHOLOGIE

Cf. Identité judiciaire*, Police judiciaire*, Police scientifique*.

- Notion. La graphologie consiste en l’examen scientifique d’un texte manuscrit.
Elle peut servir d’auxiliaire au droit criminel à deux niveaux : d’une part, elle permet de dire si un document a bien été écrit par celui à qui il est attribué, d’autre part, elle fournit des indications sur la personnalité de celui qui a écrit un texte.

- Dans son premier rôle, relatif aux indices matériels et où l’expert s’appuie sur des sciences physiques, elle fournit des indices qui peuvent être tenus pour déterminants.

Signe Renvoi rubrique Voir : Le "Corbeau" signait "L'oeil de tigre".

Signe Histoire Ordonnance criminelle de 1670 (T.VIII, art. 9) : La vérification des écritures sera faite sur les pièces de comparaison, par experts et maîtres écrivains, nommés d’office par le juge.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale allemand. § 93 (Expertise graphologique). Une vérification d’écriture peut être effectuée par un expert, afin de déterminer l’authenticité ou l’inauthenticité d’un écrit et identifier son auteur.

Signe Droit comparé Cour sup. just. du Luxembourg 26 juin 1972 (Pas.lux. 1972-1974) : Il est vrai que les expertises graphologiques sont sources d’erreur, et que les tribunaux ne peuvent les accepter qu’avec prudence.

Signe Jurisprudence Paris 28 novembre 1991 (JCP 1992 IV 1074) : La notification d’un jugement n’est pas valablement faite dès lors que l’expertise graphologique établit que la signature apposée sur l’accusé de réception de la lettre recommandée par laquelle l’autorité expropriante a notifié à l’exproprié l’ordonnance frappée d’appel n’est pas celle de ce dernier ni celle d’un des deux mandataires qu’il avait habilités à cet effet auprès de l’administration postale.

- Dans son second rôle, relatif à la personnalité du prévenu, qui relève des sciences humaines, elle ne peut fournir que des impressions qui sont évidemment insuffisantes pour motiver un jugement.

Signe Doctrine Gorphe (L’appréciation des preuves en justice) : L’étude graphologique du caractère du scripteur apporte une contribution intéressante à ce que l’on peut appeler l’interprétation psychologique du document : les caractères graphiques donnent d’utiles indications pour savoir si l’auteur est, ou non, une canaille. Mais on n’aboutit guère qu’à des probabilités, d’autant plus fortes qu’on dispose de plus de pièces de comparaison.

Signe Exemple concret Sur la faiblesse de la graphologie psychologique. Paris 26 mars 1991 (Gaz.Pal. 1992 I 226) : L’auteur de l’article n’a fait qu’user, conformément à la vocation de son journal et à sa mission d’information, de son libre droit de critique en dénonçant les dangers et les insuffisances de la graphologie et en fondant ses observations sur une analyse comparative des tests obtenus.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 juillet 1993 (Gaz.Pal. 1993 II Chr.crim. 473) : A défaut d’un examen médico-psychologique, auquel l’inculpée a refusé de se soumettre, l’art. 81 C.pr.pén. autorisait le juge d’instruction à confier à l’expert qu’il estimait compétent, toute mesure qu’il croyait utile à la manifestation de la vérité, notamment une expertise graphologique. Le juge a pu confier une demande d’expertise graphologique à un expert inscrit dans la spécialité «Écriture et Paléographie».

GRAPPILLAGE -  Voir : Maraudage*.

Suite de la lettre G