DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Troisième partie)
ÉLARGISSEMENT
Cf. Écrou*.
Élargir un détenu c’est mettre fin à son incarcération et lui rendre sa liberté.
Code criminel du Canada. On entend par
« libération
» l'élargissement entraîné par l'expiration de la peine.
Brioche (Dictionnaire des juges de paix) : L'élargissement
de droit a lieu sans caution ; ce n'est qu'au cas où il est facultatif qu'il y a faculté pour le juge d'instruction d'exiger ou non, suivant les
circonstances, un cautionnement.
Cass.crim. 1 décembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I
Chr.crim. 89) : La Chambre d’accusation a pu rejeter une demande de mise en liberté formée par le prévenu au motif que son élargissement
laisserait craindre qu'il n'entre en contact avec les victimes, les auteurs ou des complices non encore identifiés.
ELECTA UNA VIA
Cf. Action civile*, Contrat judiciaire*.
Voir :
G. Levasseur, La mise en œuvre de l’action
civile : le choix ouvert à la victime
- Notion. Celui qui s'estime victime d’un délit a la possibilité de porter son action, soit devant la juridiction répressive, soit devant la juridiction civile. Son choix est a priori libre ; mais une fois qu’il l’a effectué, il doit s’y tenir (sinon le prévenu pourrait voir son système de défense contourné). Tel est le sens de la règle Electa una via, non datur recursus ad alteram ; règle consacrée par l’art. 5 C.pr.pén., qui s'applique principalement pour interdire (en principe) à celui qui a choisi la voie civile de saisir après coup la juridiction pénale.
Pradel (Procédure pénale) : La partie lésée dispose
d’une option procédurale entre la voie civile et la voie pénale.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La
règle electa una via est admise dans l’intérêt de l’inculpé. On veut le dispenser d’avoir à répondre à une double instance, d’avoir à supporter les frais
de deux procédures. On admet qu’il s’est formé, par l’exercice de l’action, un contrat judiciaire qui ne peut être rompu par la seule volonté du
demandeur.
Digeste de Justinien, 47, X, 6. Paul : Le délit de
diffamation peut être poursuivi par un jugement criminel public. Si le nom de la victime est ajouté, on pourra poursuivre l'injure par le droit civil :
car il est permis d'intenter l'action privée, quoiqu'elle préjudicie au jugement public, parce qu'il s'agit d'un intérêt privé. Si l'on a poursuivi le
jugement au public, on ne peut plus revenir au civil ; de même dans le cas contraire.
- Conditions d'application. Pour que l'adage electa una via puisse être invoqué par le défendeur il faut que les deux actions portées, l'une devant la juridiction civile, l'autre devant la juridiction répressive, comportent identité de cause, d'objet et de parties.
Larguier (Procédure pénale) : La règle suppose l'identité
d'objet, de cause et de parties dans les deux demandes ; ex., action en réparation du préjudice pour homicide par imprudence, puis action pénale pour les
mêmes faits.
Cass.
2e civ. 26 mars 1965 (J.C.P. 1965 II 14456, note A-M. Larguier) : La
règle « Electa una via, non datur recursus ad alteram », n’est
applicable qu’à la condition que les demandes successivement
portées devant les deux juridictions répressive et civile soient
les mêmes, ayant notamment la même cause ; si l’action civile
fondées sur les articles du Code pénal qui répriment les délits
de blessures et d’homicide involontaire et sur l’art. 1382 C.
civ., et l’action fondée sur l’art. 1384 al. 1 dudit Code
tendent aux mêmes fins, elles procèdent dépendant de causes
distinctes ; ayant chacune leur domaine propre, la
responsabilité du fait personnel et celle du fait des choses
peuvent être cumulativement engagées.
Cass.crim. 3 avril 2007 (Bull.crim. n° 99 p.485) :
L'identité de cause, d'objet et de parties des actions portées devant la juridiction civile et la juridiction répressive, exigée pour l'application
des dispositions de l'art. 5 C.pr.pén., est établie dans le cas où un salarié cité devant le tribunal correctionnel le dirigeant de la société qui
l'emploie afin d'obtenir la réparation du dommage résultant pour lui de délits d'entrave, de discrimination syndicale et de harcèlement moral, après
avoir, pour les mêmes faits, assigné à des fins indemnitaires ladite société devant le conseil de prud'hommes.
Cass.
ch. réunies, 24 avril 1961 (D. 1961 733, note Bouzat, Gaz.Pal.
1961 II 12) : Si la partie civile qui a saisi le juge
d’instruction ne peut abandonner la voie de l’instruction
préparatoire pour traduire directement l’inculpé devant la
juridiction correctionnelle, elle peut, au contraire, après
clôture de l’information, user de la voie de la citation directe
contre une personne qui n’a pas été l’objet de l’instruction
requise.
- Régime. Si, la victime ayant choisi la voie civile, le ministère public décide d’exercer des poursuites, la juridiction civile devra surseoir à statuer pour ne pas risquer de se prononcer dans un sens différent de la juridiction pénale (qui prend en compte le Bien commun*) ; telle est la raison d’être de la règle Le criminel tient le civil en état*. Mais, dans cette hypothèse, par exception, la victime est autorisée à passer du civil au pénal pour suivre le ministère public.
Cass.crim. 20 mars 1989 (Gaz.Pal. 1989 II
598) : Selon l’art. 5 C.pr.pén., la partie civile qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente peut la porter devant la
juridiction répressive si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu’un jugement sur le fond n’ait été rendu par la juridiction civile.
- De toute manière cette règle, qui suppose une identité entre les deux actions, n’est pas d’ordre public ; en sorte que les parties privées peuvent y renoncer, que le prévenu doit l’invoquer in limine litis, et que les juges ne peuvent la soulever d’office.
Cass.crim. 27 mars 1957 (Gaz.Pal. 1957 I 463) :
La fin de non-recevoir tirée de la maxime una via electa ne peut être opposée à la partie civile que si les deux demandes portées devant le juge civil
et devant le juge pénal sont formées entre les mêmes parties, ont le même objet et la même cause.
Cass.crim. 21 juillet 1971 (Bull.crim. n° 233
p.570) : La règle posée par l’art. 5 C.pr.pén. n’est pas d’ordre public et ne protège que des intérêts privés ; dès lors, l’exception qui en
découle doit être proposée par le prévenu in limine litis.
ÉLECTION DE DOMICILE
Cf. Citation directe*.
Afin de faciliter l’acheminement des actes de procédure, la loi exige de la partie civile qu’elle précise exactement son adresse, et éventuellement qu’elle indique une adresse spéciale pour la procédure engagée (art. 89 et art 392 C.pr.pén.). Il en est ainsi en cas de citation directe : si elle n’y réside pas, la partie civile doit fournir une adresse ad hoc dans le ressort du tribunal saisi. À défaut, la partie civile ne pourra se plaindre de n’avoir pas reçu notification des actes de la procédure.
Cass.crim. 8 février 2000 (Gaz.Pal. 2000 J
1516) : Il ne résulte ni de la plainte, ni d’aucune autre pièce de la procédure que la partie civile ait satisfait à l’obligation, imposée par
l’art. 89 al.1 C.pr.pén., de déclarer une adresse. Il s’ensuit qu’en application des dispositions du dernier alinéa du texte précité, la partie civile
appelante ne peut opposer le défaut de notification à elle-même de l’ordonnance de non-lieu entreprise.
- La loi du 29 juillet 1881 sur la presse, particulièrement exigeante, impose à la partie civile de faire élection de domicile dans la ville même où siège la juridiction saisie, et de la notifier tant au prévenu qu’au ministère public. Sanction : nullité de la citation.
Cass.crim. 17 décembre 1991(Gaz.Pal. 1992 I
Chr.crim. 184) : Selon l’art. 53 alinéas 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1881, si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra
élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie ; cette formalité est substantielle et doit être observée à peine de nullité de la
poursuite. En conséquence, la citation doit indiquer que l’avocat au cabinet duquel est élu domicile, a sa résidence professionnelle dans la ville même
où siège la juridiction saisie de la poursuite pour un délit de presse.
ÉLECTIONS
Cf. Citoyen*, Démocratie*, Fausse nouvelle*, Faux en écritures publiques*, Fraude électorale*, Majorité pénale, civile et électorale*, Sociétés secrètes*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », n° 114, p.78 /
n° I-208, p.212 / n° I-248 3°, p.264
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 40,
p.41
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-228 et s. p.514 et s.
/ n°III-231, p.520
Voir :
Tableau des
incriminations protégeant la liberté politique (en droit positif français)
- Notion. Lorsque l'on parle d'élections, on songe principalement au scrutin permettant de désigner les députés, les sénateurs et les maires. Mais il en est bien d'autres, comme celle visant à choisir les membres dirigeants d'une association ou d'une corporation. Nous nous en tiendrons aux élections organisées par l'État, en observant que le résultat d'un scrutin ne traduit pas nécessairement la volonté de la Nation.
Dictionnaire
Larousse de synonymes.
Élection - désigne l'action de choisir par le concours d'un
grand nombre de votes ou de suffrages.
Dictionnaire
Petit Robert.
Élection - choix, désignation d'une ou plusieurs personnes
par un vote... notamment celles qui désignent les députés de
l'Assemblée nationale ou un Chef d'État.
Baudin (Cours de philosophie morale) :
Il saute aux yeux que la nation est plus large que le peuple
votant qui n'en constitue qu'une partie... Il n'y a donc pas
identité, a priori, il peut au contraire y avoir discordance de
fait entre la volonté générale de la nation et la volonté
exprimée par la majorité des suffrages.
D'autant que cette majorité est en réalité celle des électeurs
votants, abstraction faite des non-votants, qu'elle peut se
réduire à la moitié plus un des votants, et qu'elle peut être le
résultat d'intrigues politiques où les volontés particulières
des individus et des partis réussissent trop souvent à prévaloir
sur la volonté générale de la nation.
Balzac (Préface
à la Comédie humaine). L'élection, étendue à tout, nous donne
le gouvernement par les masses, le seul qui ne soit point
responsable, et où la tyrannie est sans bornes, car elle
s'appelle la loi. [rappel utile de cette réalité que des
élections, même libres, ne débouchent pas nécessairement sur la
recherche du Bien commun*].
- Droit et devoir de voter.
Au premier rang on doit placer le droit de vote pour chaque citoyen
(non disqualifié par une condamnation pénale grave). Ce droit constitue un intérêt juridique que, dans un régime
libéral, le législateur doit impérativement protéger.
Une fois reconnu à une personne, son droit de voter devient pour
elle un devoir consistant à se prononcer, par son bulletin, en
faveur du candidat le plus susceptible de participer au Bien
commun*.
Convention EDH - Protocole additionnel n°1. Art. 3 :
Les Hautes Parties Contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans des conditions
qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif.
2e
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1793) . Art. 29 :
Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de
la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.
Il n'existe pas seulement un droit de voter, reconnu dans les démocraties libérales, mais aussi un devoir de voter. Ce devoir découle d'abord de la règle morale voulant que tous les citoyens participent à la vie de la Nation* ; mais il constitue aussi une protection des électeurs contre des partis politiques totalitaires qui envisageraient de donner la consigne de ne pas aller voter (sous menace de mesures de rétorsions).
Baudin (Cours de philosophie morale) : Le devoir de
voter... Il s'agit de collaborer par son vote à la constitution ou à l'action de l'État. Par suite, l'État qui invite les citoyens à voter les invite à
participer, en même temps qu'à ses charges, à ses devoirs, et tout premièrement à son devoir fondamental de faire prévaloir le bien public sur les
intérêts particuliers.
Proal
(La criminalité politique- 1908) : Pour améliorer le suffrage
universel, il est nécessaire de considérer le vote, non seulement
comme un droit, mais comme un devoir, comme une fonction publique,
et par suite de le rendre obligatoire en frappant d'amende les
abstentions. Les exaltés, les violents votant toujours, et les
abstenants étant, en général, des modérés, indifférents ou
découragés, rendre le vote obligatoire ce serait l'améliorer, ce
serait aussi faire de la représentation du pays une image fidèle
du pays. En effet, si on ajoute le chiffre des abstentions à
celui des suffrages, qui ont été en minorité, on arrive à cette
constatation que la majorité qui fait la loi à la Chambre ne
représente pas la majorité du pays.
Code pénal
électoral belge, relatif à l'obligation de voter (dans les
années 1970). Art. 210 : Une première absence non justifiée
est punie, suivant les circonstances, d'une réprimande ou d'une
amende...
- Police des élections.
C’est dans le Code électoral que figurent les principaux textes
assurant la liberté et la sincérité des élections. Le secret du
vote, protégé par l'isoloir, apparaît comme la règle la plus
importante de toutes
Les
agissements les plus graves sont réprimés par le Code pénal ; la
sanction spécifique la plus évidente étant la suspension voire
l'extinction de ses droits civiques
Garraud (Traité
de droit pénal) :
Quels sont les faits ressortissant du droit pénal proprement dit
? On peut les grouper autour de trois idées : celles de liberté,
de légalité, de sincérité de l'élection. Le suffrage doit être
libre : il est donc nécessaire de réprimer les actes
d'empêchement ou de trouble à l'exercice des droits
électoraux... Le suffrage doit être légal : il faut donc punir
les inscriptions frauduleuses sur les listes électorales. Le
suffrage droit être sincère : il importe donc, notamment, de réprimer la
corruption qui s'attaque à l'électeur et les truquages qui
proviennent des membres du bureau...
L'annulation d'un scrutin par l'autorité compétente ne fait pas
disparaître les délits qui ont été commis dans ce scrutin.
Vitu (Traité
de droit pénal spécial) : Le droit pénal électoral a
pour but d'assurer la loyauté et la vérité dans les scrutins
auxquels participent les citoyens.
Furet
et Richet (La Révolution française) : Théoriquement les
élections à la Convention auraient dû se faire au suffrage
universel à deux degrés... À Paris, où le vote eut lieu en
public et à haute voix, on interdit le suffrage aux signataires
des anciennes pétitions royalistes. Quant au peuple des
« passifs »,
il craignit ou ignora l'usage de ses droits civiques. Ce fut
donc une minorité politiquement engagée qui désigna les membres
du Parlement le plus audacieux de notre histoire.
[de nos jours, c'est un sévère contrôle de la presse par les
groupes de pression qui assure des élections "politiquement
correctes"]
J.Minois (La
Révolution Française) : Le 5 septembre 1797, on
contraignit tous les électeurs à faire ce serment :
« Je fais serment de haine à
la royauté et à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la
République ».
Code pénal espagnol. Art. 472 : Sont coupables du
délit de rébellion ceux qui font obstacle à la liberté des élections pour des charges publiques.
Bentham (Théorie
des peines et des récompenses) : Dans le bourg de New
Shoreham, il s'était formé une société, sous le nom de Société
Chrétienne, composée de la très grande majorité des électeurs,
ayant pour objet de tirer le parti lucratif possible de leur
droit d'élection parlementaire. Ce trafic avait duré plusieurs
années. Le délit fut prouvé : le droit d'élection fut ôté à tous
les coupables, qui furent désignés chacun par leur nom.
Le droit d'élection n'est pas une propriété dont on ait fait
l'usufruit ; c'est une possession fiduciaire, qu'un homme tient
non pour son bénéfice seul, mais pour le bénéfice de la
communauté. Les électeurs trouvent souvent le moyen d'en tirer
un gain personnel, mais c'est là un usage de la chose en
opposition directe avec le bien général
[ alors que dire des élus qui prospèrent en ne considérant
que leur intérêt personnel, ou celui du groupe de pression qui
les a fait élire ! ].
Cass.crim.
11 janvier 1921 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim.
148) : Manque de base légale le jugement rendu par un juge de
paix en matière d'inscription sur les listes électorales, qui
désigne seulement les électeurs qu'il inscrit par leur nom et
prénom, sans mentionner leur nationalité, leur habitation, la
durée de leur résidence, leur âge et leur profession, en un mot
sans rien indiquer qui spécifie leur identité et justifie leur
inscription. [on a une fois relevé que, dans un village de
3.603 habitants, comportant normalement 927 électeurs, la liste
établie le dernier jour retenait 5280 électeurs !].
Cass.crim. 7 mai 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim.
148) : Le..., S., maire de St-P., a réuni le personnel communal en vue, notamment, de leur annoncer sa candidature aux élections cantonales et de
solliciter leur soutien ; il est poursuivi pour avoir, lors de cette réunion, exercé des menaces envers des électeurs, à savoir les employés municipaux,
en vue d'influencer leur vote, infraction punie et réprimée par l'art. L. 107 C. élect.
Cass.2e
civ.. 18 mai 2000 (Gaz.Pal. 19 septembre) : Le point de
départ de l'interdiction des droits énumérés par l'art. 131-26
C.pén., s'agissant d'une peine qui, par nature, n'exige aucun
acte d'exécution, est nécessairement fixé au jour où la
condamnation est définitive.
Griotteray
(Le Figaro magazine 19 mars 1983) : De grandes villes
d'Ile-de-France ont été gagnées par l'opposition républicaine
mais personnes ne le saura jamais.
Car la fraude a inversé les résultats. Pour éviter le désaveu
qu'une population excédée voulait leur infliger, les communistes
ont fait flèche de tout bois : inscriptions abusives sur les
listes électorales, faux électeurs votant indûment, absence de
vrai contrôle d'identité, enveloppes multiples glissées
subrepticement dans l'urne, etc.
S'il est exact que les communistes sont maîtres dans cet art
douteux, il ne faut pas méconnaître que des pratiques semblables
se déroulent dans certains fiefs socialistes tel Marseille.
Cette violence politique est d'une exceptionnelle gravité, car
elle est liberticide. Le suffrage universel ne périt pas
seulement par acclamations, comme le disait Alain, il meurt
aussi de cette triche qui donna le coup de grâce, ne l'oublions
jamais, à le République de Weimar.
Télétexte
du 17 décembre 2002 : Une vaste affaire de corruption ébranle
le Likoud. Deux membres du Comité central ont été arrêtés,
soupçonnés d'avoir participé à un système d'achat des votes
d'électeurs influents.
-
On ne saurait trop insister sur la nécessité d'assurer aux
électeurs la liberté de vote. On sait qu'elle est principalement
garantie par le passage dans un isoloir ; mais il faut, aussi et
surtout, que les électeurs soient exactement éclairés, ce qui
suppose deux mesures. Il convient de combattre, non seulement la censure
sournoise qui empêche certains candidats de s'exprimer, mais
encore le
mensonge qui sous-tend le discours électoral de la plupart des candidats officiels.
À cet égard, on ne peut tomber plus bas que d'entendre des
hommes politique ironiser ainsi : «
Les promesses électorales n'engagent que les électeurs y
ajoutant foi ».
En droit positif français, les mœurs
politiques actuelles relèvent du déni de démocratie.
Hutin (Ouest-France 27 mai 1997) : Le vrai
changement serait de dire la vérité.
Quinoro (Le Télégramme du Morbihan 17 mai 1997),
journaliste espagnol : Si la France parvient à conserver son rang sur la scène internationale, c'est à sa tradition et à sa culture qu'elle le doit,
et non à ses élites politiques, qui se rapprochent chaque jour davantage du degré zéro de la misère idéologique et culturelle.
La jurisprudence n'admet que trop timidement le moyen de défense, pourtant légitime, tiré de la nécessité d'informer les électeurs sur les opinions réelles, sur la dépendance à un groupe de pression, sur le passé politique, sur les activités financières et sur les mœurs des candidats.
Cass.crim. 1er octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I
Chr.crim. 36) : Si l'intention d'éclairer les électeurs sur les mérites d'un candidat au cours d'une campagne électorale est susceptible de constituer
un fait justificatif, c'est à la condition que l'information n'ait pas été l'objet d'une dénaturation et d'une présentation tendancieuse, exclusives de
toute bonne foi ; la loi sur la liberté de la presse n'admet, en période électorale, aucune dérogation aux règles qu'elle a tracées en matière de
diffamation.
ÉLECTRICITÉ - Voir : Énergie*, Vol*.
ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION
Cf. Actes humains*, Actus reus et mens rea*, Délit*, Délits pénaux (variétés)*, Enrichissement personnel*, Infraction*, Infractions (variétés)*, Intérêt protégé*, Matérialité*, Ordre public*, Scandale*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale »
(4e éd.), n° I-221 et s., p.226 et s.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), p.69, 80 et 83
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e
éd.), n° 8, p.9 (notamment)
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et
des adolescents », n°305, p.129 pour l'avortement / n° 513,
p.337 et s. pour la non-représentation d'enfant / etc
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La
protection de la Société », n° 13 p.17 pour le complot /
n°26 p.25 pour l'attentat / etc
Voir notre étude :
La condition préalable à l’infraction
Voir :
Glanville
L. Williams, La nécessité d'un acte humain
Voir :
R. Merle, L'acte pénal
- Notion. Une infraction pénale est constituée par un Acte humain* envisagé sous deux aspects. Un aspect matériel : le trouble causé concrètement l’ordre social (ce qui légitime l’intervention du législateur, et permet d’asseoir concrètement des poursuites judiciaires). Un aspect spirituel, psychologique ou moral : une faute qui met en jeu la responsabilité subjective de l’agent.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique).
Élément : Composant le plus simple d’un tout complexe.
Thomas d’Aquin (Somme théologique) : La cause
première du péché est dans la volonté, qui commande tous les actes volontaires, les seuls dans lesquels on trouve du péché… Mais les actes extérieurs
appartiennent aussi à la substance du péché, puisqu’ils sont mauvais en eux-mêmes.
Buddhist monastic Code, par Thanissaro Bhikkhu
(2009) : En analysant des infractions afin de déterminer des pénalités, le Code divise une action en cinq éléments : l'acte pris dans sa
matérialité, l'idée que l'agent s'en fait, l'intention le motivant, l'objet auquel il vise, et le résultat qu'il produit. Dans certains cas, chacun des
cinq facteurs joue un rôle en déterminant ce qui est et ce qui n'est pas un délit plein. Dans d'autres cas, seuls deux, trois, ou quatre éléments jouent
un rôle. Par exemple, quand au crime de meurtre, chacun des cinq facteurs doit être présents pour constituer l'infraction : L'objet doit être un être
humain, le moine doit percevoir qu'il s'agit d'un être vivant, il doit avoir l'intention de tuer, il doit faire un effort pour que la personne meure, et
celle-ci doit mourir.
Smith & Hogan (Criminal law) reprennent la
classique distinction du droit anglo-saxon entre actus reus et mens rea : Les infractions sont généralement des actes qui
produisent un effet dommageable dans l’ordre social… La seconde caractéristique des infractions est qu’il s’agit d’actes qui sont moralement mauvais.
Accolas (Les délits et les peines, 1887) : Dans le sens
le plus général, le délit n’a qu’un seul élément constitutif, à savoir un acte extérieur ou externe, objectif comme l’on dit encore, et accompli en
violation de la loi pénale ; il a reçu le nom technique de « corps du délit ».
Mais si le corps du délit est l’élément qui ne manque dans aucun délit, il en est un autre que la loi exige toujours pour les délits présentant une
certaine gravité ; cet élément là, c’est l’élément intérieur ou interne, l’élément subjectif du délit, c’est l’intention de la personne qui a violé
la loi pénale.
- Élément matériel. L’élément matériel est en principe constitué par un acte, un geste, un écrit ou une parole
visant à léser un Intérêt protégé* par la loi.
- Tantôt cet acte se suffit à lui seul, sans qu’il y ait à tenir compte de son résultat effectif ; c’est le cas du Délit
formel* (la Diffamation* est un propos de nature à porter atteinte à la réputation
d’autrui).
- Tantôt, sous réserve d’une possibilité de poursuite pour tentative, cet acte n’est réprimé que s’il a réellement porté atteinte à l’intérêt
visé ; c’est le cas du Délit de résultat* (le Meurtre* suppose la mort de la
victime).
- Mais, de toute manière, il est indifférent que l'auteur de l'acte reproché en ait ou non tiré profit. Voir : Enrichissement
personnel*.
Cf. Corps du délit*, Matérialité*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-231 et s., p.237 et s.
Servant (Discours sur l’administration de la justice
criminelle) : Un crime quelconque nuit toujours à quelque citoyen en particulier, et en général à toute la société dont il est membre.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Dire
qu’il est nécessaire, pour qu’un délit existe, qu’un élément matériel soit constitué, c’est dire qu’une infraction ne peut constituer dans un simple
mouvement de la pensée, dans une cogitation. Toute politique criminelle qui s’inspirerait d’une idée différente déterminerait une inquisition intolérable
dans le domaine de la conscience.
Cass.crim. 23 mars 1983 (Gaz.Pal. 1983 II somm.
386) : L’arrestation illégale est une infraction instantanée dont l’élément matériel consiste à appréhender au corps un individu.
Pour les droits primitifs, l'élément principal de l'infraction est l'élément matériel puisqu'il est, pourrait-on dire, possible de le toucher du doigt. Dans les droits évolués, en revanche, c'est l'élément moral qui prévaut car c'est lui qui permet de mesurer la responsabilité subjective de l'agent.
Von Jhering (L'esprit du droit romain) : Les lois et les
idées d'une époque barbare sont comme les hommes, gens incultes et grossiers, qui n'ont de regard que pour ce que leur main peut saisir... Le trait
fondamental de toutes les notions de ce droit est d'être tangibles, extérieures, sensibles, visibles. Partout la forme extérieure prédomine sur l'idée.
Prenons, par exemple, le vol. La circonstance purement extérieure que le voleur est pris sur le fait ou ne l'est pas (furtum manifestum et nec
manifestum), circonstance qui dépend entièrement du hasard, et reste sans influence aucune pour l'appréciation de l'intention punissable, contient une
distinction essentielle quant à la répression de ce délit. Pris sur le fait, le voleur est assigné comme esclave au volé ; en dehors du flagrant
délit, il peut se racheter au moyen du paiement d'une composition.
- Élément moral. L’élément moral de l’infraction répond au souhait du législateur de ne traduire devant les
tribunaux répressifs que les auteurs d’actes présentant un caractère fautif.
- En général, le législateur demande au juge de constater que l’acte reproché a été accompli en connaissance de cause : on parle alors de Dol
général* (la Violation de domicile* est constituée si l’agent sait qu’il pénètre indûment
dans un lieu privé).
- Dans des cas particuliers, le législateur exige du juge qu’il recherche si l’agent a eu l’intention de porter atteinte à l’intérêt protégé : on
parle alors de Dol spécial* (le Meurtre* suppose l'intention de porter atteinte à la vie
d’autrui).
- À l'inverse, les incriminations de police ne supposent qu'un élément moral réduit, qui consiste de la part de l'agent à avoir été conscient au moment
des faits (l'outrage public à la pudeur n'implique qu'une insouciance dans l'accomplissement d'un acte de nature à causer un scandale).
Cf. Abélard*, Bonne foi*, Discernement*, Dol général*, Dol spécial*, Exprès (faire)*, Frauduleusement*, Ignorance*, Instinct*, Intention*, Malice*, Mobile*, Praeter-intentionnel*, Promulgation de la loi*, Responsabilité subjective*, Sang-froid*, Volonté*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale »
(4e éd.), n° I-235 et s. p.244 et s.
Voir :
R. Garraud, L'outrage public à la
pudeur
Digeste de Justinien (48, 19, 11, 2). Marcien : On commet
un délit, ou de propos délibéré, ou par impétuosité, ou par hasard. De propos délibéré, comme les voleurs qui se concertent ; par impétuosité, tels que
ceux qui dans l'ivresse en viennent aux mains ou commettent un vol ; par hasard, lorsqu'à la chasse un trait lancé vers une bête tue un homme.
Digeste de Justinien (47,II, 55, pr.). Paul : Les délits
pénaux se caractérisent par la volonté et l'intention de leur auteur.
Digeste de Justinien (48, 8, 14). Callistrate : L'empereur
Adrien a édicté ce rescrit : Dans les délits pénaux on regarde la volonté et non l'événement.
Abélard (Connaît-toi
toi-même - Éthique) : C'est le consentement à faire ce qu'il
ne convient pas de faire, ou à omettre de faire ce qu'il
conviendrait de faire, que nous nommons proprement le péché,
c'est-à-dire la faute de l'âme en raison de laquelle elle mérite
damnation.
St
Thomas d'Aquin (Somme théologique) II-II, Q.73, art. 3, Rép. :
La gravité du péché s'évalue selon les dispositions du
pécheur. Celui-ci sera plus coupable s'il pèche de propos
délibéré, que s'il commet cette faute par faiblesse ou
inadvertance.
Bertaut (Le directeur des confesseurs, Lyon 1674) :
L’action humaine et morale ne peut être vicieuse si elle n’est volontaire... Tout péché doit être volontaire, et il ne peut l’être si la malice
n’est connue.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Un
élément moral est nécessaire à la constitution d’un délit. Il en est ainsi, non seulement dans la doctrine néoclassique, d’après lequel le fondement de
la répression est la liberté humaine, la responsabilité morale, mais dans la doctrine positiviste qui punit l’infraction en considération du caractère
dangereux de son auteur.
Code pénal d'Irlande. Art. 31-1: La connaissance
et l'intention sont les facteurs essentiels pour déterminer le niveau de gravité d'une infraction.
Code pénal de Saint-Marin de 1975 (trad. Constant).
Art. 30 : L'existence de l'infraction requiert la conscience et la volonté d'agir.
Cass.crim. 13 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I
Chr.crim.. 65) : L’élément moral du délit d’usurpation de titre, qui n’exige pas une intention spéciale de tromperie, est constitué par
l’utilisation, en connaissance de cause, d’un titre dont le prévenu n’est pas titulaire.
Cass.crim. 9 juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim.
161) : En omettant de mentionner le caractère volontaire des actes reprochés, le président n’a pas fait état de l’un des éléments constitutifs de
l’infraction… Cassation.
- Élément permanent. Les incriminations pénales ne peuvent être édictées que dans le but de réprimer les « actions nuisibles à la société », comme le précise la Déclaration des droits de l'Homme de 1789, donc afin de pourvoir au Bien commun. Dès lors, un acte qui ne trouble pas la paix sociale ne saurait relever que des juges civils ; tel est le cas, p.ex., lorsqu'un acte a été accompli en état de Nécessité*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-307, p.70
Carrara (Cours
de droit criminel - éd. française) : La formule générique de
« dommage social
»
demande, dans son application, que l'on considère, outre le
« dommage immédiat
», le
« dommage médiat
». Ainsi, dans cette
formule, on tient compte tant de l'offense à la
« sûreté
» que de
l'offense au « sentiment de la sûreté
».
Le dommage médiat, ou réfléchi, consiste dans l'alarme
qu'inspire aux bons citoyens la consommation d'un délit, et dans
le mauvais exemple qui en résulte pour ceux qui sont portés au
mal. Ce phénomène particulier est ce qui donne un caractère
social à tous les délits, et ce qui fait que pour une atteinte
portée immédiatement à la sécurité d'un seul, tous les
autres souffrent médiatement à cause du sentiment de leur
propre sécurité.
Javary (100 mots pour comprendre le chinois) : La
justice chinoise considère moins le délit en soi que ses répercussions au niveau social. En conséquence, la peine sera prononcée moins en fonction de
l'acte commis qu'en rapport avec le niveau de désordre qu'il a introduit dans l'harmonie de la société.
On peut rapprocher la notion pénale de « dommage social » de la notion catholique de Scandale*, telle qu'elle est actuellement définie.
Bruguès (Dictionnaire
de morale catholique), v° Scandale : Le scandale
constitue une faute grave... Il désigne un acte externe - une
parole, une action, une omission, même une attitude - comportant
un élément répréhensible qui devient une occasion de chute
morale pour le prochain.
- Éléments occasionnels. Si les principales infractions se suffisent d’un élément matériel et d’un élément moral, d’autres comportent un ou plusieurs éléments.
- Parfois l’acte délictueux ne se conçoit qu’à partir d’une situation particulière, appelée Condition préalable*, (p.ex. l’Omission de porter secours* suppose qu’une personne se trouve en danger).
- Parfois l’acte délictueux revêt une moindre gravité qu’à l’ordinaire, en raison d’une Excuse atténuante* intégrée à l’incrimination (le Maraudage* est le simple vol de quelques fruits pendants à un arbre sur un terrain non clos).
- Parfois cet acte présente plus de gravité qu’à l’ordinaire, en raison d’une Circonstance aggravante* intégrée à l’incrimination (le Parricide* n’est pas un simple meurtre, mais le fait d’ôter la vie à celui ou celle même qui l’avait donnée).