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LES CAUSES DE NON RESPONSABILITÉ

par Héribert Jone, Précis de théologie morale catholique
adapté aux règles du nouveau Code de droit canon
et aux prescriptions du Code civil
(Traduit de l’allemand par l’abbé Gautier, 4e éd., 1934)

Introduction

1. – Notion de théologie morale. La théologie morale est l’exposé scientifique de l’activité humaine en tant que , s’appuyant sur la raison et les données de la foi, elle tend à nous faire atteindre notre fin dernière surnaturelle.

A la différence de la théologie morale, la philosophie morale ne s’appuie que sur les données de la raison et ne connaît qu’une fin dernière naturelle… Le droit canon est la règle de vie la vie commune extérieure de l’Église…

Livre I - Morale générale

3. -L’homme doit atteindre sa fin dernière par une activité personnelle, en conformité avec la règle éloignée (objective) et prochaine (subjective) de l’action morale :  la loi et la conscience. Ces règles sont violées par le péché, leur observation est facilitée par les vertus. De là sort naturellement la division de la morale générale.

Première partie - L’activité personnelle

L’activité personnelle par laquelle l`homme atteint sa fin surnaturelle doit comporter : des actes humains, des actes moralement bons, des actes surnaturellement méritoires. Comme les actes surnaturellement méritoires sont étudiés dans la théologie dogmatique, il n’en sera pas question davantage ici.

Chapitre I - les actes humains

Les actes humains sont des actes qui procèdent de la connaissance et de la volonté libre.

Des actes humains, il faut distinguer les actes de l’homme, c’est-à-dire les actes accomplis par un homme mais qui ne procèdent pas de la connaissance et de la volonté libre.

Article I : principe des actes humains.

La connaissance doit se rapporter :

4. – 1. A l’acte lui-même.

Il n’y a pas d’acte humain et, par conséquent, pas de péché dans ce qu’on appelle les mouvements primo primi, c’est-à-dire des pensées, des imaginations, des désirs qui occupent l’esprit ou la sensibilité de l’homme, avant qu’il ait pu s’en rendre compte, par ex.: les mouvements de colère, d’antipathie, etc...

5. - 2. A l’objet de l’acte avec toutes ses circonstances particulières.

Une action n’est une action humaine, et par conséquent bonne ou mauvaise, que dans la mesure où l’on en connaît l’objet. Celui qui par exemple tue un homme sachant que c’est son père. commet un parricide, celui qui pense que c’est un étranger commet un assassinat, celui qui croit que c’est un animal qu’il a le droit de chasser, ne commet pas de péché.

6. -3. A la possibilité de ne pas faire l’action ou d’agir autrement.

Ce n’est que lorsqu’on reconnaît cette possibilité qu’il peut y avoir un consentement libre, sans lequel on ne peut imputer à personne une action bonne ou mauvaise.

Le consentement libre peut être :

7. - 1. Un consentement volontaire parfait ou imparfait : parfait quand on veut avec connaissance parfaite et consentement plein, imparfait quand on veut avec une connaissance et un consentement imparfaits.

On rencontre le volontaire imparfait, par ex. : dans le demi-sommeil, dans l’ivresse, souvent aussi dans une excitation morale d’une force extraordinaire.

8. - 2. Un consentement volontaire actuel ou virtuel : actuel quand le consentement est présent en lui-même et que l’agent en a conscience, virtuel quand il n’existe que dans ses effets sans que l’agent en ait actuellement conscience.

9. - 3. Un consentement volontaire direct (ou volontaire en soi) ou un volontaire indirect (ou volontaire dans la cause) selon qu’une chose est voulue pour elle-même ou bien, sans être voulue pour elle-même, est acceptée à cause de sa relation inséparable avec l’action ou l’omission.

Est voulu « en soi », même ce qui n’est voulu que comme moyen, par exemple la mort du fœtus pour sauver la mère.

ARTICLE II : Responsabilité des actes humains

10. - La responsabilité d’une action humaine consiste en ce que quelqu’un peut être déclaré l’auteur libre de cette action et de ses suites et qu’il peut lui en être demandé compte.

Comme on doit vouloir positivement le bien et qu’il faut éviter le mal ; la responsabilité est différente selon qu il s’agit du volontaire direct ou du volontaire indirect.

11. - I. Ce qui est voulu en soi (volontaire direct) est toujours imputé à l’agent soit comme bonne, soit comme mauvaise action.

12. - II Ce qui est voulu dans la cause (volontaire indirect) n’est jamais imputé à celui qui agit si c’est un bon effet, mais le sera souvent si c’est un effet mauvais.

13. 1. Pour l’imputation d’un effet mauvais il faut

a) Qu’on ait prévu l’effet au moins confusément.

Quand, par conséquent, quelqu’un ne connaît pas la force du vin, ou tout au moins n’y pense pas, l’ivresse ne lui est pas imputée.

b) Qu’on ait eu le pouvoir de ne pas poser la cause ou du moins de la rendre inefficace.

Si quelqu’un a, par ta faute, ou sans sa faute, une mauvaise habitude, par ex. : celle de blasphémer et qu’il s’efforce sérieusement de s’en débarrasser, les quelques blasphèmes qui lui échapperont, de temps en temps, inconsciemment, ne lui seront pas comptés comme péchés. Si un tel homme fait quelques efforts, mais insuffisants,. il ne pèche alors que véniellement. Si, par contre, il ne fait aucun effort, il pèche gravement, non pas certes au moment où il prononce de gros blasphèmes, mais bien au moment où il pense à son devoir de se débarrasser de cette habitude et ne fait aucun effort pour cela.

c) Qu’on soit obligé de ne pas poser la cause, pour éviter les conséquences mauvaises.

On trouvera des précisions sur ce sujet dans les numéros suivants.

Si les conditions ci-dessus se rencontrent, on pèche au moment où on pose la cause, même si, par hasard, la conséquence ne se produit pas.

14.2. Faire une action d’où résulte une conséquence mauvaise n’est permis que lorsque sont réunies les quatre conditions suivantes :

a) L’action elle-même qui est posée doit être bonne on tout au moins moralement indifférente.

b) Il faut que de l’action résulte également, et d’une manière aussi immédiate, une conséquence bonne.

Si 1’effet bon n’était qu’une suite du mauvais, il faudrait que ce dernier soit d’abord voulu comme moyen, or, vouloir un moyen mauvais, même en vue d’une fin bonne, est défendu (cf. n°42). – C’est pourquoi une femme n’a pas le droit de recourir à des procédés abortifs pour éviter le déshonneur, mais une femme malade peut prendre des remèdes contre sa maladie, même si le remède occasionne l’avortement. De même, il est permis de soigner un malade, même si, en le faisant, on éprouve des tentations contre la pureté.

c) L’intention ne doit porter que sur la conséquence bonne.

Par conséquent, si l’effet bon peut être procuré par un moyen qui n’a pas de conséquences mauvaises, c’est ce moyen qu’il faut choisir.

d) Il faut qu’il y ait un motif suffisant de permette la conséquence mauvaise.

Le motif doit être d’autant plus important que la conséquence est plus mauvaise, qu’elle est plus sûre de se produire, qu’elle se produira plus immédiatement, que les devoirs personnels (piété, contrat), qui nous obligent à éviter l’effet sont plus grands, qu’on a plus de chances en ne posant pas l’action d’éviter les conséquences. Quand, par ex,. le seul aubergiste d’une localité ne donne pas d’alcool à un buveur, celui-ci ne pourra pas s’enivrer.

ARTICLE III : Les obstacles aux actes humains

15. - Une chose est un obstacle aux actes humains, en influençant la connaissance ou la volonté libre. Par là même, la responsabilité est supprimée ou amoindrie.

I. L’ignorance. 1. Notion. Sous le nom d’ignorance on entend ici le manque de connaissance nécessaire.

Ce qu’on dit de l’ignorance vaut aussi pour l’erreur (c’est-à-dire le jugement faux sur quelque chose), ainsi que pour l’inadvertance qui se produit lorsque quelqu’un connaît très bien une chose, mai n’y pense pas au moment. - Les idées fausses dans les questions religieuses et morales ne se distinguent pas de l’erreur.

16. -2. Espèces. L’ignorance peut être :

a) Une ignorance de droit (juris) ou de fait (facti) selon qu’on ignore la loi ou son application actuelle.

b) Antécédente, conséquente et concomitante.

Elle est appelée antécédente quand elle n’est pas voulue et par conséquent précède l’adhésion de la volonté. Dans ce cas, il est indifférent quelle ait de l’influence sur l’action, si bien que celle-ci n’aurait pas eu lieu si on avait eu la connaissance nécessaire (ignorance antécédente au sens strict) ou qu’elle n’ait aucune influence sur l’action si bien que celle-ci aurait eu lieu aussi bien si l’ignorance n’avait pas existé (ignorance concomitante).

On appelle l’ignorance conséquente quand elle est directement ou indirectement voulue et procède par conséquent de la volonté libre.

c) Vincible ou invincible.

L’ignorance est appelée vincible quand on peut s’en débarrasser en employant la diligence morale proportionnée aux aptitudes de la personne et aux circonstances de fait. Quand, en employant cette diligence, on ne peut s’en débarrasser elle est dite invincible, même si on pouvait en triompher au moyen d’une diligence plus grande. - Selon le degré plus ou moins grand de négligence dont on se rend coupable, l’ignorance vincible peut être : simplement vincible ou bien crasse ou supine (nonchalante). - Si quelqu’un veut rester intentionnellement dans l’ignorance, cette ignorance est affectée.

17. - 3. Influence sur la volonté et par conséquent sur la responsa­bilité.

a) L’ignorance invincible supprime la liberté et par conséquent la culpabilité.

Celui qui, le vendredi, mange de la viande dans la persuasion que c’est le jeudi, ne pèche pas. On a donc tort de s’inquiéter d’actions passées dont on ignorait la culpabilité.

b) L’ignorance vincible diminue la liberté et la culpabilité, sauf toutefois quand elle est affectée.

La liberté n’est pas cependant diminuée au point de transformer une action gravement coupable en une action légèrement coupable, sauf le cas où la négligence qu’on a a se reprocher serait insignifiante.

La gravité du péché se mesure à l’importance de la négligence dont on s’est rendu coupable et non d’après les conséquences qui résultent de la négligence. Cependant, plus les conséquences sont mauvaises, plus on doit apporter de vigilance.

18. - II. La violence. 1. Notion. La violence est une influence extérieure qui fait agir l’homme contre sa volonté.

La violence est absolue quand la volonté résiste autant qu’elle peut. La violence est relative quand on pourrait en triompher par une résistance plus grande et qu’on ne le fait pas, ou bien quand on oppose extérieurement une résistance suffisante tout en consentant intérieurement.

19. - 2. Influence sur la responsabilité.

a) Dans la violence absolue, la liberté est supprimée, par conséquent, ce qui se fait sous son influence n’est pas imputable.

Une résistance extérieure est nécessaire quand, par 1à, on peut repousser la vio­lence ou quand l’absence de résistance produit du scandale ou expose au danger de consentir. Quand on est sûr qu’on ne consentira pas, on peut se dispenser de 1a résis­tance extérieure si elle est difficile et dangereuse.

b) Dans la violence relative, la liberté, et par conséquent l’imputa­bilité, ne sont que diminuées.

20. - III. La crainte. 1. Notion. La crainte est un trouble de l’esprit causé par un mal imminent.

On considère ici l’influence que peut avoir un mal sur l’esprit. Souvent aussi un mal imminent peut avoir une grande influence sur la sensibilité (à ce sujet, cf. n° 23). Le mal peut menacer celui qui craint, ses parents, ses amis, etc...

21. - 2. Espèces. La crainte peut être :

a) Grave ou légère, selon que le mal imminent est grand et diffici­lement évitable, ou bien petit ou même grand, mais facilement évitable.

La crainte peut être absolument ou relativement grave, selon que le mal menaçant exerce une grande influence sur la moyenne des hommes ou seulement sur une personne déterminée (par ex. : à cause de sa timidité). - La crainte révérentielle consiste en ceci, qu’on craint de résister à une personne à qui on doit le respect. Si on entend par là l’ennui de résister à une personne constituée en dignité, cette crainte n’est qu’une crainte légère ; mais si on entend par là le prévision des chicanes, des longues antipathies, etc... alors cette crainte peut être grave.

b) Intrinsèque ou extrinsèque, selon que la cause de la crainte est intérieure ou extérieure.

Sera extrinsèque, par ex. : la crainte de la mort causée par un naufrage imminent ; sera intrinsèque, par ex. : la crainte de la mort causée par une maladie. Si la crainte extrinsèque provient d’une cause libre, elle sera justement ou injustement causée selon que la personne qui la cause a, ou n a pas, le droit de la causer.

22. -3. Influence de la crainte sur la responsabilité. La crainte ne supprime pas la liberté de nos actions, mais elle en diminue d’ordinaire la culpabilité ainsi que le mérite.

La crainte a précisément pour effet de faire vouloir ce qu’on n’aurait pas voulu autrement ; mais, quand, sous l’influence de la crainte, on ne veut une action bonne ou mauvaise qu’à contre-cœur, le mérite, aussi bien que la faute, s’en trouvent diminués. – Il faut remarquer cependant que l’obligation des lois positives cesse souvent en présence d’un dommage. De même, les lois rendent invalides maintes actions juridiques faites sous l’influence d’une crainte grave, ou les déclare annulables à la demande de la personne qui a été victime de la crainte. - Quand la crainte agit sur la sensibilité, cette circonstance peut lui donner sur la responsabilité une influence semblable à celle des passions (cf. n° 25).

23. - IV. La passion. 1. Notion. La passion est une excitation de la sensibilité qui provient de la représentation d’un bien ou d’un mal.

24. – 2. Espèces. La passion peut être :

a) Antécédente. Celle-ci précède la décision volontaire et entraîne la volonté au consentement.

Cela se produit par exemple dans les mouvements involontaires de, haine, de colère, d’instinct sexuel.

b) Conséquente. Elle provient de la décision libre parce qu’elle est soit volontairement acceptée, soit intentionnellement excitée.

La passion. est volontairement excitée quand on entretient consciemment les excitations qui se produisent d’elles-mêmes, ou bien quand, intentionnellement, on provoque en soi les mouvements de la passion ; quand, par ex. : on lit des livres licencieux ou qu’on se rappelle le tort qu’on nous a fait.

25. 3. Influence sur la responsabilité.

a) La passion antécédente diminue toujours la responsabilité, elle la supprime même parfois entièrement : elle la diminue quand elle entrave l’usage de la raison, elle la supprime quand elle fait cesser entièrement l’usage de la raison.

Même dans le cas de diminution de la responsabilité, il peut encore y avoir un péché grave ; de plus, la passion est souvent encore indirectement voulue, soit parce qu’on s’est exposé sans raison suffisante à un danger, soit parce que, malgré une claire connaissance du devoir qu’on a de le faire, on n’a pas combattu ses tendances passionnées. - En pratique, il est souvent difficile de déterminer si la diminution de responsabilité est assez grande pour laisser place ou non à un péché grave ; il faut laisser la chose au jugement de Dieu.

b) La passion conséquente ne diminue jamais la responsabilité, mais elle l’augmente d’ordinaire.

L’accroissement de la responsabilité vient de ce fait que l’émotion sensible est intentionnellement stimulée, et qu’ainsi le bien ou le mal est voulu avec plus de force et d’ardeur.

26. - V. L’habitude est une facilité et une inclination à agir, acquise par des actes répétés.

Certaines habitudes produisent des modifications dans l’organisme (par ex. l’ivrognerie, la luxure) ; d’autres n’ont pas d’effets de ce genre.

27. - 1. On divise les habitudes, en habitudes naturelles et en habitudes morales.

Les habitudes naturelles se sont formées sans qu’on ait pensé, en les acquérant, à leur influence dans le domaine moral, ou tout au moins elles continuent d’exister malgré la volonté. - Les habitudes morales ont été acquises librement ou sont entretenues sciemment.

28. -2. Influence sur la responsabilité.

a) Celui qui s’efforce sérieusement de se débarrasser d’une mauvaise habitude ne pèche pas quand il pose une action conforme à cette habitude sans penser à sa culpabilité.

b) Celui qui ne s’efforce pas de se débarrasser d’une mauvaise habitude, bien qu’il ait conscience de son devoir de le faire, pèche toutes les fois qu’il y pense et ne le fait pas, mais il ne pèche pas au moment où il agit suivant son habitude, sans penser à la culpabilité de l’acte. Le péché est indirectement voulu (cf. n°13).

29. - VI. Les maladies mentales. Ce sont des affections du cerveau et du système nerveux qui troublent l’intelligence et la volonté.

Les maladies fonctionnelles sont celles qui se manifestent par un trouble dans les fonctions des organes sans qu’on puisse établir des modifications pathologiques dans les organes eux-mêmes. Les maladies nerveuses organiques sont celles où l’on peut établir un processus pathologique dans la substance nerveuse, par ex. : « le ramollissement du cerveau ».

30. - 1. Quelques manifestations pathologiques.

a) La neurasthénie est une excitation et une faiblesse constante du système nerveux accompagnée de fatigue prématurée.

Les malades de ce genre ressentent les excitations extérieures et la fatigue intérieure avec une force disproportionnée à la réalité. Aussi, ils se croient souvent atteints de maladies, alors qu ils sont en parfaite santé. Par suite de leur dépression mentale, leur activité volontaire est troublée et, sous la pression du pessimisme, leur volonté manque de la force de décision (aboulie), et de la force nécessaire pour passer de la résolution à l’acte (anénergie).

31. -b) L’hystérie est une excitation maladive et une modification de la sensibilité, en vertu de laquelle les états mentaux, par suite d’une impulsion mal définie, peuvent agir d’une manière particulièrement forte sur l’attitude extérieure et les fonctions physiques.

Les hystériques ont une force de réaction anormale ou bien ne réagissent pas du tout ou très peu en présence des plus fortes excitations ; de plus, on trouve chez eux des anomalies de la sensibilité. Ce qui frappe le plus, c’est l’impressionnabilité des hystériques : des accès de colère démesurée alternent avec des expansions de bonne humeur ; l’égoïsme chez eux est très développé, ainsi que le désir d’attirer l’attention et de se faire valoir. On remarque encore une forte tendance au mensonge et au vol, souvent aussi au dévergondage moral. La plus grande prudence dans les relations avec les hystériques est absolument nécessaire au prêtre.

32. -c) L’obsession consiste en des états psychiques sur lesquels la. volonté ne peut exercer son pouvoir d’inhibition, si bien qu’on peut être forcé de penser ou d’agir de telle ou telle manière.

Il y a des souvenirs obsédants, des sentiments obsédants, des perceptions obsédantes, des craintes obsédantes, des doutes obsédants, des actes obsédants. A cette catégorie se rattachent les diverses manies comme la kleptomanie, etc... ainsi que les tendances irrésistibles.

33.  -d) L’hypocondrieest un état maladif provenant d’un malaise général de la sensibilité et de l’organisme, accompagné d’idées angoissantes et exagérées sur l’importance de cet état.

L’hypocondriaque croit avoir toutes les maladies imaginables : il cherche dans ses déjections des traces de ténia, dans ses crachats des microbes tuberculeux, dans son urine des calculs…Par suite, le malade se trouve dans un état d’angoisse, il est irritable, il a des crampes et il lui vient des idées de suicide.

34. -e) La mélancolie est un état durable de tristesse maladive produite par ce fait que la réaction sensible qui accompagne toutes les impressions devient un malaise, même en présence d’impressions d’une intensité faible, alors que, chez. des personnes bien portantes, il faut, pour produire ce malaise, un certain degré d’excitation.

La mélancolie maladive ne doit pas être confondue avec le tempérament mélancolique. De tels malades sont incapables de joie, car chaque nouvelle impression les chagrine. Même des paroles de consolation, en tout cas les tentatives qu’on fait pour les égayer, les font moralement souffrir… De tels malades sont fort enclins au suicide, parce qu’ils considèrent la mort comme la délivrance de leur angoisse ou comme l’expiation de leurs fautes. Cette pensée de suicide qui apparaît soudain devient si obsédante que les pensées opposées n’ont plus aucune influence. Le plus souvent, les mélancoliques cachent soigneusement leurs pensées de suicide. Les formes avancées de la mélancolie appartiennent d’ailleurs à la maladie mentale déclarée.

35. - f) La dégénérescence psychologique consiste dans un état durable de faiblesse intellectuelle et morale.

II arrive parfois que, chez quelques dégénérés, l’intelligence est remarquable, mais elle présente presque toujours des caractères anormaux. - D’ordinaire, cependant, l’intelligence est nettement inférieure. Dans leurs actes délictueux. les dégénérés laissent habituellement de côté les règles de la prudence et se laissent entraîner par d’autres à des actions dangereuses. - La majorité des dégénérés est portée aux déformations morales. Ils reconnaissent sans doute le bien et le mal, mais ils sont complètement dépourvus de sens moral, ils ressentent à peine les mouvements de sympathie, de reconnaissance, d’amour, de repentir, de convenance, de tact, ils sont insensibles à la louange et au blâme. Leur intérêt se limite à ce qui les touche de près, à leurs plaisirs sensuels. De là, leur brutalité envers leur famille et leur entourage, leur cynisme, leur sans-gêne et leur insouciance.

36. -2. La responsabilité est supprimée dans la mesure où certaines représentations ou certaines images occupent tellement l’esprit du malade qu’il ne peut penser à autre chose ou qu’il ne le peut que très difficilement, ce qui fait que le libre arbitre est entièrement paralysé ou du moins fortement limité.

La raison qui fait que certaines représentations occupent entièrement l’esprit est peut-être que ces pensées chassent complètement ou presque complètement les autres du domaine de la conscience, ou bien cela vient de ce que d’autres représentations ne peuvent pas ou ne peuvent que très difficilement affleurer dans la conscience.

Un esprit faible qui, par exemple, a mis le feu à une grange ne pense bien souvent qu’à la joie de voir de belles flammes et ne songe pas au dommage et au péché…

37. - Jusqu’à quel point, dans les cas particuliers, le libre arbitre, et par conséquent, la responsabilité sont-ils supprimés ? Il souvent difficile de le décider, et le plus souvent il faut en laisser le jugement au bon Dieu. - Le confesseur, dans le jugement des malades de ce genre, doit se montrer très bienveillant…

CHAPITRE II : L’action morale

38. - I. Notion. Une action morale est une action posée librement et en tenant compte de sa conformité avec la règle des mœurs.

La règle des mœurs est, en dernière analyse, la loi éternelle, mais la règle prochaine, c’est la raison humaine en tant qu’elle connaît la loi éternelle et l’applique aux cas particuliers (la conscience). Un acte est moralement bon ou mauvais, selon qu’il est conforme ou opposé à la règle des mœurs. Y a-t-il, dans les cas concrets, des actions indifférentes? C’est une question controversée.

39. - II. Principes de la moralité. Ce sont tous les éléments d’un acte humain qui entrent en relation avec la règle des mœurs , à savoir : l’objet, les circonstances et le motif de l’action.

Par conséquent, pour qu’une action soit moralement bonne, il faut qu’aucun de ses éléments ne soit en opposition avec la règle des mœurs.

40. - 1. L’objet est ce sur quoi porte essentiellement l’action, par ex. : le bien d’autrui dans le vol.

L’objet d’une action peut être bon, mauvais, indifférent.

41. - 2. Les circonstances sont des particularités qui s’ajoutent à l’essence de l’acte humain, de la même manière que les accidents s ajoutent à la substance, et influent sur sa moralité.

Les circonstances peuvent porter sur l’objet, l’agent, le cours de l’action. Ex. le vol d’une chose sacrée, les mauvais traitements infligés à sa propre mère, une inimitié durable. Les circonstances peuvent transformer une bonne action en mauvaise, un péché véniel en péché mortel ou vice versa : elles peuvent encore ajouter à l’acte une nouvelle malice ou une nouvelle bonté.

L’acte extérieur reçoit probablement toute sa valeur ou toute sa méchanceté morale de la disposition intérieure, et n’a par conséquent, par lui-même, aucune influence sur la bonté ou la méchanceté de l’action ; mais, accidentellement, il a une influence sur la valeur morale d’une action parce qu’il cause la répétition des actes intérieurs, en prolonge la durée, en augmente l’intensité, parce que, aussi, il peut servir à l’édification ou au scandale du prochain.

42. -3. Le motif est le but poursuivi par 1’agent et qui le détermine à l’action.

Quand le motif est gravement coupable, toute l’action est mauvaise, que ce motif soit le motif unique ou qu’il s’y joigne d’autres motifs. - Quand le motif est légèrement coupable, toute l’action est légèrement coupable, si ce motif est le seul, mais, sil y a en outre des motifs bons, l’action sera en partie bonne et en partie légèrement coupable. Ex. : Quand quelqu’un fait l’aumône en partie par charité et en partie par vanité. - Un bon motif ajoute à une bonne action une nouvelle bonté morale, mais il n’enlève jamais sa méchanceté à une action mauvaise ; par conséquent, la fin ne justifie pas les moyens.

Signe de fin