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LA SCIENCE CRIMINELLE

La doctrine est-elle une "source du droit" ?

 

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Le phénomène criminel, que nous avons évoqué dans la rubrique précédente, appelle une réflexion approfondie si l’on veut échapper, non seulement au cycle sans fin des vengeances privées, mais encore aux réactions sociales irraisonnées, donc brutales, inadaptées voire inefficaces. Cette réflexion doit porter, d’une part sur les questions de fond, d’autre part sur les techniques qui devront être employées par le législateur, par le ministère public et par les magistrats.

Au regard du fond , deux points de départ sont possibles (nous rejetons d’emblée la doctrine selon laquelle les détenteurs des pouvoirs publics seraient libres de n’en faire qu’à leur guise : l’arbitraire échappe à toute analyse scientifique). Dans les temps les plus anciens, quand le religieux et le profane se confondaient, c’était la loi dictée par la divinité locale qui servait de base au droit criminel. Dans une civilisation plus avancée, où l’être humain cherche à assumer sa destinée, c’est dans sa nature profonde, dans les conditions de la vie sociale et dans son environnement qu’il s’efforce de déceler les règles qui doivent régir ses actes.

Aristote

Aristote
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Au départ, pratiquement toutes les législations criminelles reposent sur la loi divine. Le Code gravé par Hamourabi lui est dicté par le Dieu Marduk ; le Code israélite est remis par Yahvé à Moïse ; la Charia est inspirée par Allah à Mahomet. Dans le Traité des lois de Platon, à cette question : « Est-ce à un Dieu ou à un homme que vous rapportez l’institution de vos lois ? » Clinias répond : « A un Dieu ! Chez nous c’est Zeus ; à Lacédémone, c’est Apollon ». De même Numa Pompilius, l’un des rois mythiques de Rome, allait au bord d’une fontaine, prendre conseil de la Nymphe Égérie. Ou encore, dans la Chine d’autrefois, l’Empereur était réputé bénéficier d’un « Mandat du Ciel ». Notre propre droit répressif repose toujours sur le Décalogue, réorienté par l’enseignement du Christ.

Que l’on accepte ou non la référence formelle à la loi divine, il faut tirer des brefs principes qu’elle comporte -puisqu’ils relèvent du pur bon sens- les règles qui favorisent une vie sociale harmonieuse. A cette fin, les tenants du droit naturel proposent de partir des quelques règles morales qui revêtent un caractère éternel et universel, puis de les affiner et de les développer par l’exercice de la raison. C’est ainsi que sont nées les premières Déclarations des droits de l’homme ; celle qui a été adoptée en France en 1789 inspire encore notre Constitution.

Au regard des techniques juridiques, il convient de pousser l’analyse dans les trois directions marquées par le principe de la séparation des pouvoirs.

Les techniques législatives. La confection des lois ne saurait assurément relever du bon plaisir de parlementaires éblouis par l’étendue apparente de leur pouvoir matériel. Il appartient à la science criminelle d’indiquer au législateur les règles techniques qu’il doit observer pour garantir la paix sociale tout en assurant le respect des droits individuels : principe d’économie des textes, principe de permanence de la loi, principe de rationalité, principe d’applicabilité, principe de clarté, principe de précision, principe de non-rétroactivité, principe de publicité des textes répressifs (voir : La loi pénale). A cet égard on peut déplorer que les programmes universitaires ne comportent aucun cours portant sur la procédure d’élaboration des lois, des décrets ou des arrêtés ; ce qui explique peut-être que le métier de législateur soit le seul en France qui ne comporte pas d’examen professionnel.

Les techniques exécutives . Ni la recherche des preuves ni le déclenchement des poursuites ne peuvent non plus être abandonnés à l’arbitraire des autorités. On a pu le constater à propos de l’aveu, longtemps considéré à tort comme « la reine des preuves ». Un penchant spontané conduit les magistrats à la recherche poussée d’un aveu par le prévenu, car ce mode de preuve confère une apparence de solidité aux poursuites, et apaise la conscience de juges qui s’apprêtent à condamner le défendeur. Mais la doctrine a depuis longtemps fait apparaître que la recherche systématique de l’aveu (pas toujours sincère) conduit, d’une part à exercer d’inacceptables pressions sur les accusés, d’autre part à négliger la recherche de preuves matérielles autrement plus solides. C’est pourquoi l’aveu n’est plus considéré aujourd’hui comme la preuve qu’il convient d’obtenir à tout prix.

Les techniques judiciaires. Les tribunaux sont parfois saisis de cas d’espèces si confus, si touffus, si obscurs, qu’il leur est difficile de décider sous quel angle les aborder. La science criminelle leur apporte la réponse : ils doivent dans un premier temps se tourner vers les actes matériels reprochés au prévenu, afin de voir s’ils enfreignent une loi pénale ; ils doivent ensuite se demander si cette infraction peut être imputée au prévenu, ce qu’interdisent l’état de démence ou la perte de libre arbitre ; ils doivent enfin, dans le cadre légal, déterminer la peine permettant à la fois de calmer le trouble social et d’assurer l’amendement du délinquant.

À la lumière de ces observations, nous avons retenu deux sortes de documents (parmi ceux dont la reproduction est libre, ou pour lesquels nous avons obtenu une autorisation).

La première série concerne le droit naturel ; ce droit qui présente la particularité d’être combattu par tous les régimes despotiques, mais de renaître chaque fois avec plus de vigueur ; ce droit qui marque le triomphe de la vérité et de la raison sur le mensonge et la force brutale.

La seconde série porte sur les sciences juridiques ; discipline qui mérite plus le titre de science que ne le disent ceux qui font prévaloir les idées sur les faits. En effet nous avons observé, dans la première rubrique du site, que le phénomène criminel présente une surprenante permanence par delà les siècles et les continents ; nous verrons par ailleurs que les réactions de la société sont de nature tout aussi identiques et produisent des effets tout aussi constants. Cet ensemble de faits sociaux, pour peu que l’on veuille bien les réunir patiemment et en tirer les leçons avec humilité, fournit les bases d’une étude dont le sérieux soutient la comparaison avec les recherches menées dans les sciences physiques. Sans doute ne peut-on pas procéder ici à des expériences en laboratoire ; mais l’histoire de l’humanité comporte une telle somme d’essais et d’initiatives, ayant réussi ou échoué, que la situation est fort proche. En sciences humaines, comme dans toute autre matière, les même causes produisent les mêmes effets.

Sur certains terrains privilégiés, il est d’ailleurs possible de présenter les résultats obtenus par la science criminelle sous la forme d’une classification. Il en est ainsi avec les Tableaux synoptiques des diverses incriminations.

Signe de fin