LA LÉGISLATION CRIMINELLE
PLAN DE LA RUBRIQUE |
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Stèle d'Hammurabi |
Au sens large, la loi pénale est une prescription de l’autorité publique qui fixe, pour l’avenir, une règle de droit dans des termes abstraits, généraux et impersonnels. On ne saurait trop attirer l’attention sur ce trait essentiel du droit criminel : étant tournée vers le futur, la loi pénale vise des agissements humains théoriques aux contours incertains. De la sorte, dans les pays où l’on prend soin de séparer les fonctions législative, judiciaire et exécutive, l’étendue des pouvoirs du législateur est limitée : les cas concrets, les espèces particulières, les situations individuelles lui échappent. Seconde conséquence : le domaine respectif des attributions de chaque organe de l’État ne dépend pas d’une répartition arbitraire, mais d’une nécessité technique. L’actuelle hypertrophie de notre organe législatif constitue l’une des causes du mauvais fonctionnement de nos institutions. |
Au sens étroit, la loi pénale est la règle de droit, édictée par le Corps législatif, qui définit les incriminations, qui indique les types d’actes permettant de rattacher un délit à un prévenu, qui précise la sanction liée à telle infraction, qui détaille les règles de procédure devant être suivies par le ministère public dans le déclenchement des poursuites, par les magistrats lors de l’instruction du dossier, puis par le tribunal lors du jugement, et, enfin, qui fixe les modalités d’exécution des peines. A côté de ces textes majeurs d’intérêt national, on conçoit cependant fort bien que des textes d’intérêt local puissent être édictés, selon des modalités particulières, par le pouvoir judiciaire ou par le pouvoir exécutif. Ainsi, dans notre Ancien droit, les Parlements régionaux pouvaient, à partir d’un cas particulier qui leur avait été soumis, édicter solennellement un Arrêt de règlement étendant sa solution aux situations similaires ; cette technique a disparu avec la Révolution. De même, et encore de nos jours, des arrêtés de police peuvent être édictés par les ministres, par les préfets, ou par les maires, dans le but d’assurer la tranquillité, la sécurité et la santé publique ; mais il ne s’agit là que de simples dispositions de police qui doivent se borner à prolonger les lois. De manière générale, il existe en effet une hiérarchie des « lois » au sens le plus large du terme. Au sommet figure la Constitution (avec en annexe la Déclaration des droits de l’homme de 1789), puis les Traités internationaux (en particulier les Conventions européennes), puis les Lois au sens strict (y compris les Codes auxquels s’attache une autorité morale particulière), puis les Décrets (qui régissent notamment les contraventions selon notre Constitution), et enfin les arrêtés de police. Encore faut-il souligner qu’un texte officiellement dénommé constitution, traité, loi, décret ou arrêté ne possède vraiment cette qualité que s’il répond à certaines conditions de fond et de forme. En ce qui concerne le fond, une distinction essentielle est commandée par la conception politique en vigueur. Dans les doctrines matérialistes et socialisantes, seule compte la loi positive, c’est-à-dire celle qui est édictée par le pouvoir en place ; pour la doctrine spiritualiste et libérale, au contraire, un texte édicté par le pouvoir en place ne mérite l’appellation de loi que s’il est conforme, pour le fond aux principes du droit naturel, pour la forme aux enseignements de la science criminelle (voir la rubrique précédente). Il est aisé d’imaginer que les régimes totalitaires de toute tendance optent pour la doctrine du droit positif, alors que les régimes respectueux de l’individu acceptent d’obéir à des principes supérieurs et d’appliquer des techniques éprouvées. Pour ces derniers une prescription normative ne peut être tenue pour une loi, d’abord que si elle a été adoptée en considération du bien commun et de l’intérêt général, ensuite que si elle a été rédigée de manière assez claire pour être comprise par tous et de manière assez précise pour ne pas porter une atteinte excessive aux libertés individuelles. En ce qui concerne la forme, une règle mérite d’être particulièrement soulignée : une loi ne peut être opposée aux justiciables si elle n’a pas été régulièrement portée à leur connaissance, soit par publication au Journal officiel, soit par affichage local. On pense ici à l’ancien tambour de ville. Le volume des lois pénales est actuellement devenu tel qu’il est quasi-impossible pour une personne seule de les connaître toutes ; il l’est plus encore de chercher à les reproduire. C’est pourquoi nous n’avons retenu ici que les textes principaux ; encore est-ce sans garantie d’une parfaite exactitude : il nous a bien fallu nous en remettre sur ce point à la fiabilité des ordinateurs. |