DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre B
BACON Francis
Cf. Bentham*, Blackstone*, Hobbes*, Domat*.
Voir : Bacon, Traité sommaire sur la justice universelle et sur les sources du droit, rédigé par aphorisme
Philosophe et homme d'État anglais (22 janvier 1561 – 9 avril 1626). Formé à l'Université de Cambridge, il est considéré comme l'un des fondateurs de la pensée juridique moderne : il a notamment mis en lumière que, de manière inconsciente, l'observateur déforme l'objet de son observation en l'étudiant selon ses propres catégories mentales. Ce phénomène apparaissant plus marqué dans les sciences métaphysiques que dans les sciences physiques, le pénaliste doit se montrer tout particulièrement attentif aux faits que lui enseignent l'histoire du droit criminel et le droit comparé ; il doit en outre veiller à ne pas céder à l'attirance des idéologies en cours de son temps. Adepte du droit naturel, Bacon énonça, sous forme d'aphorismes, les principes moraux qui doivent régir le droit positif. Certains voient en lui l'inspirateur de certaines des œuvres de Shakespeare.
Beattie (Éléments de science morale) : À la fin du XVIe siècle, en Angleterre, un puissant génie était paru, qui avait tenté et opéré une réforme scientifique. Sans travailler spécialement à aucune science, Francis Bacon avait imprimé une direction nouvelle à toutes les sciences....Il avait créé mieux qu'un système, il avait créé une méthode. Répudiant l'hypothèse, qui avait vicié toutes les sciences dans leur source, il avait proclamé comme condition indispensable de succès la méthode expérimentale, constituée de deux éléments : l'observation et l'induction. Rechercher et constater des faits au moyen d'une attention patiente, scrupuleuse, impartiale ; sur ces faits ainsi constatés et recueillis en nombre suffisant, ériger des lois par un procédé de généralisation comparative ; s'élever graduellement des lois inférieures aux lois supérieures ; puis enfin de ces lois ainsi obtenues descendre à des applications, telle est, résumée en quelques mots, la méthode de Bacon.
Malepeyre (Précis de la science du droit naturel) : Bacon (François), grand chancelier d'Angleterre sous le règne de Jacques Ier, a été l'un des hommes les plus illustres de son siècle. Il fut l'un des premiers qui travaillèrent avec efficacité à la réformation des sciences, en secouant le joug de la scolastique. Ses œuvres politiques et morales renferment une foule d'aperçus ingénieux, de vérités philosophiques et d'enseignements utiles... Son traité remarquable " De dignitate et augmentis scientiarum" contient, sur la justice universelle et l'origine des lois, des idées pleines de justesse et de profondeur.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Les siècles de foi ont toujours précédé les siècles de critique ; puis les époques de doute suivent celles de raisonnement, et enfin les inquiétudes et les excès du scepticisme ramènent de l'abus de la raison à la foi, mais à une foi éclairée par l'expérience et confirmée par la science. Un peu de philosophie, dit Bacon, mène à l'incrédulité, et beaucoup ramène à la religion.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Ordinairement on entend par l'État seulement l'ensemble des pouvoirs publics; mais c'est une dangereuse abstraction, parce que l'État comprend aussi le droit privé de toutes les sphères de vie ; car le droit privé n'existe pas seulement sous la tutelle du droit public, comme Bacon le remarquait déjà, mais il se lie avec lui par de nombreux rapports, et la ligne de séparation est, comme nous l'avons vu, une ligne variable, s'approchant plus soit de l'un, soit de l'autre domaine, selon le génie particulier et le degré de culture d'un peuple.
Merle (Droit pénal général complémentaire) : Certains auteurs anglais (Francis Bacon) ont proposé de négliger les causes trop éloignées du résultat (too remote) et de ne tenir compte que des plus proches (proximate cause) en relation directe et immédiate avec le dommage. De sorte que pour engager la responsabilité pénale de son auteur, la faute devra figurer parmi les causes prochaines, immédiates et directes du dommage.
BARBEYRAC Jean
Cf. Cumberland*, Pufendorf*.
Né le 15 mars 1674 et mort en 1729. Professeur de droit à Lausanne et à Groningue, il se distingua principalement pas ses excellentes traductions des grands ouvrages de droit naturel publiés de son temps. Ce sont elles que nous avons retenues, notamment lorsque nous avons cité Pufendorf.
Malepeyre (Précis de la science du droit naturel) : Cet homme savant et laborieux professa le droit à Lausanne et à Groningue avec distinction. Tous ses ouvrages consistent en versions et compilations ; mais il traduit en maître qui connaît parfaitement la science dont il s'occupe. Le "Traité de la guerre et de la paix " de Grotius, les Œuvres de Pufendorf et celles de Cumberland ont été successivement traduits du latin en français par ce savant professeur. Ses traductions sont accompagnées de notes et de réflexions judicieuses, qui doivent le faire classer parmi les hommes qui ont le plus contribué à l'avancement de la science.
BASTILLE (LA)
Cf. Châtelet de Paris*, Lettres de cachet*, Pistole*, Prison*.
L'édification de la forteresse de La Bastille fut entreprise, en
octobre 1356, par le prévôt des Marchands Étienne Marcel, afin
de protéger, de l'envahisseur anglais, le quartier Saint-Antoine
qui s'était développé à l'extérieur des remparts de Philippe
Auguste, côté est. Les travaux furent poursuivis par Charles V
et complétés à plusieurs reprises jusqu'à ce que le bâtiment
comporte huit tours. Ce château-fort conserva son affectation
militaire pendant quelque deux siècles, même si déjà quelques
hauts personnages y furent retenus prisonniers (tels Semblançay,
surintendant des finances, Bernard Palissy, le duc de Biron et
celui qui est connu sous le nom du « Masque de fer », en réalité
le visage couvert d'un masque de velours) ; on disait
« embastillés ».
C'est Richelieu qui mit définitivement fin à son rôle militaire, pour en faire
une prison d'État. Sur Lettre de cachet* le Roi y faisait
enfermer, soit des auteurs de délits politiques, soit des fils de
famille à la demande de leur proches (qui assuraient leur
entretien, système dit de la « Pistole* »). L'incarcération à La Bastille
était à la fois moins déshonorante et beaucoup moins pénible que
l'emprisonnement dans les
locaux du Châtelet de Paris. On sait que La Bastille fut
détruite après le 14 juillet 1789.
Hillairet (Dictionnaire
historique des rues de Paris) : Beaucoup d'historiens du
XIXe siècle ont dépeint de bonne foi, sous l'empire de la
passion, la Bastille comme une geôle effroyable ; elle fut, en
fait, et surtout au XVIIIe siècle, une prison très
aristocratique, une véritable prison de luxe où, sauf
exceptions, ne furent enfermées que des personnes de
distinction. C'était un château-fort où, pour des raisons
particulières, le roi mettait en résidence forcée certains de
ses sujets. « Il n'y a pas eu en Europe, a écrit
Funck-Brentano, un lieu de détention où les prisonniers fussent
entourés d'autant d'égards et de confort ; il n'y en a pas
aujourd'hui ! ».
Le nombre des prisonniers ne fut jamais considérable : en
moyenne 40 par ans sous le règne de Louis XIV, 43 sous celui de
Louis XV et 19 sous celui de Louis XVI ; la Bastille ne pouvait,
d'ailleurs, contenir plus d'une cinquantaine de détenus.
Ceux-ci, en général, n'y restaient pas longtemps. La moyenne du
temps qu'ont passé à la Bastille les 23 prisonniers qui y
entrèrent dans l'année 1782, prise au hasard, était de quatre
mois à peu près.
Gaxotte (La
Révolution française) : La Bastille prise, on l'explora.
Il y avait sept prisonniers : quatre faussaires, un jeune
débauché, enfermé à la demande de sa famille, et deux fous. Les
faussaires décampèrent sans demander d'explication. Le disciple
du marquis de Sade fut reçu en grande pompe par les Sociétés, où
il prononça d'attendrissants discours contre la Tyrannie et le
Despotisme. Les deux fous, d'abord acclamés avec le même
enthousiasme, furent, le lendemain, conduits à Charenton.
[cet asile d'aliénés est situé en réalité à Saint-Maurice]
On découvrit aussi des machines inconnues que Dussaulx devait
décrire à l'Assemblée comme d'horribles instruments de
torture... il s'agissait d'une armure moyenâgeuse et d'une
presse à imprimer saisie chez un nommé François Lenormand.
Enfin, on trouva les tombes des suicidés qui ne pouvaient pas
être inhumés dans les cimetières, en terre sainte : ce furent
désormais les squelettes des malheureux prisonniers exécutés
secrètement au fond des cachots. « Les Ministres ont manqué de
prévoyance, tonna Mirabeau, ils ont oublié de manger les os ».
BECCARIA Cesare Bonesano (Marquis de)
Cf. Brissot de Warville*, Doctrines criminelles*, Holbach*, Marat*, Montesquieu*, Voltaire*.
Voir : Beccaria (Des délits et des peines - extrait)
Publiciste italien du XVIIIe siècle (né à Milan vers1735 – mort à Milan en 1794). Son ouvrage principal, très léger et parfois même erroné sur le plan des
techniques juridiques, mais généreux d'un point de vue philanthropique, reflète les idées en vogue de son temps ; il est intitulé « Des délits et des
peines » (1764). Morellet le traduisit en français dès 1766, et Voltaire lui consacra un long commentaire élogieux. En revanche Muyart de
Vouglans* le critiqua vertement (ayant pressenti qu’il ne favoriserait pas une prudente évolution dans la tradition française, mais
risquait de causer une choc aux conséquences redoutables) ; c'est sans doute la raison pour laquelle ce criminaliste fut injustement mis à l'index, alors qui
s'efforçait de faire progresser le droit pénal en suivant la voie de la raison tracée par Domat.
Ce livre (qui fut proscrit à Venise par la police d’État), était influencé par l’enseignement de Montesquieu ; il inspira certaines des réformes de la fin de
notre Ancien droit puis du début de la Révolution.
Beccaria (Des délits et des peines). Préface : Quelques débris de la législation d'un ancien peuple conquérant, compilé par l'ordre d'un prince qui régnait il y a douze siècles à Constantinople, mêlés ensuite avec les usages des Lombards, et ensevelis dans un fatras volumineux de commentaires obscurs, forment ce vieil amas d'opinions, qu'une partie de l'Europe a honorées du nom de lois. Aujourd'hui même, le préjugé de la routine est aussi funeste qu'il es général... C'est ce code informe, qui n'est qu'une monstrueuse production des siècles les plus barbares, que j'ai voulu examiner dans cet ouvrage.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Ce Traité des délits et des peines, au lieu de répandre quelque jour sur la matière des crimes, et sur la manière dont ils doivent être punis, tend au contraire à établir un système des plus dangereux, et des idées nouvelles qui, si elles étaient adoptées, n’iraient à rien moins qu’à renverser les lois reçues jusqu’ici par les nations les plus policées.
Tarde (La philosophie pénale) : Beccaria, dont le livre a paru en 1754, est le fils de notre XVIIIe siècle ; il en reflète, il en condense toute la philanthropie sentimentale, tout l'optimisme naïf, tout l'individualisme excessif, et il doit à ce fidèle écho de nos philosophes l'accueil qu'il a reçu d'eux, l'enthousiasme universel que cet accueil lui a valu.
Haus ( Principes de droit pénal) : Si le petit livre de Beccaria et les autres écrits de cette époque auxquels il a servi de type, ne sont pas des ouvrages remarquables du point de vue de la science, leurs auteurs ont cependant l'incontestable mérite d'avoir donné l'impulsion aux travaux plus scientifiques des criminalistes du XIXe siècle.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : C’est en 1764 que ce jeune homme, qui avait étudié à Paris et était admirateur de Montesquieu, publiait à Milan son fameux « Traité des délits et des peines », écrit à la suite de ses entretiens avec son ami A. Verri, inspecteur des prisons de Milan, et dont il n’est pas exagéré de dire qu’il secoua l’Europe entière… Il soulignait notamment que la prévention générale serait davantage réalisée par la certitude d’une peine modérée à laquelle on ne peut échapper que par une peine effrayante mais aléatoire.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : Le court traité Dei delitti et delle pene va dans l'Italie de la fin du XVIIIe siècle constituer la grande rupture doctrinale européenne du droit pénal, annoncer une nouvelle société et la Révolution française. En simplifiant beaucoup, je résumerai l'essentiel de ce livre en quatre points. Il fustige le droit pénal se son temps dans son incertitude (I) et sa cruauté (II). Il annonce le droit pénal moderne dans son fondement (III) et ses principes (IV). [voir l'article consacré à cet auteur, les citations et le portrait - sous cette réserve que si Philippe Malaurie est un excellent civiliste, il n'est pas un pénaliste de formation]
Voltaire (Commentaire sur le livre « Des délits et des peines », 1766) : Le petit livre « Des délits et des peines » est en morale ce que sont en médecine le peu de remèdes dont nos maux pourraient être soulagés.
BENTHAM Jeremy
Cf. Beccaria*, Doctrines criminelles*, Blackstone*, Domat*, Muyart de Vouglans*, Panoptique*, Science criminelle*, Utilitarisme*.
Voir : Bentham, Du principe d'utilité - Of the Principle of Utility
Voir : Bentham, La classification des crimes et délits
Philosophe et légiste anglais (1748 – 1832). Né à Londres, il fit ses études à l'Université d'Oxford. On lui doit quatre importants ouvrages :
« Introduction aux principes de morale et de législation » (1789), « Traité de législation civile et pénale » (1802), « Le
panoptique » (1791), « Théorie des peines et des récompenses » (1811). Il reçut la nationalité française honoris causa par un décret de
l’Assemblée législative du 26 août 1792.
Surtout connu comme tenant de la doctrine utilitariste, il est pour cette raison critiqué et rejeté par la doctrine dominante. Il devrait cependant être honoré en
tant que premier théoricien de la politique criminelle et des techniques législative. Ses travaux ( mis en valeur par le Genevois Etienne Dumont) ont profondément
influencé la rédaction du Code pénal de 1810 et des codes européens ultérieurs, en particulier grâce à la méthode rationnelle de législation qu’il a développée.
Bentham (Traités de législation civile et pénale) Chap. 1 : Du principe de l'utilité - Le bonheur public doit être l'objet du législateur : l'utilité générale doit être le principe du raisonnement en législation. Connaitre le bien de la communauté dont les intérêts sont en question, voilà ce qui constitue la science ; trouver les moyens de le réaliser, voilà ce qui constitue l'art. Ce principe de l'utilité, énoncé vaguement, est peu contredit : il est même envisagé comme une espèce de lieu commun en morale et en politique. Mais cet assentiment presque universel n'est qu'apparent. On n'attache pas à ce principe les mêmes idées ; on ne lui donne pas la même valeur ; il n'en résulte pas une manière de raisonner conséquente et uniforme. Pour lui donner toute l'efficacité qu'il devrait avoir, c'est-à-dire, pour en faire la base d'une raison commune, il y a trois conditions à remplir. La première est d'attacher à ce mot utilité des notions claires et précises qui puissent être exactement les mêmes pour tous ceux qui l'emploient. La seconde est d'établir l'unité, la souveraineté de ce principe, en excluant rigoureusement ce qui n'est pas lui. Ce n'est rien que d'y souscrire en général ; il faut n'admettre aucune exception. La troisième est de trouver les procédés d'une arithmétique morale, par laquelle on puisse arriver à des résultats uniformes.
Bentham (Théorie des peines et des récompense) Tout individu se gouverne, même à son insu, d’après un calcul en bien et en mal, fait de peines et de plaisirs. Préjuge-t-il que la peine sera la conséquence d’un acte qui lui plaît, cette idée agit avec une certaine force pour l’en détourner. La valeur totale de la peine lui paraît-elle plus grande que la valeur totale du plaisir, la force répulsive sera la force majeure ; l’acte n’aura pas lieu.
Pradel (Histoire des doctrines pénales) : Bentham adopta toute sa vie une démarche interdisciplinaire, en marquant les rapports entre le droit, la morale, la psychologie, l'économie et la politique. C'est qu'il s'intéressait à tout. Jeune étudiant en droit, il participa à des clubs de discussion avec des chimistes et des architectes.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : Jeremy Bentham est le théoricien de l'utilitarisme et un réformateur radical, remettant en cause le droit, l'économie, a grammaire, la linguistique et la philosophie de son temps. Malgré( ou à cause de) son utopisme, il a eu et il continue à exercer une influence considérable, notamment sur le droit pénal et le régime pénitentiaire ; il a été l'une des bases de l'idéologie bourgeoise des XIXe et XXe siècles. [voir l'article consacré à cet auteur, les citations et le portrait]
Talleyrand, si avare de compliments, a dit de lui : J’ai connu de grands guerriers, de grands hommes d’État, de grands écrivains, mais je n’ai connu qu’un seul grand génie, c’est Jérémie Bentham.
Napoléon après avoir lu son Traité de morale et de législation : Ce livre éclairera bien des bibliothèques.
BERTAULD Charles-Alfred
Cf. Blanche*, Boitard*, Droit -Droit positif*, Rauter*, Rossi*.
Pénaliste français (1812 – 1882). Avocat et Professeur à la Faculté de droit de Caen. Il a publié son « Cours de droit pénal et leçons de législations criminelles », dont la 3e édition date de 1864. S'il est principalement un exégète, comme la plupart des auteurs de sa génération, il marque néanmoins un grand intérêt pour le droit naturel, l'histoire du droit et le droit comparé. À cet égard, il peut encore être utilement consulté par la doctrine.
Bertauld (Préface à son Cours) : Ce Cours est un ouvrage à la fois
théorique et pratique.
Il est un ouvrage théorique, puisqu'il ne se borne pas à expliquer le sens des textes et à analyser les applications qu'ils ont reçues, les difficultés qu'ils
ont soulevées dans la doctrine et la jurisprudence ; il recherche leur origine historique et leur fondement rationnel, et cette étude n'a pas seulement pour objet
d'éclairer la lettre, mais d'en faire apprécier l'esprit et la portée... elle a encore un autre but : c'est de montrer le lien intime qui unit la science du
droit, et en particulier la science du droit pénal, à la philosophie, à la politique, à toutes les sciences sociales et économiques... Mon Cours est un cours
théorique, parce qu'il suppose des principes arrêtés sur la grande et toujours renaissante des droits des individus et des droits de l'État, des limites de la
liberté et de l'autorité, du caractère de la souveraineté, du principe et de la mission du gouvernement, du rôle de la société dans la destinée humaine.
Mon Cours de Code pénal est un ouvrage pratique, parce que les idées spéculatives n'y sont jamais isolées de leurs conséquences, parce qu'elles sont
incessamment rapprochées des solutions qu'elles justifient, modifient ou contredisent, parce qu'au lieu d'être un objet de luxe et de curiosité, elles sont un
instrument actif de contrôle et d'interprétation.
BERTILLON Alphonse
Cf. Bertillonnage*, Empreinte*.
Voir : Exemple de signalétique
Chef du service de l’identité judiciaire à la Préfecture de police de Paris (1853 – 1914). C’est à lui que l’on doit, notamment, le système d’identification des malfaiteurs par la prise des empreintes digitales et la technique du signalement anthropométrique. Il a ainsi fortement contribué aux progrès de la police scientifique.
Bertillon (Manuel d’identification anthropométrique) : Tout, en police, est affaire d’identification. Un crime vient d’être commis par un inconnu ; la tâche de la police va consister : 1° à découvrir l’individualité du coupable ; 2° à la rechercher pour l’arrêter ; c’est-à-dire à l’individualiser au milieu de la foule des humains. Depuis le commencement jusqu’à la fin de l’enquête judiciaire, ce ne sont que questions d’identité, de description, de signalement à élucider, en prenant pour base des éléments biens vagues et bien trompeurs fournis par les témoins.
L’affaire Ravachol (Les grands procès) : Au moment de l’arrestation de l’anarchiste Ravachol, A Bertillon, directeur du service de l’identité judiciaire, constate que les mensurations de ce dernier correspondent à celles mentionnées sur la fiche anthropométrique d’un certain Koenigstein, alors recherché pour crimes crapuleux par la police de Saint-Étienne… Il a assassiné un octogénaire et sa domestique, il a violé le cercueil d’une riche baronne, il a étranglé un vieillard qui vivait isolé dans une cabane du Forez… Les milieux anarchistes accusent la police d’avoir trafiqué les fiches. Mais, à l’audience, Ravachol avoue être Koenigstein et reconnaît les crimes qui lui sont reprochés.
BLACKSTONE William
Cf. Bentham*, Glanville*.
Jurisconsulte anglais, professeur à Oxford (1723 – 1780). Dans ses « Commentaires sur les lois d’Angleterre » (1765-1769), il s’est efforcé de mettre un peu d’ordre dans un corps de droit particulièrement confus ; ce dont les juristes anglais lui savent encore gré. Son travail, élégant et sérieux, donne un heureux aperçu de la Common law à l’époque de son apogée ; il ne brille toutefois, ni sur le plan de la philosophie, ni celui des techniques juridiques. Nous nous sommes souvent référé à cet ouvrage, d’abord en raison de la richesse de ses matériaux, ensuite parce qu’il a influencé les hommes de la Révolution (qui avaient pourtant une image curieusement déformée de la réalité du droit anglais).
Blackstone (Commentaires sur les lois d’Angleterre) : Du moment que l’homme entre en société avec d’autres hommes, il remet à la société, dans laquelle il est admis, une partie de sa liberté naturelle pour prix des avantages qu’il reçoit de son admission dans cette même société. Dès ce moment l’homme contracte l’obligation de se conformer aux lois établies par la communauté.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : De 1753 à 1766, Blackstone a été professeur à Oxford, à Pembroke college, où chaque année il est l'objet d'une leçon, ce qui montre la vénération que l'on continue à lui porter. C'est lui qui, le premier, a enseigné le droit anglais dans une université. Il a été aussi avocat et juge ; son titre de gloire est d'avoir publié les Commentaries of the Laws of England (4 vol. 1765-1769) Il décrit le droit anglais à l'apogée de la Common Law, à un moment où la Grande-Bretagne jouit d'un immense prestige dans le monde ; il n'y a qu'à penser à l'anglomanie de Montesquieu et de Voltaire. [voir l'article consacré à cet auteur, les citations et le portrait]
BLANCHE Antoine Georges
Cf. Bertauld*, Boitard*.
Magistrat français (1808 - 1875), d'abord en poste au Parquet de Rouen, il fut ensuite promu Avocat général à la Cour de cassation. Son œuvre principale, comportant sept volumes publiés de 1861 à 1872, s'intitule « Études pratiques sur le Code pénal ». L'auteur s'y fixe pour but de rendre compte du droit positif français de son temps, en s'appuyant notamment sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Le tableau qu'il brosse est clair, précis et exact.
Blanche (Études pratiques sur le Code pénal) : Je veux indiquer en
quelques mots le but que je me suis proposé. Je ne fais ni la philosophie ni l'histoire du droit criminel.
Ce n'est pas que je mette en doute l'utilité de ces études, qui, si elles sont faites judicieusement, ne peuvent que fortifier la répression. La philosophie,
en dévoilant l'origine du droit de punir, en démontre l'incontestable légitimité. L'histoire, en racontant les adoucissements successifs des peines et les
transformations de la procédure criminelle, augmente l'autorité de la législation moderne.
Mais il y aurait témérité à recommencer ces études, qui ont été faites avec tant de supériorité et d'éclat. Mon point de vue est moins élevé et moins étendu :
il n'embrasse que l'explication de la loi positive.
BLUNTSCHLI Johann Kaspar
Cf. Domat*.
Voir : M. Bluntschli, Les tribunaux en général et les tribunaux répressifs en particulier
Publiciste suisse (1808 - 1881) tenant de :l'école historique. S'étant dans un premier temps attaché à la politique dans son pays natal, il se consacra finalement à l'enseignement du droit public en Allemagne, d'abord à Munich, puis à Heidelberg. L'ouvrage qui retient le plus l'attention des pénalistes est celui qui est consacré au « Droit public général », et qui a été traduit en Français par A. de Riedmatten en 1881. On en trouvera de nombreuses citations dans le Dictionnaire de droit criminel. Il ne faut pas perdre de vue en effet que, à de nombreux égards, le droit pénal se rattache au droit public.
Riedmatten (Préface au "Droit public général") : Après avoir défini l'objet du Droit public général et nous en avoir montré les sources avec une élégante concision (L. I), il passe immédiatement, à la description et à l'analyse des divers pouvoirs et groupes d'attributions de l'État. Il leur consacre à chacun un livre ou un titre spécial, plaçant en outre, entre les Organes de la législation (L. II) et le Gouvernement proprement dit (L. IV), un important traité sur le chef de l'État (L. III), ce sommet de tous les pouvoirs, qui appartient à la fois au corps législatif et au gouvernement, et même, dans une certaine mesure, à la justice. Un sage esprit de modération règne dans toute cette partie. Nous n'en relèverons que quelques traits. L'auteur avoue nettement sa préférence pour le système des deux chambres ; l'une représentant l'aristocratie nationale, l'autre l'élément plus actif et plus agité du peuple. Il signale les vices actuels de leur recrutement ou de leur élection. II revendique le veto législatif pour le prince, et ne serait pas éloigné de l'accorder aux chefs eux-mêmes des républiques. Il aime un gouvernement fort, revêtu de grandeur et de majesté. Sans doute, l'ensemble du corps législatif est supérieur au prince, mais c'est que le prince lui-même y occupe une place suprême et déterminante. L'auteur semble presque regretter que nos chefs républicains n'aient pas, comme les consuls d e l'ancienne Rome, les droits de majesté.
Bluntschli (Droit public général, L. I) : C'est aux Romains que revient
l'honneur d'avoir les premiers distingué le droit public « qui se réfère à l'État romain », du droit privé « qui se réfère aux intérêts des particuliers. ». Les
Hellènes paraissent ignorer cette distinction. Les Germains ne l'avaient guère comprise, et la confusion ne fit qu'augmenter quand ils furent devenus les maîtres
de l'Europe féodale. Le droit public et le droit privé se mêlèrent ; la souveraineté territoriale fut regardée comme une propriété privée ; les charges publiques,
comme des biens de famille ; la possession de l'immeuble donna la juridiction ; celle du fief, le devoir noble de porter les armes.
Les modernes ont montré leur intelligence en restaurant la distinction. L'Europe, depuis un siècle surtout, lutte activement pour purger le droit public de tout
mélange étranger, et le but est déjà largement atteint. Le droit public, devenu plus noble et plus énergique, s'est pénétré de l'esprit public de la nation. Le
droit privé, plus souple et plus libre, s'est dégagé des liens qui l'attachaient à l'État. Le droit public part essentiellement de l'État ; le droit privé, des
individus. L'un s'occupe des rapports juridiques de l'État ; l'autre, des droits des particuliers.
On range aussi, avec raison, dans le droit public, le système de la procédure civile pour sa plus grande partie et tout le droit pénal, y compris l'instruction
criminelle. En effet, tout plaideur invoque la protection directe de l'État. En matière pénale, l'État va même jusqu'à poursuivre d'office et à punir. Cependant
ces deux branches demeurent aussi en dehors de notre étude. On les enseigne avec plus de fruit séparément, soit en raison de leur importance propre, soit à cause
de leurs intimes rapports avec le droit privé.
BOITARD Joseph-Édouard
Cf. Bertauld*, Blanche*, Droit -Droit positif*, Rauter*, Rossi*.
Pénaliste français (1804 - 1835). Nommé premier au concours pour des suppléances à la Faculté de droit de Paris en 1833, il choisit la chaire la plus ingrate à
l'époque : celle de procédure civile et de législation criminelle (curieuse association qui devait durer quelques décennies). Il n'enseigna que deux ans,
une maladie l'ayant brusquement emporté.
S'il avait pu poursuivre ses travaux, son rigoureux esprit scientifique lui aurait sans doute permis de dépasser le stade
de l'exégèse où il en était encore dans son enseignement, et de
franchir le pas qui conduit tout naturellement de l'étude
critique des textes à la science criminelle.
Poret (Notice servant de préface à la 5e éd.) : Entre ses mains cet enseignement dépourvu d'attrait eut bientôt changé de face. L'ordre et la méthode mirent dans une si belle lumière les plus arides détails du sujet, qu'ils en devinrent intéressants. Comme tous les esprits qui voient clair dans leur pensée, Boitard avait un vif sentiment de la méthode. Non content d'en donner l'exemple, il en inculquait sans cesse le précepte et la nécessité.
Boitard (Leçons - Première leçon) : L'étude et la connaissance de l'ancien
droit criminel, intéressantes peut-être pour le moraliste, ou même pour l'historien, me paraissent importer assez peu au jurisconsulte pour l'application des lois
sous lesquelles nous vivons.
D'abord, la nature même des lois pénales indique suffisamment que le juge ne jouit pas, dans l'application de ces lois, de cette latitude d'interprétation dont
nous usons tous les jours en matière de droit civil. La nature des lois pénales dit assez que tout soit s'y prendre à la lettre... Il n'est pas permis, dans le
droit pénal d'aller chercher dans les lois anciennes de quoi combler les lacunes, de quoi expliquer les obscurités des lois nouvelles.
Ensuite, une autre raison, plus directe encore, paraît ôter tout
intérêt pratique à l'étude détaillée des anciennes lois
criminelles françaises : c'est que nos lois nouvelles ne sont
pas, dans les matières criminelles, comme dans les matières
civiles, la reproduction plus ou moins fidèle, plus ou moins
exacte, de principes admis autrefois... Dans le droit pénal,
presque tout est nouveau, presque tout a ressenti vivement
l'influence du temps, des mœurs, des révolutions ; et, sous ce
rapport encore, nous aurons, je le répète, assez peu d'intérêt à
consulter le droit ancien. [on peut observer que, après la
promulgation du Code pénal de 1993, des auteurs ont intitulé
leur ouvrage "Le nouveau droit pénal" ; toujours la même
illusion]
BRISSOT DE WARVILLE Jacques Pierre
Cf. Beccaria*, Marat*, Montesquieu*, Voltaire*.
Homme politique français, l’un des chefs du parti Girondin (1754
– 1793). Il s’intéressa aux questions de droit criminel au point
de publier en 1780 une « Théorie des lois criminelles »,
puis une « Bibliothèque philosophique du législateur, du
politique et du jurisconsulte » en 10 volumes. Cette anthologie
est très marquée par les opinions de son auteur, qui était moins
un pénaliste qu'un polémiste inspiré par par le tout nouveau
droit américain (au demeurant mal assimilé) .
Le titre exact de cette compilation est : « Bibliothèque philosophique du législateur, du politique et du jurisconsulte Choix des meilleurs. discours,
dissertations essais, fragments, composés sur la législation criminelle par les plus célèbres écrivains, en français, anglais, italien, allemand, espagnol, &c.
pour parvenir à la réforme des lois pénales dans tous les pays ; traduits & accompagnés de notes et d’observations historiques. »
Brissot (Préface à sa Bibliothèque) : Deux qualités caractérisent les bonnes bibliothèques ; ordre constant, utilité certaine. Une bibliothèque sans ordre est une contradiction dans les termes. Sans utilité, c’est un délit envers le public, c’est grossir les obstacles qui empêchent de parvenir à la vérité, c’est dérober au public des moments précieux ; et ils le sont surtout dans ce siècle, où il faut digérer tant d’erreurs pour obtenir une vérité, où la vie d’un homme ne suffit pas à épuiser tous les livres enfantés dans une seule science.
Brissot (Préface de sa Théorie des lois criminelles) : Après avoir épuisé presque tous les codes, observé toutes les Constitutions, je dessinai un plan de Code pénal propre à tous les climats et même à tous les Gouvernements.
BURLAMAQUI Jean-Jacques
Cf. Ahrens*, Cumberland*, Doctrines criminelles*, Droit - droit naturel*, Grotius*, Pufendorf*.
Juriste suisse (1694 – 1748). Il fut professeur à l’Université de Genève, et l’un des rénovateurs de l’école du droit naturel, avec son ouvrage principal intitulé « Principes de droit naturel ». Méthodique, il rechercha les fondements de la loi naturelle, de la morale et de la politique dans la constitution même de l'homme et il en déduisit une théorie générale des droits et des devoirs.
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : Nous avons dessein,
dans cet ouvrage, de rechercher quelles sont les règles que la seule raison prescrit aux hommes, pour les conduire sûrement au but qu’ils doivent se proposer, et
qu’ils se proposent tous en effet, je veux dire un véritable et solide bonheur ; et c’est le système ou l’assemblage de ces règles, considérées comme autant
de lois que Dieu impose aux hommes, que l’on appelle droit de la nature. Cette science renferme les principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence
et de la politique ; c’est-à-dire, tout ce qu’il y a de plus intéressant pour l’homme et pour la société. Rien aussi n’est plus digne de l’application d’un
être raisonnable, qui a sérieusement à cœur sa perfection et sa félicité. Une juste connaissance des maximes que l’on doit suivre dans le cours de la vie, est le
principal objet de la sagesse ; et la vertu consiste à les pratiquer constamment, sans que rien puisse nous en détourner.
L’idée du droit, et plus encore celle du droit naturel, sont manifestement des idées relatives à la nature de l’homme. C’est donc de cette nature même de
l’homme, de sa constitution et de son état, qu’il faut déduire les principes de cette science.
Le terme de droit, dans sa première origine, vient du verbe diriger, qui signifie conduire à un certain but par le chemin le plus court. Ainsi le droit, dans
le sens propre le plus général et auquel tous les autres doivent se rapporter, est tout ce qui dirige, ou qui est bien dirigé. Cela étant, la première chose qu’il
faut examiner, c’est si l’homme est susceptible de direction et de règle par rapport à ses actions. Pour le faire avec succès, il faut reprendre les choses dès
leur origine, et, remontant à la nature et à la constitution de l’homme, il faut développer quel est le principe de ses actions, et quels sont les états qui lui
sont propres, afin de voir ensuite comment et en quoi il est susceptible de direction dans sa conduite :c’est le seul moyen de connaître ce qui est droit, et
ce qui ne l’est pas.
Malepeyre (Précis
de la science du droit naturel) : Originaire de Lucques, en
Italie... Burlamaqui voyagea en Suisse, en France, en Hollande, en
Angleterre ; il se lia d'une étroite amitié avec Barbeyrac.
Revenu dans sa patrie, il y enseigna le droit jusqu'en 1740,
époque à laquelle il entra dans le conseil souverain. Ses
ouvrages sont estimés ; ce sont sans contredit les meilleurs
guides que puissent suivre ceux qui veulent se livrer à l'étude
du droit naturel.
"Principes de droit naturel et politique". C'est, suivant
nous, le meilleur ouvrage qui ait été écrit sur le droit
naturel. Sa méthode est bonne, ses principes bien établis, son
style satisfaisant. Burlamaqui, en profitant des méditations de
ceux qui l'avaient précédé dans la carrière, et en y joignant
ses propres réflexions, a beaucoup contribué aux progrès de la
science.
Son plan est bien tracé, son ouvrage bien écrit, et ses
principes exposés avec netteté et méthode. Il établit qu'il y a
des lois naturelles, qu'elles sont dictées par le Créateur, que
c'est une suite se sa sagesse ; que l'homme ne peut parvenir à
connaître les lois naturelles qu'en examinant son état, sa
constitution et son essence ; enfin que les lois naturelles se
rapportent à trois objets principaux, à Dieu, à soir, et à
autrui.