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LE PRINCIPE D’UTILITÉ
par Jeremy BENTHAM

La présentation du principe d’utilité,
qui se situe au cœur de l’œuvre de son auteur,
a donné lieu à deux développements dans les ouvrages de Bentham.

Le premier dans son "Introduction to the Principles of Morals and Legislation"
(« Introduction aux principes de morale et de législation »), publié en 1780.
Le second dans son « Traités de législation civile et pénale »,
publié en français par le genevois Ét. Dumont et publié à Paris l’an 1802.

Nous les reproduisons tous deux,
afin d’aider à la compréhension de la pensée de l’auteur.

I - Introduction aux principes de morale et de législation

Chap. 1 - Of the Principle of Utility
Chapitre 1 - Du principe d’utilité

I. Nature has placed mankind under the governance of two sovereign masters, pain and pleasure. It is for them alone to point out what we ought to do, as well as to determine what we shall do. On the one hand the standard of right and wrong, on the other the chain of causes and effects, are fastened to their throne. They govern us in all we do, in all we say, in all we think : every effort we can make to throw off our subjection, will serve but to demonstrate and confirm it. In words a man may pretend to abjure their empire: but in reality he will remain subject to it all the while. The principle of utility recognizes this subjection, and assumes it for the foundation of that system, the object of which is to rear the fabric of felicity by the hands of reason and of law. Systems which attempt to question it, deal in sounds instead of sense, in caprice instead of reason, in darkness instead of light.

But enough of metaphor and declamation : it is not by such means that moral science is to be improved.

I. La nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. C’est à eux seuls qu’il appartient de signifier ce que nous devrions faire, comme de déterminer ce que nous ferons. D’un côté, le modèle du bien et du mal, de l’autre la chaîne des causes et effets, sont rivés à leur trône. Ils nous dirigent dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous pensons : tout effort que nous pourrions faire pour nous libérer de notre sujétion, ne servira qu’à la souligner et à la confirmer. En paroles, un homme peut prétendre abjurer leur empire : mais, dans la réalité, il demeurera leur sujet pour toujours. Le principe d’utilité recueille cette sujétion, et la pose en pierre angulaire d’une doctrine dont le but est d’édifier un monument du bonheur des hommes par le biais de la raison et de la loi. Les divers systèmes qui tentent de la mettre en question reposent sur du vent plutôt que sur du solide, sur des foucades plutôt que sur la raison, sur l’obscurité plutôt que sur la lumière.

Mais c’en est assez de la métaphore et de la déclamation ; ce n’est pas par de tels moyens que la science morale peut être améliorée.

II. The principle of utility is the foundation of the present work: it will be proper therefore at the outset to give an explicit and determinate account of what is meant by it. By the principle of utility is meant that principle which approves or disapproves of every action whatsoever according to the tendency it appears to have to augment or diminish the happiness of the party whose interest is in question: or, what is the same thing in other words to promote or to oppose that happiness. I say of every action whatsoever, and therefore not only of every action of a private individual, but of every measure of government.

II. Le principe d’utilité constitue le socle du présent ouvrage ; il convient donc, dès l’abord d’établir de manière explicite et précise ce que l’on entend par cette formule.

Par principe d’utilité on désigne un principe qui approuve ou désapprouve toute action, en fonction de son aptitude apparente à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu ; ou, ce qui revient au même mais en d’autres termes, à favoriser ou à contrarier ce bonheur. Je dis bien, de quelque action que ce soit, donc non seulement de chaque action d’un simple particulier, mais également de toute mesure d’un gouvernement.

III. By utility is meant that property in any object, whereby it tends to produce benefit, advantage, pleasure, good, or happiness, (all this in the present case comes to the same thing) or (what comes again to the same thing) to prevent the happening of mischief, pain, evil, or unhappiness to the party whose interest is considered: if that party be the community in general, then the happiness of the community : if a particular individual, then the happiness of that individual.

III. Par le terme « utilité » on désigne la faculté que possède chaque chose de produire un bénéfice, un avantage, un plaisir, un bien, ou du bonheur (tous ces mots reviennent présentement au même), ou (ce qui est la même chose) d’éviter un dommage, une souffrance, un mal, ou un chagrin à la partie dont l’intérêt est en jeu ; s’il s’agit de la communauté en général, alors il s’agit du bonheur de la communauté ; s’il s’agit d’un individu particulier, alors il s’agit du bonheur de cet individu.

IV. The interest of the community is one of the most general expressions that can occur in the phraseology of morals : no wonder that the meaning of it is often lost. When it has a meaning, it is this. The community is a fictitious body, composed of the individual persons who are considered as constituting as it were its members. The interest of the community then is, what is it ? — the sum of the interests of the several members who compose it.

IV. La formule « intérêt de la communauté » [ou bien commun] est l’une des plus générales qui puisse se rencontrer dans le langage de la morale : il ne saurait donc surprendre que son sens soit souvent perdu de vue. Quand elle prend une signification précise, c’est celle ci : la communauté est un être fictif, composé de l’ensemble des individus, considérés comme constituant en quelque sorte ses membres. L’intérêt de la communauté est alors - Mais qu’est-ce au juste ? - c’est la somme des intérêts de chacun de ses membres.

V. It is in vain to talk of the interest of the community, without understanding what is the interest of the individual. A thing is said to promote the interest, or to be for the interest, of an individual, when it tends to add to the sum total of his pleasures : or, what comes to the same thing, to diminish the sum total of his pains.

V. Il serait vain de parler de l’intérêt de la communauté, sans s’entendre auparavant sur ce qu’est l’intérêt de l’individu. On dit qu’une chose bénéficie à l’intérêt d’une personne, ou est faite dans son intérêt, quand elle tend à ajouter quelque chose à la somme présente de ses plaisirs ; ou, ce qui revient exactement au même, à diminuer le total de la somme de ses souffrances.

VI. An action then may be said to be conformable to then principle of utility, or, for shortness sake, to utility, (meaning with respect to the community at large) when the tendency it has to augment the happiness of the community is greater than any it has to diminish it.

VI. Par suite, une action peut être dite conforme au principe d’utilité, ou, pour parler bref, à l’utilité (en visant la communauté au sens large), quand elle est intrinsèquement de nature à augmenter le bonheur de la communauté plutôt qu’à le diminuer.

VII. A measure of government (which is but a particular kind of action, performed by a particular person or persons) may be said to be conformable to or dictated by the principle of utility, when in like manner the tendency which it has to augment the happiness of the community is greater than any which it has to diminish it.

VII. Une mesure prise par le gouvernement (démarche qui n’est rien d’autre qu’une forme particulière de l’action, accomplie soit par une personne seule soit par plusieurs) peut être dite conforme au principe de l’utilité, ou dictée par lui, quand, de quelque manière que ce soit, ses potentialités sont de nature à augmenter le bonheur de la communauté plutôt qu’à le diminuer.

VIII. When an action, or in particular a measure of government, is supposed by a man to be conformable to the principle of utility, it may be convenient, for the purposes of discourse, to imagine a kind of law or dictate, called a law or dictate of utility : and to speak of the action in question, as being conformable to such law or dictate.

VIII. Quand une action, ou en particulier une mesure du gouvernement, est supposée être conforme au principe d’utilité, il peut être avantageux, pour en favoriser l’exposé, d’imaginer un type de loi ou de précepte, appelé loi ou précepte d’utilité ; et de parler de l’action en question, comme étant conforme à cette loi ou précepte.

IX. A man may be said to be a partizan of the principle of utility, when the approbation or disapprobation he annexes to any action, or to any measure, is determined by and proportioned to the tendency which he conceives it to have to augment or to diminish the happiness of the community : or in other words, to its conformity or unconformity to the laws or dictates of utility.

IX. Un homme peut être considéré comme agissant suivant le principe d’utilité lorsque l’approbation ou la désapprobation qu’il attache à la moindre de ses actions, ou des mesures qu’il prend, est déterminée par les suites qu’il prévoit comme étant susceptibles d’augmenter ou de diminuer le bonheur de la communauté ; ou, en d’autres termes, par sa conformité ou par son incompatibilité avec les lois ou les préceptes d’utilité.

X. Of an action that is conformable to the principle of utility one may always say either that it is one that ought to be done, or at least that it is not one that ought not to be done. One may say also, that it is right it should be done; at least that it is not wrong it should be done : that it is a right action; at least that it is not a wrong action. When thus interpreted, the words ought, and right and wrong and others of that stamp, have a meaning : when otherwise, they have none.

X. D’une action qui est conforme au principe d’utilité on peut toujours dire, soit qu’elle est l’une de celles qui devaient être faites, soit du moins qu’elle n’est pas l’une de celles qui ne devaient pas être faites. On peut également dire, que c’est exactement ce qui devait être fait ; du moins qu’il n’est pas mauvais que cela eût été fait : c’est une bonne action ; tout au moins ce n’est pas une mauvaise action. Quand ils sont ainsi employés, les mots « doit », « bon » et « mauvais », ou tout autre du même registre, ont un sens ; quand ils le sont autrement, ils n’en ont aucun.

XI. Has the rectitude of this principle been ever formally contested ? It should seem that it had, by those who have not known what they have been meaning. Is it susceptible of any direct proof ? it should seem not : for that which is used to prove every thing else, cannot itself be proved: a chain of proofs must have their commencement somewhere. To give such proof is as impossible as it is needless.

XI. L’exactitude du principe d’utilité a-t-elle jamais été formellement contestée ? Il semblerait qu’elle l’ait été, par certains qui n’en ont pas eu une connaissance exacte. Ce principe est-il susceptible d’une preuve directe ? Il semblerait que non : car ce qui est employé pour prouver une chose, ne peut pas être soi-même radicalement prouvé : une chaîne de preuves doit partir de quelque part. Mais, au fond, fournir une telle preuve est tout aussi impossible qu’inutile.

XII. Not that there is or ever has been that human creature at breathing, however stupid or perverse, who has not on many, perhaps on most occasions of his life, deferred to it. By the natural constitution of the human frame, on most occasions of their lives men in general embrace this principle, without thinking of it : if not for the ordering of their own actions, yet for the trying of their own actions, as well as of those of other men.

There have been, at the same time, not many perhaps, even of the most intelligent, who have been disposed to embrace it purely and without reserve. There are even few who have not taken some occasion or other to quarrel with it, either on account of their not understanding always how to apply it, or on account of some prejudice or other which they were afraid to examine into, or could not bear to part with. For such is the stuff that man is made of: in principle and in practice, in a right track and in a wrong one, the rarest of all human qualities is consistency.

XII. Il n’y a pas, et il n’y a jamais eu, une créature humaine vivante assez stupide ou assez perverse pour n’avoir parfois ou à de nombreuses occasions de sa vie, obéi à ce principe. Par suite de la constitution normale de l’être humain, dans la plupart des circonstances de leur vie les hommes appliquent généralement ce principe, sans même y penser : sinon pour accomplir effectivement leurs propres actions, du moins pour les préparer, de même que celles d’autres hommes.

Dans le même temps il en est quelques uns, peu nombreux sans doute même parmi les plus intelligents, qui ont été disposés à adopter ce principe purement et simplement. Mais il y en a eu aussi un petit nombre qui n’ont pas manqué la moindre occasion de la critiquer, soit parce qu’ils n’avaient pas toujours compris comment l’appliquer, soit en raison de certains inconvénients qu’ils craignaient d’y trouver ou redoutaient de ne pourvoir écarter. Car telle est l’étoffe dont l’homme est fait : aussi bien quant aux principes que dans la pratique, que ce soit pour suivre la voie droite ou pour suivre une voie fausse, la plus rare des qualités humaines est la persévérance dans l’action ou la pensée.

XIII. When a man attempts to combat the principle of utility, it is with reasons drawn, without his being aware of it, from that very principle itself. His arguments, if they prove any thing, prove not that the principle is wrong, but that, according to the applications he supposes to be made of it, it is misapplied. Is it possible for a man to move the earth ? Yes ; but he must first find out another earth to stand upon.

XIII. Quand quelqu’un tente de combattre le principe d’utilité, sans en être conscient il le fait, avec des motifs tirées de ce principe lui-même. S’ils prouvent quelle chose, ses arguments établissent, non pas que le principe lui-même est erroné, mais que, au regard de l’application qui est supposée en être faite, il a été inexactement mis en oeuvre. Est-il possible à un homme de déplacer la Terre ? Oui ; mais il doit d’abord découvrir une autre Terre sur laquelle se tenir.

XIV. To disprove the propriety of it by arguments is impossible; but, from the causes that have been mentioned, or from some confused or partial view of it, a man may happen to be disposed not to relish it. Where this is the case, if he thinks the settling of his opinions on such a subject worth the trouble, let him take the following steps, and at length, perhaps, he may come to reconcile himself to it.

XIV. Réfuter l’exactitude de ce principe par des arguments n’est pas possible. Mais, soit pour les raisons qui viennent d’être relevées, soit en raison d’une approche confuse ou partielle de ce principe, il peut arriver qu’un homme se trouve mal disposé à l’apprécier. Quand c’est le cas, s’il pense qu’adopter une telle opinion sur un tel sujet va le troubler, laissez lui faire le pas suivant ; et, à la longue, peut-être en viendra-il à s’accorder avec ce principe.

II - Traités de législation civile et pénale

Du principe de l’Utilité

Le bonheur public doit être l’objet du Législateur : l’Utilité générale doit être le principe du raisonnement en Législation. Connaître le bien de la Communauté dont les intérêts sont en question, voilà ce qui constitue la science ; trouver les moyens de le réaliser, voilà ce qui constitue l’art.

Ce Principe de 1’Utilité, énoncé vaguement, est peu contredit : il est même envisagé comme une espèce de lieu commun en morale et en politique. Mais il ne faut pas s’y tromper, cet assentiment presque universel n’est qu’apparent. On n’attache pas à ce principe les mêmes idées ; on ne lui donne pas la même valeur ; il n’en résulte pas une manière de raisonner conséquente et uniforme.

Pour lui donner toute l’efficacité qu’il devrait avoir, c’est-à-dire, pour en faire la base d’une raison commune, il y a trois conditions à remplir.

La première est d’attacher à ce mot Utilité, des notions claires et précises qui puissent être exactement les mêmes pour tous ceux qui l’emploient.

La seconde est d’établir l’Unité, la souveraineté de ce principe, en excluant rigoureusement ce qui n’est pas lui. Ce n’est rien que d’y souscrire en général; il faut n’admettre aucune exception.

La troisième est de trouver les procédés d’une arithmétique morale, par laquelle on puisse arriver à des résultats uniformes.

Les causes de dissentiment peuvent se rapporter à deux faux Principes qui exercent une influence tantôt ouverte et tantôt cachée sur les jugements des hommes. Si on peut parvenir à les signaler et à les exclure, le vrai Principe restera seul dans sa pureté et dans sa force.

Ces trois Principes sont comme trois routes qui se croisent souvent, et dont une seule mène au but. Il n’est point de voyageur qui ne se soit souvent détourné de l’une à l’autre, et n’ait perdu dans ces écarts plus de la moitié de son temps et de ses forces. La bonne route est pourtant 1a plus facile ; elle a des pierres milliaires qu’on ne saurait transposer ; elle a des inscriptions ineffaçables dans une langue universelle, tandis que les deux fausses routes n’ont que des signaux contradictoires et des caractères énigmatiques : mais sans abuser du langage de l’allégorie, cherchons à donner des idées claires sur le vrai Principe et sur ses deux adversaires.

La Nature a placé l’homme sous l’empire du Plaisir et de la Douleur. Nous leur devons toutes nos idées ; nous leur rapportons tous nos jugements, toutes les déterminations de notre vie. Celui qui prétend se soustraire à cet assujettissement, ne sait ce qu’il dit : il a pour unique objet de chercher le plaisir, d’éviter la douleur, dans le moment même où il se refuse à la plus grande volupté, et où il embrasse les plus vives peines. Ces sentiments éternels et irrésistibles doivent être la grande étude du Moraliste et du Législateur .Le Principe de l’Utilité subordonne tout à ces deux mobiles.

Utilité est un terme abstrait. Il exprime la propriété ou la tendance d’une chose à préserver de quelque mal ou à procurer quelque bien. Mal, c’est peine, douleur ou cause de douleur. Bien, c’est plaisir ou cause de plaisir. Ce qui est conforme à l’utilité ou à l’intérêt d’un individu, c’est ce qui tend à augmenter la somme totale de son bien-être. Ce qui est conforme à l’utilité ou à l’intérêt d’une Communauté, c’est ce qui tend à augmenter la somme totale du bien-être des individus qui la composent.

Un Principe est une idée première dont on fait le commencement ou la base de ses raisonnements. Sous une image sensible, c’est le point fixe auquel on attache le premier anneau d’une chaîne. Il faut que le principe soit évident ; il suffit de l’éclaircir et de l’expliquer pour le faire reconnaître. Il est comme les axiomes de mathématiques : on ne le prouve pas directement, mais on montre qu’on ne peut les rejeter sans tomber dans l’absurde.

Le Principe de l’Utilité consiste à partir du calcul, ou de la comparaison des peines et des plaisirs dans toutes les opérations du jugement, et à n’y faire entrer aucune autre idée.

Je suis partisan du Principe de l’Utilité, lorsque je mesure mon approbation ou ma désapprobation d’un acte privé ou public sur sa tendance à produire des peines et des plaisirs ; lorsque j’emploie les termes juste, injuste, moral, immoral, bon, mauvais, comme des termes collectifs qui renferment des idées de certaines peines et de certains plaisirs, et qui n’ont aucun autre sens : bien entendu que je prends ces mots, Peine et Plaisir, dans leur signification vulgaire, sans inventer des définitions arbitraires pour donner l’exclusion à certains plaisirs ou pour nier l’existence de certaines peines. Point de subtilité, point de métaphysique ; il ne faut consulter ni Platon, ni Aristote. Peine et Plaisir, c’est ce que chacun sent comme tel ; le Paysan ainsi que le Prince, l’Ignorant ainsi que le Philosophe.

Pour le partisan du Principe de l’Utilité, la vertu n’est un bien qu’à cause des plaisirs qui en dérivent, le vice n’est un mal qu’à cause des peines qui en sont la suite. Le bien moral n’est bien que par sa tendance à produire des biens physiques ; le mal moral n’est mal que par sa tendance à produire des maux physiques ; mais, quand je dis physiques, j’entends les peines et les plaisirs de l’âme, aussi bien que les peines et les plaisirs des sens. J’ai en vue l’homme tel qu’il est dans sa constitution actuelle.

Si le partisan du Principe de l’Utilité trouvait, dans le catalogue banal des vertus, une action dont il résultât plus de peines que de plaisirs, il ne balancerait pas à regarder cette prétendue vertu comme un vice ; il ne s’en laisserait point imposer par l’erreur générale ; il ne croirait pas légèrement qu’on soit fondé à employer de fausses vertus pour le maintien des véritables.

S’il trouvait aussi dans le catalogue banal des délits quelque action indifférente, quelque plaisir innocent, il ne balancerait pas à transporter ce prétendu délit dans la classe des actes légitimes ; il accorderait sa pitié aux prétendus criminels, et il réserverait son indignation pour les prétendus vertueux qui les persécutent.

Signe de fin