DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre S
(Septième partie)
SOBRIÉTÉ - Voir : Ivresse*.
SOCIÉTÉ HUMAINE
Cf. État*, Humanité*, Nation*, Patrie*, Personne humaine*, Peuple*, Vertus*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 1, p.1
- Notion. Une Société est généralement définie comme un groupement d’êtres humains unis entre eux du fait, et de leur constitution tant physique que psychique, et d'une histoire commune.
Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. V° Société (Bégin) : On peut définir la société comme étant un regroupement d’individus occupant un territoire relativement bien circonscrit, partageant une culture et des institutions plus ou moins distinctes et entretenant entre eux des relations d’interdépendance. On ajoutera parfois que, pour être appelé société, un regroupement d’individus doit en plus être relativement autosuffisant, voir son existence se perpétuer sur plusieurs générations et contenir un nombre élevé d’individus.
- La société et les hommes. Ce re groupement s'impose du fait que, réduit à ses propres ressources, l’individu ne peut assurer seul son complet développement corporel, intellectuel, moral et spirituel. Depuis Aristote il est admis que l'homme se présente comme un être social.
St
Thomas d'Aquin (Du gouvernement royal) : Chaque homme, par sa
nature même, possède innée en lui la lumière de la raison qui
dirige ses actes vers sa fin. Et s'il convenait à l'homme de
vivre solitaire, comme il en va de beaucoup d'animaux, cette
lumière lui suffirait pour l'orienter vers sa fin... Mais la
nature de l'homme veut qu'il soit un animal social et politique,
vivant en collectivité.
Cela lui appartient beaucoup plus qu'à tous les autres animaux
et la simple nécessité naturelle le montre clairement. Aux
autres animaux, en effet, la nature a préparé la nourriture,
vêtements de pelage, moyens de défense - tels que les dents, les
cornes, les griffes - ou du moins la rapidité dans la fuite.
L'homme, par contre, s'est trouvé créé sans que rien de pareil
lui ait été fourni par la nature ; mais à la place il a été
pourvu de la raison qui le met en état d'apprêter toutes ces
choses au moyen de ses mains. Or, puisqu'un homme seul ne suffit
pas à tout préparer, et que s'il se trouvait dans l'isolement il
ne pourrait s'assurer à lui-même les biens qui lui permettraient
d'entretenir sa vie, il s'ensuit que, de sa nature, l'homme doit
vivre en société.
St Basile le Grand (Les règles monastiques, n° 3) : Qui ne se rend compte que l'homme, être sociable, n'est pas fait pour la vie solitaire et sauvage. Rien n'est plus conforme à notre nature que de nous fréquenter mutuellement, de nous rechercher les uns les autres et d'aimer notre semblable .
Chemin (Code de religion et de moralité) cite Sénèque : Supposez l'homme isolé : qu'est-il ? La proie de tous les animaux, la victime la plus faible et la plus facile à immoler ; faible et nu, l'association fait toute sa force. L'Auteur de la Nature lui a donné deux ressources, qui, de l'animal le plus exposé à toutes les attaques, en ont fait le plus robuste : la raison et la société .
Mallebranche (Traité de morale) : Notre constitution naturelle nous oblige à vivre en société.
Code Frédéric (de 1748, non promulgué) : L’homme est né pour la société. Dès qu’il a le malheur d’en être exclu, son état ne diffère point de celui des animaux et tous ses talents demeurent en friche.
Leclercq (Leçons
de droit naturel - T.I et III) : La meilleure définition de la
société semble être : une union durable pour une fin commune.
Cette union ne peut aller sans règle. Le droit est précisément
la règlementation de cette action commune des hommes. L'action
commune ne peut aboutir à un résultat utile que si elle est
réglementée. Par conséquent, la question du fondement du droit
se confond à peu près, en fait, avec celle du fondement de la
société. Il n'y a de droit naturel que s'il est dans la nature
de l'homme d'avoir des relations réglées, donc de vivre en
société ; et les prescriptions du droit naturel seront indiquées
par les exigences de la vie sociale...
Les sociétés nécessaires sont celles dont l'homme ne peut se
passer. La philosophie traditionnelle en cite deux, la Famille
et l'État... La famille est une pierre angulaire de l'ordre
humain... L'influence de la famille explique que, dans certains
pays comme la Chine, les révolutions et les bouleversements
politiques aient pu déferler pendant des siècles, sans que
l'ordre social et la civilisation traditionnelle en aient été
notablement atteints.
Rommen (Le droit naturel) : La personne et la société sont si essentiellement ordonnées l'une à l'autre, qu'elles n'ont pas d'existence indépendante l'une de l'autre.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : L'homme ne saurait vivre sans le secours de ses semblables. Abandonné à lui-même, comment s'assurerait-il la nourriture, le vêtement et l'abri qui lui sont nécessaires ? comment se défendrait-il contre les mille dangers qui le menacent sans cesse ? La société nous assure la vie, la sécurité, le bien-être, les connaissances ; elle est la condition du progrès du progrès indéfini vers lequel elle tend sans cesse.
Maritain (Les droits de l’homme et la loi naturelle) : La société se forme comme une chose exigée par la nature comme une œuvre accomplie par un travail de raison et de volonté librement consenti. L’homme est un homme politique, c’est dire que la personne humaine demande la vie politique et la vie en société.
- Composition. Une « société humaine » regroupe des personnes possédant chacune son identité particulière et sa dignité propre, et ne pouvant dès lors être traitées par les dirigeants comme de simples pions sur l'échiquier politique.
Lecomte du Noüy (L’homme et sa destinée) : Les sociétés d’insectes sont des « sociétés » au sens où le corps humain est une « société » de cellules, et non pas au sens de groupement social. L’Homme ne peut donc s’inspirer de l’exemple fourni par les « sociétés d’insectes » pour résoudre ses propres problèmes sociaux.
Déclaration des droits de l'homme de 1789. Art. 3 : Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
- Structure. La société comporte deux éléments : d’une part la Nation* (ou Patrie*), réunion concrète des hommes et des femmes qui la composent, d’autre part l’État*, armature juridique abstraite chargée de l'harmonisation des rapports sociaux.
Bautain (Philosophie des lois) : Par la loi même de la nature, en vertu des lois de l’organisation qui sont les mêmes dans tous les règnes, dès qu’un corps vivant se constitue, une tête ou quelque chose qui en tient lieu, lui arrive pour diriger l’ensemble et dominer les parties. Donc, en toute société, aussitôt qu’elle se pose, il y a une nécessité naturelle, pour qu’elle vive, qu’une puissance directrice paraisse, un chef, une tête, un princeps, une souveraineté pour la gouverner, c'est-à-dire pour faire la loi, veiller à son exécution, et en punir les infractions. Il n’y a pas de société si barbare, si elle persiste comme société, qui n'ait au moins une image de ce pouvoir.
Baudin (Cours de philosophie morale) : La société doit être envisagée tout à tour, d'abord sous sa forme spécifique de nation, de société naturelle faisant suite à la société familiale ; puis sous sa forme sentimentale de patrie, d'objet d'amour et de dévouement pour ses membres ; puis sous sa forme d'État organisé en vue d'assurer son existence et ses intérêts.
Cass.crim. 5 mars 2002 (Bull.crim. n° 54 p.161) : Ne constitue pas une diffamation dirigée contre une nation un article de presse qui vise, non chaque individu en tant que membre de cette nation, mais qui vise en réalité l'action des représentants politiques d'un État.
- Fonction. La Société dans son ensemble a pour mission d'assurer le Bien commun* de tous les êtres humains qui la composent, y compris de leur descendance ; c'est elle qui, en coordonnant les travaux de ses membres, développe une civilisation.
Fordyce (Éléments de philosophie morale) : Le but de la société est l'intérêt commun et le salut du peuple associé en un seul corps ; ce but doit, de toute nécessité, être la loi suprême, qui modifie les règles particulières d'action des différents membres de la société les un envers les autres. Mais un intérêt commun doit être le résultat de la raison commune ou du sentiment commun de tous. De simples particuliers, ou une classe particulière d'hommes, ont des intérêts et des sentiments qui leur sont propres, et dont ils peuvent juger ; mais il est très possible que ces sentiments et ces intérêts se trouvent en opposition avec ceux du reste des citoyens ; et, partant, ils ne sauraient devenir des lois obligatoires pour eux.
John Rawls (Théorie de la justice, I-I-1) : Nous dirons qu'une société est bien ordonnée lorsqu'elle n'est pas seulement conçue pour favoriser le bien de ses membre, mais lorsqu'elle est aussi déterminée par une conception publique de la justice.
Leclercq (Leçons de droit naturel, T.I) : La société dépasse l'homme, parce que l'homme trouve en elle la grande oeuvre collective de la civilisation. Tout ce que l'homme possède de ressources, de connaissances, de capacité, il le doit à la société où il est né ; il naît donc avec une dette qu'il ne pourra éteindre, car jamais il ne pourra rendre à la société autant qu'il a reçu. Ce qu'il reçoit est le produit du travail de toutes les générations qui le précèdent, ce qu'il lui donne ne peut jamais être que l'action d'un seul homme.
- Protection. Une Société humaine constitue un intérêt juridique majeur que son législateur, ses juges et ses agents administratifs (dont la police judiciaire) ont le devoir de protéger, tant sur le plan intérieur que sur le plan international.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : Le crime de lèse-Majesté est constitué par toute entreprise contre l’État ou contre la Patrie.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Toute société est une société de personnes morales, de là pour elle un premier groupe de droits naturels... droit à sa vie et à sa dignité morales, à ses vertus et à ses devoirs moraux... Un second groupe de droits naturels de la société (le seul auquel s'intéressent socialistes et étatistes) comprend les droits de vie physique, de légitime défense, de liberté, de propriété, d'association...
Code pénal d'Andorre. Extrait des motifs : Le code s'inspire du principe d'intervention minimale, en ce sens que la norme pénale ne protège les principes juridiques fondamentaux d'un point de vue éthique et social que lorsqu'ils ont été violés de manière grave et insupportable pour la société.
Code criminel du Canada. Art. 276 : Pour décider si la preuve est admissible... le juge, prend en considération... b) l'intérêt de la société à encourager la dénonciation des agressions sexuelles.
Loi du 26 floréal an V : Il se commet dans diverses parties de la république des brigandages et des violences dont l'intérêt de la société exige la répression.
SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Cf. Abus de biens sociaux*, Action civile*, Associations*, Institution*, Personnes morales*.
- Notion. Une société commerciale se présente comme un groupe de personnes physiques ou morales qui mettent des biens en commun, afin de réaliser des opérations de commerce dont elles espèrent tirer bénéfice.
Ripert et Roblot (Droit commercial) : La société est, d’après la définition qu’en donne le Code civil, un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de se partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter… Le mot société a un autre sens. Les biens apportés par chaque associé sont réunis pour former un patrimoine séparé de celui de chacun des associés et ce patrimoine est affecté à l’exploitation convenue. On a été alors conduit à dire que ce patrimoine est celui d’une personne morale ; cette personne, c’est la société.
- Régime. Comme elle jouit de la personnalité morale, une société peut être partie à un procès pénal ; en qualité de Victime*, de Civilement responsable* du fait de ses dirigeants et salariés, et même parfois de Prévenue*.
Cass.crim. 14 décembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 I Chr.crim. 1487) : Les cinq entreprises du bâtiment chargées des travaux de gros oeuvre du chantier de la ligne de métro Météor ont constitué une société en participation (SEP) et convenu de déléguer à un directeur de chantier les pouvoirs nécessaires pour lui permettre de prendre toutes mesures destinées à assurer, sur le site, l’hygiène et la sécurité de l’ensemble du personnel détaché sur le chantier. Chaque dirigeant a donné, par écrit, délégation de pouvoirs à C., directeur de travaux, salarié de la Société S. -B. Aux termes de cet écrit, ce dernier a reçu le pouvoir d’engager les dépenses sur le chantier. Un salarié de la société S. -C., faisant partie de la SEP, a été blessé au cours d’une manœuvre de translation de l’outil de coffrage. À la suite de ces faits, les cinq sociétés intervenant sur le chantier ont été poursuivies pour blessures involontaires. Pour déclarer à bon droit la Société S. -C., employeur de la victime, coupable de ce délit, les juges relèvent qu’en ne mettant pas à la disposition des travailleurs un instrument de travail approprié, comme il en avait la mission et le pouvoir, C. a enfreint les dispositions des articles L. 233-5-1 et R. 233-1 du Code du travail et constatent que ce manquement est à l’origine des blessures subies par la victime.
- Si le président du conseil d’administration représente naturellement la société pour l’exercice de l’action civile, un simple directeur général doit produire un pouvoir spécial.
Cass.crim. 6 mai 1985 (Gaz.Pal. 1986 I somm.2) : Si l’art. 117 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 attribue au directeur général d’une société anonyme, à l’égard des tiers, les pouvoirs conférés au président du conseil d’administration par l’art. 113 de cette loi, il n’en résulte pas que le directeur général puisse ester en justice au nom de la société et notamment se constituer partie civile en son nom pour abus de biens sociaux, en l’absence d’une délégation spéciale donnée par le conseil d’administration ou d’une clause particulière des statuts.
Cass.crim. 16 février 1999 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 78) : Une société d’économie mixte a pu se constituer partie civile dans l’information suivie contre son directeur, des chefs d’abus de biens sociaux, recel, abus de confiance, complicité d’escroquerie, favoritisme, trafic d’influence, publication de faux bilans, faux et usage… dès lors qu’elle exposait qu’elle avait « personnellement et directement subi de nombreux préjudices » en relation avec les infractions reprochées, qui, selon elle, avaient « notamment eu pour effet de porter gravement atteinte à sa réputation » et lui avaient « causé un préjudice commercial certain ».
- Une société commerciale doit être citée à son siège social.
Bruxelles 14 mai 1976 (Jour.trib. 1977 119) : Une société commerciale doit, en principe, être citée à son siège social ; il échet toutefois de souligner que le siège réel l’emporte sur le siège nominal si ce dernier est purement fictif.
SOCIÉTÉS SECRÈTES
Cf. Association*, Association de malfaiteurs*, Complot*, Conspiration*, Criminalité organisée*, Élections*, Liberté*, Régicide*, Secte*, Sédition*, Terrorisme*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 32, p.34
- Notion. Une société secrète, que Littré définissait comme une association de conspirateurs, est un groupement organisé de personnes qui s’agrègent, se réunissent, délibèrent et agissent hors la vue du public.
Tarde (La philosophie pénale) : Quand le pouvoir régulier … s’affaiblit ou s’affaisse, ou bien, à l’inverse, quand un despotisme excessif y suscite la rébellion, chaque citoyen, ne pouvant plus compter sur une autorité tutélaire, recherche l’appui d’une coterie. De là des clubs ou des sociétés secrètes qu’on voit pulluler … La plus dangereuse des sociétés secrètes ne tarde pas à absorber ou annihiler tout le reste, par sa force relative, et bientôt, quelle que soit l'honnêteté ou la grandeur première de son but, à attirer les natures criminelles qui s'en emparent.
Le Bon (Les Révolutions) : De petites réunions d’hommes, possédant les mêmes opinions, les mêmes croyances, les mêmes intérêts et éliminant tous les dissidents se différencient des grandes assemblées par l’unité de leurs sentiments et par conséquent de leurs volontés. Tels furent les clubs pendant la Révolution, les sociétés secrètes dans la première moitié du XIX° siècle et enfin les francs-maçons et les syndicats ouvriers aujourd’hui.
Joly (Le crime) : Toute société secrète a son vocabulaire à elle et ses signes de ralliement. Les Thugs, dans l’Inde, avaient un argot. Les Francs-maçons ont aussi leur terminologie comme ils ont leurs symboles.
Ali Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans) : Influence de l'Islam sur les sociétés secrètes - Des sociétés secrètes comme les rosicruciens, les francs-maçons, les illuminati et la Mafia ont été inspirées par l'Islam et doivent une part de leur structure organisationnelle à l'Ordre des assassins fondé par Hassan Sabbah au onzième siècle.
La
« Main noire » (Le
Crapouillot, mai 1932) :
Les statuts de cette mystérieuse associations étaient :
Article 1er
: Cette organisation est créée dans le but de réaliser
l'idéal national : l'union de tous les Serbes. Chaque Serbe,
sans distinction de sexe, de religion, de lieu de naissance, et
tous ceux qui sont sincèrement dévoués à cette cause, peuvent en
devenir membres.
Article 2°:
Cette organisation préfère une action terroriste à la
propagande intellectuelle, et pour cette raison, elle doit
rester absolument secrète pour les non-adhérents.
Serment prêté par les nouveaux membres :
En devenant membre de l'Association, je jure par la terre qui
me nourrit ; par Dieu ; par le sang de mes pères ; sur l'honneur
et sur la vie, que dès à présent et jusqu'à ma mort, je servirai
fidèlement l'Association et que je serai toujours prêt à lui
faire tous les sacrifices. Je jure par Dieu, sur l'honneur et
sur la vie, que j'exécuterai sans broncher tout ce qui me sera
ordonné. Je juge sur Dieu, sur l'honneur et sur la vie, que
jusqu'à la tombe, je garderai tous les secrets de l'Association.
Sanction : Un tribunal secret était d'ailleurs chargé de
faire disparaître quiconque aurait failli à son serment.
Révolte des Boxers (Encyclopédie Larousse) : Les membres d’une société secrète chinoise, les « Poings de justice », furent à l’origine d’une mouvement xénophobe qui éclata à la suite de la défaite infligée à la Chine par le Japon en 1895… Ce mouvement, qui prit de nom de « Boxer » se développa avec rapidité et violence, il s’attaqua aux missions et aboutit au siège des légations étrangères de Pékin.
- Règle morale. Tous les grands moralistes exposent ouvertement (et s'efforcent d'appliquer) leur conception du Bien*, donc du bon, du vrai, du juste et du beau. Aussi se méfient-ils des sociétés secrètes ; d'autant que, comme le révèle la pratique, elles paraissent inspirées plus souvent par l'intérêt de leurs membres que par la recherche du Bien commun* de la Société dans son ensemble.
Pufendorf (Droit de la nature) : Il est de l'intérêt et du devoir des Souverains de bien prendre garde qu'il ne se forment des Factions et des Cabales, d'où il naît aisément des Séditions et des guerres civiles.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Il y a des mesures à prendre contre des lésions possibles de l'ordre de l'État en général, mesures contre des sociétés secrètes...
Rothe Tancrède (Traité de droit naturel) : Le souverain peut ... décider que les sociétés secrètes sont par avance prohibées, d'autant mieux que le plus souvent la clandestinité n'a d'autre but que de cacher des entreprises coupables.
Deirdre Maniforld (La paix de Fatima...) : Pourquoi une société devrait être secrète au point que leurs membres seraient dans l'obligation de prêter serment de ne jamais divulguer ses secrets, si elle n'avait quelque chose de sinistre à cacher... Jusqu'au XVIIIe siècle, des groupes disparates s'étaient formés un peu partout ayant pensé à s'emparer du pouvoir, mais cela n'allait pas plus loin. En 1776 c'était tout différent. Un certain Adam Weishaupt, professeur bavarois de droit canon, osa déclarer qu'il obtiendrait avec le temps le contrôle total du genre humain. Il fonda le 1er mai 1776 une association qu'il nomma « Ordo Illuminati Germanicus », plus connue sous le nom des « Illuminés de Bavière ». Pour exécuter son grand dessein, il prépara et organisa la Révolution française... Le règne de la Terreur qui s'établit en France à partir de 1793 donne une idée des ambitions de Weishaupt.
- Science criminelle. Les sociétés secrètes sont illégitimement mais logiquement interdites par les régimes autoritaires, lesquels redoutent avant tout une remise en cause de leur pouvoir politique (elles l’étaient particulièrement dans la Chine impériale).
Huc (Souvenirs d’un voyage en Chine) : La liberté d’association est aussi nécessaire aux Chinois que celle de circulation ; aussi la possèdent-ils pleinement et sans réserve. A part les sociétés secrètes, organisées dans le but de renverser la dynastie mandchoue, et que le gouvernement ne manque pas de poursuivre à outrance, toutes les associations sont permises.
Brian-Chaninov (Histoire de la Russie) : Par un ukase du 1er août 1822 d'Alexandre II, toutes les loges maçonniques et le sociétés secrètes furent dissoutes.
- Ces mêmes sociétés secrètes devraient logiquement et légitimement être prohibées dans les démocraties libérales, qui sont rationnellement fondées sur la transparence et la loyauté. En effet, d'une part elles altèrent l’information des électeurs et le vote des élus, d'autre part elles favorisent les manœuvres frauduleuses dans le fonctionnement des pouvoirs publics ; notamment dans l’administration de la justice, et dans l'exercice des activités industrielles et commerciales ; enfin certaines exercent sur leurs membres des pressions les privant de leur liberté de conscience. On sait que la Révolution de 1789, inspirée par les Loges maçonniques, a fait perdre à la France le premier rang qu'elle occupait en Europe.
Émission télévisée du 7 octobre 1992. Guy Lengagne, président de la Fraternelle parlementaire : En cas de conflit, l'appartenance maçonnique l'emporte sur l'appartenance politique.
G.Bord (La vérité sur la condamnation de Louis XVI). Aveu de Jean Debry député à la Convention : J'étais parti de chez moi, avec l'intention formelle de voter le bannissement du roi et non pas sa mort ; je l'avait promis à ma femme. Arrivé à l'Assemblée on me rappela d'un signe le serment des loges : je votai la mort.
Décret du 28 juillet 1848 : Les citoyens ont le droit de se réunir en se conformant aux dispositions suivantes… Les clubs seront publics, et ne pourront, dans aucun cas, ni restreindre la publicité par aucuns moyens directs ou indirects, ni se constituer en comité secrets.
Loi du 13 août 1940 portant interdiction des sociétés secrètes. Art. 1 : Sont dissoutes de plein droit, à dater de la promulgation de la présente loi : 1° Toute association, tout groupement de fait, dont l'activité s'exerce, même partiellement, de façon clandestine et secrète ; 2° Toute association, tout groupement de fait dont les affiliés s'imposent d'une manière quelconque l'obligation de cacher à l'autorité publique, même partiellement, les manifestations de leur activité.
Code pénal du Portugal (1886). Art. 173 : Est illicite et ne peut pas être autorisée une association dont les membres s’imposeront, avec ou sans serment, l’obligation de dissimuler à l’autorité publique l’objet de leurs réunions ou leur organisation intérieure.
- Sentiment populaire. L'esprit humain a une tendance profonde à noircir toute société secrète et à lui prêter des pratiques que condamne la morale tant privée que publique.
Donna Leon (Une question d'honneur). La scène de ce roman se passe à Venise : Mon père détenait des parts dans un restaurant situé le long d'un canal. Le docteur F... habitait au dessus du restaurant, au troisième étage, et prétendait que la terrasse gênait la vue qu'il avait sur le canal... Tout d'abord, mon père et et son associé ne se sont pas inquiétés, tant ses prétentions étaient absurdes. Puis il a appris que F... et le juge étaient francs-maçons, membres de la même loge. Il a alors compris qu'il valait mieux régler les choses à l'amiable. Mon père a été contraint de lui verser cinq cents euros par mois, en échange de sa promesse de ne pas porter plainte.
- Droit positif. La loi française est étrangement muette sur ce point.
SOCIOLOGIE CRIMINELLE
Cf. Criminologie*, Durkheim*, Ferri*, Lombroso*, Main courante*, Tarde*, Victimologie*.
Voir : A. Prins, Développement historique du droit pénal
Voir : A. Prins, Le caractère social de la criminalité
Voir : G. Tarde, Rapport sur la sociologie criminelle
Voir : W. Jeandidier, Les causes de la délinquance
La sociologie criminelle est la branche de la Criminologie* qui recherche les causes de la criminalité dans le milieu au sein duquel tel délinquant (ou tel groupe de délinquants) a été éduqué puis a mené sa vie. Cette discipline a été amorcée par des auteurs comme Tarde, Joly et Quetelet, mais c’est l’italien Ferri* qui lui a donné l’impulsion décisive. Chaque auteur, en fonction de ses propres recherches, insiste sur le milieu familial, sur le milieu scolaire, sur le milieu local, sur le milieu des loisirs, sur le milieu professionnel ou sur le milieu carcéral. La sagesse populaire énonce depuis longtemps : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ». Voir p.ex. l’ouvrage de Sutherland et Cressey « Principes de criminologie ».
Ferri (Sociologie criminelle). Préface : Le nom de Sociologie criminelle, que j'ai donné à la science des délits et des peines, renouvelée par la méthode expérimentale, suivant les données de l'anthropologie et de la statistique criminelle, a été déjà accepté et reproduit par tant d'autres écrivains, qu'il n'a plus besoin d'aucune explication.
De Greef (Lois sociologiques) : La sociologie est la plus complexe de toutes les sciences... Cependant, les variations que l'on peut observer dans les différentes sociétés ne parviennent jamais à l'emporter sur l'unité fondamentale naturelle à l'espèce humaine.
Vittrant (Théologie morale) : La sociologie est la science des moyens propres à améliorer le Bien commun. Son étude s'impose, au titre de la Justice, à ceux qui détiennent le pouvoir.
Thiry (Droit
criminel) : La sociologie criminelle a deux objets : 1°/
Elle recherche les causes productrices ou facteurs du délit ;
2°/ Elle étudie les moyens de combattre les délits.
Les facteurs du délit comprennent des facteurs physiques,
tels que le sol, le climat, les saisons, les facteurs sociaux,
tels que la densité de la population, le milieu social, les
usages, la richesse plus ou moins grande d'un pays, et les
facteurs anthropologiques, tels que l'hérédité, le
tempérament, les maladies.
Proal (Le crime et la peine) : Après avoir examiné les théories qui prétendent expliquer le crime par des anomalies physiologiques et psychiques et par des causes physiques, je vais étudier les théories qui trouvent l'explication de la criminalité dans l'influence du milieu social. L'étude des influences sociales n'est pas négligée par l'école italienne d'anthropologie criminelle ; M. E. Ferri, notamment, a soin de leur faire une place importante. Mais la sociologie criminelle a été plus particulièrement cultivée par l'école lyonnaise, dont M. le Docteur Lacassagne est le représentant le plus autorisé.
Gassin (Criminologie) : Le domaine de la sociologie criminelle apparaît comme extrêmement vaste. Elle étudie le phénomène criminel en tant que phénomène social et phénomène de masse. Elle s’occupe de l’étude de la criminalité considérée dans son ensemble, comme de l’analyse de l’influence de l’environnement familial et social du délinquant, et des relations inter-individuelles qui s’établissent entre le délinquant et son environnement. C’est la sociologie criminelle encore qui se penche sur les problèmes de reclassement social du délinquant, comme sur celui de la prévention collective du crime.
SOCIOPATHE
Cf. Asocial*, Criminel-né*, Criminologie*.
Selon le dictionnaire Médiadico, le sociopathe est une personne dénuée de conscience sociale. Ce qui en fait un criminel en puissance, Lombroso aurait dit un criminel-né.
Notion (Extrait de l'encyclopédie Wikipédia) : La sociopathie est considérée comme un trouble de la personnalité dont le critère principal d'identification est la capacité limitée, pour les personnes montrant les symptômes du trouble, à ressentir les émotions humaines, aussi bien à l'égard d'autrui qu'à leur propre égard. C'est ce qui peut expliquer leur manque d'empathie quand ils sont confrontés à la souffrance des autres, témoignant d'une incapacité à ressentir l'émotion associée à l'empathie ou la souffrance. Dans l'approche de beaucoup de praticiens de la psychologie, de l'aide sociale ou du droit (côté défense), toute personne adoptant des comportements de prédation et/ou de violence relève de la sociopathie. Il s'agit d'un débat à la fois scientifique, philosophique et politique.
SODOMIE
Cf. Attentat à la pudeur*, Bestialité*, Viol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-119, p.281
- Notion. La sodomie est définie par Littré comme « le péché contre nature ». Vidocq parlait des « ultraphilanthropes ».
Tarde (La criminalité comparée) : La gravité proportionnelle des divers crimes change considérablement d’âge en âge, Au moyen âge, le plus grand des forfaits était le sacrilège ; puis venaient les actes de bestialité ou de sodomie et bien loin ensuite le meurtre et le vol.
- Morale. La sodomie est traditionnellement condamnée par la règle morale.
Égypte ancienne. Prière des morts : Je n’ai pas été pédéraste.
Morale de Zoroastre (trad. Anquetil du Perron) : Le viol et la sodomie sont punis du dernier supplice.
Gousset (Théologie morale) : Les péchés de luxure ou d'impureté consommée sont de sept espèces : la simple fornication, le stupre, le rapt, l'inceste, le sacrilège, l'adultère, et le péché contre nature. Le vice contre nature comprend la pollution volontaire, la sodomie et la bestialité.
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Après la victoire, l’Inca recommanda à ses capitaines de faire dans la région conquise une exacte recherche des sodomites et de condamner au feu ceux qui en seraient convaincus. De plus il leur ordonna de faire très expresses défenses de s’abandonner à l’avenir à un crime si énorme.
Le Brun de la Rochette (Le procès criminel, 1629) : La sodomie est justement appelée péché contre nature, vu que, foulant aux pieds les lois de la Nature, elle sort hors les bornes d’icelle… Ce qui pousse le malheureux à l’exécution d’une si détestable vilenie, n’est autre que le Diable qui, pour anéantir la propagation des humains, n’a trouvé meilleur expédient.
-Science criminelle. La sodomie a été longtemps sanctionnée par la loi pénale (qui l’assimilait parfois au crime de bestialité*). Elle est encore réprimée par certains codes pénaux.
Coutume de Bretagne. Art. 633 : Tous condamnés de crime de sodomie seront traînés, ards et brûlés.
Warée (Curiosités judiciaires) : Le 6 juillet 1750 eut lieu l’exécution de deux pédérastes pris en flagrant délit. Le feu était composé de sept voies de petit bois, de deux cents fagots et de paille. Ils ont été attachés à deux poteaux et étranglés auparavant. On n’a pas crié le jugement, pour s’épargner le nom du crime.
Commission européenne des droits de l'homme, 17 décembre 1955 (Annuaire 1955, 1956, 1957, p. 228) : La Convention permet à une Haute Partie Contractante d'ériger, dans sa législation, l'homosexualité en infraction punissable, le droit au respect de la vie privée et familiale pouvant faire l'objet, dans une société démocratique, d'une ingérence prévue par la loi de cette Partie pour la protection de la santé ou de la moralité.
Code pénal soviétique de 1962, art. 121 : Les relations sexuelles entre hommes sont punies de la privation de liberté pour une durée de cinq ans au plus.
Code pénal de Tunisie, art. 230 : La sodomie... est punie de l'emprisonnement pendant trois ans.
Code pénal du Nigeria, art. 214 : Toute personne qui connaît charnellement toute personne contre l’ordre de la nature est coupable d’un crime … et encourt un emprisonnement de quatorze années.
Ali Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans) : L'ex-musulmane Nonie Darwi, dans un article intitulé "Sharia for dummies", met en exergue quelques lois : L'homosexualité est punissable de mort .
Exemple de répression (Télétexte du15 mars 2003) : Un tribunal égyptien a condamné samedi 21 jeunes gens accusés d'homosexualité à 3 ans de prison, et acquitté 29 autres. La plupart des accusés avaient été arrêtés sur un bateau transformé en boîte de nuit.
Exemple de répression (Ouest-France 21 mai 2010) : Deux jeunes hommes, âgés de 20 et 26 ans, ont été jugés coupables d'avoir violé "l'ordre de la nature". Ils ont été condamnés, hier, au Malawi, à une peine de quatorze ans de prison assortie de travaux forcés. Ils avaient organisé la première cérémonie symbolique de mariage gay, dans cet état qui pénalise l'homosexualité.
- Droit positif. La sodomie n’est plus incriminée par la loi positive française, dans les relations entre adultes consentants. En revanche, un acte de sodomie commis à l’encontre d’une personne non consentante, ou ne pouvant valablement consentir, constitue le crime de viol puni par l’art. 222-23 C.pén.
Cass.crim. 27 avril 1994 (Bull.crim. n° 157 p.357) : Constituent le crime de viol, au regard de l’art. 222-23 C.pén., des actes de pénétration anale infligés par une mère à sa fille dans un but d’initiation sexuelle.
Cass.crim. 3 juillet 1991 (Gaz.Pal. 1992 I somm. 39) : Caractérise l’existence de charges suffisantes contre l’inculpé d’avoir commis le crime défini par l’art. 332 C.pén., la Chambre d’accusation qui … relève que l’examen de l’enfant par deux médecins légistes aurait démontré une perte de tonicité du sphincter, due à la répétition d’actes de sodomie.
SŒUR - Voir : Fratricide*, Sororicide*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur les rapports entre frères et soeurs, n° 346 et 347, p.228 à 230
SOIT-COMMUNIQUÉ
Cf. Ordonnance*.
Voir : Formule d’ordonnance de soit-communiqué
Une ordonnance est dite de « soit-communiqué » lorsqu’elle prescrit que telle pièce de la procédure sera portée à la connaissance du ministère public.
Cass.crim. 19 juin 1990 (Gaz.Pal. 1991 I Chr. 16) : Une ordonnance de soit-communiqué est un acte de simple administration de la justice.
SOL - Voir : Écologie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-253 3°, p.551 (sur la protection des sols)
SOLIDARITÉ
Cf. Amendes*, Dommages-intérêts*, Coauteur (coaction)*, Concert frauduleux*, Connexité*, Partage de responsabilité (civile)*, Réparations civiles*, Responsabilité (civile)*, Rixe*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n°
II-307, p.370
-
sur la solidarité pour le paiement des Amendes*,
n° I-III-I-315, p.28
-
sur le paiement des Dommages-intérêts*
accordés à la victime, n° II-228, p.362
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la solidarité familiale, n° 5, p.7
- Notion. La solidarité est une modalité des réparations civiles. Elle rend chaque coupable de l’infraction, qu’il en soit auteur principal, coauteur, complice ou receleur, personnellement débiteur de la complète indemnisation due à la victime (sous réserve de son recours contre les coauteurs et complices de l’infraction).
Carbonnier (Droit civil) : La solidarité passive est une modalité qui permet au créancier de réclamer la totalité de la dette à l'un quelconque des débiteurs pluraux (droit de poursuite), sauf au débiteur qui aura payer le tout à se retourner ensuite contre ses codébiteurs pour les faire contribuer au paiement à ses côtés. La combinaison est très pratique : elle donne au créancier plusieurs débiteurs au lieu d'un et, multipliant les chances qu'il a d'être payé, joue pour lui le rôle d'une sûreté personnelle, proche du cautionnement.
Lalou (Traité de la responsabilité civile) : D'après une jurisprudence traditionnelle, la solidarité existerait toujours en matière de délits... Actuellement la Cour de cassation affirme que chacun des auteurs d'une faute commune peut être condamné à la réparation de l'entier préjudice.
- Règle morale. Les moralistes qui se sont penchés sur la question estiment qu'il est légitime de donner à la victime d'un délit la faculté de se tourner vers celui des coauteurs de l'infraction qui est le plus à même de l'indemniser.
Gousset (Théologie morale) : Outre la solidarité qui résulte d'une convention, il peut y avoir solidarité pour cause de coopération ou de complicité en matière de délit... L'obligation solidaire de réparer un dommage existe entre tous ceux qui y ont coopéré, de manière à ce que tous et chacun d'entre eux puissent être regardés comme cause totale et efficace, physique ou morale, positive ou négative, de tout le dommage. Ce principe, fondé sur le droit naturel, est consacré par les lois humaines... Pour qu'une personne soit obligée solidairement de réparer un dommage commis par une autre personne, il ne suffit pas qu'elle en ait été l'occasion, il faut qu'elle puisse en être regardée comme la cause efficace. Exemple : Paul, de son propre mouvement, entre dans une vigne pour y voler des raisins; Pierre prend de là occasion de faire la même chose ; Antoine en fait autant, n'étant mû que par l'exemple de Paul et de Pierre. Dans ce cas, Paul n'est obligé de restituer que la valeur de ce qu'il a volé ; il en est de même de Pierre. Le mauvais exemple de Paul n'est point par lui-même la cause efficace du vol dont les deux autres se sont rendus coupables; il n'en est que l'occasion.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Si plusieurs, d'un commun accord, concourent efficacement à un dommage, en s'excitant les uns les autres à commettre un crime, un délit, ils sont tous tenus solidairement à la réparation de ce dommage ; en sorte que si tous, à l'exception d'un seul, refusaient de le réparer, celui-là serait tenu de le réparer en entier, sauf son recours sur ses coopérateurs... Nous pensons que cette décision est applicable dans tous les cas où plusieurs contribuent au même dommage, agissant de concert et se prêtant un mutuel secours.
- Science criminelle. Les pénalistes, eux aussi, considèrent que chaque coupable est personnellement responsable de l'entier dommage subi par la victime du fait de l'infraction ; d'où l'obligation qui lui est faite de réparer l'ensemble du préjudice subi par celle-ci. Ils observent en outre que cette rigoureuse mesure présente un caractère préventif certain, notamment du point du vue du délit de recel.
Digeste (XLVII, VII, 6). Pomponius au Livre 20 sur Sabin. Si plusieurs ont furtivement coupé le même arbre, on a contre chacun l'action solidaire.
Garraud (Précis de droit criminel) : Chacun de ceux qui ont participé au fait délictueux est individuellement, en l’isolant des autres, l’auteur du dommage que ce fait a causé ; on comprend que la partie qui a souffert le préjudice causé par tous et par chacun puisse demander à tous et à chacun la réparation intégrale de ce préjudice.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Chaque prévenu ayant participé personnellement à la réalisation du dommage né du fait délictueux, il est satisfaisant que la victime ait le droit de réclamer la totalité à l'un quelconque des débiteurs.
Gousset (Théologie morale) : Pour qu'une personne soit obligée solidairement de réparer un dommage causé par une autre personne, il ne suffit pas qu'elle en ait été l'occasion, il faut qu'elle puisse être regardée comme la cause efficace. Exemple : Paul, de son propre mouvement, entre dans une vigne pour y voler du raisin ; Pierre prend là l'occasion de faire la même chose ; Antoine en fait autant, n'étant mû que par l'exemple de Paul et de Pierre. Dans ce cas, Paul n'est obligé de restituer que la valeur de ce qu'il a volé ; il en est de même de Pierre. Le mauvais exemple de Paul n'est point par lui-même la cause efficace du vol dont les deux autres se sont rendus coupables ; il n'en est que l'occasion.
Code pénal d’Andorre. Art. 70 : La responsabilité civile issue d’un délit ou d’une contravention a toujours un caractère solidaire pour toutes les catégories de condamnés.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : La solidarité doit être prononcée entre les coauteurs et complices de la même infraction. Aucune dispense ne peut être accordée à raison des circonstances... Aucune distinction ne peut être faite selon que la participation a été principale ou accessoire, ni selon que les condamnés ont participé à tout ou seulement à partie des faits qui ont préparé, exécuté ou consommé l'infraction.
Code pénal du Luxembourg. Note sous l'art. 50 : L'article 50 n'édictant, quant aux dépens et dommages-intérêts, la solidarité, qu'en cas de condamnation pour une même infraction, il n'y a pas lieu de la prononcer, lorsque les infractions sont distinctes, bien que commises dans le même temps et au même lieu (Cass. 8 mars 1890, Pas. 2, 575).
Cass. belge 15 février 1886 (Pas. 1886 I 76), quant à la solidarité entre le voleur et le receleur : L'art. 50 ne défend pas aux juges de faire peser sur chacun des auteurs de plusieurs délits connexes la responsabilité entière du dommage qu'ils ont causé à la victime de ce délit.
- Droit positif français. La solidarité entre les divers coupables, jadis prévue par l'art. 55 de l'ancien Code pénal, l'est maintenant par l’art. 480-1 du Code de procédure pénale. Elle couvre de droit commun les restitutions et dommages intérêts ; mais elle peut exceptionnellement être étendue au paiement des amendes, si le prévenu s'est entouré de coauteurs et complices insolvables.
Cass.crim. 7 décembre 1906 (S. 1910 I 49 note Roux) : En ce qui touche les dommages-intérêts, la quotité du dommage étant indépendante du nombre de ses auteurs, tout individu déclaré coupable d'un fait dommageable est nécessairement tenu pour le tout à réparer le préjudice sans distinguer s'il est ou non auteur unique de ce fait. C'est là d'ailleurs une application du principe même de la disposition de l'art. 55 C.pén. [ancien]
Cass.crim. 22 octobre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.30) : La solidarité, édictée par l’art. 480-1 C.pr.pén. entre les individus condamnés pour un même délit, s’applique également à ceux qui ont été déclarés coupables de différentes infractions rattachées entre elles par des liens d’indivisibilité ou de connexité ; il en est ainsi en cas de violences commises en réunion sur plusieurs personnes, procédant d’une action concertée, déterminée par la même cause et tendant au même but.
Cass.crim. 14 mai 1984 (Bull.crim. n° 174 p.454) : Il ne peut être reproché à un arrêt d’avoir déclaré les receleurs solidairement responsables des dommages-intérêts alloués aux victimes d’un vol de fourrures dont l’auteur était resté inconnu. En effet, la solidarité prévue par l’art. 55 C.pén. s’applique lorsque plusieurs individus sont condamnés pour délits connexes et aux termes de l’art. 203 C.pr.pén., les infractions sont connexes lorsque les choses obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit ont été en tout ou en partie recelées.
Cass.crim. 6 mai 2011 (n° 10-85470, Gaz.Pal. 8 octobre 2011) : Les dispositions de l'art. 480-1 C.pr.pén., selon lesquelles les personnes condamnées pour un même délit ou pour des délits connexes ou indivisibles, sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts, n'introduisent aucune inégalité avec les règles du droit civil ni ne dérogent à l'obligation d'établir un lien direct de causalité entre le fait dommageable et le préjudice qui en résulte.
Cass.crim. 18 octobre 2011 (n° 11-81400, Gaz.Pal. 3 novembre 2011 p.25) sommaire : Des infractions sont connexes notamment lorsque les coupables ont commis les unes pour assurer l'impunité des autres ; la solidarité édictée pour les restitutions et les dommages-intérêts par l'art. 480-1 C.pr.pén. s'applique aux auteurs de de délits connexes.
La solidarité, quant aux réparations civiles, s'appliquent à toutes les personnes condamnées du point de vue de l'action civile.
Cass.crim. 2 mai 2012, n° 11-84290 : Il résulte de la combinaison des art. 509 et 480-1 C.pr.pén. ainsi que du principe selon lequel chaque responsable d'un même dommage est tenu de le réparer en totalité, que le prévenu définitivement relaxé, à la charge duquel la cour d'appel caractérise pour les besoins de la seule action civile les éléments constitutifs d'une infraction, est solidairement tenu des dommages-intérêts avec les autres codébiteurs ayant participé à cette infraction.
Les recours entre les différents auteurs, coauteurs et complices relèvent de la juridiction civile, et non de la juridiction répressive.
Cass.crim. 16 octobre 2007 (Bull.crim. n° 244 p.1018) : Il résulte d'une part de l'art. 480-1 C.pr.pén. que les personnes condamnées pour un même délit sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts, d'autre part de l'art. 464 du même code, qu'en matière civile la compétence de la juridiction pénale, limitée à l'examen des demandes formées par les parties civiles contre les prévenus, ne s'étend pas aux recours de ces derniers entre eux. Il s'ensuit qu'il n'appartient pas à ladite juridiction de prononcer un partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage dont la réparation a été ordonnée.
Cass.crim. 2 octobre 2012, n° 11-84.415 (Gaz.Pal. 22 nov. 2012 p.24) confirme cette jurisprudence.
SOLLICITATION
Cf. Corruption passive*, Instigation*, Trafic d’influence*.
Il y a sollicitation, en droit criminel, lorsqu’un individu requiert, de manière instante, qu’on lui accorde telle faveur en contrepartie de laquelle il
s’engage à accomplir tel acte. Si l'on intervertit les
deux parties, la sollicitation a pour hypothèse symétrique
l’Instigation* par dons ou promesses à accomplir tel acte, que l’on rencontre par exemple en matière de corruption active
et de complicité.
Il en est notamment ainsi en matière de corruption passive et de trafic d’influence, quand un agent public demande une gratification à un administré
pour accomplir un acte de sa fonction.
Locke (Traité du gouvernement civil) : Un agent public agit d’une manière contraire à sa commission et à la confiance publique, quand il emploie les forces de la société… pour inviter à élire ceux qu’il a rendus, par ses sollicitations, favorables à ses desseins.
Vitu (Juris-classeur pénal art. 432-11) : La sollicitation implique une démarche, une initiative de l’intéressé, qui invite son interlocuteur, d’une façon directe ou par des moyens détournés, à comprendre qu’il doit « payer » pour obtenir l’accomplissement ou le non-accomplissement de l’acte de la fonction ou de l’acte facilité par elle, ou pour obtenir que soit mise en œuvre l’influence dont le coupable est prêt à trafiquer.
Cass.crim. 9 novembre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 34) : Le délit de corruption est caractérisé par la simple sollicitation, directe ou indirecte, d’avantages quelconques.
Cass.crim. 30 juin 1999 (Bull.crim. n°168 p.479) vise la sollicitation, de la part d’un élu, de fonds destinés au financement d’activités politiques, en vue d’accomplir un acte de la fonction.
SOMMATIONS
Cf. Attroupements*, Manifestations*.
Les sommations consistent en un avertissement solennel donné, par l’autorité compétente, à une personne ou à un groupe de personnes d’avoir, tantôt à
obéir à un ordre, tantôt de se retirer.
Ainsi, dans la tradition militaire, une sentinelle doit interpeller un individu qui s’approche : « Qui vive ? Halte là !
Halte-là au large ! Halte-là ou je fais feu ! » ; si l’intrus ne répond pas et continue à s’avancer, la sentinelle peut (avec mesure)
faire usage de son arme.
Cass.crim. 16 juillet 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm. 10) : A pu estimer que le prévenu avait accompli un acte nécessaire, exclusif de toute faute, l’arrêt qui énonce que le brigadier de police en cause s’était lancé à la poursuite d’un individu qui venait de commettre des vols dans des voitures en stationnement et de tirer des coups de feu, que cet individu n’ayant pas obtempéré aux sommations, le prévenu a tiré un premier coup de feu en l’air puis un second à terre, que cette seconde balle a blessé légèrement la victime après avoir ricoché sur le sol et qui estime que l’acte reproché a été commandé par la nécessité réelle et urgente d’appréhender un individu armé ayant précédemment fait usage de son arme et se trouvant dans un état d’excitation violente et que le risque qu’a pris le prévenu en tirant un coup de feu au sol pour intimider le voleur apparaît en rapport avec le danger créé par ce dernier.
- C’est en matière d’Attroupements* que la procédure des sommations figure dans le Code pénal français (art. 431-3). Elle est minutieusement réglementée par l’art. R.431-1.
Montreuil (Juris-classeur pénal, art. 431-3) : Si les participants n’abandonnent pas les lieux après la première sommation, dans un délai raisonnable compte tenu de leur nombre et de la topographie des lieux, le seconde sommation est faite et l’autorité attend un délai raisonnable avant de donner l’ordre au commandant de la force publique de disperser les participants à l’aide de la coercition nécessaire et suffisante… Si la dispersion requiert l’usage des armes, l’autorité doit réitérer la dernière sommation.
Code pénal d’Espagne (1944). Art. 225 : Dès que la rébellion ou la sédition auront éclaté, l’autorité administrative fera, par deux fois, sommation aux révoltés de se dissoudre et de se retirer immédiatement, en observant entre chaque sommation le délai nécessaire pour son exécution …
SOMMEIL
Cf. Actes humains*, Démence*, Dol général*, Hypnose*.
Il est unanimement admis que ne peut commettre un délit pénal
une personne qui agit alors qu'elle se trouve sous l'emprise du
sommeil ; car dans cet état elle ne jouit pas de son libre
arbitre.
Toutefois, si elle sait qu'elle risque de commettre des actes
illicites quand elle sombre dans le sommeil, elle doit prendre
toutes précautions pour ne pas porter tort à autrui ; une
négligence de sa part engagerait sa responsabilité civile
(Charles VI, atteint de troubles mentaux périodiques, dès qu'il
sentait une crise survenir, donnait ordre d'ôter de sa portée
tout arme ou objet avec lequel il pourrait blesser un membre de
sa suite).
Tiraqueau (De pœnis temperandis - 1559). Raisonnablement, si une personne, en dormant, commet un acte qui a l'apparence du délit - un homicide par exemple - , elle n'est pas punie... La raison en est que celui qui dort est privé d'esprit.
Chauveau -Hélie (Théorie du Code pénal) : Nous pensons qu'il faut établir en principe que les somnambules ne sont point responsables des actes qu'ils ont commis dans leur sommeil... Il y a doute, doute complet, sur la culpabilité : l'agent doit être absous.
Carrara
(Cours de droit criminel) : Les actes accomplis pendant
le sommeil, bien que, chez les personnes qui sont sujettes au
phénomène mystérieux du somnambulisme, ils présentent au premier
aspect le semblant de l'intelligence, sont des actes purement
machinaux ; il y manque la direction d'une volonté raisonnable
et la conscience des opérations accomplies. Aussi tout le monde
convient qu'on ne peut pas reprocher le dol à l'homme pour ce
qu'il a fait pendant le sommeil...
On admet qu'on peut reprocher une faute au somnambule, non pas
pour ce qu'il a fait pendant le sommeil, mais plus exactement
pour ne pas avoir pris de précautions quand il était éveillé.
Nigeria (Code pénal de l'État du Zamfara). Art. 72. Ne caractérise pas un délit l'acte accompli par une personne qui, au moment des faits, en raison de son état d'ensommeillement, était incapable d'avoir conscience de la nature et des conséquences de son acte.
SOMMEURS
Cf. Malfaiteur*, Menaces*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-248, p.148
Pendant la période troublée qui suivit la phase sanglante de la Révolution, des bandes de malfaiteurs écumaient la province. Certains adressaient à leurs victimes des lettres les sommant de leur remettre une somme d'argent : sinon ils incendieraient leur maison : on les appelait les « sommeurs ».
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : Un des cas où l'on doit sévir avec plus de rigueur est lorsque l'incendie est précédé d'une menace par écrit de mettre le feu, faute par les personnes à qui cette menace est adressée, de déposer à certain jour et en un certain endroit, une somme d'argent désignée... Ce genre de crime s'appelle en Belgique "sommation" : et l'on donne le nom de "sommeurs" à ceux qui en sont coupables.
Abbiateci (Les incendiaires en France au XVIIIe siècle) : La menace de mettre le feu peut à elle seule exercer un chantage et constituer un moyen de pression. C'est elle qu'utilisent les "sommeurs". Ils écrivent des billets de menace dans lesquels ils exigent de l'argent. Jean Bossu "a jeté dans le vestibule de la maison curiale de Talmay une lettre anonyme contenant des menaces de feu et de brûler le toit si à 9 heures on n'avait pas mis 8 louis dans une assiette sur le bout de la muraille du petit jardin vers l'abricotier".
SOMNAMBULISME - Voir : Hypnose*, Sommeil*.