DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre P
(Douzième partie)
PRÉSIDENT DE LA JURIDICTION DE JUGEMENT
Cf. Assesseur*, Direction des débats*, Police des débats*, Tribunal*.
Voir : R. et P. Garraud, Le pouvoir discrétionnaire du président de la cour d'assises
Le président de la juridiction de jugement, particulièrement de la cour d'assises, est investi d'un double pouvoir : de police de la tenue de l'audience et de direction des débats.
Angevin (La pratique de la cour d'assises) : Le pouvoir de police, reconnu au président ... est celui qui lui permet de prendre toutes mesures destinées à assurer l'ordre, la sécurité et le calme des débats.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le président des assises possède le pouvoir de direction des débats, qui l'autorise à décider l'ordre de production des preuves, à guider le jury dans l'exercice de ses fonctions, enfin à rejeter des débats tout ce qui tendrait à en compromettre la dignité ou à les allonger dans utilité.
Il a le devoir de mener les débats de manière impartiale, en se fixant pour but la recherche de la vérité.
Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle) : La direction des débats est la plus importante des attributions du président et celle qui exige les plus hautes qualités. Elle exige non seulement la sagacité qui pénètre au fond des choses, le sens judiciaire qui les apprécie, la connaissance profonde du coeur humain, enfin l'intelligence ferme et droite qui dispose les faits pour les faire saisir plus facilement et qui les saisit elle-même dans tous leurs détails à mesure qu'ils se déroulent. Elle demande encore l'impartialité la plus sévère, une austère probité dans le développement des preuves, et dans ce ministère placé au dessus de toutes les passions, une seule passion, peut-être, celle de la justice. Cette direction n'a qu'un but, la découverte de la vérité, qu'elle soit favorable à l'accusation ou à la défense.
Chapar (La cour d'assises) : Le président dirige les débats dans l'ordre qui lui paraît le plus utile à la manifestation de la vérité.
Cass.crim. 8 décembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I somm.153) : Le Président ne doit pas manifester sa propre opinion sur la culpabilité de l’accusé.
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE - Voir : Chef de l'État*.
PRÉSIDIAUX
Cf. Bailli*, Châtelet de Paris*, Prévôt*, Sénéchal*.
C’est un Édit de janvier 1551 qui créa des sièges présidiaux dans les principaux bailliages et sénéchaussées de France. Ces tribunaux, institués notamment pour soulager le rôle des Parlements, n’étaient compétents en dernier ressort que pour les affaires de faible importance. Parmi leurs membres les plus connus figurèrent Domat (à Clermont-en-Auvergne), Jousse et Pothier (tous deux à Orléans).
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Les présidiaux sont des tribunaux établis pour juger en dernier ressort et par provision certaines affaires de médiocre importance. Le principal motif de leur institution a été d’abroger la longueur des procès.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : L’accusé avait confessé un homicide qu’il n’avait pas commis, il fut pendu par un Jugement présidial ; mais la personne qu’on avait cru morte revint deux ans après [d’où l’exigence du corps du délit]
A.Esmein (Histoire du droit français) : Sous le règne d'Henri II, en 1551, un certain nombre de bailliages et de sénéchaussées reçurent une qualité et une importance nouvelles, sous le nom de sièges présidiaux. Ils obtinrent le droit de juger sans appel, en dernier ressort, les causes civiles dont le taux été peu élevé... Les sièges présidiaux recevront aussi compétence particulière pour certaines causes criminelles ; bien des retouches seront apportées à cette institution dans le cours du temps, mais elle subsistera jusqu'au bout, et sur les bases qu'avait établies l'édit d'Henri II .
PRÉSOMPTION (Généralités)
Cf. Fiction*, Présomption de culpabilité*, Présomption d'innocence*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 132, p.109 / n° II-109, p.300 / n° III-111, p.395
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n°
I-I-I-100, p.21 (note 2) / Table alphabétique, p.391
- n° I-II-II-101,
p.220 (sur la présomption de libre arbitre)
- n° I-II-II-203,
p.233 (sur la présomption de santé mentale)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-5, p.248 / n° II-125, p.291 / n° II-111, p.270
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 39, p.40
- Notion. De manière générale on définit la présomption comme une conséquence probable tirée d’un fait connu à un
fait non connu.
À la Présomption de culpabilité* qui, par la force des choses, pèse sur un prévenu se présentant entre deux gendarmes, le
droit naturel oppose une Présomption d’innocence*.
Code de droit canonique, Commentaire de l’Université de Salamanque : La présomption est une sorte de conjecture, ou se supposition, fondée sur ce qui arrive ordinairement dans des circonstances semblables ; elle projette l’expérience du passé sur une chose discutée présentement et que l’on souhaite éclaircir. La présomption est définie par le canon 1584 comme une conclusion raisonnable au sujet d’une chose incertaine, qui se base sur les indices qui l’entourent fréquemment. La présomption se situe entre la simple possibilité et la certitude morale au sujet de la réalité d’un fait dont on accepte la vérité en accord avec l’ordre normal des choses selon l’expérience historique.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Les présomptions sont des rapports nécessaires que la loi établit entre certains faits ; les conclusions qu’elle oblige le juge à dégager d’un fait à un autre.
Bluntschli (Droit public général) : Le droit existant a pour lui une forte présomption favorable, et ne doit pas être changé à la légère.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Pour que la récidive soit une présomption de perversité, il faut qu’il y ait identité entre les délits qui la constituent.
- Présomption de fait. La présomption de fait est un mode de raisonnement permettant, à partir de certains
faits connus, d’induire les circonstances de la commission d’une infraction. Par exemple un signe de connivence, échangé sur la scène du crime par deux
individus, permet au juge d’admettre comme probable l’existence entre eux d’un accord préalable.
- Leur force probatoire est très variable : quelle créance attacher à l’adage classique is fecit cui prodest (celui qui a commis le
crime est celui à qui il profite) ? De nos jours on exige l’existence de présomptions « graves, précises et concordantes ».
Cf. Indices*, Ouï-dire*, Preuve*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-229, p.236
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-6, p.250, p.235 / n° II-210, p.309 / n° II-211, p.313 /
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 207, p.84 (note 3)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 14, p.18 /
Voir : Bonnier, Les présomptions simples
Marty et Raynaud (Droit civil) : A partir de la constatation de certains indices ou circonstances on va présumer, induire l’existence de certains faits. Il n’y a pas ici de décision légale ; c’est le juge qui va peser les probabilités et les vraisemblances pour former sa conviction, d’où l’appellation « présomption de l’homme ».
Le Brun de la Rochette (Le procès criminel, 1629) en proposait un exemple général : La loi présume toujours mal contre les personnes qui accomplissent leur action la nuit.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) en proposait un exemple historique : A défaut de preuves positives qui établissent un fait, le juge peut quelquefois se déterminer sur des présomptions : tel a été le motif qui a déterminé Salomon, sur le différend de deux femmes qui toutes deux prétendaient être mère du même enfant ; la présomption fut du côté de la femme qui préférait la vie de celui-ci à sa propre satisfaction.
Vidal et Magnol (Cours de droit criminel) : Voici des exemples de preuve indirecte ou conjecturale : 1° L’accusé vu sur les lieux à l’heure du crime, armé, fuyant ; - 2° Des effets ou objets à lui appartenant trouvés sur les lieux du crime ; - 3° Des menaces adressées par l’accusé à la victime avant le crime ; - 4° Son inimitié pour elle ; - 5° L’achat ou la préparation des instruments propres à commettre le crime ; - 6° Les variations ou contradictions de l’accusé dans ses réponses ; - 7° L’intérêt qu’il avait à commettre le crime ; - 8° La mauvaise réputation ou les mauvais antécédents de l’accusé…
Cass.crim. 29 février 1988 (Bull.crim. n°104 p.266) : Il existe à l’encontre des défendeurs des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à justifier le principe de leur inculpation.
- Présomption de droit. Une présomption légale est une précaution prise par le législateur dans le but de
faciliter l’administration de la preuve. Elle est dite irréfragable (juris et de jure) lorsqu’elle n’admet pas la
preuve contraire (ainsi en est-il de la chose jugée, qui est sensée être la vérité). Elle est dite simple (juris
tantum) lorsqu’elle admet la preuve contraire (ainsi l’art. 225-6 C.pén. répute proxénète celui qui, vivant avec une prostituée, ne peut
justifier de ressources propres).
- Les deux principales présomptions que connaît le droit pénal sont celles qui réputent tout adulte, d’une part sain d’esprit, d’autre part
parfaitement libre dans le choix et l’exécution de ses actes.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 133, p.109 / n° II-201, p.323
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-445, p.235 / n° II-333, p.405
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 308, p.137
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-218, p.122
Henri II, édit de février 1556 : En cas de mort d’un nouveau-né, toute femme qui se trouvera dûment atteinte et convaincue d’avoir caché tant sa grossesse que son enfantement … est réputée avoir homicidé son enfant.
Décret du 22 prairial an II. Le Tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple… Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront cherché à avilir la Convention nationale.
Code criminel du Canada. Art. 16 : Chacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle … Cette présomption peut toutefois être renversée, la preuve des troubles mentaux se faisant par prépondérance des probabilités.
Merlin (Répertoire de jurisprudence). Conclusions sous Cass.crim. 20 floréal an XIII : Dans quel lieu l’enfant a-t-il été homicidé ? On l’ignore en l’espèce ; mais la présomption légale est qu’il a été homicidé là où il a été découvert, où a été constaté le corps du délit.
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : Le proxénétisme présumé. A côté de situations qui révèlent le proxénétisme auquel se livre un individu (p.ex. embauchage en vue de la prostitution), il en est d’autres qui ne permettent a priori que de le soupçonner (p.ex. faire office d’intermédiaire). Pourtant, le législateur, très répressif en cette matière, n’en incrimine par moins ces comportements parce que, dans la très grande majorité des cas, ils permettent de présumer ce qui n’est pas autre chose que la vérité.
Cass.crim. 22 juin 1988 (Bull.crim. n° 284 p.758) : En l’absence de toute réclamation formulée par l’accusé ou son conseil au cours des débats, il y a présomption légale qu’un magistrat désigné pour remplir des fonctions d’assesseur à la Cour d’assises l’a été conformément à la loi.
Le droit criminel rejetant normalement toute présomption légale, les juges du fond doivent interpréter les rares présomptions simples de manière restrictive ; d'autant que l'adage in dubio pro reo les y invite.
Cass.crim. 5 mai 2010 (pourvoi n° 09-87722, Gaz.Pal. 29 juillet 2010 noe Detraz), en matière de circulation routière, à propos de la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule : La qualité de titulaire du certificat d'immatriculation ne suffit pas à engager la responsabilité pécuniaire en cas de doute sérieux sur l'identité véritable propriétaire du véhicule.
- Présomption procédurale. Dans le cours d’un procès pénal, on ne peut demander aux magistrats de constater à
chaque instant que toutes les règles de procédure sont bien observées. C’est pourquoi, chaque fois que l’on peut raisonnablement penser qu’il en est
ainsi, on répute la procédure régulière tant que l’une des parties n’a pas fait d’observation critique ou que les circonstances ne révèlent pas quelque
manquement.
- Ainsi, il suffit pour le tribunal de constater à l’ouverture des débats qu’ils se déroulent en public, pour que l’on tienne pour vrai que le
principe de la publicité des débats a été respectée tout au long de l’audience.
Cass.crim. 12 février 2003 (Bull.crim. n° 33 p.133) : Dès lors que le procès-verbal des débats constate la publicité de la première audience, il y a présomption, à défaut de constatations contraires, que la publicité s’est prolongée pendant toute la durée de l’affaire.
PRÉSOMPTION DE CULPABILITÉ
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 7, p.14 / n° 8, p.17 / n° 27, p.49
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-209, p.103 / n° I-210, p.104
- Notion. Un mouvement naturel pousse les hommes à chercher un responsable pour tout crime qui a troublé l'ordre social. L’opinion publique a tôt fait de dénoncer un « coupable ».
Fauconnet (La responsabilité) : Un homicide étant commis, il n’est pas vrai que l’opinion demeure dans l’expectative jusqu’à plus ample informé… Le plus souvent le meurtre sera présumé.
Ferri (Sociologie criminelle) : L’habitude de juger crimes et délits incline irrésistiblement le juge à voir dans tout accusé un coupable et à effacer la présomption d’innocence.
- De même, sous le poids de l’expérience (dès lors que le ministère public poursuit le plus souvent à bon escient), les juges répressifs ont tendance à voir un coupable dans tout prévenu.
Plutarque (Vie d’Alexandre) : Parfaitement équitable lorsqu’il commença à juger des affaires criminelles, Alexandre vit son caractère s’aigrir par la suite : sur le grand nombre d’accusations qu’on portait devant lui, il s’en trouva tant de vraies qu’elles lui firent croire même en celles qui étaient fausses.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Un juge, qui a toujours sous les yeux des scènes de perversité, témoin habituel des faux-fuyants et des mensonges auxquels les accusés coupables ont recours ; exerçant continuellement sa sagacité à démasquer l’imposture, cesse peu à peu à croire à l’innocence des prévenus, et les regarde d’avance comme des criminels qui ne cherchent qu’à le tromper.
- Le législateur enfin, pour assurer l’application de ses décrets, est tenté d’user de présomptions de responsabilité.
Léa (Histoire de l’Inquisition) : L’accusé fut d’avance présumé coupable. Vers 1278, un inquisiteur expérimenté pose en principe que, dans les localités fortement suspectes d’hérésie, chaque habitant doit être cité à comparaître et soumis à un interrogatoire détaillé sur lui-même et les autres.
Isaïa (La justice en Chine, 1978) : Dans le système judiciaire chinois tout prévenu est présumé coupable jusqu’à ce que son innocence soit prouvée. Ce en vertu du raisonnement suivant : Les organes judiciaires émanent des masses ; or les masses populaires sont incapables de se tromper ; il est donc à peu près sûr que jamais des innocents ne figurent au banc des accusés.
- Exemple. L’art. L.121-2 du Code de la route dispose que le titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule est responsable pécuniairement de certaines infractions, pour lesquelles seule une peine d’amende est encourue. Cette disposition concerne le paiement des amendes, mais ne constitue pas pour autant une présomption de responsabilité pénale.
Cass.crim. 3 mai 2007 (Gaz.Pal. 5/6 septembre 2007) : Selon l'art. L.121-3 du Code de la route, si le titulaire du certificat d'immatriculation est redevable pécuniairement de l'amende encourue pour des contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction, la personne déclarée redevable en application de ces dispositions n'est pas responsable pénalement de l'infraction.
Cass.crim. 13 juin 2012, n° 12-90027 : Le délit de non-justification de ressources (art. 321-6 C.pén.) est défini de façon claire et précise et ne repose sur aucune présomption de responsabilité.
- C’est pour faire échec à l’humaine tentation de présomption du culpabilité que la loi naturelle pose un principe de Présomption d’innocence*. Un magistrat donna un jour ce sage conseil : Si j’étais accusé d’avoir volé les tours de Notre-Dame, je commencerais par m’enfuir.
PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 11, p.21 / n° 27, p.49 (note 5) / n° I-118, p.169 (notes 1 et 2) / n° II-2, p.270 / n° II-125, p.290 / n° III-1, p.349
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-201, p.165
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-313, p.165 / n° II-312, p.372 / n° II-125, p.290 / n° II-306, p.362 / § 2, p.365 et s.
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
- Notion. Le principe de la présomption d’innocence, consacré par la Convention européenne des droits de l'homme, signifie que toute personne qui se voit reprocher une infraction est réputée sans tache, tant que sa culpabilité n’a pas été légalement et définitivement établie.
Clerc (Initiation à la justice pénale en Suisse) : Il existe
souvent des malentendus sur le sens de la "présomption d'innocence". Des profanes y voient une fiction, selon laquelle l'auteur d'un méfait est considéré
par la loi comme ne l'ayant pas perpétré, tant qu'un jugement n'a pas établi le contraire. Ils s'étonnent que le droit soit aussi éloigné de la réalité.
En fait, cette présomption implique deux choses bien différentes.
D'abord une défense : il est interdit de traiter en condamné celui qui n'a pas encore été jugé... Ensuite et surtout, cette présomption est une règle
de procédure, qui impose à la justice l'obligation de vérifier les faits qui sont reprochés au prévenu avant de passer condamnation.
Exemple de méconnaissance de la présomption d'innocence valant jusqu'à décision définitive de condamnation (Ouest-France 25 septembre 2009) : Le président de la République a répondu à une question sur le procès Clearstream, où comparaît Dominique de Villepin : "Au bout de deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel".
- Quant à la procédure. Par voie de conséquence, tant que dure une procédure le défendeur doit être traité comme
s’il était innocent des faits dont on l’accuse. La formule ne doit toutefois par faire illusion ; dans la réalité la présomption d’innocence se
présente comme une peau de chagrin, se rétrécissant chaque fois qu’un nouvel élément à charge vient alourdir le dossier de l’instruction. Il est
irréaliste de réputer innocente une personne qui vient d’être déclarée coupable par une cour d’assises, au motif qu’elle a formé un pourvoi en cassation,
et quoiqu’elle ait passé des aveux complets et circonstanciés.
- On peut également s’interroger sur la possibilité de concilier, d’une part la présomption d’innocence du prévenu, d’autre part l’égalité des
armes entre le prévenu et celui qui fait figure de victime.
Cf. Relaxe*, Hors de cour*, Plaider coupable*.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Chacun est réputé homme de bien, tant qu’on a pas prouvé le contraire.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Chacun doit être considéré comme un homme honnête et probe, aussi longtemps que le contraire n'est pas démontré.
Digeste de Justinien, 48, 19, 5 pr. Ulpien : On ne doit pas condamner quelqu'un sur des soupçons, déclare un rescrit de Trajan : car il vaut mieux laisser impuni le crime d'un coupable que condamner un innocent.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Ce n’est pas l’accusation qui porte conviction, mais les preuves ; et jusqu’à ce qu’elles soient faites, admises et adoptées en justice, on ne doit pas présumer le crime.
Déclaration du 1er mai 1788 : Le premier de tous les principes, en matière criminelle, veut qu’un accusé, fût-il condamné à mort en première instance, soit toujours réputé innocent aux yeux de la loi jusqu’à ce que sa sentence soit confirmée en dernier ressort.
Kenny (Esquisse du droit criminel anglais) : La présomption d’innocence est si forte que, pour la renverser, il faut prouver la culpabilité de l’accusé de manière qu’aucun doute raisonnable ne puisse subsister.
Essaïd (La présomption d’innocence) : En France, comme dans les autres pays civilisés, il existe un principe qui est considéré comme l’une des garanties fondamentales de la liberté individuelle, principe d’après lequel tout individu est présumé innocent tant qu’un jugement définitif n’a pas reconnu sa culpabilité.
Conte (Pour en finir avec une présentation caricaturale de la présomption d’innocence, Gaz.Pal. 3 juin 1995) : L’innocence présumée n’est pas l’innocence : elle pèse beaucoup moins, et sa pertinence s’allègera sans cesse davantage, avec l’alourdissement éventuel des charges.
Convention européenne des droits de l’homme, art. 6 : Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
Trib. conflits 12 décembre 2011 (Gaz.Pal. 29 février 2012) : La présomption d'innocence constitue une liberté fondamentale dont la protection juridictionnelle ne relève pas, par nature, de la compétence exclusive des juridictions judiciaires.
Conseil d’État 29 prairial an VIII : Il est de principe, en matière criminelle, qu’il faut toujours adopter l’opinion la plus favorable à l’humanité comme à l’innocence.
Cass.crim. 13 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 64) : La présomption d’innocence ne cesse qu’en cas de déclaration de culpabilité, prononcée par la juridiction de jugement et devenue irrévocable.
- En tant qu'intérêt protégé. - La présomption d’innocence ne constitue pas seulement un principe procédural, d’où découle notamment que la charge de la preuve pèse sur l’accusation, elle constitue aussi un intérêt juridique protégé par la loi. Le respect de l’honneur et la réputation d’une personne interdit de présenter comme coupable une personne convoquée devant un organe répressif. Un tel préjugé est réprimé par l’art. 9-1 du Code civil.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (en droit positif français)
Cass. 1e civ. 30 octobre 2013 n° 12-28018 (Gaz.Pal. 6 février 2014 note Michalski) résumé : L'atteinte à la présomption d'innocence suppose que la personne soit publiquement présentée comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, ou d'une condamnation pénale non encore irrévocable. L'affichage dans un lieu public d'un jugement correctionnel non encore définitif trahit l'intention de faire tenir pour acquise la culpabilité pénale d'autrui auprès de toute personne ayant à se rendre dans ce lieu.
Cass. 1e civ. 31 janvier 2008 (Gaz.Pal. 10 juillet 2008, note Guerder) : Les actions fondées sur une atteinte à la présomption d'innocence sont soumises à un délai de prescription particulier imposant au demandeur, non seulement d'introduire l'instance dans les trois mois de la publication incriminée, mais aussi de réitérer, dans le même délai, un acte de procédure manifestant à l'adversaire son intention de la poursuivre.
PRESSE
Cf. Autocensure*, Bonne foi*, Censure*, Chef de l'État*, Chef d'un État étranger*, Communiqué judiciaire*, Compte rendu des débats judiciaires*, Délit politique*, Dépôt légal*, Diffamation*, Droit de réponse*, Expression (liberté d')*, Forum de discussion*, Injure*, Journal*, Liberté - liberté d’expression*, Offense au Chef de l'État*, Opinion (délit d')*, Outrage*, Présomption d’innocence*, Provocation*, Publication de commentaires tendant a infléchir le cours de la justice*, Publication destinée à la jeunesse*, Publication prématurée d'actes de procédure*, Secret de l'instruction préparatoire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-220 et s. p.501 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la presse et les mineurs n° 403, p.233 et s..
Voir : Tableau des incriminations protégeant les libertés intellectuelles selon la science criminelle
Voir : Tableau des incriminations protégeant les libertés intellectuelles en droit positif français
Voir : La liberté d’expression orale ou écrite : 1° Ésope - 2° Milton - 3° Vitu
- Notion. Le mot presse
désigne les différents procédés, écrits ou oraux, par lesquels
les informations, les nouvelles, les opinions, les controverses
sont portées à la connaissance du public. On s'accorde à
voir dans la presse un quatrième pouvoir sensé garantir les
libertés démocratiques (notamment la liberté d'expression) ; à
condition, évidemment, qu'elle soit elle-même libre de toute
contrainte exercée par des groupes de pression...
Ce qui n'est hélas plus le cas de nos jours, comme l'avait jadis
redouté la Royauté ; la
République actuelle manifeste la même hostilité : ne
s'efforce-t-elle pas d'éradiquer la presse libre (dans le
langage populaire, on appelle parfois un journal bien pensant :
le « menteur »).
De
Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : La presse
fait circuler la vie politique dans toutes les portions de ce
vaste territoire. C'est elle dont l'œil toujours ouvert met sans
cesse à nu les secrets ressorts de la politique, et force les
hommes publics à venir tour à tour comparaître devant le
tribunal de l'opinion...
Quoique les journaux du XIIIe siècle, ou comme on disait de ce
temps les gazettes , continssent plus de quatrains que de
polémique, l'administration voit déjà d'un oeil fort jaloux
cette petite puissance. Elle est débonnaire pour les livres,
mais déjà fort âpre contre les journaux.
En ce qui concerne les infractions dites délits de presse les auteurs proposent deux définitions. La première, de caractère formel, voit un délit de presse dans toute infraction commise dans un écrit destiné à être distribué dans le public. La seconde, de caractère matériel, considère que le délit de presse est caractérisé par l'expression d'une pensée, d'une opinion, d'une conviction.
Clerc (Introduction à l'Étude du Code pénal suisse) : Le législateur suisse... considère comme délit de presse tout délit susceptible d'être consommé par l'impression : ce n'est pas sa nature propres mais le mode d'exécution qui est déterminant.
Prins (Science pénale et droit positif) : Le délit de presse n'est qu'un délit ordinaire qui se différencie des autres par son mode d'exécution.
Cass. belge 2 mars 1964 (Rev.dr.pén. 1964-1965) : Un délit de presse requiert, comme élément nécessaire, qu'une opinion ait été exprimée dans un écrit imprimé.
- Règle morale. Les moralistes soulignent, de manière absolument unanime que les journalistes sont soumis à un devoir de loyauté dans l'exposé et le commentaire des faits rapportés. On ne saurait en être surpris puisqu'ils abhorrent le mensonge.
Ouest-France (25 janvier 2008) : Dans un message aux journalistes, à l'occasion de la fête de St François de Sales (patron des journalistes), le Pape a souhaité le développement d'une "information éthique, de la même façon qu'une bio éthique dans le domaine médical et de la recherche scientifique liée à la vie". Pour le Pape Benoît XVI, "il faut éviter que les médias deviennent le mégaphone du matérialisme économique et du relativisme éthique, véritables plaies de notre temps".
- Science criminelle. La doctrine pose en principe la liberté de la presse, qui est liée aux principes de la liberté de l'information et de la liberté d'expression. Les restrictions à l'ensemble de ces principes sont à l'évidence d'interprétation stricte.
Tacite (Annales IV-37) : L'oppression des écrivains fait grandir leur autorité : quant aux rois étrangers et ceux qui usèrent de pareilles persécutions, il n'en est résulté que honte pour eux, gloire pour leur victime.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La liberté d'opinion constitue le bien juridique spécialement protégé par la loi sur la presse .
De
Tocqueville
(De la démocratie en Amérique, I, II, Chap.3) : La liberté de
la presse ne fait pas seulement sentir son pouvoir sur les
opinions politiques ; mais encore sur toutes les opinions des
hommes. Elle ne modifie pas seulement les lois, mais les mœurs...
J'avoue que je ne porte point à la liberté de la presse cet amour complet
et instantané qu'on accorde aux choses souverainement bonnes par
nature. Je l'aime par la considération des maux qu'elle empêche
bien plus que pour les biens qu'elle fait...
En matière de presse, il n'y a pas de milieu entre la servitude
et la licence. Pour recueillir les biens inestimables qu'assure
la liberté de la presse, il faut savoir se soumettre aux maux
inévitables qu'elle fait naître...
Aux États-Unis il n'y a pas de patente pour les imprimeurs, de timbre ni
d'enregistrement pour les journaux ; enfin la règle des
cautionnements est inconnue. Il résulte de là que la création
d'un journal est une entreprise simple et facile, peu d'abonnés
suffisent pour pour que le journaliste puisse couvrir ses frais
; aussi aux États-Unis le nombre des écrits périodiques
dépasse-t-il toute croyance...
C'est un axiome de la science politique aux États-Unis, que le
seul moyen de neutraliser les effets des journaux est d'en
multiplier le nombre.
[ Depuis que cet éminent auteur a écrit ces lignes, les choses
ont bien changé ; avec la concentration des entreprises
journalistiques un auteur contemporain (Iain Pears) a pu écrire
que les U.S.A. sont devenus une « Pressocratie »
]
Cass.crim.
12 novembre 2008, n° 07-83398 (Bull.crim. n° 229 p.1065/1070) :
En matière de presse, il appartient à la Cour de cassation
d’exercer son contrôle sur le sens et la portée des propos
poursuivis ; les restrictions à la liberté d’expression sont
d’interprétation étroite ;
Pour dire la prévention établie, l’arrêt retient que Christian
X... a proféré des propos offensants et contraires à la dignité
des personnes visées en ce qu’ils tendaient à souligner
l’infériorité morale de l’homosexualité alors que les fondements
philosophiques de ce jugement de valeur ne s’inscrivaient pas
dans un débat de pensée ;
Mais en statuant de la sorte, alors que, si les propos
litigieux, qui avaient été tenus, dans la suite des débats et du
vote de la loi du 30 décembre 2004, ont pu heurter la
sensibilité de certaines personnes homosexuelles, leur contenu
ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression, la cour
d’appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe
ci-dessus susvisés .
Cette liberté comporte toutefois des limites, au nombre desquelles figure la commission de délits tels que les délits d'offense, d'outrage, d'injure, de diffamation et de provocation à certains crimes et délits. C'est pourquoi des perquisitions peuvent être exercées dans les locaux d'une entreprise de presse, à condition qu'elle visent strictement des faits concrets caractérisant une infraction précise.
Tarde (La philosophie pénale) : Quoique ce soit un lieu commun d'affirmer aujourd'hui qu'il n'y a plus de délits d'opinion, il y a toujours des délits de presse ; nul gouvernement encore n'a pu laisser le journalisme déborder sans digue.
Colliard (Libertés publiques) : La liberté de la presse a un contenu politique direct dans la mesure où elle permet la critique du gouvernement. C’est ce qui explique que la liberté de la presse soit généralement revendiquée et défendue par l’opposition, mais que les gouvernements au pouvoir la considèrent, au contraire, comme dangereuse. Je ne me chargerais pas de gouverner trois mois avec la liberté de la presse aurait dit Napoléon à Metternich.
Cass.crim. 11 janvier 2012 n° 10-85446 (Gaz.Pal. 13 juin 2012 note Fourment) sommaire : Il résulte de l'art. L.450-4 C.com. qu'après avoir vérifié que la demande qui lui est soumise est fondée, le juge des liberté et de la détention peut autoriser des opérations de visite et saisie de toute entreprise, quelle que soit son activité.
On dit parfois que l'élément intentionnel des délits d'injure et de diffamation peut être présumé par les juges. La formule est inexacte. En pratique, pour qu'une telle infraction soit matériellement caractérisée, il faut que les propos reprochés soient très clairement et évidemment attentatoires à la réputation de la personne visée ; dans ces conditions, dès lors qu'il a constaté que le prévenu a agi consciemment, le juge peut légitimement en déduire qu'il avait l'intention de nuire à sa victime. Ici, par exception, le dol général emporte a priori dol intentionnel. De manière générale il ne faut pas perdre de vue que le juge doit toujours examiner l'aspect matériel des faits avant de se pencher sur le caractère moral de l'infraction ; or, à ce second stade du raisonnement, le caractère de l'élément moral se trouve souvent déjà établi.
Cass.crim. 21 juin 2011 (Gaz.Pal. 13 octobre 2011 note Fourment) sommaire : La présomption d'imputabilité de l'élément moral de l'infraction d'injure publique (ou de diffamation publique) à l'auteur des propos litigieux, qui est inhérente aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881, dépourvue de tout caractère irréfragable, est compatible avec le respect dû au droit à la présomption d'innocence et au droit à un procès équitable.
- Droit positif français. L'expression écrite ou verbale de la pensée est régie par une loi du 29 juillet 1881, dite « loi sur la liberté de la presse ». Dans les faits, ainsi qu'on a pu le constater voici peu, la Presse écrite et audiovisuelle s'est hissée au statut d'un quatrième pouvoir politique contrôlé par de puissants groupes de pression : et la France est ainsi devenue à son tour une « Pressocratie » .
Goyet (Droit pénal spécial) : La loi du 29 juillet 1881 ne se borne pas, comme son nom l'indique, à réglementer la liberté de la presse et à réprimer les abus qui peuvent être faits de cette liberté. La plupart des infractions qu'elle prévoit, et notamment l'injure et la diffamation, peuvent avoir été commises par d'autres moyens de diffuser la pensée que les journaux ou écrits périodiques.
Cass.1e civ. 10 avril 1013, n° 12-10177 : La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi... les propos reprochés, fûssent-ils mensongers, n'entrent dans aucun de ces cas.
D'un côté, cette loi déborde son domaine naturel, qui devrait être limité à la diffusion de la pensée et exclure les simples informations commerciales ou industrielles. De l'autre, elle omet de distinguer entre la « Presse d'information », caractérisée par un devoir absolu de véracité dans l'énoncé des faits de caractère politique, et la « Presse d'opinion », marquée par la faculté d'exprimer librement son sentiment sur ces faits.
Cass.crim. 26 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 164) parle du devoir des journalistes d’informer loyalement le public.
Cette loi a vu son domaine s'étendre progressivement de la presse écrite à la presse parlée, puis à la presse télévisuelle, puis aux moyens de communication électronique (notamment par les lois du 29 juillet 1982 et du 1er août 1986 ; une loi du 21 juillet 2004 a complété la loi de 1982 en précisant les formalités du droit de réponse dans cette hypothèse).
Cass.1e civ. 25 avril 1990 (Gaz.Pal. 1990 II Panor. 158) : Une société de télévision ayant diffusé un téléfilm qui imputait à plusieurs membres d'une organisation révolutionnaire divers actes de terrorisme ne peut reprocher à une Cour d'appel d'avoir accordé un droit de réponse à cette organisation en soutenant qu'une œuvre de fiction n'est pas de nature à faire naître un tel droit et que seule la diffusion d'informations par les services de télévision peut justifier l'exercice de ce droit, alors qu'ayant relevé que le film désignait nommément des personnes existantes accusées d'être les auteurs ou les complices d'actes criminels présentés eux-mêmes comme réels, la Cour d'appel a exactement décidé que ces propos diffamatoires entraient dans les prévisions de l'art. 6 de la loi du 29 juillet 1982 qui ne distingue pas entre les diverses formes possibles « d'activités de communication audiovisuelle ».
Cass.crim. 31 janvier 2012 n° 11-90010 (Gaz.Pal. 14 juin 2012 note Fourment) : Il s'évince de l'art. 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle que la responsabilité pénale du producteur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, n'est engagée, à raison du contenu de ces messages, que s'il est établi qu'il en avait connaissance avant leur mise en ligne ou que, dans le cas contraire, il s'est abstenu d'agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance.
Cette même loi a été complétée (art. 2 nouveau) par une loi du 4 janvier 2010, n°2010-1, relative à la protection des sources des journalistes. Il est de principe que l'on ne peut obliger un journaliste à dévoiler ses sources hors les cas où il y va de l'ordre public.
Loi du 4 janvier 2010, art. 2 : Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.
Cass.crim. 6 décembre 2011, arrêt n° 11-83970 : À
la suite de la publication, dans le journal Le Monde, d'un article rendant compte d'investigations réalisées la veille et le jour même dans une enquête
la concernant, une personne porte plainte du chef de violation du secret professionnel auprès du procureur de la République et ce dernier ordonne une
enquête préliminaire, en autorisant notamment les officiers de police judiciaire à obtenir, par voie de réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie,
l'identification des numéros de téléphone des correspondants des journalistes auteurs de l'article. Procédant par voie de recoupements, les enquêteurs
dressent ainsi une liste des personnes pouvant avoir un lien avec la procédure en cours.
Justifie légalement sa décision, tant au regard de l'article 10 de la Conv.EDH qu'au regard de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, la chambre
de l'instruction qui prononce l'annulation des réquisitions visant à des investigations sur les lignes téléphoniques des journalistes en cause, et celle
des pièces dont elles sont le support nécessaire, l'atteinte portée au secret des sources des journalistes n'étant pas justifiée par l'existence d'un
impératif prépondérant d'intérêt public et la mesure n'étant pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi. présomption
d'imputabilité de l'élément moral de l'infraction d'injure publique (ou de diffamation publique) à l'auteur des propos litigieux, qui est inhérente aux
dispositions de la loi du 29 juillet 1881, dépourvue de tout caractère irréfragable, est compatible avec le respect dû au droit à la présomption
d'innocence et au droit à un procès équitable.
Quant au fond, cette loi incrimine et punit spécialement les infractions commises par la voie, soit de discours prononcés en public, soit d’écrits diffusés dans le public. Depuis quelques décennies le nombre des incriminations s'est accru à un point tel que la liberté est devenue l'exception et que la censure directe ou indirecte, et l'autocensure ont pris rang de principe (je peux en témoigner ayant tenu une chronique judiciaire depuid 1964 jusqu'en l'an 2000).
Cass.crim. 10 juillet 1973 (Bull.crim. n° 321 p.784) : La publicité d'un écrit diffamatoire est caractérisée par l'affichage de cet écrit sur un panneau placé dans le vestibule d'entrée d'une grande école où toute personne, appartenant ou non à cet établissement, peut en prendre connaissance.
Au regard de la responsabilité, la loi édicte un système de responsabilité en cascade qui met au premier plan le directeur de la publication (art. 42), ce qui pose problème lorsque ce dernier n'a pu avoir connaissance du contenu du document litigieux.
Cass.crim. 16 juillet 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr. 123) : Le directeur de la publication d’un écrit périodique, dont le devoir est de surveiller et de vérifier tout ce qui y est inséré, est de droit responsable en cette qualité, comme auteur principal, de tout article publié par la voie de cet écrit et dont le caractère délictueux est démontré.
Cass.crim. 21 juin 2011 (Gaz.Pal. 13 octobre 2011, note Fourment) : Le respect dû au droit à la présomption d'innocence ne permet pas que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne, mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne.
Quant à la forme, elle édicte une procédure de type accusatoire qui sacrifie les intérêts des simples particuliers à ceux des groupes de pression. L'un de ses bons côtés consiste en ce que le plaignant doit préciser très exactement les propos contre lesquels il s'insurge (voir : Contrat judiciaire*).
Cass.crim. 6 février 1990 (Bull.crim. n° 64 p.170) : Selon les art. 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, en matière de délit de presse, l'acte initial de poursuite fixe définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification. Il s'en déduit que la juridiction saisie n'est pas autorisée à substituer à la qualification de droit commun adoptée par la partie poursuivante une qualification empruntée à la loi sur la liberté de la presse.
Cass.crim. 9 mai 2012, n°11-83150 (Gaz.Pal. 5 juillet 2012 p.25) : Une plainte pour diffamation avec constitution de partie civile, qui se borne à décrire, au style indirect, et en quelques phrases, le reportage incriminé, sans spécifier exactement les passages et propos pouvant caractériser l'infraction dénoncée, ne répond pas aux exigences de l'article 50 de la loi sur la presse, est nulle.
Les poursuites en matière de presse sont contenues dans un délai de prescription de trois ans (un an pour les délits dits "de haine", art. 65-3), ce délai peut néanmoins se trouver interrompu ou suspendu.
Cass.crim. 22 mai 2012, n° 11-82416 (Gaz.Pal. 4 octobre 2012) sommaire : Si, selon l'alinéa 2 de l'art. 65 de la loi du 29 juillet 1881, la prescription peut être interrompue, avant l'engagement des poursuites, par des réquisitions aux fins d'enquête, c'est à la condition qu'elles articulent et qualifient les faits à raison desquels l'enquête est ordonnée.
Cass.crim. 16 septembre 2014, n° 13-85457 : Selon l'art. 65, al. 2, de la loi du 29 juillet 1881, en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête articulant et qualifiant les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée sont interruptives de prescription.
Le délai de prescription reprend en cas de nouvelle publication.
Cass.crim. 2 octobre 2012, n° 12-80419 (Gaz.Pal. 7 février 2013 p.13) sommaire Fourment : Le fait de publication est l'élément matériel par lequel les infractions de presse sont consommées. Toute reproduction dans un écrit rendu public d'un texte déjà publié est elle-même constitutive d'infraction. Le point de départ de la prescription, lorsqu'il s'agit d'une publication nouvelle, est donc fixé au jour de cette publication. Forcément : le délit de presse est un délit instantané [en règle générale].
Les délits sanctionnés par la loi de 1881, dits délits de presse, revêtent un caractère politique et obéissent donc au régime des délits politiques.
Cass.crim. 4 octobre 1983 (Bull.crim. n° 237 p.605-608) : Selon les dispositions de l'art. 749 C.pr.pén., la contrainte par corps ne peut jamais être prononcée en matière d'infraction politique. Les délits de presse sont compris parmi les délits politiques.
Cass.crim. 11 avril 1995 (D. 1995 IR 152) : Aux termes de l'art. 749 C.pr.pén., la contrainte par corps ne peut être prononcée pour une infraction ayant un caractère politique. Les infractions à la loi sur la liberté de la presse sont assimilées, à cet égard, aux délits politiques.
PRÊTE-NOM
Cf. Complicité*, Escroquerie*, Fraude*, Homme de paille*, Interposition de personne*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-205, p.169
- Notion. Un prête-nom est une personne qui accomplit sous son patronyme un acte qui, en réalité, profite à une autre personne.
Desmaze (Histoire de la médecine légale) : La déclaration du Roi du 25 août 1777 … interdit à un pharmacien la gérance d’une officine dirigée pour la forme par un prête-nom.
Le Graverend (Traité de la législation criminelle) : Sera déclaré banqueroutier frauduleux tout commerçant failli qui... a acheté des immeubles ou des effets mobiliers à la faveur d'un prête-nom.
Code pénal de Bolivie. Art. 360 relatif à l'usure. On appliquera la même peine au testaferro (prête-nom, homme de paille).
Michelet (Histoire de France) parle, à propos du système de Law, des profits que faisaient les agioteurs par leurs prête-noms dans les hausses et les baisses.
- Régime. En soi l’opération est neutre ; mais elle devient délictueuse si elle permet de commettre ou de couvrir une fraude. Alors le donneur d’ordre est considéré comme auteur principal de cette fraude, et le prête-nom comme complice.
Cass.crim. 28 septembre 2016, pourvoi n°15-84.485 : Le prévenu a reconnu avoir, en 2001, établi un faux testament présentant sa mère comme l'unique ayant droit de son oncle défunt, permettant ainsi à celle-ci d'hériter de ce dernier les sommes versées sur une assurance-vie. Ces fonds ayant été utilisés pour sa propre société, les juges du fond ont pu déclarer le défendeur coupable de l'infraction de recel de l'escroquerie commise par sa mère.
Cass.crim. 9 mars 1981 (Bull.crim. n° 84 p.228) : Les travaux de construction d'une maison individuelle ayant été exécutés, non par l'entrepreneur avec lequel avait été conclu le contrat, mais par une société constituée par ce dernier et dont la gérante était sa belle-sœur, les juges de fond, qui ont constaté que cette dernière n'avait été qu'un prête-nom et que l'intéressé avait continué à exercer son activité sous le couvert de cette société, ont pu estimer que le prévenu était seul en cause dans les deux entreprises et le déclarer coupable d’avoir reçu des versements avant que l'état des travaux n'ait rendu les créances exigibles.
Cass.crim. 27 avril 2000 (Gaz.Pal. 2000 II Chr.crim. 2486) : Prévenu de complicité de fraude fiscale, C. s’est vu reprocher non seulement d’avoir attesté faussement du règlement pour le compte de A. de dettes de jeu s’élevant à 1.800.000 F mais également d’avoir acquis fictivement par l’intermédiaire de la société S. une créance de la banque M. sur A. de 4.628.751 F à un prix de 2.500.000 F sans garanties réelles ou personnelles. Pour le déclarer à bon droit coupable de ces chefs, les juges énoncent qu’il a servi de prête-nom à A. pour lui permettre de soustraire ses gains à l’assiette de l’impôt sur le revenu.
- Il y a infraction si l’agent principal a fait accomplir par un prête-nom un acte qu’il n’avait pas le droit d’accomplir lui-même. Il en est ainsi lorsqu’une personne, à qui il est interdit d’ouvrir un débit de boissons, en fait tenir un par l’un de ses proches.
Cass.crim. 25 février 1985 (Bull.crim. n° 86 p.227) : Pour déclarer à bon droit le prévenu coupable d’ouverture irrégulière d’un débit de boissons, les juges du fond énoncent qu’il résulte des éléments du dossier que E. s’est reconnu le véritable tenancier du bar « Le Monaco », propriété apparente de sa concubine, et que la dame P. a déclaré que « si son nom avait été avancé pour ce bar, c’était uniquement pour les papiers administratifs », le véritable patron étant le prévenu, « elle-même ayant servi d’intermédiaire » dans cette opération.
Cass.crim. 15 décembre 2004 (Bull.crim. n° 322 p.1216) : Pour déclarer à bon droit le prévenu complice des faits d’escroquerie commis par U…, la Cour retient qu’il a prêté son concours à celui-ci en lui servant de prête-nom et en recrutant d’autres personnes aux mêmes fins.
- Le recours à un prête-nom peut caractériser la manœuvre frauduleuse incriminée par certains textes tels que l’escroquerie (voir aussi l’art. 1740 ter Code général des impôts).
Cass.crim. 26 mai 1983 (Bull.crim. n° 156 p.382) : A caractérisé le délit de complicité d’escroquerie retenu à la charge du prévenu la Cour d’appel qui a estimé qu’il existait des présomptions nombreuses, graves, précises et concordantes établissant que l’intéressé n’avait fait ouvrir un compte téléphonique au PMU que pour le mettre à la disposition d’un tiers et lui servir de prête-nom pour réaliser ses escroqueries au détriment du PMU.
PRETIUM DOLORIS
Cf. Dommages-intérêts*, Préjudice*, Réparations civiles*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-210, p.347
L’expression latine pretium doloris signifie, textuellement : le prix de la souffrance. La douleur entre à l’évidence dans le Préjudice corporel* évoqué ci-dessus ; sa réparation doit être fermement assurée par les tribunaux répressifs, en particulier dans le domaine des coups et blessures volontaires.
G.Viney (La responsabilité – conditions) : Les souffrances physiques ont été prises en considération dans la plupart des pays avant toute autre forme de dommage moral. En France, la jurisprudence les indemnise depuis longtemps et assez généreusement, sous l’appellation de pretium doloris.
Cass. 2e civ. 5 février 1992 (Gaz.Pal. 1992 I panor. 142) : La Cour d'appel, qui a analysé les séquelles de l'accident et constaté que la victime avait subi de nombreux soins dentaires, a souverainement apprécié le pretium doloris.
PRÉTOIRE
Cf. Auditoire*, Tribunal*.
Au mot prétoire, vieilli, on préfère de nos jours l’expression « salle d’audience ». Il s’agit de la salle d’un tribunal où la justice est rendue.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : On donnait le nom de prétoire au Palais du Préteur de l’ancienne Rome : c’était le lieu dans lequel se rendait la justice. Parmi nous, on appelle aussi prétoire, en quelque endroit, le lieu où les officiers rendent la justice.
Bluntschli (Droit public général) : Il convient surtout que l'État ne ferme pas indirectement les portes du prétoire au pauvre par des frais ou un formaliste étroit.
Code de procédure pénale du Maroc. Art. 500 : L'ordonnance de contumace est affichée à la porte du dernier domicile de l'accusé, et si ce domicile est inconnu, à la porte du prétoire du tribunal criminel ; expédition en est adressée au directeur des domaines du dernier domicile de l'accusé.
Cour EDH 20 novembre 1989 (Kostovski c. Pays-Bas) : Les éléments de preuve doivent en principe être produits devant l’accusé en audience publique, en vue d’un débat contradictoire. Il n’en résulte pas que la déclaration d’un témoin doive toujours se faire dans le prétoire et en public pour pouvoir servir de preuve : utiliser de la sorte des dépositions remontant à la phase de l’instruction préparatoire ne se heurte pas en soi aux § 3 d) et 1 de l’art. 6, sous réserve du respect des droits de la défense.
Cass.crim. 8 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2081) : Une fois les débats terminés, l’ordre a été donné d’ouvrir les portes du prétoire où le public a été admis à pénétrer librement.