DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre M
(Septième partie)
MILICE PRIVÉE
Cf. Associations*, Commando*, Escadron de la mort*, Mercenaire*, Polices privées*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 36, p.35 / n° II-II-105, p.458
- Notion. Une milice (du latin : miles, soldat) est constituée d'un groupe d’hommes armés, fortement hiérarchisé, qui évoque dans sa structure et par son fonctionnement une formation militaire (voir l'art. 431-13 C.pén.).
Paris 7 juin 1938 ( Gaz.Pal. 1938 II 391, arrêt Colonel de la Rocque dans l’affaire dite des Croix-de-feu) : Constituent des groupes de combat toutes les formations ayant, par leur recrutement, par le mode de l’obéissance et par les exercices auxquels elles sont soumises, un caractère militaire.
Le Bon (Les révolutions) : Desmoulins et d’autres firent sonner le tocsin, organisèrent une milice de 12.000 hommes, s’emparèrent aux Invalides de fusils et de canons et dirigèrent le 14 juillet des bandes armées sur la Bastille. La forteresse, à peine défendue, capitula en quelques heures.
- Science criminelle. Lorsqu’elle relève d’une autorité privée, une milice (un groupe de combat, ou quel que soit le nom qui lui est donné) porte atteinte au monopole de la force armée qui constitue l’une des prérogatives régaliennes de l’État. Les pouvoirs publics doivent dès lors la contrôler strictement.
Tarde (Les lois de l'imitation): L'armée royale s'est substituée dans chaque État aux milices provinciales ou seigneuriales.
Lombroso (Le crime politique) : Partout où on accorda aux milices un pouvoir excessif, on détruisit l’équilibre et on provoqua la décadence de l’État et de continuelles révoltes.
Huc (L'Empire chinois) : Les Tartares ont laissé les détails de l’administration aux Chinois, puisqu’ils en avaient le goût, le talent et une longue expérience ; seulement, ils ont toujours eu bien soin de ne pas se dessaisir de la direction de la milice de terre et de mer.
Code pénal norvégien de 1902 (1950). Art. 104 : Celui qui fonde une association privée de caractère militaire, ou en devient membre, ou qui soutient une organisation de ce genre, sera puni d'une peine d'emprisonnement pouvant atteindre deux ans.
Code pénal d'Azerbaïdjan. Art. 217-1 : La création
de groupes, organisés et armés, en vue d'attaquer un organisme ou des citoyens, de même que la gestion de tel groupes, est puni de dix à quinze ans de
prison...
217-2 : La participation à des groupes, organisés et armés, ou aux attaques perpétrées par eux, est puni de sept à douze ans de prison...
De nos jours, où les forces régulières ont de plus en plus de mal à assurer l’ordre public, on voit se former des milices d’auto-défense luttant contre l’insécurité au quotidien ; elles diffèrent fondamentalement des « groupes de combat » constitués pour changer la forme du gouvernement en dehors des voies légales, mais elles n'en doivent pas moins être étroitement surveillées.
Gassin (Criminologie), à propos de la participation du public à la prévention des infractions : C’est ici que se situe le danger de certaines initiatives du type organisation de milices privées parmi les victimes potentielles.
- Droit positif. La législation française comporte, à la fois, des dispositions préventives et des dispositions répressives.
Voir : Tableau des incriminations assurant la paix intérieure de la Nation (en droit positif français)
Vitu (Droit pénal spécial) : Les années immédiatement antérieures à la Seconde Guerre mondiale ont révélé l’existence d’organisations fortement hiérarchisées et structurées, composées de groupes solidement entraînés pouvant se rassembler rapidement et intervenir avec force dans des manifestations ou à l’occasion de troubles politiques ou sociaux. Ces organisations ont paru à ce point dangereuses pour la sûreté de l’État et la paix publique que le législateur a voulu doter les autorités publiques des moyens de les éliminer et de neutraliser les tentatives qui pourraient être faites pour en perpétuer l’activité.
Régime administratif. Une milice considérée comme dangereuse pour l’ordre public peut faire l’objet d’un décret de dissolution (loi du 10 janvier 1936). La maintenir ou la reconstituer constitue un délit sanctionné par l'art. 431-15 C.pén.
Cons. d’État 13 février 1985 (Gaz.Pal. 1986 I Panor.adm.. 155) : L’association dénommée « Service d’action civique », tant en raison de ses activités que par sa forme et son organisation, présentait à la date du décret prononçant sa dissolution le caractère de « groupe de combat ou de milice privée » et tombait sous le coup des dispositions de l’art. 1-2° de la loi du 10 janvier 1936.
Cons. d’État 8 septembre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Panor.adm. 55) : En mentionnant que des associations de défense du Kurdistan provoquent à des manifestations armées dans la rue par les saccages, dégradations de locaux et jets d’engins explosifs auxquelles elles se livrent, qu’elles présentent le caractère de groupes de combat ou de milices privées à raison de la fonction paramilitaire dans des camps d’entraînement, de l’obéissance et de la discipline auxquelles leurs membres son soumis, de l’intention séditieuse qui les caractérise et les rend aptes à des actions de commando, qu’elles se livrent à une propagande en faveur d’une organisation terroriste et provoquent des actions violentes, et enfin qu’elles se livrent sur le territoire de la France à des agissements en vue de provoquer des actes terroristes en France ou à l’étranger, les auteurs des décrets prononçant leur dissolution ont suffisamment motivé ces décisions.
Cons. d’État 26 juin 1987 (Gaz.Pal. 1988 I Panor.adm. 116) : Un décret prononçant, en application de la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées, la dissolution d'une association est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'art. 1er de la loi du 11 juillet 1979.
Régime pénal. Dès lors qu’elle menace l’ordre public, une milice privée tombe sous le coup des art. 431-16 C.pén., pour les organisateurs, et 431-14, pour les simples participants.
Angevin (Juris-classeur pénal, art. 431-13 à 431-21) : Le rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale énumérait ainsi les éléments matériels de l'infraction : premièrement la notion de groupement, deuxièmement la détention d'armes ou l'accès facile à des armes, troisièmement la forme hiérarchisée de l'organisation, quatrièmement une menace pour l'ordre public.
Cass.crim. 26 janvier 1939 (Gaz.Pal. 1939 I 364) : Sur la création par le « Parti Social Français » de groupes dénommés « Équipes volantes de propagande ». Par leur organisation fortement hiérarchisée, leurs cadres, leurs éléments de liaison, la rapidité de leur rassemblement, leur mobilité, leur discipline, leur entraînement, elles présentent tous les caractère d’une véritable milice privée.
MILIEU
Cf. Argot*, Bandes organisées*, Canaille*, Crapule*, Criminalité organisée*, Délinquant*, Malfaiteur*, Malfrat*, Pègre*, Truand*, Vidocq*, Voyou*.
On parle fréquemment de milieu, en y ajoutant un qualificatif, pour désigner le mode de vie observé dans l’exercice de telle activité ou de telle profession (milieu universitaire, milieu médical, milieu judiciaire). Lorsque l’on vise simplement le « milieu », c’est pour désigner les personnes qui vivent en relation avec la délinquance professionnelle.
Gassin (Criminologie) : Parmi les bandes des malfaiteurs adultes, il convient de distinguer entre les bandes isolées et celles qui baignent dans le milieu criminel. Les premières sont souvent éphémères et se disloquent assez vite. Les secondes possèdent en revanche une permanence qui n’est en général brisée, indépendamment de l’action de la police, que par les règlements de comptes entre bandes rivales pour la domination du « marché » du crime professionnel.
Garnot (Histoire de la justice) : Quant au « milieu » de l'époque contemporaine, ses groupes les plus connus et les plus importants sont le milieu marseillais, le milieu corse, ceux de la région parisienne et de Grenoble. Mais les conflits entre ces bandes et au sein de chacune sont fréquentes.
Cass.crim. 19 décembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 188) : Les faits d’une gravité toute particulière reprochés à un sénateur de la République, en relation avec un malfaiteur notoire du milieu local, ont profondément et durablement troublé l’ordre public ; dès lors, la détention provisoire de l’intéressé s’avère nécessaire tant pour l’instruction qu’à titre de sûreté.
MINES
Cf. Fers*, Galères*, Peines*, Travaux forcés*.
Dans l’Antiquité, notamment en Égypte, les auteurs de crimes majeurs pouvaient être condamnés « aux mines » (ad metalla), c’est à dire à travailler dans les mines d’or, d’argent, dans les salines ou dans les soufrières... Cette peine était considérée comme la seconde en gravité après la peine de mort.
Paul Faure (La vie quotidienne en Crète au temps de Minos) : Le droit pénal connaissait les travaux forcés, la condamnation aux mines et aux galères, la servitude.
Mommsen (Droit pénal romain) : La peine des mines est considérée comme le mode de répression le plus rigoureux après la peine de mort. Elle n’est prononcée qu’à perpétuité. Les travailleurs sont traités comme des esclaves de la peine appartenant à l’État ; ils sont marqués au fer rouge, on leur rase la moitié de la chevelure, ils sont soumis à la correction dans les conditions d’usage pour les esclaves ; leur travail s’accomplit dans les chaînes et sous surveillance militaire.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : On condamnait le faussaire à mort, si les circonstances du crime étaient tellement graves qu'elles parussent mériter le dernier supplice. Quelque fois on condamnait le faussaire aux mines, comme on en usa envers un certain Archippus.
St Cyprien (Lettre 76, à des chrétiens envoyés dans une mine d’or) : Ils ont mis des entraves à vos pieds et enchaîné vos membres de liens infâmes … Le corps dans les mines n’a point pour se reposer la douceur d’un lit bien garni, c’est à la dure que s’étendent les membres fatigués … Les bains y manquent et la propreté du corps … Le pain n’y est donné qu’en petite quantité … On y a froid, on y manque de vêtements … Sur les têtes tondues seulement pour une moitié, les cheveux se hérissent en désordre.
MINEUR (Délinquant)
Cf., sur les mineurs délinquants, Âge*, Cour d'assises des mineurs*,
Discernement*, École buissonnière*, Hooligan*,
Infans*, Instigation* de mineur à délinquer,
Liberté surveillée*, Maison de
correction*, Majorité
pénale, civile et politique*, Responsabilité (du fait d’autrui, des parents)*,
A. de Tocqueville*, Tribunal pour
enfants*.
Rapprocher, sur la protection des enfants : Corruption de mineurs*, Éducation*,
Enfants*, Publication destinée à la jeunesse*, Stage de responsabilité
parentale*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-4, p.245 / n° II-105, p.293 / n° III-330 1°, p.496
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-215, p.247 / n° I-III-I-207, p.272
Voir : Un criminel-né, parricide,matricide et empoisonneur (Extrait des « Causes célèbres » de N.-T. Le Moyne des Essarts - Paris 1774)
Voir : Ortolan, « L’âge et la responsabilité pénale, suivant la science rationnelle »
- Notion. On parle de mineurs délinquants à propos d'enfants ou d'adolescents auxquels sont reprochés des agissements relevant de la loi pénale.
Importance du phénomène (Télétexte TF1 25 août 2009) : Les vols à main armée commise par des mineurs ont augmenté de 38 % entre 2007 et 2008. Une croissance qui semble se confirmer en 2009.
Exemple (Le
Télégramme 23 juillet 1994) : Les deux enfants britanniques
qui avaient torturé et assassiné le petit B.., âgé de deux ans,
devront passer au moins 15 ans en prison, a annoncé hier le
ministre britannique de l'Intérieur.
V... et T..., âgés de 10 ans au moment des faits, avaient été
condamnés à la réclusion pour "un temps illimité", à l'issue
d'une procès de trois semaines, pour l'assassinat de B...,
torturé et battu à mort sur une voie ferrée de Liverpool en
février 1993. Aucune circonstance atténuante ne leur avait été
reconnue.
- Science criminelle. Un tout jeune enfant, qui n’a pas encore atteint l’âge de raison, notamment
l'Infans*, ne relève pas de la justice répressive car on ne saurait constater en lui le dol général qui caractérise
l’infraction : il n'a ni la pleine conscience du bien et
du mal, ni la force de caractère pour résister à ses impulsions.
Quant à l'adolescent, on hésite sur le critère à retenir.
D'abord un critère matériel, qui est conforme à l'esprit du droit criminel, est
celui de la puberté. Un impubère est en principe irresponsable
au pénal ; un pubère est en principe responsable. Mais dans les
deux cas il est nécessaire d'abandonner une certaine marge
d'appréciation au juge. Encore admet-on de manière générale un
adoucissement de la sanction.
Digeste 47, II, 23 : Ulpien - Un impubère peut commettre un vol s'il est déjà capable de dol, suivant ce qu'a écrit Julien au livre 22 du Digeste.
Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements de France, 1727) : On ne peut informer contre un enfant de 10 à 11 ans qui a donné un coup de bâton à un autre de son âge (Dijon 12 mars 1616).
Desmaze (Les pénalités anciennes) : Le 7 septembre 1560, sur deux individus qui avaient été condamnés à être pendus, pour vols et larcins, un fut pendu par dessous les aisselles, à cause de sa jeunesse.
Un deuxième critère peut être tiré d'une notion morale, celle de discernement. C'est ce que décidèrent les auteurs du Code pénal de 1810. Son article 66 énonçait que lorsque l'accusé aurait moins de 16 ans et qu'il serait établi qu'il avait agi sans discernement, il serait acquitté ; l'article 67 ajoutait que si l'accusé avait plus de 16 et avait agi avec discernement, il pourrait être condamné.
Villey (Précis de droit criminel) : On pose au jury une question spéciale : "L'accusé a-t-il agit avec discernement ?" c'est-à-dire avec l'appréciation exacte de la gravité du fait qu'il commettait.
Un troisième critère est essentiellement légal. Le Code fixe un âge jusqu'auquel il n'y a pas de responsabilité pénale (p.ex. 13 ans), une tranche d'âge où il appartient au juge de décider si l'agent a agi avec dol général comme le présume la loi (p.ex. entre 13 et 16 ans), et enfin l'âge de la Majorité* légale (p.ex. 18 ans, 21 ou 25 ans) à partir duquel l'agent est pleinement responsable de ses actes sous réserve des dispositions relatives à la Démence* entendue au sens large.
Marat (Plan de législation criminelle) : L'homme n'est punissable d'avoir violé les lois que lorsqu'il est arrivé à l'âge de raison : comme cet âge varie avec le climat, le tempérament, l'éducation, et comme il ne faut rien laisser d'arbitraire aux juges, c'est aux lois à le fixer. Or la sagesse veut que dans chaque pays on le fixe au terme où les sujets les plus tardifs commencent à se former. [sur ce dernier point, l'auteur ne semble pas tenir compte des retards de développement individuels]
Code pénal d'Andorre. Art. 19 : Sont exempts de responsabilité pénale : 1-Les mineurs de seize ans au moment de l'exécution de l'acte punissable.
Le mineur délinquant bénéficie le plus souvent d'une excuse légale atténuante.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : L'excuse de minorité repose sur l'idée que les enfants et les adolescents, en raison de leur inexpérience, doivent être traités moins sévèrement que les adultes.
Code pénal du Burundi. Art. 16 : Lorsque l’auteur ou le complice d’une infraction est un mineur de treize à dix-huit ans au moment de l’infraction les peines seront prononcées ainsi qu’il suit : 1) S’il a encouru la peine de mort ou la servitude pénale à perpétuité, il sera condamné à une peine de cinq à dix ans de servitude pénale principale ; 2) S’il a encourue une condamnation à temps ou une peine d’amende, les peines pouvant être prononcées contre lui ne pourront dépasser la moitié de celles auxquelles il aurait été condamné s’il avait dix-huit ans.
L'expérience montre que les tribunaux ne doivent pas prononcer une sanction hypothéquant l'avenir d'un mineur, s'il n'est auteur que d'un «péché de jeunesse ». Mais il n'y a plus place pour la clémence en cas de multirécidive.
Règle de Saint-Benoît, Chapitre 37 : Bien que l'homme soit naturellement enclin à l'indulgence envers les enfants en raison de leur âge, l'autorité de la règle doit aussi être respectée par eux... Mais on ne leur appliquera pas toute la rigueur de la règle.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les personnes équitables pardonnent aisément les péchés de jeunesse, à ceux qui s'en corrigent. En ce cas, la clémence veut que l'on penche plus à faire grâce qu'à punir.
L'exécution de la sanction. Si l'on peut parfois se borner à confier l'enfant à ses parents, à charge pour eux de veiller à l'éducation et à l'instruction de celui-ci, il faut souvent aller jusqu'à confier le mineur délinquant à des établissements spécialisés. C'est un procédé qui, en raison des retards dus aux troubles de la Révolution, n'a été étudié en France de manière approfondie que depuis le début du XVIIIe siècle. Mais on semble encore fort loin de trouver la solution idéale, ne serait-ce que parce que chaque mineur est un individu unique qui requiert une thérapie spécifique.
De Lanessan (La morale naturelle) : La loi et la justice doivent arracher les enfants, dès leur naissance, aux familles et aux milieux sociaux dans lesquels le vice et le crime sont endémiques. Si ces petits êtres ne sont pas entièrement dégénérés, on pourra, par une éducation physique et morale commencée de très bonne heure, provoquer une évolution normale de leurs divers organes et leur inspirer les sentiments qui feront d'eux des êtres sociables et utiles.
Lutz (Introduction à l'ouvrage de H.Gaillac, « Les maisons de correction ») : C'est une épopée ! C'est l'histoire d'un combat ! Il s'agit de la grande lutte des hommes de bonne volonté contre le mal et le malheur. Il y a eu, il y a et il y aura des enfants malheureux : enfants de familles dissociées, enfants abandonnés, enfants vagabonds, enfants prostitué, enfants délinquants. Toutes les sociétés ont les leurs. Voici la grande fresque des enfants socialement inadaptés qui se déroule dans le temps. Le problème se revêt rapidement d'ambiguïté, cas l'enfant asocial ne se contente pas d'être malheureux ou inadapté - ce dont on souhaite le préserver -mais il rejette les normes ambiantes et agresse le groupe social - ce dont on souhaite se préserver. Il en résulte une double réaction antinomique : protéger l'enfant - protéger la société.
H.Gaillac (Les maisons de
correction) : Sortir les enfants des prisons et d'abord les
séparer des détenus adultes, tels sont les objectifs que
s'assignent les philanthropes.
En France, de 1830 à 1840, un effort important sera fait et les
résultats ne paraîtront minces qu'à ceux qui ne se sont pas
affrontés personnellement à ce grand problème, qui reste,
aujourd'hui encore, l'objectif prioritaire de la rééducation des
enfants en justice. Les réalisations françaises avaient été
précédées de nombreuses expériences étrangères.
Rapport présenté le 29 janvier 1830 par le ministre de
l'Intérieur de Montbel : «
Les jeunes détenus appellent particulièrement notre sollicitude.
Leur séjour dans les maisons centrales, lors même qu'il est
possible de leur assigner des quartiers séparés,est pour eux une
flétrissure morale dont il importe de les préserver. Le régime
des maisons centrales ne convient point à des enfants chez
lesquels le vice et la corruption n'ont pas jeté de profondes
racines... C'est de leur éducation qu'il faut spécialement
s'occuper ».
Costa (Postface à l'ouvrage de H.Gaillac, « Les maisons de correction » éd. Cujas 1991) : « L' avenir est à l'éducation surveillée » écrivez-vous, mon cher ami, au terme de votre histoire, si vivante et si instructive, des maisons de corrections. Il est vrai qu'en 1945 a enfin triomphé l'idée, déjà latente depuis plus d'un siècle, que le reclassement des jeunes délinquants ne peut être obtenu par une ségrégation punitive, mais bien, et seulement, par une rééducation fondée sur une graduelle réinsertion sociale, sous l'autorité nécessaire d'une justice spécialisée.
- Droit positif. Le droit français a été fixé par une ordonnance du 2 février 1945 (reproduite sur ce site parmi les lois spéciales) modifiée à de nombreuses reprises et toujours discutée. Il s'appuie principalement sur l'âge du mineur pour déterminer les cas où il peut être tenu pour pénalement responsable.
Voir :Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-309, p.283.
Voir : Ordonnance relative à l’enfance délinquante
Conseil constitutionnel 3 mars 2007 (Gaz.Pal. 8 mars 2007) : Il résulte des art. 8 et 9 de la Déclaration de 1789 que doivent être respectés, à l'égard des mineurs comme des majeurs, le principe de la présomption d'innocence, celui de la nécessité et de la proportionnalité des peines et celui des droits de la défense. Doit être respectée également la règle énoncée à l'art. 66 de la Constitution, selon laquelle "nul ne peut être arbitrairement détenu".
Larguier (Droit pénal général, 2001) : Au-dessus de 18 ans : on est majeur. Au-dessous de 13 ans : il y a présomption irréfragable d’irresponsabilité pénale, qui n’empêche pas la comparution et la décision, mais qui empêche le prononcé d’une peine. De 13 à 18 ans : il y a présomption d’irresponsabilité, mais ici susceptible de preuve contraire. Si le mineur est reconnu coupable, sont décidées, selon sa personnalité, des mesures éducatives ou des peines.
Cass.crim. 13 décembre 1956, (D. 1957, p. 349, note Patin) ; arrêt Laboude : Si les art. 1 et 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, modifiés par la loi du 24 mai 1951, posent le principe de l’irresponsabilité pénale du mineur, abstraction faite du discernement de l’intéressé, et déterminent les juridictions compétentes pour statuer lorsqu’un fait qualifié crime ou délit est imputé à des mineurs de 18 ans et pour prendre à l’égard de ces mineurs des mesures de redressement appropriées, sauf la faculté, quand il s’agit de mineurs âgés de plus de 13 ans, de prononcer une condamnation pénale si les circonstances et la personnalité du mineur paraissent l’exiger, encore faut-il, conformément aux principes généraux du droit, que le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui reprochée est établie, ait compris et voulu cet acte ; toute infraction, même non intentionnelle, suppose, en effet, que son auteur ait agi avec intelligence et volonté.
Exemple (Ouest-France 27 juillet 2012) : Deux policiers blessés par un garçon de 8 ans. À Nantes, mercredi, il a frappé un agent avec un marteau et aspergé sa collègue de gaz lacrymogène. Trop jeune pour une sanction pénale, il pourrait faire l'objet d'un suivi éducatif.
Du point de vue de la procédure, on observera que les droits de la défense doivent être respectés dès la première intervention de la police, et que les débats donnent lieu à une publicité restreinte.
Cass.crim. 6 novembre 2013, pourvoi n° 13-84320 : Le mineur, conduit par les policiers auprès d'un officier de police judiciaire pour être entendu sur une infraction qu'il est soupçonné d'avoir commise, se trouve nécessairement dans une situation de contrainte et doit bénéficier des droits attachés au placement en garde à vue, prévus par l'art. 4 de l'ordonnance du 2 février 1945.
Cass.crim. 20 mai 2012, pourvoi n° 11-85683 : La publicité restreinte imposée à la cour d'assises des mineurs par les art. 14 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 est une condition essentielle de la validité des débats devant cette juridiction ; il s'agit là d'une règle d'ordre public à laquelle il ne saurait être dérogé que dans les conditions prévues par l'art. 306, dernier alinéa, C.pr.pén.
L'État est civilement responsable des infractions commises par un mineur confié à l'un de ses services.
Cons. d'État 17 décembre 2008 (Gaz.Pal. 17 décembre 2008) : Lorsqu'un mineur a été confié à un service ou à un établissement qui relève de son autorité, la responsabilité de l'État est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le mineur ne se trouvait pas, au moment des faits, sous la surveillance effective du service ou de l'établissement qui en a la garde.
La jurisprudence civile s'en tient à la notion de discernement pour décider si un mineur peut ou non être entendu par les juges, notamment en matière de droit de visite ou d'hébergement.
Cass.1e
civ. 18 mars 2015, pourvoi n° 14-11392 : Il résulte de
ces art. 388-1 C.civ et 338-4 C.pr.civ. que, lorsque la
demande d'audition est formée par le mineur, le refus ne peut
être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait
que la procédure ne le concerne pas...
En l'espèce... pour rejeter la demande d'audition
présentée par l'enfant, l'arrêt retient que celui-ci n'est âgé
que de neuf ans et n'est donc pas capable de discernement... En
se bornant à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en
quoi celui-ci n'était pas capable de discernement... la cour
d'appel a privé sa décision de base légale.
MINEURS (Protection des)
Cf. Abandon d'enfant*, Alcoolisme*, Corruption de mineur*, Enfant*, État civil*, Kidnapping*, Mendicité*, Mineur (délinquant)*, Personnes vulnérables*, Privation de soins ou d'aliments*, Proxénétisme*, Stupéfiants*, Traite (d'êtres humains)*, Travail (liberté du)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 439 et s., p.293 et s. (sur l'incitation de mineurs, soit à consommer de l'alcool ou de la drogue, de se livrer à des jeux d'argent, soit à fumer, soit à se livrer à la débauche)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-7, p.148
- Notion. De nos jours un être humain est considéré comme un mineur tant qu’il n’a pas atteint l’âge de la majorité légale (actuellement fixé autour de 18 ans). On parle d'enfant, lorsqu'on envisage les liens de celui-ci avec ses parents ; mais plutôt de mineur, lorsqu'on s'attache à ses rapports avec les tiers et plus généralement avec l'ensemble de la population.
Littré (Dictionnaire) : Terme de jurisprudence - qui n'a point atteint l'âge prescrit par les lois pour disposer de sa personne et de ses biens.
Marty et Raynaud (Droit civil) : Toutes les législations ne situent pas la majorité au même âge, mais elles organisent toutes une minorité, c'est-à-dire la protection de celui qui n'a pas atteint la majorité légale.
- Règle morale. Le mineur doit être protégé par le législateur, tout d'abord en raison de son inexpérience de la vie, ensuite du fait de son état de faiblesse vis-à-vis de certains individus particulièrement pervers. Cette protection doit être renforcée à l'égard des très jeunes mineurs.
Proal (Le crime et la peine) parlait d'un devoir de protection à l'égard des mineurs à la charge de la société.
Convention relative aux droits de l'enfance (New York 26
janvier 1990), préambule : Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les Nations Unies ont proclamé que l'enfance a droit à une aide et à
une assistance spéciales ;
convaincues que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et
le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l'assistance dont elle a besoin pour jouer
pleinement son rôle dans la communauté :
Reconnaissant que l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur,
d'amour et de compréhension;
Considérant qu'il importe de préparer pleinement l'enfant à avoir une vie individuelle dans la société et de l'élever dans l'esprit des idéaux
proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en partie dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d'égalité et de solidarité...
- Science criminelle. Il serait souhaitable que chaque Code pénal consacre un chapitre indépendant à la protection pénale des mineurs, afin d'assurer aux différents textes une meilleure coordination et un maximum d'efficacité. Ce n'est que rarement le cas sans doute du fait de puissants groupes de pression ; on songe ici à la traite de jeunes enfants remis à des pédophiles.
Voir : Tableau des incriminations protégeant les mineurs (selon la science criminelle)
- Droit positif français. Dans le Code pénal français on ne trouve guère que des textes épars, si l'on excepte les articles 227-18 et s. ; voir en outre les renvois ci-dessus. L'un des faits contre lesquels il convient surtout de lutter paraît être la corruption de mineurs (art.227-22 C.pén.).
Colmar. 29 mai 2012 (Gaz.Pal. 6 septembre 2012 note Lasserre-Capdeville) : Est coupable de corruption de mineur... l'adulte qui, se faisant passer pour une adolescente bisexuelle, demande à ses victimes, par Internet, de se déshabiller et de pratiquer des actes à caractère pornographique devant leur webcam.
Cass.crim. 7 septembre 2016, pourvoi n° 15-83.287 (Bull.crim. n° 234 p.519) : Le délit d’atteinte sexuelle, prévu et réprimé par les articles 227‑25 et 227‑26 du code pénal, suppose l’existence d’un contact corporel entre l’auteur et la victime.