DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Septième partie)
INSCRIPTION DE FAUX
Cf. Faux*, Minute*.
L’inscription de faux est une procédure spéciale, par laquelle une partie soutient que telle pièce de la procédure a été forgée. On parle aussi de faux incident (art. 646 et s. C.pr.pén.).
Le Poittevin (Dictionnaire des parquets) : L’inscription de faux est une procédure spéciale destinée à détruire la force probante de certains actes, notamment de procès-verbaux auxquels s’attache une autorité exceptionnelle. Elle est une voie de droit exceptionnelle, qui ne peut être prise que toutes les autres voies sont fermées.
Cass.crim. 20 avril 1977 (Bull.crim. n°122 p.302) : Les constatations faites par les juges, dans l’exercice et les limites de leurs attributions, de faits matériels accomplis par eux, revêtent le caractère de l’authenticité et ne peuvent être contredites que par la voie de l’inscription de faux.
INSÉCURITÉ
Cf. Autodéfense*, Chiffre noir*, Couvre-feu*, Délinquant (délinquance)*, États d'exception*, Légitime défense*, Polices privées*, Sécurité publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 6, p.10 (note 5) / n° 23, p.43 (note 2) / n° I-4 et s., p.130 et s. / n° I-247, p.261 (note 10) / n° II-221, p.347 / n° III-104, p.387 / n° III-117, p.409 / n° III-336, p.503
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-4, p.119 / n° I-110, p.139
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-7, p.251 / n° II-202, p.296 / n° III-101, p.425/ n° III-212, p.491 / IV-316, p.601 / V-106, p.629,/ V-601, p.645
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » (4e éd.), n° 13, p.25 / n° 326, p.177 (note 6) / n° 327, p.179 (note 1)
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »,
- n°
I-I-217, p.120 (sur insécurité sociale)
- n° II-II-123, p.476 et n°
II-II-239 p.527 (sur ses effets)
- n° II-II-242, p. 532 (sur le
devoir de l'État de lutter contre l'insécurité)
- Notion.
Lorsque la délinquance atteint un certain niveau de gravité et de fréquence, elle porte atteinte de manière générale et durable à la paix, à la sûreté et à la tranquillité publique. C’est ce qu’on exprime en
disant qu’elle crée un climat d’insécurité dans la population, un sentiment d’insécurité pour les personnes.
Vidocq rapporte que, vers 1811, l'audace des voleurs devint
telle qu'ils enlevaient jusqu'aux réverbères. De nos jours, ils
n'hésitent pas à s'emparer des fils électriques de cuivre qui
viennent d'être installés dans une maison voire une usine en
construction.
Dictionnaire Petit Robert : Insécurité - Manque de sécurité ; situation où l'on se sent menacé, exposé aux dangers. Sentiment d'insécurité, angoisse provoquée par l'éventualité d'un danger.
Exemple (Ouest-France 15 avril 2016) : Après l'incendie de plusieurs voitures à Dinan dans ces derniers jours. Le maire de Dinan veut toujours plus de gendarmes. Il précise : « J'ai toujours vanté l'excellent travail des gendarmes. Je demande seulement le renforcement des effectifs ».
Exemple personnel. Comme nous revenions d'un concert ma femme et moi, un samedi soir de l'an 2015, nous avons été stoppés à un barrage de police. Après avoir effectué son contrôle, l'agent nous a donné ce conseil : « À votre âge, vous ne devriez plus prendre le risque de sortir en ville de nuit ».
- Réalité de l'insécurité. Pour des raisons électorales, les hommes politiques en place ont longtemps nié l'accroissement du sentiment d'insécurité en France. Mais, au fil du temps, ils ont dû finir par admettre que ce sentiment ne fait que s'aggraver.
Ortolland (Comment prévenir le crime), avocat général à la Cour de cassation : Les français ne parlent que d'agressions, de violences, de vols à l'arraché, de cambriolages, de hold-up, d'attentats terroristes... en souhaitant retrouver au plus vite la sécurité et la tranquillité d'esprit. La presse écrite, la radio et la télévision se font quotidiennement l'écho de l'inquiétude, de la peur des français. L'insécurité n'est hélas pas un mythe !
Bauer et Raufer (Violences et insécurité urbaines) : Il a fallu dix ans à la sphère médiatico-politique pour cesser de concevoir l’insécurité urbaine comme un fantasme ; près de quinze pour qu’elle se persuade de la gravité de la situation, puis entreprenne d’informer et de réagir.
Agence France Presse 22 nov.2011 : Phénomène peu ou jamais abordé, le sentiment d'insécurité que près de 15,8% des Français ressentent à domicile et qui reste, tout comme en 2009, selon M. Rizk, « à son niveau le plus élevé » en 2010 par rapport à 2008 où il était de 13,3%. De même s'agissant de leur perception de la délinquance : pour 16,4%, ce problème est « préoccupant » - plus que les années passées -, presque autant que la pauvreté (19%), le chômage venant en tête (36,2%).
- Nécessité de lutter contre l'insécurité. Depuis quelque temps l'insécurité a fini par devenir une réalité quotidienne, aggravée par la multiplication des attentats terroristes. Elle a contraint les pouvoirs publics à prendre des mesures de plus en plus rigoureuses, allant jusqu'à la proclamation de l'état d'urgence.
Tarde (La criminalité comparée) : Plus l’insécurité et spécialement la criminalité augmentent dans un pays, plus il importe d’élever le niveau intellectuel des magistrats auxquels l’intérêt de la défense sociale est confié, puisque les mêmes charges contre un inculpé ne procureront pas à deux juges, l’un très intelligent, l’autre moins, le même degré de persuasion, mais bien, en général, au premier un degré supérieur et au second un degré moindre.
Code pénal d’Algérie. Art. 87. bis. : Est considéré comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de … semer l’effroi au sein de la population et créer un climat d’insécurité, en portant atteinte moralement ou physiquement aux personnes ou en mettant en danger leur vie, leur liberté ou leur sécurité, ou en portant atteinte à leurs biens.
Cass.crim. 9 juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr. crim. 143) : Pour caractériser à bon droit le délit de mise en danger délibérée d’autrui, dont ils ont déclaré le prévenu coupable, les juges du second degré relèvent qu’il circulait à motocyclette, sur une chaussée humide, à la vitesse de 156 km/h, dans une zone habitée d’une agglomération, à proximité d’un carrefour, et qu’un tel comportement, qui est habituel de sa part, a engendré un climat d’insécurité chez les habitants des communes qu’il traverse.
Dijon (Ch. mineurs), 25 novembre 1983 (Gaz.Pal. 1984 I somm. 173) : Victime d’un vol dans son appartement, cambriolé à l’aide de fausses clés, la victime a subi un préjudice moral non négligeable du fait d’un retentissement psychologique certain et d’un sentiment d’insécurité directement liés à un tel vol. Il convient d’évaluer à 2.000 F. les dommages-intérêts accordés au titre de ce préjudice moral.
INSIGNE - Voir : Faux costume*.
INSOLVABILITÉ FRAUDULEUSE
Cf. Fraude*, Mépris (des décisions de justice)*, Réparations civiles*. Rappr. Prodigalité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-137, p.483
- Notion. L'insolvabilité frauduleuse consiste, de la part de débiteurs se refusant à payer ce qu'ils doivent ou devront à autrui, à dissimuler leurs biens, ou les mettre au nom de proches, afin de se rendre insolvables et d'échapper ainsi à toute saisie.
Courteline (Les balances). La Brige résume ainsi les précautions qu’il a prises contre une saisie : Mon petit bien prudemment garé, et mon petit appartement mis au nom d’une tierce personne...
Exemple (Ouest-France 13 janvier 2012). En 1997, un chef d'entreprise avait assassiné cinq personnes, dont deux gendarmes... Il avait été condamné à perpétuité ; il devait verser 1,27 millions d'euros aux familles des victimes... De sa prison il a tout fait pour priver les parties civiles de leurs indemnités, avec l'aide de personnes extérieures... Il a réussi à dilapider une partie de ses biens et à en mettre sur le compte d'amis... Quatre personnes viennent de comparaître devant le tribunal correctionnel de Rennes, dont un notaire, sans qui la plupart des biens n'auraient jamais été vendus. Le tribunal a estimé que « il appartenait au notaire de refuser son concours, s'agissant d'opérations illicites ».
- Science criminelle. Avec la disparition progressive de la contrainte par corps, le législateur contemporain a dû réagir contre cette fraude par une incrimination spéciale : le délit d’insolvabilité frauduleuse. Ce délit, qui s’applique notamment en cas de défaut de paiement de pension alimentaire, est un délit de résultat ; il se présente par ailleurs comme un délit complexe, car il protège tout à la fois le créancier non payé et la décision de justice qui a consacré l’existence de la dette.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle, selon la science criminelle (police des contrats)
Véron (Droit pénal spécial) : Plus qu’une atteinte à des intérêts privés, cette incrimination sanctionne une atteinte à l’autorité de la justice.
Code pénal de l’Uruguay. Art. 255 : De l’insolvabilité frauduleuse. - Un débiteur civil qui, pour se soustraire au paiement de ses obligations, dissimulerait ses biens, simulerait des aliénations ou des crédits, ou se cacherait … sans laisser des biens visibles en quantité suffisante pour répondre au paiement de ses dettes, sera puni d’une peine de trois mois à trois ans de prison.
Code pénal d'Andorre. Art. 141- : Sera passible d'un emprisonnement d'un maximum de cinq ans quiconque aura organisé son insolvabilité au préjudice de tiers.
Code pénal belge. Art. 490 bis : Est puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cent francs à cinq cent mille francs, ou d'une de ces peines seulement, celui qui frauduleusement a organisé son insolvabilité et n'a pas exécuté les obligations dont il est tenu. L'organisation de son insolvabilité par le débiteur peut être déduite de toute circonstance de nature à révéler sa volonté de se rendre insolvable.
- Droit positif français. C’est l’art. 314-7 du Code pénal (art. 404-1 ancien) qui incrimine le fait d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité en dissimulant certains de ses revenus ou certains de ses biens.
Culioli (Juris-classeur pénal, art. 314-7) : L’art.
314-7 C.pén. incrimine l’organisation ou l’aggravation de l’insolvabilité en vue de soustraire le débiteur à l’exécution d’une condamnation pécuniaire
prononcée en matière pénale, délictuelle, quasi-délictuelle, d’aliments ou assimilés.
Pour être constitué le délit suppose donc : 1° Une condamnation de nature patrimoniale prononcée dans l’une des matières déterminées par la
loi ; 2° L’organisation ou l’aggravation de l’insolvabilité réalisée au moyen d’agissements définis par le texte ; Une relation matérielle
entre l’insolvabilité organisée et la décision judiciaire à exécution protégée.
Cass.crim. 5 avril 2005 (Gaz.Pal. 30 octobre 2205 note Y. Monnet) : Caractérise en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit d’organisation frauduleuse de son insolvabilité reproché au prévenu, la cour d’appel qui, pour déclarer l’intéressé coupable de ce délit, retient que celui-ci, deux mois avant l’audience d’un tribunal devant lequel il était poursuivi pour exercice illégal de la profession d’expert comptable et alors qu’il pouvait redouter d’être condamné par cette juridiction à des réparations civiles, a diminué l’actif de son capital en cédant sans contrepartie à sa compagne et au fils de celle-ci 60% du capital d’une société civile immobilière dont il était jusqu’alors l’unique détenteur.
Cass.crim. 11 décembre 1989 (Bul.crim. n° 471 p.1149) : Caractérise la complicité du délit prévu par l'art. 404-1 C.pén. la cour d'appel qui relève que la prévenue, en occultant son état de femme mariée, a aidé son mari à dissimuler ses biens et revenus en lui servant de prête-nom dans le cadre d'une société commerciale afin de permettre à celui-ci à se soustraire à diverses condamnations pécuniaires.
Aix-en-Provence 26 novembre 1997 (JCP 1998 IV 1953) : Constitue le délit d'insolvabilité frauduleuse le fait, pour une prévenue disposant d'une somme suffisante pour désintéresser son créancier, de se soustraire à une condamnation pécuniaire prononcée par une juridiction répressive en vendant son habitation et en dispersant son prix par son placement sur plusieurs comptes bancaires ouverts dans un autre département que celui de son domicile afin d'éviter le paiement.
Exemple (Ouest-France 18 novembre 2011) : Le riche meurtrier s'est rendu insolvable. L'auteur du quintuple meurtre commis à Saint-Didier, en 1997, a tout fait pour ne pas indemniser les familles de ses victimes... Aux assises, en mai 2002, il est condamné à perpétuité et doit verser 900.000 € aux victimes. Lui, qui a un immense goût pour l'argent, a organisé son insolvabilité avec le concours de personnes extérieures. Hier, quatre d'entre elles, dont un notaire, comparaissaient devant le Tribunal correctionnel de Rennes pour complicité... Ses biens immobiliers ont été vendus. Sa société, spécialisée dans la vente de carburants, a été soldée... Il donnait des chèques à des amis qui le visitaient en prison ; ceux-ci les encaissaient sur leurs propres comptes... Avec une assurance-vie, sa fortune s'élève alors à 1.270.000 € ; or pour l'instant, il n'a versé que 450.000 € aux victimes ; le Fonds d'indemnisation [c'est-à-dire le contribuable] s'est chargé de l'autre moitié.
INSOUCIANCE - Les
lexicographes se bornent en général à dire qu'est insouciant
celui qui ne se soucie pas de quelque chose, du lendemain, du
danger, du risque de nuire aux voisins ou de porter tort à des
tiers (Cf. Négligence).
La Commission de réforme du droit du Canada est allée
plus loin : elle situe l'insouciance entre l'intention
[le dol général] et l'imprudence, ce qui correspond,
approximativement en droit européen, au niveau du dol
éventuel. Elle rapproche par ailleurs l'insouciance de la
notion britannique de «
reckless » : selon elle,en
droit pénal reckless a un sens bien précis et signifie
« prendre délibérément un
risque grave et injustifiable ».
Pour ce qui est du droit français, on peut rapprocher la notion
d'insouciance d'une circonstance aggravante apparue dans
les années 2.000 : le fait de violer de manière délibérée une
obligation particulière de prudence ou de sécurité qui est
imposée par la loi ou les règlements (voir p.ex., art. 221-6 al.
2 du Code pénal).
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e
éd.), n° I-404, p.194
INSOUMISSION
Cf. Anarchisme*, Armée*, Conscience (objection de)*, Délit militaire*, Désertion*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-103, p.73 (note 5) / n° I-I-113, p.88 (note 7) / n° I-I-117, p.92
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'existence de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
L’insoumission consiste, de la part d’une personne qui a reçu de l’autorité militaire son ordre de route lui indiquant le corps qu’il doit rejoindre, à ne pas se rendre à cette destination dans le délai indiqué. Ce manquement constitue un délit militaire (art. L.321-1 du Code de la défense, 397 ancien Code de justice militaire).
Hugueney (Droit pénal militaire) : L’insoumission peut être définie : le délit commis par un individu qui, régulièrement convoqué à rejoindre son corps de troupe, ne se rend pas, dans les délais légaux, à la destination qui lui a été assignée …Est un insoumis celui qui se soustrait aux obligations militaires avant son incorporation ; est un déserteur celui qui se soustrait à ces mêmes obligations après son incorporation.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : La juridiction militaire ne commence à saisir le jeune soldat qu’au moment où il a reçu un ordre de route. Le premier délit militaire qu’il peut commettre est l’insoumission à cet ordre.
Bayet (La morale des gaulois) : Ce que nous appelons aujourd'hui l'insoumission est considéré en Gaule comme un crime et puni de mort, puisque le seul fait d'arriver le dernier à l'assemblée militaire entraîne la peine du bûcher.
Lombroso (Les palimpsestes des prisons) cite ces
vers d’une chanson publiée par « La Jeunesse anarchiste du Xe arrondissement de Paris » :
Allons, enfants des prolétaires.
On nous appelle au régiment;
On veut nous faire militaires
Pour servir le gouvernement.
Nos pères furent très dociles
À des règlements incompris,
Nous, nous serons moins imbéciles,
Les insoumis (bis).
Cass.crim. 2 octobre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 24) : Pour déclarer à bon droit le prévenu coupable d’insoumission, la Cour d’appel retient que le prévenu, bénéficiant du statut d’objecteur de conscience, a refusé de rejoindre son lieu d’affectation.