PETITS CAS PRATIQUES
et FAITS DIVERS COCASSES
( Cas n°81 à 100 )
- Tu as remarqué ? Il n'a plus touché cette tondeuse à moteur depuis mon dernier avertissement !
Tout intérêt juridique peut être protégé, y compris la tranquillité.
Mais la riposte doit être proportionnée à l'agression ... ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
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Cas n° 81 - Elle veut vendre un portable volé … à des policiers.
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Une jeune Rennaise de 17 ans n’a
pas eu de chance, mercredi soir, Place Sainte-Anne, où elle tentait de revendre un téléphone portable pour la modique somme
de 30 €. Vers 23 h., elle approche trois hommes qui circulent à pied ; elle leur propose la marchandise. Malheureusement
pour elle, il s’agit de trois policiers de la brigade anti-criminalité en civil. La jeune fille a été placée en garde à vue.
Le téléphone provient d’un vol à l’arraché, opéré dimanche dernier. Son propriétaire affirme avoir été volé par une jeune
femme, vers 21 h.30. Le jeune fille n’a pas reconnu ce vol. (Ouest-France, 13 mai 2005)
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Question : Sous quelle qualification peut-on poursuivre la jeune fille ?
Réponse : On est bien sûr tenté d’exercer les poursuites sous la qualification de
vol ; mais on se heurte ici à une difficulté de preuve : comment établir que la détentrice du portable est la
personne même qui l’a volé ? Dans une telle situation, le ministère public s’en tient habituellement à une poursuite du
chef de recel : la preuve de l’élément moral (la connaissance de l’origine irrégulière du bien) ressort des
circonstances de l’espèce et la sanction encourue (cinq ans) suffit à assurer la répression.
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Cas n° 82 - Les cheveux, le coiffeur et le collectionneur.
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Neil Armstrong, le premier homme
à avoir marché sur la lune, a le poil hérissé. Son coiffeur s’est permis de vendre une mèche de ses cheveux à un
collectionneur pour la somme de 3000 $. Il y avait des mois que John R..., qui possède déjà des mèches de Lincoln, Kennedy,
Marilyn, Napoléon … tannait le figaro par l’intermédiaire de son agent (Ouest-France, 2005).
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Question : Neil Armstrong peut-il se dire victime d’une infraction
pénale ?
Réponse : Pour répondre à cette question, il faut se placer sur le terrain des
intérêts protégés par la loi pénale. Une fois coupés avec le consentement de l’intéressé, les cheveux conservent-ils leur
caractère privé, voire sacré ?
Tout d’abord, les cheveux demeurent-ils un élément de la personne définitivement hors commerce ? Sauf pour certaines
sectes, où chacun conserve ses cheveux et ses ongles coupés pour renaître complet à la fin des temps, les cheveux perdent
leur caractère sacré du moment où ils ont été régulièrement coupés. Il y a quelques années des chinoises vendaient légalement
leurs tresses pour servir à la confection de perruques. Aucune action pénale n’est donc normalement possible sous cet angle
personnel.
Peut-on alors dire que, après la coupe, les cheveux reçoivent une affectation spéciale ? Les pièces jetées dans la
fontaine de Trevi ne deviennent-elles pas propriété de la ville de Rome, destinées à l’entretien des monuments ? Le
coiffeur devrait-il donc impérativement détruire les mèches et poils tombés sous son ciseau ? Non, faute d’indication
spéciale du client, le surplus capillaire devient une chose abandonnée dont tout venant peut se saisir. Aucune action pénale
ne peut dès lors être envisagée sous cet angle matériel.
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Cas n° 83 - Le voleur pris à son propre piège.
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Il y a 150 ans de cela, dans un
endroit isolé, couteau à la main, un individu oblige un passant à lui remettre sa bourse. Après réflexion, il se dit que le
manteau de sa victime est de bien meilleure qualité que le sien, et il la contraint à faire l’échange. Il s’enfuit aussitôt
le plus vite qu’il peut, tout content de sa présence d’esprit … mais laissant au passant le manteau dans les poches duquel se
trouvaient non seulement le portefeuille de sa victime mais encore le sien propre.
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Question : Comment analyser ces faits ?
Réponse : D'abord, la « victime ». On peut se demander si elle
commet un délit en conservant la bourse de son agresseur. Ce n’est pas un vol, puisqu’elle n’a accompli aucun acte de
soustraction. Ce n’est pas même le délit d’appropriation d’un bien perdu par autrui que connaissent certains codes étrangers,
puisque l’agresseur l’a remis par étourderie à l’actuel détenteur. Seule une action civile est ouverte, mais pour l’exercer
le malfaiteur devrait se faire connaître de la police !
Ensuite l’agresseur. En ce qui concerne le manteau, il y a indubitablement vol : ce bien a été extorqué par la force
et le malfaiteur se l’est approprié. Mais en ce qui concerne la bourse de sa victime, on peut éprouver un léger doute :
le voleur n’est-il pas reparti avec ? Il n’y en a pas moins vol puisque le malfaiteur en a dépossédé la victime et en a
pris possession le temps qu’il songe à voler aussi le manteau. Peu importe qu’à la suite des faits le voleur se soit
définitivement approprié le bien dérobé, l’ait détruit, l’ait remis à un tiers, ou l’ait restitué à la victime.
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Cas n° 84 - Homicide par un somnambule.
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Il y a plusieurs années, devant
les tribunaux de Naples, se présenta le fait suivant : Un mari rêve, durant la nuit, qu’il surprend sa femme en flagrant
délit d’adultère ; saisissant une arme placée près du lit, toujours dans son rêve, il tue sa femme tranquillement
endormie à ses côtés. (Cité par Ortolan, de ses « Éléments de droit pénal »)
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Question : A supposer les faits établis, y a-t-il meurtre ?
Réponse : Le crime de meurtre s’analyse en un crime subjectif qui suppose, à la
fois, la conscience d’accomplir un acte homicide et l’intention de causer la mort. En cas de somnambulisme, l’auteur de
l’acte dommageable n’a pas conscience d’agir, puisque sa volonté n’est pas éclairée et libre ; on ne saurait donc lui
reprocher un pur délit pénal. Mais, s’il était régulièrement sujet à ce tels troubles mentaux, il se devait de prendre des
précautions et de ne pas laisser des objets dangereux à portée de sa main ; alors on pourrait lui reprocher le délit
civil d’homicide par négligence.
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Cas n° 85 - Une peine bien difficile à purger.
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L’ancien responsable du Ku Klux
Klan , E. R... K..., 80 ans, a été reconnu coupable du meurtre de trois jeunes militants des droits civiques en 1964. Il a
été condamné à 60 ans de prison par le tribunal de Philadelphie. (Ouest-France 24 juin 2005)
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Question : N’est-il pas absurde de condamner un homme de 80 ans à purger une peine
de 60 ans ?
Réponse : C’est ce que pensent les disciples de Voltaire, entravés par un
raisonnement purement formel. Au regard de la science criminelle, en revanche, il n’est nullement ridicule de prononcer une
telle peine.
- D’abord, il est bon que le juge prononce la peine légalement encourue, afin que nul n’ignore la sanction attachée aux
faits reprochés.
- Ensuite il est souhaitable que la juste peine soit effectivement infligée, afin d’éviter qu’elle ne soit
éventuellement absorbée par une peine prononcée pour un autre crime découvert après coup et entrant en concours réel.
- Enfin, il faut tenir compte d’éventuelles remises de peines pour bonne conduite, et de réductions de peines octroyées
par les pouvoirs publics. Elles ne doivent pas emporter le même effet pour un petit escroc et pour un criminel.
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Cas n° 86 - Un tueur à gages négligent.
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E. K... voulait faire disparaître
la femme de son amant. Plutôt que de passer à l’acte elle-même, elle engagea un tueur à gages sur Internet et lui versa
111.000 € pour occire la légitime. Sept mois plus tard, le tueur n’avait toujours pas honoré son contrat. Lassée
d’attendre en vain, et ne doutant de rien, la femme est allée au commissariat porter plainte pour escroquerie. Bien sûr, elle
a été envoyée en prison. La police a aussi arrêté son « employé » pour déterminer s’il s’agit d’un véritable escroc
ou d’un tueur inefficace. (Ouest-France 16 septembre 2005)
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Question : Que pensez-vous des mesures prises par la police ?
Réponse : 1° Quant à la femme, aucun doute au regard de la science criminelle. En
embauchant un homme qu’elle prenait pour un tueur à gages, elle s’est rendue coupable du délit d’instigation à un meurtre non
suivie d’effet. Si l’homicide avait été perpétré, elle aurait dû être poursuivie pour complicité d’assassinat par instigation
(mieux encore, comme auteur principal).
2°Quant à l’internaute, la police a raison d’hésiter. Comme il ne semble avoir commis aucun commencement d’exécution, on ne
peut lui reprocher une tentative de meurtre. Il ne reste alors plus qu’à s’interroger sur le « contrat »
conclu ; pour pouvoir le lui reprocher au titre de l’escroquerie, il faudrait qu’il ait accompli soit une manœuvre
frauduleuse, soit une publicité mensongère … c’est dans cette direction que l’enquête devrait se poursuivre. Si des
poursuites étaient engagées, la commanditaire ne pourrait se constituer partie civile car elle se heurterait à
l’adage : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
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Cas n° 87 - Un coffre-fort de poids.
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Après avoir dérobé un coffre-fort
dans une maison de Guilliers (56), trois hommes ont dû l’abandonner deux km plus loin. L’essieu de la remorque – attelé à une
voiture également volée – n’a en effet pas supporté le poids du butin. Les voleurs ont ensuite traversé le Morbihan jusqu’à
Languidic où ils ont incendié la voiture. (Le Télégamme 1er octobre 2005)
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Question : 1° Sous quelle qualification convient-il de poursuivre les actes
concernant le coffre-fort ?
2° La peine encourue est-elle aggravée par le fait que la voiture utilisée pour commettre le coup était une voiture
volée ?
Réponse : 1° Au départ nous avons affaire à un vol commis en réunion et avec
violation de domicile : il s’agit donc d’un vol qualifié. Les agissements matériels caractérisant l’infraction légale
ont été achevés dès l’instant où il y a eu dépossession du véritable propriétaire, donc du moment où le coffre-fort a été
chargé sur la remorque. Les événements postérieurs ne sauraient en rien modifier la qualification.
2° Par ailleurs, entre le vol de la voiture utilisée et le vol du coffre-fort, il n’y a pas eu de jugement de condamnation
définitif pour la première infraction. On ne saurait donc parler de récidive légale, élevant le niveau de la peine encourue,
il n’y a que réitération judiciaire pouvant inciter les juges à se montrer particulièrement sévères.
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Cas n° 88 - A malade violent, infirmier énergique.
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Un marin apparemment ivre et qui
se montrait violent alors qu’il était traité dans une clinique militaire, a été immobilisé de manière quelque peu
abusive : un infirmier a cousu ses oreilles au matelas de son lit-civière. Il semble que le fait soit vérifié, mais
aussi que les lésions subies par le marin ne sont pas graves. (Le Soir, 5 mai 1980)
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Question : Comment apprécier ces faits ?
Réponse : Dans le premier temps de l’analyse, on ne peut mettre en doute que
l’infirmier a commis un délit de coups et blessures sur son patient. Reste à savoir, dans un deuxième temps, si ce délit
était justifié par une nécessité médicale ; comme dans le cas où un chirurgien incise le ventre d’un malade pour
résorber une hernie. En matière de fait justificatif, tout est question de mesure dans le cas d’espèce : présentement on
peut penser que l’infirmier aurait pu trouver un moyen moins brutal, et qu’il tombe donc sous le coup de la loi pénale.
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Cas n° 89 - Bras de fer … ou presque.
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Raymond, âgé de 49 ans, habitant
Seraing, jouait au « bras de fer » dans un café, boulevard Solvay à Liège : un bras fracturé, il est à
l’hôpital. (La Meuse 26 septembre 1977)
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Question : Cette scène relève-t-elle du droit criminel ?
Réponse : A priori non. Si cette épreuve de force a été librement consentie par
les parties et si les règles en usage ont été respectées, notamment s’il n’y a pas eu trouble à l’ordre public résultant
d’actes de brutalité, cet accident relève tout au plus de la responsabilité civile.
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Cas n° 90 - Coup de froid intempestif.
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Une vieille dame s’est évanouie
dans un supermarché londonien. Le directeur de l’établissement lui a ôté son chapeau. Sous ce chapeau se trouvait un poulet
congelé avec l’étiquette du magasin. Diagnostic du médecin appelé sur les lieux : évanouissement dû à une hypothermie.
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Question : Cette cliente peut-elle être poursuivie du chef de vol ?
Réponse : Si elle avait déjà franchi la caisse et payé la facture, il y a vol.
Dans le cas contraire il faut distinguer : ou bien l’intéressée s’approchait des caisses, était entrée dans la phase
d’exécution, et peut être poursuivie du chef de tentative de vol puisque son entreprise a échoué pour une cause qui lui était
étrangère ; ou bien elle se trouvait toujours dans les rayons, peut prétendre qu’elle n’était pas encore décidé, et doit
être relaxée dès lors que les simples actes préparatoires ne tombent pas sous le coup de la loi pénale.
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Cas n° 91 - Nue comme au jour de sa naissance.
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Une jeune fille de 25 ans s’est
complètement dévêtue lors des cérémonies religieuses commémorant la Pâque orthodoxe à Athènes. « Je dois me présenter
devant le Christ comme au jour de ma naissance », s’est-elle écriée devant une foule médusée. Recouverte d’un manteau
par des policiers, le jeune fille a été emmenée au commissariat.
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Question : Que devrait décider le juge ?
Réponse : D'abord la qualification des faits : s’exhiber nue dans une Église,
au cours d’une cérémonie religieuse, trouble assurément le déroulement de l’office et constitue par suite un délit pénal dans
un système juridique, comme le nôtre, qui assure la liberté et la tranquillité des cultes. Mais la jeune fille semble avoir
agi par une interprétation toute personnelle et excessive de sa foi ; dans le contexte où elle a agi elle paraît relever
de soins dispensés en commun par un pope et par un psychiatre : non-lieu pour démence temporaire au moment des
faits.
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Cas n° 92 - Un mannequin sur la chaussée.
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Un mannequin déposé au milieu de
la route, la nuit, par un groupe de jeunes gens, a provoqué un accident de la route au cours duquel un automobiliste a été
grièvement blessé. Ce dernier, apercevant dans ses phares une forme humaine allongée sur la route, a fait un écart ;
déséquilibré, son véhicule a basculé dans le fossé. Les cinq jeunes gens auteurs de cette mauvaise farce ont été identifiés.
Les jours de la victime ne sont plus en danger. (La Meuse 1er septembre 1978)
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Question : Sous quelle qualification les poursuites devraient-elle
engagées ?
Réponse : Il convient tout d’abord d’observer que le mobile qui a guidé les jeunes
gens ne relève pas des faits matériels, et ne saurait donc influer sur la qualification. Qu’il s’agisse d’une plaisanterie
stupide ayant mal tourné pourra seulement conduire les juges à ne pas se montrer trop sévères.
Quant aux faits, ils ne peuvent recevoir qu’une qualification : celle de violences volontaires ayant entraîné des
blessures graves. Quoique les mauvais plaisants n’aient pas eu l’intention de les causer, une condamnation pénale
s’impose.
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Cas n° 93 - Machisme et esthétique.
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Le quotidien de Munich
« Suddeutsche Zeitung » s’est amusé en 1979 à recenser, dans la législation des Etats-Unis, quelques cocasseries …
« À Owensburg (Kentucky), il n’est permis aux femmes d’acheter un chapeau que dans le cas où leur mari a préalablement
approuvé leur choix ».
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Question : Quelle attitude un juge pénal européen devrait-il adopter face à un tel
arrêté municipal ?
Réponse : Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un juge d’annuler
une disposition prise par les représentants du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif ; mais le principe de la
hiérarchie des normes l’autorise à refuser d’appliquer un texte violant une norme qui lui est supérieure. En l’espèce, le
chapelier pourrait victorieusement soulever l’exception d’illégalité d’un arrêté qui porte atteinte à la liberté individuelle
des femmes.
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Cas n° 94 - Je l’aimais trop pour la tuer.
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« Je suis très amoureux de
ma femme. Je n’ai pas pu me faire à l’idée qu’elle me trompait. J’ai essayé de l’étrangler, c’est vrai, mais lorsque j’ai
senti qu’elle faiblissait sous mes doigts j’ai relâché mon étreinte ». Ce sont les premières paroles prononcées par W.G.
lorsque les gendarmes sont venus l’arrêter.
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Question : Sous quelle qualification peut-il être poursuivi ?
Réponse : A priori, on pourrait penser à une poursuite pour tentative de meurtre.
Mais, semble-t-il, le mari jaloux s’est volontairement et spontanément désisté de son entreprise criminelle. Il faut donc
renoncer à une poursuite criminelle.
Cependant, le désistement volontaire n’efface pas les actes déjà accomplis. Aussi les juges peuvent-ils, dans un cas
semblable, prononcer une condamnation pour coups et blessures volontaires (simples ou aggravés selon les suites de
l’agression).
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Cas n° 95 - L’essayer, c’est l’adopter.
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Oh ! Voilà ma femme !
Je vais lui montrer le manteau. J’espère qu’il lui plaira. Je reviens de suite ». Vêtu du manteau en mouton qu’il était
en train d’essayer, le « client » est sorti du magasin … mais il n’est pas revenu. (La Meuse, 11 janvier
1979)
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Question : Quelle qualification doit recevoir cet escamotage ?
Réponse : Abus de confiance ? Non : en l’espèce aucun contrat n’a été
conclu entre le client et le commerçant. Or le délit d’abus de confiance suppose, en condition préalable, que le bien en
cause a été remis par son propriétaire à un cocontractant sous condition de restitution ultérieure.
Escroquerie ? Non : dans le cas présent il n’existe aucune manœuvre frauduleuse. Or le propre de l’escroquerie
consiste en une machination visant à tromper une dupe et à l’inciter à remettre spontanément la chose à celui qui la
convoite.
Vol ? Oui. En effet, lorsqu’un marchand fait essayer un manteau à un éventuel client il ne s’en dessaisit pas. Puisque
le commerçant demeure possesseur de cet article, si le client l’emporte il commet sciemment un acte de dépossession, donc un
vol.
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Cas n° 96 - Les oies, le cygne et le chasseur.
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Grande chasse en France. Un comte
a tiré dans un vol d’oies sauvages. C’est un cygne blanc qui est tombé ; or le cygne blanc est un animal protégé. Devant
le tribunal, le comte s’est défendu : « Comment voulez-vous que j’aperçoive un cygne dans un vol d’oies
sauvages ? J’ai tiré pour abattre une oie, non pour abattre un cygne ».
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Question : Le tribunal devait-il accepter cette défense ?
Réponse : Non. L’infraction de tir sur un animal protégé relève des incriminations
de police. Elle suppose pour tout élément moral que l’acte reproché a été commis par un être humain agissant avec un esprit
sain et libre. Or le comte ne niait pas jouir de toutes ses facultés mentales. L’erreur de fait ne saurait ici être prise en
considération sans ruiner l’incrimination.
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Cas n° 97 - Un amant maladroit … et imprudent.
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L’amant avait trafiqué le système
de freinage de la voiture du mari ; l’intéressé s’en est aperçu. L’amant a alors trafiqué la direction de la voiture du
mari ; l’intéressé s’en est aperçu au premier coup d’œil. L’amant a enfin piégé la voiture du mari ; sur ses
gardes, celui-ci a tout de suite repéré l’engin. Mais l’amant, lui, n’était pas sur ses gardes : le premier sabotage
effectué par le mari a réussi. Amant et femme volage à l’hôpital. Mari en prison. (La Meuse 12 mai 1975)
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Question : Comme on ignore si la femme adultère était au courant des agissements de
son amant, il n’y a lieu de s’interroger que sur le cas de l’amant, puis sur celui du mari.
Réponse : Pour ce qui est de l’amant, ses trois tentatives de sabotage invitent à
penser qu’il ne cherchait pas à provoquer un banal accident, mais entendait causer mort d’un mari gênant. Le ministère public
pourrait donc demander à la juridiction d’instruction son renvoi devant la cour d’assises pour une triple tentative
d’assassinat.
En ce qui concerne le mari, on doit d’abord observer qu’il ne saurait prétendre s’être trouvé en état de légitime
défense : le temps ne lui faisait pas défaut pour demander la protection de la police. Comme le droit de vengeance a été
abrogé, il peut se voir reprocher le délit de coups et blessures volontaires ayant entraîné des blessures graves.
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Cas n° 98 - Coupes de cheveux très discrètes, dans le noir.
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La police de Parid City (Dakota
du Sud) a arrêté un homme de 23 ans qu’elle accuse de s’asseoir dans un théâtre ou un cinéma, derrière une femme, et de lui
couper une partie de ses cheveux sans qu’elle le souhaite ni qu’elle s’en rende compte. En perquisitionnant à son domicile,
le enquêteurs ont trouvé six boîtes contenant un assortiment de cheveux humains. (Le Soir 17 janvier 1979)
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Question : Quelle infraction commet cet individu ?
Réponse : Commençons par préciser que, tant qu’ils sont en place, les cheveux sont
considérés comme partie du corps humain (même si, après qu’ils aient été régulièrement coupés, ils peuvent devenir objet de
négoce). Le fait de les couper sans l’accord de la personne intéressée constitue donc une atteinte à son intégrité
physique ; selon le degré de gravité des faits on parlera, tantôt de voie de fait, tantôt de violences légères.
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Cas n° 99 - Opération chirurgicale, ou bancaire ?
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Cela semble incroyable, mais
selon une très sérieuse enquête faite en Amérique, il y a eu, l’année dernière, 2.4 millions d’opérations inutiles (qui ont
causé 12.000 morts), parce que des chirurgiens voulaient arrondir leur fin de mois. (La Meuse 28 janvier 1976)
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Question : À supposer l’information exacte – mais ne le serait-elle que
partiellement, l’analyse resterait la même – , que peut-on reprocher au chirurgien qui perd son patient lors d’une
intervention inutile ?
Réponse : Il convient de partir du fait que, lorsqu’un chirurgien tranche dans les
chairs de son patient, il commet un acte qui relève de la notion de blessures. Comme il n’agit pas distraitement, cet acte
doit être qualifié de volontaire. Nous sommes donc en présence de coups et blessures volontaires.
Puisqu’en l’espèce l’intervention chirurgicale n’est pas légitimée par l’état de santé du patient, le fait justificatif de
nécessité médicale ne peut être invoqué par le praticien.
Reste à préciser la qualification. Lorsque l’opération a pour issue la mort du sujet, nous nous trouvons en présence d’un
crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la causer.
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Cas n° 100 - Auto … défense.
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Invention d’un bricoleur
viennois : un dispositif antivol pour voiture. Lorsque le méchant entre dans l’auto, une paire de « menottes »
lui encercle automatiquement les jambes. (La Meuse 28 avril 1976)
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Question : Un voleur piégé pourrait-il utilement porter plainte ?
Réponse : Il est certain que le fait d’immobiliser une personne, à l’aide
d’entraves, porte atteinte à sa liberté physique, et tombe dès lors sous le coup des textes protégeant cette liberté
fondamentale.
Mais ce délit est présentement commis pour assurer la défense d’un bien : une automobile. La question qui va se poser
au juge est en conséquence de savoir si cet acte de défense est proportionné à la gravité de l’atteinte en cours. En l’espèce
la balance nous semble positive ; d’autant que la loi autorise tout citoyen à immobiliser un malfaiteur surpris en
flagrant délit jusqu’à l’arrivée des autorités publiques.
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