DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Sixième partie)
CHAÎNE
Cf. Fers*, Forçat*, Menottes*, Peines corporelles*, Prison*.
Composée d'anneaux métalliques entrelacés, une chaîne servait autrefois, soit à attacher le prisonnier au mur de sa cellule, soit à relier entre eux des condamnés que l'on conduisait d'une prison à une autre.
Lois de Manou. L'art. 210 parle d'un homme privé de sa liberté, d'un homme chargé de chaînes.
Code ancien du Cambodge (Trad. Leclère) : Art. 101 : La loi défend aux agents d'avoir dans leur maison des entraves, des cangues, des chaînes de fer, des liens de rotin destinés soit aux accusés, soit aux condamnés. Ces objets ne doivent se trouver qu'à la salle du tribunal royal, et l'huissier du tribunal doit seul en avoir la garde. Quel que soit le jour, quelle que soit l'heure auxquels on a décidé de mettre un individu soit à la cangue, soit aux entraves, soit d'infliger la peine du rotin, on doit s'adresser à l'huissier du tribunal, conformément à la loi. Il doit y avoir dans la prison une centaine d'entraves et autant de chaînes à mettre au cou et aux pieds des coupables.
Vidocq (Mémoires) : Les condamnés allaient être immédiatement dirigés sur Bicêtre, et réunis à la chaîne générale partant pour le bagne de Brest.
En dehors des cas de nécessité, le port des chaînes constitue l'une de ces peines corporelles que rejette le droit contemporain.
Digeste (48, 19, 35) : Calistrate au livre des Questions. Les règlements des princes, qui sont remis aux gouverneurs, défendent de condamner à des chaînes perpétuelles ; c'est aussi l'objet d'un rescrit d'Adrien.
Bluntschli (Droit public général, 1881) : Certaines peines, comme la mort, les travaux forcés, les chaînes et la réclusion, la déportation, ne s'appliquent généralement qu'aux crimes et ne peuvent être prononcées que par la cour d'assises.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Il faut réprouver toutes les peines de fouets, les chaînes mises aux criminels, dont des lois récentes (en Autriche) commencent enfin à les libérer.
Le Code de procédure pénale français autorise de mettre des entraves à un prévenu ou à un condamné lors d'un déplacement, quand il peut être considéré, soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite (art. 803, D.283-4, D.294).
CHAMBRE CRIMINELLE - Voir : Cour de cassation*, Tournelle*.
CHAMBRE D’ACCUSATION - Anciennement nommée « Chambre des mises en accusation », elle est devenue : la Chambre de l’instruction*.
CHAMBRE DE DÉGRISEMENT
Cf. Conduite automobile*, État d'ébriété*, Garde à vue*, Ivresse publique*, Mesure de sûreté*, Rétention de sûreté*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-308, p.233
La chambre (ou cellule) de dégrisement est un local, situé dans les dépendances des services de police ou de gendarmerie, où sont placées les personnes trouvées en état d'ébriété sur la voie publique (art. L. 3341-1 C.sant.publ. modifié par une loi du 14 avril 2011). Un tel placement relève de la police administrative préventive, plutôt que de la police judiciaire ; c'est pourquoi il n'est pas soumis au régime de la garde à vue.
Cass.crim. 9 septembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. p.8) : B..., découvert sur la voie publique à 14 h. 45 en complet état d'ivresse, a été aussitôt placé en chambre de dégrisement ... Les individus retenus en chambre de sûreté en application de l'art. L. 76 C. déb. boissons ne disposent pas des droits accordés par les art. 63 et s. C.pr.pén. aux personnes placées en garde à vue.
Cons.Const.
8 juin 2012, n° 2012-253 (Gaz.Pal. 15 juillet 2012 note Detraz) :
L'art. L.3341-1 C.sant.publ. qui autorise le placement d'une
personne en cellule de dégrisement ne méconnaît pas l'exigence
selon laquelle toute privation de liberté doit être nécessaire,
adaptée et proportionnée aux objectifs de préservation de
l'ordre public et de protection de la santé qu'elles
poursuivent. Eu égard à la brièveté de cette privation de
liberté organisée à des fins de police administrative par les
dispositions contestées, l'absence d'intervention de l'autorité
judiciaire ne méconnaît pas les exigences de l'article 66 de la
Constitution.
Toutefois, lorsque la personne est placée en garde à vue après
avoir fait l'objet d'une mesure de privation de liberté en
application du 1er al. de l'art. L.3341-1 C.sant.publ.,
la protection constitutionnelle de la liberté individuelle par
l'autorité judiciaire exige que la durée du placement en chambre
de sûreté, qui doit être consignée dans tous les cas par les
agents de la police ou de la gendarmerie nationales, soit prise
en compte dans la durée de la garde à vue.
Cass.crim. 8 janvier 2013 n° 12-80465 (Gaz.Pal. 19 février 2013 note Detraz) sommaire : La juridiction de proximité saisie de poursuites engagées du chef d'ivresse publique ne peut accueillir une exception de nullité prise de la durée excessive d'un placement en chambre de dégrisement, mais peut ordonner, pour assurer le respect des droits de la défense, la jonction à la procédure du certificat médical établi préalablement à la rétention.
Exemple (Le Figaro, 30 novembre 2012) : L'acteur G. D. a été placé en garde à vue jeudi pour se dessoûler après une chute à scooter à Paris ( XVIIe ), alors qu'il conduisait en état d'ébriété. Le comédien ne souffre d'aucune blessure et a été libéré dans la soirée.
CHAMBRE DE L’INSTRUCTION
Cf. Cour d'appel*, Extradition*, Instruction*, Supplément d'information*.
Voir : Exemple d’arrêt de la Chambre de l’instruction.
La Chambre de l’instruction est la juridiction du second degré qui est chargée de veiller à ce que l’instruction préparatoire se déroule conformément aux
principes généraux du droit et aux règles fixées par le Code de procédure pénale. Voir : Instruction*.
- Le Code d’instruction criminelle de 1808 avait institué en ce sens une Chambre des mises en accusation (dite parfois« Chambre des
mises ») ; le Code de procédure pénale avait parlé d’une Chambre d’accusation. C’est une loi du 15 juin 2000 qui, sans modifier
fondamentalement son rôle, lui a donné le nom de Chambre de l’instruction.
- Cette formation de la cour d’appel est également est appelé à donné l’avis du pouvoir judiciaire sur la légalité d’une demande
d’Extradition*.
Cass.crim. 30 octobre 2007 (Bull.crim. n° 259 p.1066) : Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties.
L'art. 575 du Code de procédure pénale disposait : La partie civile ne peut se pourvoir en cassation contre les arrêts de la Chambre de l'instruction que s'il y a pourvoi du ministère public. Il plaçait ainsi la plaignante en position d'infériorité. Le Conseil constitutionnel l'a, à juste titre, déclaré contraire à la Constitution ; ce qui emporte abrogation.
Cons.Const. 23 juillet 2010 (Gaz.Pal. 12 août 2010) : En privant ainsi une partie de l'exercice des droits qui lui sont garantis par le Code de procédure pénale devant la juridiction d'instruction, cette disposition apporte une restriction injustifiée à ses droits.
CHAMBRE DE SÛRETÉ - Voir : Violon*.
CHANGEMENT DE DOMICILE - Sur
le défaut de notification de changement de domicile par la
personne titulaire du droit de garde, voir : Non-représentation
d'enfant*.
Voir
plus spécialement :
J-P. Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 519 1°, p.344
CHANCELLERIE (Chancelier)
Cf. Extradition*, Grâce*, Pourvoi en
cassation*.
Cf. L'Hospital (Michel de)*.
Voir : Pourvoi en cassation formé d'ordre du Garde des Sceaux
On donne traditionnellement à l’Administration centrale du Ministère de la Justice le nom de Chancellerie.
De
Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Chancelier est le
premier officier de la Couronne en ce qui regarde la Justice,
qui a chez lui les marques de la Majesté Royale.
Il est le Chef de la Justice et des Conseils du Roi ; c'est lui
qui y préside. Il est la bouche du Roi et sont interprète. Ainsi
c'est lui qui expose les volontés de Sa Majesté et qui prononce
les arrêts au nom du Roi, lorsque Sa Majesté tient son Lit de
Justice au Palais.
Il est ordinairement garde et dépositaire des Sceaux de la
grande Chancellerie, où l'image du Roi est représentée comme
assise en son trône et tenant le sceptre à la main.
Garnot (Histoire de la justice) : Sous l'Ancien régime le chancelier seconde et souvent remplace le roi dans l'exercice de ses responsabilités judiciaires. Premier officier de la couronne, choisi par le roi à vie (en cas de disgrâce, il garde son titre, mis perd ses responsabilités, qui sont alors exercées par un garde des Sceaux, il est le responsable de la discipline des tribunaux, qu'il peut tous présider ès qualité. Il est à même de leur donner l'interprétation de la loi par des déclarations ou par de simples lettres missives.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : L'ordonnance de janvier 1629 a été surnommée Code Marillac ou Code Michaux, du nom de son auteur, Michel Marillac, garde des sceaux.
De nos jours, sous les ordre du ministre de la Justice, également Garde des Sceaux, la Chancellerie a son siège à Paris, place Vendôme. L’une de ses cinq directions nous intéresse particulièrement : il s'agit de la Direction des affaires criminelles et des grâces.
Art. 30 C.pr.pén.
(loi du 25 juillet 2013) : Le ministre de la justice conduit
la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à
la cohérence de son application sur le territoire de la
République.
À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des
instructions générales.
Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires
individuelles.
Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la
politique pénale déterminée par le Gouvernement, précisant les
conditions de mise en œuvre de cette politique et des
instructions générales adressées en application du deuxième
alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner
lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Perrot (Institutions judiciaires) : Il ne faut pas se méprendre sur le rôle exact du Ministre de la Justice, Garde des sceaux. Il n’exerce, en effet, aucune fonction juridictionnelle. Il n’est pas un juge : il ne préside sauf rares exceptions aucune juridiction et ne peut prendre aucune initiative de nature juridictionnelle. La règle contraire constituerait d’ailleurs une violation flagrante du principe de la séparation des pouvoirs. En réalité le Garde des sceaux n’est qu’un administrateur.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel - T.I), à propos du recours en grâce : Le dossier est examiné par la Direction des Affaires criminelles et des grâces.
Cass.crim. 18 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 151) : L’Assemblée générale du Tribunal de grande instance de Nice … après avoir évoqué les affaires complaisamment relatées dans la presse, a déploré l’inaction de la Chancellerie face à cette campagne de calomnie.
Cass.crim. 18 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 151) : Le 25 avril 1996, les magistrats du siège et du parquet du TGI de Nice, réunis en assemblée générale, ont adopté et adressé au Garde des Sceaux la motion suivante : "Depuis environ deux ans les magistrats de Nice font l'objet d'allégations gravement attentatoires à leur honneur. Face à cette campagne de calomnies sans précédent ils sont restés sereins continuant à assumer leur mission avec dignité. Réunis en assemblée générale le 25 avril 1996 ils demandent fermement et solennellement à Monsieur le Garde des Sceaux de mettre un terme à cette situation intolérable et d'engager toute poursuite pénale qui s'impose".
CHANTAGE
Cf. Chantage sexuel*, Délits pénaux (Délit composé)*, Extorsion*, Maître-chanteur*, Patrimoine*, Sycophante*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-226, p.234 / n° I-250, p.266 / n° III-244, p.460
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-313, p.76 (note 1) / n° I-II-I-209, p.172 / n° I-II-I-311, p.192 (note 1)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° V-301, p.638 / et Table alphabétique, p.675
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 6 1°, p.10
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-218, p.121
Voir : Garçon, Le chantage
- Notion. Le chantage consiste dans le fait d’extorquer de l’argent à une personne, par la menace de révéler un fait réel ou imaginaire entachant son honorabilité. Pour toute autre menace, on parle simplement d'un délit d'extorsion.
Littré (Dictionnaire) : Action de faire chanter quelqu'un, c'est-à-dire de lui extorquer de l'argent en le menaçant de révéler quelque chose de scandaleux, ou de le diffamer.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le chantage consiste dans la menace de révélations ou d'imputations diffamatoires pour obtenir, soit l'apposition d'une signature, soit la remise d'un titre ou de fonds.
Cass.crim. 28 janvier 2015, pourvoi n° 14-81610 : La révélation de la liaison d'une femme avec un homme marié aurait été de nature à porter atteinte à la considération de ce dernier.
Exemple (Ouest-France 10 juin 2016) : Ils s'étaient rencontrés dans une grande surface malouine. Et revus plusieurs fois avant de devenir amants... L'épouse infidèle a déchanté quand elle a trouvé une « facture » sur son pare-brise, lui réclamant 1.200 €. Le séducteur la menaçait d'informer son mari et sa famille, preuve à l'appui, avec un enregistrement sonore clandestin de leurs ébats... Le Tribunal correctionnel lui a a infligé six mois de prison avec sursis et 600 € d'amende. [la peine de prison avec sursis étant fictive, pourquoi pas 1.200 € d'amende ferme ?]
- Règle morale. Particulièrement odieux, le chantage fait l'objet d'une ferme condamnation de la part des philosophes comme des juristes.
Garçon (Code pénal annoté, art. 400 al.2) : Le chantage est une des formes les plus lâches et les plus viles de l’activité criminelle.
Tarde (La criminalité comparée) : La grande industrie criminelle est rare en Europe, car nos conditions sociales ne sont pas favorables habituellement à ce genre de grands magasins, à moins qu’on ne range dans cette catégorie certaines agences véreuses de chantage.
Proal (Le crime et la peine) : Depuis quelques années, l'escroquerie prend une forme particulièrement repoussante, le chantage par la voie de la presse. Dans les grandes villes, il s'est créé des journaux qui ne sont en réalité que des entreprises d'escroquerie par le chantage. Des négociants, des prêtres, des femmes mariées sont invités par des manoeuvres savantes à verser une somme d'argent importante sous forme d'abonnements multiples s'ils ne veulent pas s'exposer à des attaques ou à des allusions perfides. Pendant dix ans, un journal de ce genre a exercé à Lyon une véritable terreur. Qu'on ne suppose pas que toutes les victimes de ce chantage odieux avaient quelque chose à se reprocher, du moment qu'elles consentaient à acheter le silence du journaliste. Pour éviter les ennuis d'un procès et avoir la tranquillité, les personnes d'un caractère faible aiment mieux faire un sacrifice pécuniaire. Mauvais calcul, car l'escroc encouragé par le succès recommence ses tentatives de chantage.
- Science criminelle. Cette infraction met en jeu trois intérêts protégés par la loi pénale : la liberté (du fait de la menace), l'honneur et la réputation (du fait de la menace de révélation d'un acte infamant, vrai ou faux), la propriété (par l'exigence d'une somme d'argent). Elle entre dès lors dans la catégorie des Délits composés*. Elle apparaît en outre comme un délit formel* constitué par le simple fait de la menace, indépendamment du point de savoir si le dommage patrimonial s'est ou non produit.
Von Liszt (Traité du droit pénal allemand) : L'extorsion est un dommage patrimonial causé dans un dessein d'enrichissement, et produit par une contrainte illicite. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait survenance effective du dommage patrimonial.
Code pénal du Luxembourg. Art. 470 al.2 : Quiconque, à l’aide de la menace écrite ou verbale de révélations ou d’imputations calomnieuses ou diffamatoires, aura extorqué, soit la remise de fonds, valeurs ou objets mobiliers, soit la signature ou la remise des écrits énumérés ci-dessus, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500 euros à 30.000 euros.
Code pénal d'Andorre. Art. 236 : Seront coupables
du délit de chantage et punis d'un emprisonnement d'une durée maximale de cinq ans :
1- Ceux qui avec un esprit de lucre ou dans un autre but, sous la menace directe ou voilée de révéler un renseignement réservé ou secret qui affecte
l'honneur, le prestige ou la fortune de la personne menacée ou de sa famille, auront exigé le paiement de sommes d'argent ou la réalisation ou la non
réalisation d'un acte déterminé contre la volonté de la victime.
2- Ceux qui, dans le même but et avec les mêmes exigences, auront menacé de commencer ou de continuer à diffamer la victime ou sa famille.
Commission
de réforme du droit du Canada (Document n° 12, 1979) :
Commet un chantage quiconque, dans
l'intention d'obtenir de l'argent, un bien ou un avantage
économique quelconque, menace une personne d'une atteinte à la
personne, à un bien ou à la réputation.
Exception : la menace d'engager des poursuites civiles ne
constitue pas une menace aux fins du présent article.
Cass.crim. 13 mars1990 (Bull.crim. n°116 p.299) : Commet le délit de chantage celui qui, pour obtenir une transaction, menace de dénoncer une infraction fiscale, laquelle, par sa nature, est étrangère à un litige entre particuliers.
Le chantage doit être très sévèrement réprimé, non seulement en raison de son caractère perfide, mais aussi parce qu'il peut avoir des conséquences extrêmement graves.
Exemple (Ouest-France 21 décembre 2012) : En se connectant sur un site de tchat, un jeune Brestois de 20 ans est entré en contact avec une jeune femme sur internet. Au cours d'un échange devenu coquin, il s'est déshabillé ; la scène a été enregistrée sur vidéo par son interlocutrice. Quelques jours plus tard, il a reçu un message lui intimant de verser 500 € sur un compte en Côte d'Ivoire... Cet automne, un autre jeune Brestois, confronté à un chantage identique, avait malheureusement décidé de mettre fin à ses jours.
- Droit positif. Le chantage est incriminé en droit français par les articles 312-10 et s. C.pén. (ancien art. 400 al.2).
Vitu (Droit pénal spécial) : L’élément caractéristique du chantage se dédouble en deux composantes : le fait de la menace et le contenu de celle-ci. La menace résulte de tout acte de nature à exercer, sur la volonté de la victime, une contrainte suffisante pour l’amener au sacrifice exigé … La menace doit avoir pour contenu des révélations ou des imputations diffamatoires.
Cass.crim. 22 juin 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 675) : Pour déclarer à bon droit le prévenu coupable du délit de chantage, les juges du fond relèvent qu’il a obtenu de la victime, sous la menace verbale réitérée de dévoiler à la famille de celle-ci ou à ses proches «ses liaisons vraies ou supposées», la remise d’un chèque de 450.000 F libellé à son ordre.
Cass.crim. 13 mars 1990 (Bull.crim. n° 116 p.299) : Commet le délit de chantage celui qui, pour obtenir une transaction, menace de dénoncer une infraction fiscale, laquelle par sa nature est étrangère à un litige entre particuliers. Le mobile n'est pas un élément constitutif de l'infraction.
Cass.crim.
8 septembre 2015, pourvoi n° 14-83306 : Il résulte de l'arrêt
attaqué et des pièces de procédure qu'à l'occasion d'un litige
opposant devant les juridictions monégasques Mme X... à M.
Joseph Y... à propos de la garde de leurs deux enfants mineurs,
Me A..., avocat de Mme X..., a adressé, le 14 décembre 2009, à
l'avocat de M. Y... un courrier dans lequel il lui indiquait que
les pièces figurant à son dossier ne correspondaient en rien aux
déclarations faites par M. Y... aux autorités fiscales et
administratives tant monégasques que françaises et américaines,
et que les éléments de preuve portés à sa connaissance mettaient
en évidence le système mis au point par celui-ci constitué,
notamment, de faux documents, de sorte qu'un règlement amiable
était incontournable entre les parties afin de prévenir les
répercussions tant fiscales que pénales pour le père des deux
enfants ; Me A... ajoutait que, dans ces conditions, sa cliente
demandait quatre millions d'euros pour chacune des deux enfants,
outre deux millions pour elle-même, sommes à déposer à son
compte Carpa avant Noël ; à la suite de la plainte avec
constitution de partie civile déposée par M. Y..., Me A... a été
déclaré coupable de tentative de chantage ; le prévenu, la
partie civile et le procureur de la République ont relevé
appel ;
En l'état de ces éléments, qui établissent l'existence d'une
menace de dénoncer des infractions fiscales étrangères, par leur
nature même, à un litige entre particuliers, en vue d'obtenir un
prétendu règlement amiable, la Cour d'appel a caractérisé en
tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de
tentative de chantage dont elle a déclaré le prévenu coupable,
et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile,
de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant.
CHANTAGE SEXUEL
Cf. Attentat à la pudeur*, Chantage*, Harcèlement sexuel*, Menaces*.
Une loi du 6 août 2012, modifiant la définition du délit de
harcèlement sexuel, a inséré dans le Code pénal un délit de
chantage sexuel. Son art. 222-33 II dispose en effet : Est
assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user
de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent
d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit
recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un
tiers.
Ce fait est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 €
d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45.000 €
d'amende lorsque le fait est commis : 1° Par une personne qui
abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2° Sur un
mineur de quinze ans ; 3° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à
une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse,
est apparente ou connue de leur auteur ; 4° Sur une personne
dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la
précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou
connue de leur auteur ; 5° Par plusieurs personnes agissant en
qualité d'auteur ou de complice.
CHANTS SÉDITIEUX - Voir : Sédition*.
CHAPARDAGE
Cf. Larcin*, Maraudage*, Vol simple*.
Chaparder, c’est commettre, sans violence, un petit larcin, c’est-à-dire un vol d’un bien ayant peu de valeur à portée de main. Ce type de vol est par
exemple le fait d'un vagabond s'emparant d'un poulet qui s'est éloigné de la ferme.
Le droit positif français y voit un vol pur et simple, que les tribunaux peuvent toutefois ne sanctionner que d’une peine légère.
Littré (Dictionnaire) cite cette phrase : On riait des exploits du troupier qui chapardait ; on avait grand tort, le vol est toujours le vol.
Tarde (La philosophie pénale) parle de la moralité négative, la traîtrise, la sournoiserie, l'humeur chapardeuse.
Sutherland et Cressey (Principes de criminologie) : Les Bhamptas font l’apprentissage du crime dès leur plus tendre enfance … les enfants sont initiés à la profession qui sera la leur en apprenant à chaparder chaussures, noix de coco et tout ce qui leur tombe sous la main.
Code pénal norvégien. § 391 ... La sanction du délit de chapardage sera de l'amende, ou d'un emprisonnement ne pouvant excéder six mois.
CHARGE DE LA PREUVE - Voir : Preuve (Charge de la)*.
CHARGES
Cf. Actes juridiques - Acte d'accusation*, Cause*, Faits*.
Les charges sont les éléments de fait, tombant sous le coup de la loi et paraissant établis en l’état de l’information, dont il est fait grief à une personne ; soit pour l’inculper, soit pour la mettre en accusation. Puisque l’établissement des « charges » tend à convaincre le juge du bien fondé de la poursuite, dans Ancien droit on parlait d’éléments de Conviction*.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Exposé des charges. Le juge d’instruction fait connaître expressément à la personne poursuivie quels sont les faits qu’on lui reproche et sur lesquels des explications précises lui seront demandées.
Cass.crim. 13 septembre 2000 (Gaz.Pal. 2001 J 76) : Pour rejeter à bon droit la demande de mise en liberté présentée par A., la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits et analysé les charges pesant sur l’intéressé, relève que ces faits, s’agissant d’une agression chez des particuliers, commise par des individus cagoulés et armés, en présence d’enfants, sont d’une extrême gravité et troublent durablement et exceptionnellement l’ordre public.
- Instruction à charge et à décharge. Il est de principe que la police judiciaire puis la juridiction d’instruction, dès lors qu’elles ont pour mission de faire impartialement la vérité sur les faits en cause, doivent informer tant au bénéfice qu’au détriment de la personne suspectée. Un procès-verbal négligeant les aspects de l’affaire favorables à la défense serait entaché de nullité.
Ordonnance criminelle de 1670 (T.IV, art. 10) : La déposition de chaque témoin sera rédigée à charge et à décharge.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : Le juge qui dresse son procès-verbal pour constater un corps de délit doit y faire une description du lieu, de la personne, et de toutes les circonstances qui peuvent aller à la décharge ou à la charge de l’accusé.
Cass.crim. 4 novembre 1983 (Bull.crim. n° 282 p.716) : La Conv. EDH, en son art. 6-3 d, exige un traitement identique dans la convocation et l’interrogation des témoins à charge et à décharge.
- Charges nouvelles. Les charges nouvelles sont des éléments de fait ou de preuve qui n’existaient pas dans la première phase de l’instruction, et dont la découverte permet de reprendre une affaire ayant abouti à un non-lieu motivé en fait (art. 188 et s. C.pr.pén.).
Cass.crim. 9 novembre 1965 (Bull.crim. n° 224 p.507) sommaire : Après une ordonnance de non-lieu, les poursuites peuvent être reprises sur charges nouvelles résultant d’investigations faites postérieurement à l’ordonnance et établissant des faits de nature soit à fortifier les charges qui auront été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. En l’espèce, concernant une fraude relative à des dommages de guerre, il s’agissait de photographies et de relevés topographiques qui avaient été retrouvés un peu tard.
Cass.crim. 23 juin 2009 (Gaz.Pal. 1er octobre 2009) : Lorsque le ministère public a décidé de requérir la réouverture de l'information sur charges nouvelles, la constitution de partie civile reprend tous ses effets.
CHARITÉ
Cf. Amour*, Devoirs*, Dévouement*, Égoïsme*, Escroquerie (à la charité)*, Humanité*, Justice*, Mœurs*, Non-assistance à personne en péril*, Omission*, Vertus*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 107, p.67 / n° I-1, p.121 / n° I-214, p.219
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-220, p.251 / n° I-III-II-8, p.303
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-409, p.203 / n° I-426, p.219 / n° II-307, p.363 / n° II-330, p.397 / n° IV-301, p.583 (note 6)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-10, p.63 / n° I-I-122, p.96 / n° I-II-3, p.141 / n° I-II-407, p.262 / n° II-103, p.305 / n° II-II-201, p.490 / n° II-II-250, p.543
- Notion. À la froide Justice*, on oppose habituellement l’humaine Charité. Cette dernière est définie par les moralistes comme un amour du prochain se manifestant par des actes de bienfaisance, voire de dévouement.
Cuvillier (Manuel de philosophie) : La justice n'est pas le seul aspect de nos devoirs envers autrui. Il en est un autre : la charité - On entend généralement par "devoirs de charité" les devoirs d'assistance et de bienveillance.
Guillemain (Cours de philosophie morale – Daval) : Tandis que la justice est un calcul, une mesure, une valeur de la raison, la charité est un élan du cœur. Il en résulte que la seconde est plus aimable que la première, plus chaleureuse. Tandis que la justice conduit à donner à chacun sa part, la charité consiste à donner plus que la part due… Mais justice et charité ne peuvent être séparées, puisque si l’affection n’animait pas la vie sociale, il n’y aurait plus de solidarité.
Franck Adolphe (La morale pour tous) : Toutes nos obligations envers nos semblables peuvent se résumer en deux mots : justice et charité. La justice consiste à nous abstenir de leur faire du mal, la charité à leur faire tout le bien qui est en notre pouvoir.
Schopenhauer (Le fondement de la morale) : De la justice et de la charité découlent toutes les vertus : celles-là sont donc les vertus cardinales ; en les déduisant de leur principe, on pose la pierre d'angle de l'éthique.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La charité exprime l’universalité de l’amour… La charité est la vertu par excellence.
- Règle morale. Comme la plupart des grandes religions et philosophies, la doctrine chrétienne inspiratrice de la civilisation européenne invite les hommes à s’aimer les uns les autres. Un manquement au devoir de charité constitue, un péché pour les théologiens, une faute pour les moralistes.
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Morale de Zoroastre (trad. Anquetil de Perron) : Zoroastre parle avec éloge de celui qui est bienfaisant, libéral, de celui qui nourrit... le pauvre.
Règle de St Benoît (Chap. 4 - Quels sont les instruments
pour bien agir ?). N°26 : Ne pas se départir de la charité.
[le Christ n'enseignait-il pas ? :
« Fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fût fait
»]
St Augustin (Règle - Lettre 211) : Si la sévérité est prête à punir les fautes qu'elle trouve, la charité n'aime pas en trouver qu'elle doive punir.
Héribert Jone (Précis de théologie morale) : Dans un extrême besoin temporel, on est tenu d'aider le prochain, même au prix d'un grand désavantage personnel, mais pas au péril de sa vie, à moins qu'on y soit obligé par la fonction, ou bien que le bien public exige le salut de ceux qui sont en danger.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La parole de Jésus-Christ a donné au monde le code de la charité. Elle recommande aux hommes, non plus seulement de ne point se nuire, mais de s'aimer en frères et de se dévouer les uns pour les autres.
Baudin (Cours de philosophie morale) : L'esprit de justice est tout entier probité et rectitude ; l'esprit de charité, amour et souplesse ... Cependant, à y regarder de plus près, l'on s'aperçoit qu'en dépit de leurs différences réelles, elles tendent à une seule et même fin, qui est de satisfaire aux intérêts et aux besoins essentiels des personnes vivant en société ... Leurs rapports sont de subordination et de collaboration. La justice passe la première, puisqu'elle a pour mission de réaliser les droits les plus importants ; la charité doit donc, en cas de concurrence, lui céder le pas. Mais elle la suit de fort près.
Thomas (Cours de philosophie morale) : À chacun de nos devoirs de justice correspond un devoir de charité. La justice nous défend de porter atteinte à la vie, à l'honneur et à la propriété d'autrui ; la charité nous ordonne de secourir ceux dont l'existence, la réputation et les biens sont menacés.
H.Mazeaud (Cours de droit civil, 1e année) : Il y a deux idéaux différents l’idéal de charité, et l’idéal de justice ; l’idéal de charité dépassent évidemment l’idéal de justice. La doctrine chrétienne enseigne que nous ne devons pas nous contenter d’être justes envers le prochain, qu’il faut encore la charité qui est au-delà de la justice ... Il faut, si l’on veut être juste, rendre à chacun ce qui lui est dû ; mais il faut ensuite, et c’est un degré plus élevé, être charitable au-delà de la justice, c’est-à-dire savoir ne pas exiger son dû, supporter l’injustice, à savoir rendre le bien pour le mal.
- Science criminelle. Les manquements au devoir de charité relèvent du domaine des mœurs plutôt que de celui du droit, aurait dit un juriste romain. Il appartiendrait en effet à un censeur, plutôt qu'à un juge, de blâmer celui qui est indifférent au sort d'autrui. Cependant, le droit criminel ne saurait demeurer complètement étranger à la notion de charité, seule propre à humaniser l'administration de la justice.
Burlamaqui (Du droit nature) : La justice imparfaite est celle par laquelle ou rend à autrui des devoirs qui ne lui sont dus qu'en vertu d'une obligation imparfaite et non rigoureuse, qui ne peuvent point être exigés par les voies de la contrainte, mais dont l'accomplissement est laissé à l'honneur et à la conscience de chacun. Ces sortes de devoirs sont pour l'ordinaire compris sous les noms d'humanité, de charité ou de bienveillance, par opposition à la justice rigoureuse.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Certains sacrifices ne peuvent pas être exigés par la loi, quoiqu'il y ait bien des circonstances où ils sont imposés par un devoir moral de bienveillance, de charité ou d'humanité.
La charité constitue sans doute une obligation morale pour les particuliers, mais elle revêt en règle générale un caractère trop immatériel pour accéder au rang d’obligation pénalement sanctionnée. Il n’en va autrement que dans quelques cas particuliers, telle l’obligation de porter assistance à une personne qui se trouve en danger. Au demeurant, il ne faut pas se cacher qu’une charité irréfléchie peut produire des effets pervers, notamment encourager l’oisiveté.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-8, p.303 (la charité motif d'individualisation de la sanction).
Dupin (Règles de morale et de droit) : Il faut donner avec discernement; soulager la pauvreté, sans encourager l’oisiveté. Procurer du travail tant qu’on le peut à ceux qui sont en état de travailler vaut mieux que de faire des dons à des paresseux valides qui ne demandent qu'à vivre sans rien faire.
Code pénal de Roumanie. Art 326 : Le fait pour une personne, apte à travailler, de faire à plusieurs reprises appel à la charité publique, en demandant une aide matérielle, est puni d'un mois à 3 ans de prison.
- La charité emporte pour le juge deux conséquences. Au cours du procès, il doit traiter les prévenus avec
compréhension et humanité.
Dans son jugement, il doit sans nul doute prononcer la sanction pénale nécessaire au maintien de l’ordre public, mais en recherchant la correction du
coupable. Certaines dérives contemporaines invitent toutefois à rappeler que, investis de la mission d’assurer le Bien
commun*, les tribunaux de l’État doivent se prononcer en termes de justice avant que de manifester leur charité.
Mallebranche : Il faut toujours rendre justice, avant d’exercer la charité.
Pie XII (Discours de 1954) : Depuis fort longtemps, de bonnes religieuses ont apporté un rayon de soleil et les bienfaits de la charité chrétienne dans les prisons de femmes.
- Droit positif. Le législateur français est quelque peu sorti du domaine du droit criminel en incriminant la Non-assistance à personne en péril*. C'est pourquoi les juges doivent appliquer l'art. 223-6 C.pén. avec prudence.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Un courant de pensée, fondé sur la solidarité qui unit nécessairement tous les êtres humains, s'est développé au cours du XXe siècle, et a renoué avec la philosophie chrétienne et avec les données de l'Ancien droit ... La répression du refus d'agir s'est manifestée notamment dans la loi du 25 octobre 1941 qui instituait l'e délit correctionnel de refus de porter secours.
Levasseur (Droit pénal spécial) : On a reproché à l’incrimination d’abstention de porter secours de transformer en obligation juridique une obligation de pure morale, de faire un devoir aux gens de se dévouer aux autres… L’abondance des décisions rendues en cette matière montre que ce texte répondait à un besoin certain.
Cass.crim. 25 juin 1964 (Gaz.Pal. 1964 II 385) : Pour que le délit d'abstention volontaire de porter secours à une personne en péril soit constitué, il faut, d'une part, que la personne en état de porter secours ait connu l'existence du péril immédiat et constant rendant son intervention nécessaire, et, d'autre part, qu'elle se soit refusée à intervenir par les modes qu'il lui était possible d'employer en vue de le conjurer.
CHARIVARI
Cf. Clameur*, Cri*, Effigie (pendre en)*, Injure*, Menaces*, Offense*, Outrage*, Tapage nocturne*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-212, p.315
- Notion. Le charivari constitue une modalité d’agissements délictueux parfaitement typée : un rassemblement se forme, en général tôt le matin, devant la maison d’une personne, puis, à son de trompes, de casseroles, de crécelles… de cris, de huées ou d’onomatopée, la foule manifeste son désaccord pour tel acte que cette personne vient d’accomplir ou va effectuer.
Merlin « Répertoire de jurisprudence » Le charivari est un bruit confus de poêles, chaudrons et autres instruments semblables qu’accompagnent des cris et des huées.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Mon petit Lucien, dit-il, un journaliste qui passe grand seigneur mérite un joli charivari.
- Science criminelle. Cette manifestation a été imaginée, à l’origine, pour marquer la désapprobation publique envers le remariage d’une douairière avec un damoiseau, ou d’un barbon avec une jouvencelle ; pratique considérée comme contraire à l’enchaînement naturel des générations. Ce mode de chahut s’est progressivement étendu à d’autres motifs. Attentatoire à la bonne réputation d'une personne, et pouvant même préluder à des manifestations violentes, le charivari doit être prohibé par la loi pénale en tant qu'infraction de police.
Voir Tableau : La protection de l'honneur et de la considération (selon la science criminelle)
Digeste de Justinien, 47, X, 15, 7. Ulpien : Une clameur de plusieurs voix peut se faire non seulement contre un homme présent, mais aussi contre un absent, dit Labéon. Supposez que cela ait été fait auprès de votre maison, vous absent, on pourra dire qu'il y a eu convicium, clameur de plusieurs voix. On peut dire de même si c'est auprès de votre loge ou de votre boutique.
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Cela était pratiqué autrefois en dérision des gens d’un âge fort inégal qui se mariaient ensemble, surtout dans le cas de secondes noces... Je crois que le bon ordre veut que ces sortes d’insultes ne demeurent pas impunies.
Code pénal des Philippines. Art. 155 : Une peine d’emprisonnement légère sera imposée à toute personne qui incitera à un charivari, ou y prendra une part active.
Michelet (Histoire de la Révolution) : On fit à Fontenay, à la grille de Danton, une sorte de charivari, accompagné de cris, de défis et de menaces.
- Droit positif. Le charivari tombe sous le coup de l’art. R.623-2 C.pén., qui sanctionne les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité des habitants (art. 479 8° - puis R.34 8° - de l’ancien Code).
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération de la personne (en droit positif français)
Blanche, « Études pratiques sur le Code pénal » (T.7 n°469) : Dans une espèce, le procès-verbal constatait que, pendant un charivari qui avait lieu dans une rue, à l’occasion du mariage d’un veuf avec une jeune fille, deux emblèmes injurieux, suspendus à une corde, étaient mis en mouvement ; leur danse excitait au désordre la foule, qui poussait à leur vue les cris les plus bruyants.
Cass.crim. 13 octobre 1836 (rapporté par Blanche) énonce que, En droit, les bruits ou tapages sont nécessairement injurieux lorsqu’ils sont, sous le nom de charivari, dirigés contre un individu déterminé.
Cass.crim. 23 avril 1842 (S. 1842 I 806) répute tapage nocturne tout charivari ou démonstration bruyante fait la nuit devant la maison d’un citoyen.
Exemple (Ouest-France 1er février 1999) : Hier, à 6 h.30, au son de sifflets et de cornes de brume, des militants d’Act Up ont manifesté devant le domicile de C. B..., dans les Yvelines. L’association d’aide aux malades du Sida voulait, ainsi, « dénoncer l’homophobie exprimée par la députée UDF pendant les débats sur le Pacs à l’Assemblée ».
CHARLATAN (Charlatanisme)
Cf. Escroc*, Escroquerie*, Médecine (exercice illégal)*, Sorcellerie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-420 et s., p.214 et s.
Un charlatan est un individu qui exploite la crédulité publique, en cherchant à vendre des produits ou recettes présentés mensongèrement comme possédant des qualités merveilleuses. Ses propos constituent une escroquerie lorsqu'ils s'appuient sur des éléments de nature à leur conférer une certaine valeur, telles de fausses attestations.
Garçon (Code pénal annoté) 1e éd. n° 690 : Une femme Saurin avait promis à une jeune fille un mariage brillant. Pour la convaincre, elle avait simulé, à l'aide d'un mannequin, une apparition du diable, dont la présence était révélée par une forte odeur de soufre et par des détonations ; puis elle avait remis à sa cliente une poudre que celle-ci devait répandre dans le lit et mêler aux boissons de l'homme dont elle deviendrait ainsi l'épouse... La femme Saurin était ainsi parvenue à se faire remettre des sommes considérables.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 205 - Charlatanisme : Est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende ... quiconque se livre à des pratiques de charlatanisme, sorcellerie ou magie, susceptibles de troubler l'ordre public ou de porter atteinte aux personnes ou aux biens.
Code pénal d'Ethiopie. Art. 861 - Charlatanisme : Celui qui, indépendamment des cas punissables selon le Code criminel (art 700 sur l'exploitation frauduleuse de la crédulité publique) ; obtient de l'argent par l'exploitation de la crédulité d'autrui, par toute forme de divination, notamment par l'invocation des esprits, en indiquant des moyens de trouver un trésor ... ou offre publiquement, par la publicité ou autrement, de recourir à de telles pratiques pour procurer un gain, est punissable avec l'amende ou d'un mois de prison au plus.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : L'alchimie, mise à 1a mode par les charlatans, fut quelquefois pratiquée par des hommes crédules qui épuisaient leur bourse pour parvenir à faire de l'or.
- Le charlatanisme présente un caractère fort dangereux quand les produits en cause sont présentés comme des médicaments, alors qu'ils n'en sont pas. À défaut de texte particulier, il tombe alors en outre sous le coup des dispositions incriminant l’exercice illégal de la médecine.
Code de déontologie médicale : Toute pratique de charlatanisme est interdite.
Denisart (Collection de jurisprudence) : C'est charlatanerie que de promettre la guérison et profiter du désir naturel où sont tous les malades d'être guéris, pour leur extorquer en quelque sorte des sommes d'argent.
Ferrière (Dictionnaire de droit et de pratique) : Charlatans, sont des empiriques qui montent sur un théâtre en place publique pour vendre des drogues, et qui amusent le peuple par des bouffonneries pour en avoir plus facilement le débit.
Desmazes (Histoire de la médecine légale) : Comme aujourd'hui, les charlatans du Moyen-âge faisaient des parades, des boniments, pour vendre leurs drogues.
Ahrens (Cours de droit naturel) : L’État doit seulement, du point de vue de la police, veiller à ce qu’un charlatan ne se débite pas de remèdes secrets évidemment nuisibles à la santé, sans défendre toutefois à un malade de se faire guérir d’après une méthode découverte ou adoptée par une personne sans titre légal.
Code pénal du Brésil. Art. 283 - Charlatanisme : Persuader ou annoncer un traitement secret et infaillible - Sanction : de trois mois à un an de prison.
Code pénal de Hongrie. Art. 285 : Charlatanisme. Celui qui, sans titre juridique, s'engage dans des activités relevant de la sphère de la pratique médicale … de façon régulière, commet un délit, et est punissable d’un an d’emprisonnement.
Code pénal de Macédoine. Art. 209 : Charlatanisme – Celui qui, sans la qualification requise, prescrit un traitement ou fournit une assistance médicale, sera puni d’un an de prison.
Chine (Le livre des récompenses et des peines) : Il y a des charlatans qui traînent en longueur le traitement de leurs malades pour augmenter leurs honoraires, et qui finissent par les faire mourir. Ce crime les met au rang des assassins.
- Traiter une personne de charlatan constitue une injure, voire une diffamation.
Cass.crim. 14 avril 1992 (Bull.crim. n° 162 p.417) : Commet une diffamation publique celui qui use des expressions « imposteurs » et « charlatans » pour viser la méthode utilisée pour la vente de carburants par les plaignants.
CHARTE PRIVÉE
Cf. Habeas corpus*, Séquestration*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-203, p.479
L’expression « charte privée » désignait jadis le fait, pour un simple particulier et même pour un agent public, d’incarcérer une personne dans sa maison ou dans tout autre local lui appartenant. On parle aujourd’hui de détention arbitraire ou de Séquestration*.
Ordonnance criminelle de 1670 (T. II, art. 10) : A l’instant de la capture, l’accusé sera conduit dans la prison du lieu… Défendons aux prévôts d’en faire charte privée dans leur maison ni ailleurs.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : On est coupable du crime de charte privée, toutes les fois que par violence on retient quelqu’un enfermé dans une chambre ou autre endroit privé.
Sohet (Instituts de droit) : Il n’est permis à personne de tenir charte privée, sous peine de crime de lèse-Majesté.
CHASSE
Cf. Animaux (protection)*, Braconnage*, Écologie*, Pêche*.
- Notion. Au regard du droit pénal la chasse consiste dans le fait de poursuivre ou piéger un animal sauvage afin de s'en emparer.
Dictionnaire Petit Robert : Chasser - Poursuivre des animaux pour les tuer ou les prendre.
Guilbaud (La chasse et le droit) : C’est faire acte de chasse que de rechercher le gibier dans l’intention de le mettre à mort ou de le capturer.
- Règle morale. Comme nous l'avons vu en traitant des Animaux*, il est contraire à la morale de chasser les animaux dans le seul but de les tuer. L'homme peut légitimement chasser, soit pour se nourrir, soit pour éviter une prolifération de certains animaux dangereux pour la santé des êtres humains ou pour la culture et l'élevage.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : Le créateur place l'homme au sommet de la création visible ; il lui accorde sur elle un pouvoir de domination. C'est donc en toute légitimité que l'homme peut chasser les animaux, les manger, les domestiquer... Mais s'il est juste de les tuer pour se nourrir, il serait injuste de le faire avec cruauté.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Comme il est de l'intérêt des Sociétés civiles que les Citoyens ne fassent pas un mauvais usage de leurs biens ; de même, lorsqu'on tue des Bêtes sans la moindre nécessité et par pur caprice, on cause en quelque façon du dommage à toute la Société humaine, et l'on outrage en même temps le Créateur... C'est ce qui a fait introduire parmi les Chinois [pour assurer la survie de l'espèce] la coutume de ne tuer aucune bête qui ne soit devenue aussi grosse que le doivent être normalement celles de son espèce .
- Histoire de la chasse. Passons sur les millénaires de nomadisme, marqués par la chasse et la cueillette. Il y a peu encore, en Europe, la chasse constituait une nécessité, non seulement pour se procurer de la nourriture, mais encore du fait que la région était peuplée de bêtes sauvages dangereuses pour l'homme. On considérait même que la lutte contre les animaux les plus féroces faisait partie des devoirs du souverain et des grands seigneurs envers leurs sujets. Mais à la fin de l'Ancien régime le droit de chasse ne constituait plus guère qu'un privilège seigneurial.
Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : La lutte contre les bêtes sauvages - La forêt effraie, car elle est le domaine des bêtes sauvages : non seulement des cerfs, daims, sangliers, mais des ours, des buffles, des aurochs et surtout des loups. Les ravages de ces fauves sont continuellement signalés. En 846, un loup affamé pénètre dans une église du Sénonais pendant la messe dominicale... En 813, Charlemagne institue deux louvetiers dans chaque division de comté. Malgré toutes les mesures prises, le loup reste le grand fléau des campagnes de l'occident et le restera jusqu'aux temps modernes.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Dans son origine, la chasse était libre et permise à tout le monde. Mais l'expérience a fait voir que cette faculté indéfinie de chasser entraînait plusieurs inconvénients dangereux, notamment en ce qu'elle détournait les laboureurs de la culture des terres et rendait la multitude fainéante ; ceux qui se livraient à cet exercice étaient également nuisibles et redoutables à leur pays, soit par le dépeuplement du gibier, soit par la dégradation des récoltes.
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : La chasse était défendue aux Indiens, de peur qu'un si grand plaisir ne les rendit fainéants ou qu'il ne leur fit négliger le soin de leurs bien et de leur famille. Aussi personne n'osait tuer le moindre oiseau sans permission, pour ne pas violer les lois de l'Inca, qu'on n'enfreignait jamais impunément.
- Droit positif. De nos jours la chasse constitue le plus souvent un passe-temps relevant des usages et des traditions locales. Elle n'en joue pas moins toujours un rôle positif dans la régulation du gibier, dont la prolifération peut causer de graves dommages aux cultures (cas des sangliers). Elle est principalement réglementée par le Code rural, qui incrimine les actes de chasse irréguliers.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : On appelle acte de chasse toute activité consistant dans la recherche, la poursuite ou la capture du gibier.
Cass.crim. 9 octobre 1984 (Gaz. Pal. 1985 I somm. 86) : Constitue un acte de chasse le fait de lancer ses chiens à la quête du gibier.
Cass.crim. 5 mai 1993 (Gaz.Pal. 1993 II Chr.445/446) : Constitue un acte de chasse le fait de circuler, de nuit, dans une automobile où se trouve, à portée de main, un fusil chargé et armé, et dont les phares allumés éclairent les terrains desservis par la voie parcourue.
CHASSE À L'HOMME
Cf. Arrestation (par un simple particulier)*, Clameur publique*, Haro*, Lynchage*, Vengeance*.
Pour Littré, la chasse a l'homme consiste matériellement dans le
fait de poursuivre, courir sus à une personne afin de l'arrêter.
Les autorités n'organisent une telle opération que si l'on se
trouve en présence de faits particulièrement graves, et que si
l'on soupçonne fortement une personne précise d'en être
l'auteur. Dans ces conditions la présomption d'innocence
s'affaiblit ; en sorte que les poursuivants sont en droit d'user
de la force pour procéder à l'arrestation et qu'ils peuvent à la
limite bénéficier d'une présomption de légitime défense.
Certains législateurs autorisent même les pouvoirs publics à
offrir une prime à qui ramènera le suspect « Mort ou Vif » ; tel
n'est heureusement pas le cas en droit européen contemporain.
Il est clair qu'une chasse à l'homme lancée par de simples
particuliers ne manque pas d'inquiéter : elle risque en effet
d'aboutir à un lynchage.
Exemple (Ouest-France 6 juin 2014) : Il tue trois policiers : chasse à l'homme au Canada - Mercredi un homme a ouvert le feu dans une rue de Moncton. Armé de deux fusils, il a tué trois policiers et en a blessé deux autres. Depuis, la police canadienne se livre à une véritable chasse à l'homme pour retrouver le suspect, âgé de24 ans, identifié grâce à une photo. Un quartier a été bouclé. Les habitants sont incités à rester chez eux.
Du
Boys (Histoire du criminel) : Un négociant anglais avait
adressé au roi d'Espagne une réclamation judiciaire ; ce
monarque ne se pressait pas de répondre. Le jurisconsulte Selden
conseilla au négociant de procéder contre le souverain étranger
par la mise hors la loi... Après toutes les proclamations
d'usage, Sa Majesté toujours introuvable, fut déclarée hors la
loi. Suivant toutes les formes requises, il fut décidé
judiciairement que le roi d'Espagne avait "une tête de loup" et
que chacun pouvait lui courir sus en Angleterre, et l'y saisir
mort ou vif.
L'ambassadeur d'Espagne se soumit et paya la dette.
Aubry (La contagion du meurtre, étude d'anthropologie judiciaire) : Pakerson a la parole, il dénonce au peuple de le Nouvelle-Orléans « l'acte infâme » qui vient de s'accomplir (l'acquittement des auteurs présumés de l'assassinat d'un certain Hennessy)... Prenons nos fusils et réunissons-nous sur le champ... La foule suit en bon ordre les leaders ; vers dix heures, la prison est cernée. On enfonce une porte avec une poutre. Le personnel de la prison se résigne à donner la clef... La « chasse à l'homme » va donc se poursuivre sans obstacle. Machecer, qu'on regarde à tort ou à raison comme le chef de la bande s'est tapi dans un coin : douze balles le frappent... Quelques assaillants entraînent hors de la prison Manuel Polietz, car il manquerait quelque chose au lynching si le gros de la foule n'avait pas le spectacle d'une exécution ; celui-ci est pendu en plein air ; mais, avant qu'il ait perdu connaissance, une douzaine de fusils se sont abaissés et le corps a été criblé de balles.
CHAT À NEUF QUEUES - Voir : Knout*.
CHÂTIMENTS SUR CETTE TERRE
Cf. Châtiment dans l'Au-delà*, Excommunication*, Expiation*, Peine*, Pénitence*, Prévention de la délinquance*, Sanction*, Talion (loi du)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-8, p.361
Voir : Le repentir du "bon larron"
- Notion. Le châtiment est une sanction, prononcée contre l’auteur d’une infraction grave, qui tend à lui faire expier sa faute en lui rendant le sens de ses devoirs envers la divinité, envers la société et envers autrui. Ce terme se rencontre peu de nos jours ; mais l’ouvrage de Dostoïevski « Crime et châtiment » imposait d’en rappeler le sens.
Littré (Dictionnaire) : Châtiment - Peine qui a pour but la correction de celui à qui on l'inflige.
Exemple (Ouest-France 21 octobre 2011) : Une infirmière bulgare, qui avait passé plus de huit ans dans les prisons libyennes, sous l'accusation [non prouvée et probablement mensongère]d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants a ainsi réagi à la nouvelle de la mort du président Kadhafi : "La nouvelle m'a beaucoup réjoui : c'est un châtiment."
- Morale. Les sources du châtiment remontent aux anciens temps de la vie dans une société religieuse, où le criminel devait se purifier avant de pouvoir reprendre sa place parmi les siens.
Franck Adolphe (Philosophie du droit pénal) : Platon a raison de dire que le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme, après celui d’avoir fait le mal, c’est de ne point recevoir le châtiment qu’il a mérité.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Il faut que le coupable, ou celui qui serait tenté de le devenir, compte sur la certitude du châtiment, s'il est découvert. Telle est la fin principale des punitions publiques et exemplaires ; elles tendent plus à prévenir le crime qu'à le venger. Mais cette fin ne sera atteinte que si la loi est inévitable et la justice inexorable.
Confucius (Les quatre livres) : Si ceux qui gouvernent les États ne pensent qu'à amasser des richesses pour leur usage personnel... leur administration appellera sur le gouvernement les châtiments divins et les vengeances du peuple.
Maspero (Le taoïsme) : Un règlement de vie taoïste, l’Extrait des Règles et Défenses Rituelles les plus Importantes, donne toute une gradation de châtiments à mesure que les péchés s’accumulent.
Morale de Zoroastre (trad. Anquetil de Perron) : L'adultère, la sodomie, le viol, la fornication, le meurtre, la violence, le vol, le mensonge, la mauvaise foi, les infractions volontaires à la loi sont punis de supplices, quelquefois par la mort même. Les châtiments sont rigoureux, parce que les péchés sont la cause des maux qui affligent la société.
Encyclique Evangelium vitae : Le châtiment purificateur du déluge a été provoqué par l'extension du péché et de la violence.
Simone Weil (la philosophe, pas la politicienne), citée par François Cheng, « De l'Âme ») : Tout être humain qu’un crime a mis hors du bien doit être réintégré dans le bien au moyen de la douleur. La douleur doit être infligée en vue d’amener l’âme à reconnaître un jour librement qu’elle a été infligée avec justice. Cette réintégration dans le bien est le châtiment.
Proal (Le crime et la peine) : La tradition du déluge, dont le récit a été retrouvé dans les livres de tous les peuples, suffit à établir la croyance universelle à une divinité qui abhorre le péché et le punit. Les tablettes assyriennes ont rendu à ce grand événement son véritable caractère ; c’est un châtiment.
- Science criminelle. L'expérience montre que le châtiment, devenu la peine, constitue une nécessité pour le maintien de l'ordre social.
Lois de Manou : Varouna est le seigneur du châtiment ; il étend son pouvoir même sur les rois ... Sans le châtiment il est impossible de réprimer les délits des voleurs aux intentions perverses, qui se répandent furtivement dans ce monde.
Cicéron (Traité des lois) : Combien de gens la crainte des châtiments infligés par les dieux n'a telle pas détournés du crime !
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : Le châtiment du crime, au Moyen-âge, balance toujours entre le souci de l'exemplarité et le mouvement du pardon, sous le regard permanent de Dieu, guidant avec plus ou moins d'acuité la conscience du juge.
Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) : Tout châtiment n’est qu’un acte politique dont le premier objet est la conservation des mœurs.
Code pénal du Maroc. Art. 593 : Encourt les pénalités édictées à l'article précédent ... quiconque, sciemment, détruit, soustrait, recèle, dissimule ou altère un document public ou privé de nature à faciliter la recherche de crimes ou délits, la découverte de preuves ou le châtiment de leur auteur.
Mais tout châtiment infligé doit respecter la dignité de la personne humaine et être proportionné à la gravité de la faute.
Cour EDH 25 mars 1993 (Gaz.Pal. 1994 II 481) : La Cour a constaté qu'un châtiment corporel peut se révéler incompatible avec la dignité et l'intégrité physique de la personne, protégées par l'art. 3.
Léo Moulin (La vie quotidienne des religieux au Moyen-âge) : Qui laisse tomber un objet ou qui le casse doit demander pardon au Chapitre. Le Coutumier d'Eynsham précise, avec beaucoup de sagesse, que ces négligences doivent être corrigées selon le degré de la faute et l'âge des fautifs.
- Droit positif français. Puisque la mot « châtiment » revêt un caractère religieux, il n'est plus guère employé en droit contemporain.
Cass.crim. 18 janvier 1989 (Gaz.Pal. 1989 II 513) : Le délit de destruction de documents de nature à permettre la recherche des crimes et délits ne peut être commis que dans le dessein de mettre obstacle à l’action de la justice, conduite par les personnes habilitées à rechercher les preuves ou à poursuivre le châtiment des crimes et des délits.
CHÂTIMENTS DANS L'AU-DELÀ
Cf. Âme*, Jugement dans l'Au-delà*, Paradis*, Prévention de la délinquance*, Récompenses dans l'Au-delà*, Talion (loi du)*, Vices*.
Quoique, semble-t-il, nul ne soit jamais revenu témoigner de ce
qui se passe après notre mort, une opinion pluri-millénaire
considère que notre âme survit à notre corps (on a souvent fixé
le début de l'Humanité à l'époque où les hommes ont enterré
leurs défunts - voir Antigone). Ceux qui ont fait le Bien
iraient au Paradis ; tandis que ceux qui ont fait le mal iraient
en Enfer. Mais qu'est ce que l' Enfer ? Sa description varie
d'une religion à une autre, d'une doctrine à une autre.
Le point le plus important, en ce qui concerne les pénalistes,
consiste dans la croyance très répandue que, après la mort
physique, on subit un châtiment pour ses mauvaises actions :
combien de projets criminels déjà très avancés ont-ils été
abandonnés par crainte des supplices de l'Enfer ? Nul ne le
saura jamais ; se référant au vocabulaire de la criminologie on
pourrait parler de « Chiffre blanc
». C'est pourquoi un Gouvernement avisé doit favoriser les
religions prônant le Bien (sans restriction).
Le premier supplice, imaginé par Dante, consiste en cette
inscription en haut de la porte conduisant à la géhenne :
« Vous qui entrez ici, bannissez
toute espérance ».
Vauchez et Boespflug (Dictionnaire des... lieux du Christianisme) : L'Enfer est le lieu de la damnation éternelle « des pleurs et de grincements de dents ». Les damnés y subissent pour l'essentiel le châtiment de la privation de Dieu (peine du dam). L'imaginaire médiéval s'est plu, sur la base de récits visionnaires, à broder sur les diverses formes de supplices qui attendaient les pécheurs selon les péchés capitaux qu'ils avaient commis : on lui doit les représentations des supplices de l'Enfer... Les théologiens se sont toujours accordés pour dire que, si l'Enfer existe, l'on n'en revient pas, la damnation infernales étant considérée comme irréversible. [ voir les représentations de l'Enfer au tympan de certaines cathédrales, et sur les fresques figurant sur les murs de nombreuses églises ]
Gondal (Islamisme et christianisme) : Mahomet prêche fermement un enfer de feu éternel où les infidèles et les démons endurent, sans espérance, des supplices proportionnés à leurs crimes : « Qui pourrait décrire l'enfer, cet abîme épouvantable ? Ils recevront la peine de leur crime ; l'opprobre les couvrira ; ils n'auront point d'intercesseur auprès de Dieu. Un voile semblable à la nuit ténébreuse enveloppera leur visage... En vain s'efforceront-ils de s'arracher des flammes. Ils y demeureront ensevelis, et leurs souffrances seront éternelles. Les infidèles au milieu du brasier de l'enfer ne pourront trouver la mort. Jamais la rigueur de leur tourment ne s'adoucira. C'est ainsi que l'impie sera récompensé ».
CHAUFFEURS - Voir Tourmenteurs*.
Garnot (Histoire de la justice) : À l'aube du XXe siècle, les chauffeurs de la Drôme brûlent les pieds de leurs victimes pour leur faire révéler les endroits où ils cachent leur argent... Les dernières bandes de chauffeurs sévissent encore après la Seconde guerre mondiale, avec le gang des Romanis en Bourgogne et la bande d'Albret en Picardie, leurs chefs étant tous deux exécutés en 1952.