DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre A
(Quinzième et dernière partie)
AVEU
Cf. Preuve*, Question*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal », (3e éd.), n° I-I-I-210 p.46 et s.
- Notion. L’aveu consiste en une déclaration par laquelle une partie reconnaît, complètement ou partiellement, l’exactitude de certains faits qui lui sont imputés et sa participation à leur commission.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, II, n°148) : On appelle aveu les déclarations par lesquelles l’intéressé reconnaît, en totalité ou en partie, le bien fondé des accusations portées contre lui.
Marty et Raynaud (Droit civil, T.I n° 246) : L'aveu consiste pour une personne à reconnaître comme vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.
Mais l’aveu peut être extorqué, mensonger ou erroné ; c’est pourquoi, dans chaque cas d’espèce, le tribunal a le pouvoir d’en apprécier souverainement la valeur.
Digeste de Justinien, 48, 18, 1, 27 : Ulpien : Si quelqu'un de lui-même s'avoue coupable d'un délit, il ne faut pas toujours lui ajouter foi : car il arrive que par crainte, ou pour une autre cause, un homme fasse des aveux contre lui-même. Il y a une lettre des divins frères à Voconius-Saxa, qui déclare qu'il fallait renvoyer absous un homme qui avait avoué, et dont, après condamnation, l'innocence avait été reconnue. [Ce jurisconsulte donne l'exemple d'un esclave qui avait "avoué" un homicide qu'il n'avait pas commis, pour ne pas être renvoyé chez son maître]
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Les progrès de la psychologie judiciaire ont montré que l’aveu ne contient pas toujours la révélation de la vérité ; il y a des aveux mensongers pour différentes raisons : aveux de psychopathes, d’hystériques, déterminés par le déséquilibre des facultés mentales ; aveux pénitentiaires destinés à obtenir le transfert d’une prison dans une autre ; aveux de jactance, relatifs à des crimes qui excitent la curiosité publique.
Code de droit canonique, art. 1537 : Quant à l’aveu extra-judiciaire, il appartient au juge, après avoir pesé toutes les circonstances de la cause, d’apprécier la valeur qu’il faut lui attribuer.
Cass.crim. 28 octobre 1981 (Bull.crim. n°284 p738), sommaire : Les juges du fond apprécient souverainement la valeur probante d’un prétendu aveu.
- Intérêt et danger. L’aveu présente ordinairement l’avantage de fournir un éclairage complet du dossier, de
constituer un début d’amendement du coupable et d'apaiser la conscience des policiers et des juges (c’est pourquoi on l’appelle la « reine des
preuves »). Mais, une trop grande prédilection pour l’aveu risque de pousser ceux-ci à user de procédés illégitimes, voire brutaux, pour l’obtenir
(voir : Transaction sur l’action publique*).
Notons qu’un aveu obtenu par la ruse ou par la violence est moralement sans valeur ; et qu’un prévenu ne saurait être condamné sur la seule foi
d’un aveu qui n’est corroboré par aucun fait matériel.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Il semble que l’aveu rende au prévenu la paix qu’il avait perdue, soit que, par une mystérieuses expiation, la peine publique qu’il impose efface peu à peu son crime, soit que la vérité ait en elle-même une puissance telle qu’elle allège et soulage les souffrances que l’on accepte pour elle.
Bertin (Les procès de Moscou) : L’école juridique soviétique considère les aveux, quelle que soit la méthode par laquelle ils ont été obtenus, comme la preuve la plus sure et la moins contestable… A en croire Khrouchtchev, sous la contrainte certains des accusés « avouaient ». Même dans les cas où on leur annonçait que l’accusation ne tenait plus, ils insistaient eux-mêmes sur leurs anciennes dépositions, considérant que mieux valait s’en tenir à leurs fausses déclarations pour en finir plus vite avec les tortures, pour trouver plus rapidement la mort.
Rauter (Traité de droit criminel) : Un jugement de condamnation, motivé sur le seul aveu du prévenu, serait irrégulier et nul en la forme. Il ne peut pas dépendre du prévenu d’attirer sur lui la punition (nemo admittitur sibi nocere – nemo auditur perire volens).
Code de procédure pénale espagnol, Art. 406 : L’aveu de l’inculpé ne dispensera pas le juge d’instruction d’effectuer tous les actes d’instruction nécessaires aux fins d’acquérir la conviction de la sincérité de l’aveu et de l’existence du délit. A cette fin le juge qui instruit interrogera l’inculpé qui a avoué pour qu’il explicite toutes les circonstances de l’infraction et qu’il contribue, s’il le peut, à conforter son aveu, en précisant s’il a été auteur ou complice et s’il connaît des personnes qui ont été témoins ou qui ont eu connaissance du fait.
- Exemples. L’histoire nous offre des cas d’aveux spontanés, mensongers, truqués, extorqués, voire suicidaires.
Exemple d’aveu spontané. Charlotte Corday répond au président Montané, qui l’interrogeait sur le but de son voyage à Paris : Je n’avais d’autre intention, et je n’y suis venue que pour tuer Marat.
Exemple d’aveu mensonger. Melville (Mortelle cérémonie) : Au Japon une partie des aveux est de pure convenance. Ainsi de petits truands sont contraints de porter le chapeau pour couvrir un membre de leur organisation.
Exemple d’aveu truqué. Devant le Tribunal révolutionnaire Danton, interrogé sur le fait qu’il avait empêché la famille royale de quitter les Tuileries pour Saint-Cloud, s’écrie : « Si c’est cela se déclarer partisan de la royauté, s’en montrer l’ami, si à ces traits on peut reconnaître l’homme favorisant la tyrannie, alors, dans cette hypothèse, j’avoue être coupable de ce crime ». Dans le compte rendu officiel, seuls figurent ces sept derniers mots.
Exemple d'aveu extorqué. (Ouest-France 25 juillet 2008) : Le juge militaire A... a décidé de ne pas retenir les aveux de H..., le premier détenu de Guantanamo à être jugé, considérant qu'ils avaient été obtenus "sous une forme de contrainte"... Le Tribunal d'exception américain [constitué après l'attentat contre les Tours jumelles] pourrait avoir des difficultés à juger ses détenus.
Exemple d’aveu par lassitude de la vie. En 1642, De Thou, compromis dans la conspiration de Cinq-Mars : Messieurs, je pourrais nier absolument que je l’aie jamais sue ; vous ne pouvez me convaincre de faux que par la confession de M. de Cinq-Mars, car je n’en ai jamais écrit ni parlé à personne au monde. Or, un accusé ne peut validement en accuser un autre ; et on ne condamne à mort que sur la déposition de deux témoins irréprochables. Ma vie et ma mort, ma condamnation et mon absolution sont dans ma bouche. Cependant, Messieurs, j’avoue que j’ai su la conspiration. Je le confesse ; durant trois mois de prison j’ai si bien envisagé la mort et la vie, que j’ai clairement connu que, de quelque vie que je puisse jouir, elle ne serait que triste et ennuyeuse. La mort m’est beaucoup plus avantageuse. Je la regarde comme la marque la plus certaine de ma prédestination. Je me suis préparé à mourir, et je ne me retrouverai jamais en pareille disposition.
- Droit positif français. La Cour de cassation veille à ce que des aveux soient recueillis selon les formes légales.
Cass.crim.
5 mars 2013, n° 12.87087 : Il résulte des articles
préliminaire, 114 al. 1, et 152 al. 2, C.pr.pén. qu'est
contraire au droit à un procès équitable et aux droits de la
défense, le fait, pour des officiers de police judiciaire
d'entendre, dans le cadre d'une même information, sous quelque
forme que ce soit, une personne qui, ayant été mise en examen,
ne peut plus, dès lors, être interrogée que par le juge
d'instruction, son avocat étant présent ou ayant été dûment
convoqué...
En l'espèce, conduit à la maison d'arrêt par deux officiers de
police judiciaire, auxquels le juge d'instruction avait, le même
jour, délivré une commission rogatoire aux fins de poursuivre
les investigations, M. X... s'est, aux termes d'un procès-verbal
dressé par ceux-ci et visant la délégation du magistrat
instructeur, livré à des confidences auprès d'eux sur sa
participation aux infractions et le déroulement des faits ;
Le 14 mai 2012, il a déposé une requête en annulation de ce
procès-verbal ...
Pour rejeter la requête, l'arrêt retient que les officiers de
police judiciaire n'ont pas procédé à un interrogatoire de M.
X..., mais ont seulement retranscrit ses confidences au cours du
transfert vers la maison d'arrêt, dans un procès-verbal de
renseignements relatant et transmettant au juge d'instruction
les propos tenus devant eux ;
Mais en prononçant ainsi, alors que le recueil, dans ces
conditions, des propos par lesquels le mis en examen
s'incriminait lui-même, avait pour effet d'éluder les droits de
la défense et que les officiers de police judiciaire auraient dû
se borner, constatant la volonté du mis en examen de s'exprimer
plus amplement sur les faits, à en faire rapport au juge
d'instruction, seul habilité à procéder à un interrogatoire dans
les formes légales, la chambre de l'instruction a méconnu les
textes et principes susvisés.
AVION - Voir : Détournement de moyen de transport*.
AVIS DE FIN D'INFORMATION
Cf. Instruction - instruction préparatoire*.
Aux termes de l'art. 175 C.pr.pén., aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs avocats.
Cass.crim. 30 mars 2004 (Gaz.Pal. 2004 somm. 3403 et la note) : Le défaut de notification, par le juge d'instruction, de l'avis de fin d'information prévu par l'art. 175 C.pr.pén. n'entraîne pas la nullité de l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel. Il a pour seul effet, aux termes de l'art. 385 al. 3 C.pr.pén., de rendre les parties recevables à soulever devant le Tribunal correctionnel les nullités de la procédure, par dérogation aux dispositions du premier alinéa du texte précité.
Cass.crim. 4 décembre 2007 (Bull.crim. n° 298 p. 1210) : Il résulte des dispositions de l'art. 175 al.2 C.pr.pén., dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, qu'il incombe au procureur de la République, qui a transmis dans le délai prévu prévu par ce texte ses réquisitions motivées au juge d'instruction, d'en adresser dans le même temps une copie aux avocats des parties.
AVIS DE LA COUR DE CASSATION
Cf. Cour de cassation*, Jurisprudence*, Sources du droit*.
Une loi du 25 juin 2001 a autorisé les juridictions pénales à solliciter l'avis de la Cour de cassation sur un point de droit nouveau (art. 706-64 et s. C.pr.pén.).
Cour de cassation. 23 avril 2007 (Bull.crim. Avis
n°3) : Lorsque la Cour de cassation a déjà statué sur la question de droit sur laquelle son avis est sollicité, il n'y a pas lieu à avis.
Les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent demander l'avis de la Cour de cassation sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté
sérieuse, et se posant dans de nombreux litiges à condition que la question posée commande l'issue du procès. À défaut, il n'y a pas lieu à avis.
AVIS DE RECHERCHE
Cf. Appel à « tout sachant »*, Délation*, Dénonciation*.
Une démocratie libérale a scrupule à user des techniques des États policiers. Aussi hésite-t-elle à faire régner un climat de délation en demandant à la population de participer à la recherche des criminels. Elle doit cependant s’y résigner lorsqu’elles se trouvent en présence d’une infraction particulièrement grave.
Voir : Avis de recherche concernant les frères A....
Voir : Avis de recherche concernant C....
Assassinat de Philippe Henriot (1946). Le chef du gouvernement a décidé de mettre à la disposition des services de police une somme de 20.000.000 F pour récompenser ceux qui permettront de découvrir les assassins de Philippe Henriot. Toute indication fournie sera considérée comme confidentielle et sera vérifiée.
AVOCAT
Cf. Avocat (droit l'assistance d'un)*, Cours de la justice*, Défense (droits de la)*, Logographe*, Perquisition (dans un cabinet d'avocat)*, Plaidoirie*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle) [3ème tableau]
Voir : Jean Pontas, Cas de conscience de l’avocat scrupuleux
- Notion. L’avocat est un conseil juridique, inscrit à un barreau établi auprès de chaque tribunal de grande instance. Il est chargé de conseiller une partie au cours d’une procédure et de parler en son nom à l’audience. Si elle est ignorée voire interdite dans les régimes totalitaires, cette profession est heureusement reconnue par les États démocratiques.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Avocat, du mot latin « advocare » qui signifie appeler au secours, sont en effet ceux qui sont préposés à la défense des parties qui plaident.
Perrot (Institutions judiciaires) : L’imagerie populaire a toujours représenté l’avocat comme étant l’homme de la parole, qui plaide à la barre pour la défense des intérêts de son client. Cette image n’est certes pas totalement inexacte ; mais elle est très incomplète. L’avocat est aussi un homme de cabinet qui reçoit ses clients, leur donne des consultations, étudie les dossiers dont il a la charge et prépare la procédure au nom et pour le compte de son client.
Giscard d’Estaing, Discours à la séance de rentrée de la
Conférence du stage (Gaz. Pal. 15 février 1977) : Il est dans la fonction même des avocats de protéger l'individu et de garantir ses libertés et
ses droits.
Une justice sans avocat, ce serait, on le sait et on l'a vu, 1e justiciable désarmé, le procès escamoté, l'individu inévitablement écrasé par le poids,
supérieur à ses forces, de l'organisation collective. Ce serait la négation de la justice.
Quant à la fonctionnarisation de l'avocat, elle le mettrait peu à peu au service de la collectivité par une loi inexorable, au lieu de le maintenir
comme le défenseur de l'individu. En réalité, la disparition de l'avocat libre ne ferait que précéder de peu la fin de l'indépendance du juge.
Qiu Xiaolong (De soie et de sang) : Pendant les années soixante et soixante-dix, il n'existait presque pas d'avocats en Chine, car il n'avaient pas lieu d'être. Les avocats étaient considérés comme faisant partie de la société capitaliste et destinés aux riches. Les grandes affaires étaient jugées, ou prédéterminées, par les autorités du Parti, toujours au nom de la dictature du prolétariat.
- Le monopole dont ces juristes bénéficiait sous l’Ancien régime (sauf pour les crimes majeurs) avait été supprimé sous la Révolution ; il a été rétabli depuis lors.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : La profession d'avocat, constituée de clercs qui se préparent au métier de magistrat, a été réglementée par une ordonnance de Philippe III le Hardi. Une liste parisienne de 1340 compte 51 noms. Leur confrérie élit un chef qui, parce qu'il porte le bâton aux insignes de leur saint patron Yves, arbore le titre de bâtonnier.
Camille Desmoulins célébra en ces termes la suppression de l’Ordre des avocats : C’est la nuit du 4 août 1789 qui a supprimé les privilèges exclusifs… C’est cette nuit que la Justice a chassé de son temple tous les vendeurs pour écouter gratuitement le pauvre, l’innocent, l’opprimé ; cette nuit qu’elle a détruit le tableau et l’ordre des avocats, cet ordre accapareur de toutes les causes, exerçant le monopole de la parole, prétendant exploiter exclusivement toutes les querelles du royaume. Maintenant, tout homme qui aura la conscience de ses forces et la confiance de ses clients pourra plaider.
L’avocat Chabroud, devant l’Assemblée nationale, venait de proclamer : J’ai besoin d’attention et d’indulgence ; car je vais dire le secret de mon métier. Ce métier n’existe que par l’obscurité des lois.
On peut douter du bien fondé de ce monopole en un temps où la vieille notion de profession libérale, dédiée à la défense de la vérité et de la justice, a reculé devant celle d’entreprises commerciales, dévouées à la cause de ses clients les plus fortunés, et abordant préventivement les aspects pénaux de leurs dossiers afin de les faire profiter d'éventuelles lacunes du droit répressif. En tant que groupe de pression défendant ses intérêts propres, elle inspire même une certaine méfiance : si notre procédure pénale est devenue ingérable, c’est pour partie en raison des réformes qu’elle a inspirées. Taine a justement observé « qu’un corps, comme un individu, pense d'abord et surtout à lui ».
Sutherland (Principes de criminologie) : Aux État Unis, la plus grande partie des procès criminels est concentrée entre les mains d’un petit nombre d’avocats spécialisés… L’avocat cherche tout d’abord à conclure un arrangement avec le procureur, mais si l’affaire est portée en justice sans qu’un accord ait pu être conclu, il a recours aux ruses et aux procédés les moins scrupuleux pour obtenir un acquittement. Les avocats n’hésitent pas à corrompre les jurés, à intimider les témoins ou à leur souffler des témoignages mensongers, à utiliser les moyens de procédure les plus variés pour gagner du temps, et, enfin, à faire appel à la sensibilité des jurys. De plus, les avocats spécialisés dans les affaires pénales ont joué un rôle important dans les assemblées législatives, en faisant repousser les projets de loi réformant la procédure pénale et l’organisation judiciaire.
Sutherland (Principes de criminologie) : Gallison a déclaré : « L’avocat américain est le grand responsable de la faillite de la justice américaine… Tout système dans lequel une amélioration et une expansion symétrique sont contraires aux intérêts matériels de ses membres pèche par la base. Parmi les entreprises industrielles et commerciales et les professions libérales, la profession d’avocat est la seule sur laquelle les réformes ont inévitablement une répercussion défavorable. Tout projet bien conçu représente pour l’avocat une perte de revenus, une perte d’influence et une perte se situation. C’est bien simple, l’avocat, s’il veut survivre, ne peut ni réformer le système, ni permettre à autrui de le réformer ».
Garnot (Histoire de la justice) : Depuis la dernière décennie du XXe siècle, on a assisté à l'essor important d'un « barreau d'affaires » : avec 20% de la population totale des avocats en France, ce secteur réalise aujourd'hui 80% du chiffre d'affaires de la profession, la plupart des avocats concernés travaillant pour de grands cabinets qui se consacrent exclusivement aux besoins des entreprises. Cette évolution risque d'entraîner une nouvelle modification de l'image des avocat dans l'opinion publique, en ne les faisant plus apparaître seulement comme les défenseurs des victimes, comme inféodés à de grands groupes économiques dont ils défendraient les intérêts aux dépens de l'équité et du petit peuple.
McDonald (La réforme des professions judiciaires et juridiques en Russie - Gaz.Pal. 24 octobre 2015 p.17) : Bien que la loi du 31 mai 2002 créant la profession d'avocat ait établi un monopole au profit de ces derniers dans le cadre des procédures pénales, toute personne munie d'un diplôme de droit (les juristes) peut représenter des justiciables, et a fortiori donner des conseils, rédiger des conclusions ou préparer des actes juridiques.
- La mission rationnelle de l’avocat,
qui est à la fois un auxiliaire de justice et le conseil de
son client, consiste d’abord à veiller à ce que l’instruction criminelle ne
soit pas menée de manière arbitraire, mais à charge et à décharge dans le respect des droits de la défense. Elle consiste par ailleurs à faire ressortir
tous les éléments de l’espèce, matériels ou personnels, favorables à son client.
Contrairement à ce qui est parfois dit, l’avocat n’est nullement autorisé à induire le tribunal en erreur en usant du
mensonge, surtout pour faire débouter l’innocent et
relaxer le coupable. Celui qui fait ainsi délibérément triompher
le faux au détriment du vrai se rend moralement, voir
pénalement, complice de son client ; si l'on pouvait hésiter sur
ce point tant que les avocats exerçaient une activité libérale,
on ne le peut plus depuis qu'ils ont revendiqué le statut de
profession commerciale.
Gousset (Théologie morale) : Un des devoirs essentiels d’un avocat est de soigner les affaires de ses clients comme un bon père de famille soigne ses propres affaires, et d’employer tous les moyens nécessaires pour les faire réussir.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : Devant le Tribunal révolutionnaire, le conseil ou défenseur officieux jurait de n’employer que la vérité dans sa défense.
Code pénal du 3 brumaire an IV, art. 342 : Les conseils de l'accusé promettent de n'employer que la vérité dans sa défense.
Damien (L'avocat et la vérité - Gaz.Pal. 1984 II Doct. 543) : Il serait mauvais d'affirmer que l'avocat a droit au mensonge... Cette décadence morale aurait des résultats immédiats, l'avocat ne serait plus un auxiliaire de justice, mais le complice de ses clients ; il ne jouirait plus d'aucun crédit intellectuel ou moral.
Martineau (La rhétorique, ou l’indispensable lutte contre le recul de la raison critique – Gaz.Pal. 20 juin 2015) : La probité commence par l'honnêteté intellectuelle et la prohibition, pour l'avocat, du mensonge. Je sais que certains avocats considèrent que les droits de la défense ouvriraient le droit de mentir dans l'intérêt du client ; je ne partage pas cette analyse. Si un avocat peut interpréter de bonne foi, il ne doit en aucune façon, selon moi, soutenir quelque chose qu'il sait faux.
Cass.crim.
3 mars 2015, pourvoi n° 14-86498 : Vu l'art. 513
C.pr.pén., ensemble l'art. 410 dudit Code ;
Selon le second de ces textes, l'avocat qui se présente pour
assurer la défense du prévenu absent doit être entendu s'il en
fait la demande, même lorsqu'il est démuni du mandat de
représentation prévu par l'art. 411 du même code ;
En application du premier de ces textes, le prévenu ou son
avocat auront toujours la parole les derniers ; cette règle
s'applique à tout incident, dès lors qu'il n'est pas joint au
fond.
P.-M. Duval (La Gaule pendant la paix romaine), s'appuyant sur Tacite, reproduit ce texte de Marcus Aper, avocat gallo-romain : Quoi de plus utile que d'exercer un art où l'on trouve des armes toujours prêtes pour soutenir ses amis, porter secours aux étrangers, préserver un malheureux de sa perte, enfin jeter dans l'âme d'un envieux ou d'un ennemi le terreur et l'effroi, en étant soi-même tranquille comme étant revêtu d'une puissance et d'une magistrature perpétuelle ?
Le Mappian (Sains-Yves) : Yves Hélori, avant de se charger gratuitement du procès de ce pauvre, voulut que celui-ci jurât sur les Saints Évangiles qu’il avait la certitude d’être dans son bon droit. De plus, il décida d’interroger lui-même des témoins, leur demandant si, selon eux, la cause était juste.
Exemple de manœuvre (Causes amusantes, 1770) : Un avocat plaidait pour l’état d’un enfant âgé de quatre ans ; quand il en fut à la péroraison, il le prit dans ses bras en disant des choses fort touchantes. L’enfant pleurait et ses larmes, fécondant l’éloquence du défenseur, excitaient la compassion de toute l’assemblée. L’avocat adverse, inquiet de voir ainsi les cœurs émus, éleva la voix et dit à l’enfant : -« Mon petit ami, qu’as-tu donc à pleurer ? ». –« Il me pince » répondit le petit innocent. Aussitôt les pleurs se changèrent en huées sur l’avocat auteur de la ruse ; et tout son pathétique tourna contre lui et contre sa cause.
- En tant qu'auxiliaire de justice, l'avocat bénéficie d'une protection pénale renforcée (art. 221-4 4° C.pén., 222-10 4° du même Code etc.)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-124 et s., p.363
Code pénal. Art. 221-4 4° : Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis ... 4° Sur un magistrat, un juré, un avocat... dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur.
- Dans l'exercice de sa mission l'avocat jouit de l'Immunité judiciaire* édictée par l'art. 41 de la loi du 29 juillet 1881, pour les propos tenus et les écrits produits devant un tribunal mais pour eux seuls. Hors du prétoire, l'avocat n'est plus couvert.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T. II Procédure pénale) : Si l'on veut que les tribunaux rendent une justice éclairée, comment ne pas permettre que tout puisse être dit ou écrit devant eux, si la vérité judiciaire doit par là s'en trouver renforcée ? À cet effet, l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 écarte la menace d'une action pénale ou civile pour outrage, injure ou diffamation, ne laissant subsister que les limites indispensables pour éviter les abus.
Cass.1e civ. 5 avril 2012, n° 11-11044 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) sommaire : En dehors du prétoire, l'avocat n'est pas protégé par l'immunité de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881.
- L'avocat est tenu envers son client d'un devoir de conseil. S'il y manque, il engage sa responsabilité.
Cass.1e civ. 23 février 2012, n° 110-28694 (Gaz.Pal. 26 juin 2012 note Gaineton et Villacèque) sommaire : L'avocat qui n'informe pas son client des conséquences d'une éventuelle insolvabilité d'une société débitrice lui fait perdre une chance de ne pas courir ce risque.
- La déontologie de la profession est assurée (beaucoup trop timidement de nos jours) par le Conseil de l’Ordre. Celui-ci sanctionne les actes, propos et écrits contraires au devoir de modération et de délicatesse auquel est tenu un avocat.
Cf. Déontologie*, Ordre des avocats*, Réhabilitation*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 7 p.14
Voir, de manière générale : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-122, p.361
Bautain (Philosophie des lois) a souligné la difficulté : L’avocat qui tord la loi afin d’en exprimer ce qui lui est favorable a raison, jusqu’à un certain point, puisqu’il doit défendre sa cause. Seulement il y a toujours là quelque chose d’inquiétant, malgré l’exigence de la défense. Quand on est obligé de tourner ainsi autour de la loi pour lui trouver un côté faible, et de la frapper, pour ainsi dire, au défaut de la cuirasse afin de l’empêcher d’atteindre un coupable ou une injustice, on risque de se perdre soi-même en sauvant son client. Saint Liguori exerça quelque temps cette profession. Mais un jour, s’étant lui-même surpris en mensonge flagrant et presque involontaire, il se dit que, en conscience, il ne pouvait continuer un tel ministère. Il quitta le barreau.
Clerc (Initiation à la justice pénale en Suisse) : En parcourant nos lois, l'impression qui se dégage est que la justice ne marque pas toujours une grande confiance au défenseur et l'accepte plutôt comme un mal nécessaire.
Code de droit canonique, canon 1489 : Les avocats qui, à cause de dons, promesses ou tous autres procédés, auront trahi leurs devoirs, doivent être suspendus de l’exercice de leur fonction et frappés d’amende ou d’autres peines appropriées.
Cass.1e civ. 5 avril 2012, n° 11-11044 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) sommaire : Justifie sa décision la cour d'appel qui estime que des propos jetant l'opprobre sur les jurés et la suspicion sur leur probité constituent un manquement aux devoirs de modération et de délicatesse et prononce à l'encontre de l'avocat qui les a tenus un simple avertissement.
Cass.1e
civ. 10 juillet 2014, n° 13-19284 (Gaz.Pal. 13 décembre 2014 note de Belbal et Villacèque) :
Un avocat , a accordé un entretien à l'hebdomadaire « Le
Nouvel Observateur » qui, dans son édition du 23 juillet 2009, a
reproduit son propos traitant M. Y... de « traître génétique » ;
M. X... a été poursuivi disciplinairement et sanctionné d'un
avertissement pour manquement à la modération et à la
délicatesse;
L'arrêt considère justement que le propos tenu de « traître
génétique », exprimé sans nécessité et ne traduisant aucune
idée, aucune opinion ou aucune information susceptible
d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général,
manifestait une animosité personnelle à l'égard du magistrat
concerné, de sorte que ce propos, outrageant pour la personne
même de l'avocat général en ce qu'il mettait en cause son
intégrité morale, ne pouvait être justifié par la compassion de
M. X... pour sa cliente, ni par la provocation ressentie dans
l'exercice de sa mission de défense, même dans le contexte
polémique suscité par un crime odieux, au cours duquel la
question de l'antisémitisme était posée ; la cour d'appel en a
déduit à bon droit que M. X... avait ainsi manqué à la
délicatesse qui s'impose à l'avocat, la restriction apportée à
sa liberté d'expression étant nécessaire pour assurer tant la
protection des droits d'autrui que l'autorité et l'impartialité
de l'institution judiciaire.
Paris 28 mai 2003 (Gaz.Pal. 9 septembre 2003) retient une faute disciplinaire dans le fait de diffuser des lettres circulaires constituant des propositions personnalisées de prestation de services, c’est-à-dire d’accomplir des actes de sollicitation, lesquels sont prohibés par le règlement intérieur du barreau.
Grenoble 3 juillet 2014 (Gaz.Pal. 13 décembre 2014 note Villacèque et de Belval) sommaire : Si l'avocat a le droit de critiquer le fonctionnement de la justice ou le comportement de tel ou tel magistrat, sa liberté d'expression n'est pas absolue... Elle ne s'étend pas aux propos véhéments dirigés contre un magistrat, mettant en cause on éthique professionnelle.
Montpellier 17 décembre 2010 (Gaz.Pal. 7 juin 2011 note Belval) : Les principes déontologiques de modération et de délicatesse ne sont pas limités aux relations interpersonnelles, mais s'appliquent dès lors que l'avocat agit dans l'exercice de sa profession.
Serment jadis prêté par les avocats : Je jure de ne rien dire ou publier comme défenseur ou conseil de contraire aux lois, aux règlements et aux bonnes mœurs, à la sûreté de l'État et à la paix publique, et de ne jamais m'écarter du respect dû aux Tribunaux et aux Autorités publiques.
Exemple. En 2001, Bill Clinton, avocat de son état, s’est vu interdire de plaider devant la Cour suprême ; les juges de la Cour ont voulu sanctionner le professionnel du droit qui avait menti à des juges dans l’affaire Monica Lewinsky. Déjà depuis le mois d’avril, il n’a plus le droit de plaider devant les tribunaux de l’Arkansas, dont il a été le gouverneur.
La déontologie prend de nos jours d'autant plus d'importance que, d'activité libérale, la profession d'avocat tend à devenir une activité commerciale où la rentabilité est devenue plus que jamais le but recherché.
Villacèque (Entretien, Dalloz 22 décembre 2011) : À propos d'une éventuelle réforme admettant l'avocat en entreprise : Légitimer l'avocat en entreprise donnerait une image fausse de l'identité de la profession. Comment pourrait-on encore croire que l'avocat exerce une « profession libérale et indépendante » comme proclamé par l'art. 1er de la loi du 31 décembre 1971 ?
Landry ( Communication de l'avocat et démarchage - Gaz.Pal. 28 fév. 2015) : L'avocat doit communiquer. Pour ce faire il peut désormais de livrer à un démarchage policé et encadré, dénommé « sollicitation personnalisée ». Quels sont les contours de cette révolution ? ... Si une nouvelle évolution amenait sur la pente d'une communication commerciale, conviendrait-il encore d'affirmer avec l'article premier de la loi du 31 décembre 1971, que la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ?
Dhonte, Défendre les jeunes avocats, c'est défendre la profession toute entière (Gaz.Pal. 22 novembre 2011 p.11) : Très rapidement, le jeune diplômé déchante, s'apercevant que les cabinets, crise financière oblige, attendent avant tout qu'il soit rentable, et immédiatement.
Il s'ensuit que le domaine du secret professionnel (à distinguer de la simple confidentialité), qui était autrefois impératif, pose de plus en plus de problèmes.
Cass. 1e civ. 22 septembre 2011, n° 10-21219 (Gaz.Pal. 13 décembre 2011 note Villacèque) sommaire : Les échanges entre un avocat, le bâtonnier ou le Conseil de l'ordre ne sont pas confidentiels.
Cass. 3e civ. 9 mai 2012, n° 11-15161) Gaz.Pal. 26 juin 2012 note Piau) sommaire : Une lettre officielle n'est en aucun cas couverte par le secret professionnel, y compris à l'égard des tiers.
Cass. 1e civ. 28 juin 2012, n° 11-14486 (Gaz.Pal. 22 juillet 2012 note Deharo) sommaire : Si l'avocat est délié du secret professionnel auquel il est normalement tenu lorsque les strictes exigences de sa propre défense en justice le justifient, ce fait justificatif ne s'étend pas aux documents couverts par le secret médical qui ont été remis à l'avocat par la personne concernée et qui ne peuvent être produits en justice qu'avec l'accord de celle-ci.
- C’est en matière pénale, où tout excès du droit de défense porte directement atteinte aux intérêts de la population, qu’il apparaît le plus délicat de fixer la mesure dans laquelle un avocat peut prendre le parti d’un criminel, et chercher à tourner la loi, sans méconnaître l’éthique professionnelle.
Bautain (La philosophie des lois) : Quand un avocat tourne autour de la loi pour lui trouver un côté faible, et la frapper, pour ainsi dire, au défaut de la cuirasse afin de l'empêcher d'atteindre un coupable ou une injustice, il risque de se perdre lui-même en sauvant son client. Après cela on se fait une conscience avec la nécessité, l'habitude, l'usage, l'intérêt et mille autres raisons. St Liguori exerça quelque temps cette profession. Mais un jour s'étant surpris lui-même en mensonge flagrant et presque involontaire, il se dit que consciencieusement il ne pouvait continuer un tel ministère. Il quitta le barreau, devint prêtre, religieux, évêque et saint .
Damien (L'avocat et la vérité, Gaz.Pal. 1984 II Doct. 543) : Il est mauvais d'affirmer que l'avocat a droit au mensonge ; ce n'est ni vrai, ni pratiqué dans la profession de manière courante, ni moral, ni utile et il ne faudrait pas que des affirmations irréfléchies de certains puissent introduire un doute dans l'esprit de nos jeunes confrères et dans celui du public. Cette décadence morale aurait des résultats immédiats, l'avocat ne serait plus un auxiliaire de justice, mais le complice de ses clients ; il ne jouirait plus d'aucun crédit intellectuel ou moral.
Digeste de Justinien (48, 19 9, pr.). Ulpien : L'usage est que les gouverneurs interdisent aussi de la fonction d'avocat parfois pour toujours, parfois pour un temps, ou pour un nombre d'années déterminé.
Paris 12 mai 2004 (Gaz.Pal. 2004 J 2459) : En passant outre l’interdiction que lui fait la loi de divulguer à quiconque, au cours de la garde à vue, l’existence et le contenu d’un entretien qu’elle a eu avec des personnes gardées à vue, une avocate a manqué à l’honneur et à la probité et commis une faute disciplinaire qui justifie une sanction.
Cass.crim. 14 janvier 2009 (Gaz.Pal. 21 mai 2009) : C'est à bon droit que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré un avocat coupable de complicité et faux et usage a prononcé à son encontre la peine complémentaire d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de cinq ans.
Cass.crim. 14 novembre 2013, n° 13-80783 (Gaz.Pal. 21 juin 2014 p.20 note Villacèque) sommaire : La cour d'appel de Nîmes a, de manière pertinente, interdit à un avocat ayant rédigé un faux jugement, d'exercer définitivement la profession.
Cass.crim. 12 octobre 2011 (n° 11-685885, Gaz.Pal. 10 novembre 2011 p.25) : Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction qui a placée sous contrôle judiciaire une avocate pour participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer un recel d'abus de biens sociaux avec, en application de l'art. 138, al. 2, 9° C.pr.pén., obligation de s'abstenir de rencontrer ou recevoir son client ou d'entrer en relation avec lui de quelque façon que ce soit, énonce que l'obligation contestée a pour objet d'empêcher toute concertation entre l'avocate et son client, mis en examen dans la même information, afin de rechercher leur implication respective dans les faits qui leur sont reprochés, et ne peut dès lors être assimilée à une interdiction, même partielle, de l'exercice de la profession d'avocat, que le conseil de l'ordre aurait seul le pouvoir de prononcer en application de l'art. 138, al. 2, 12° C.pr.pén.
Paris 25 juin 2009 (Gaz.Pal. 24 septembre 2009) : Dans un procès équitable, il est naturel que l'avocat puisse librement, et sans redouter que des poursuites soient ultérieurement enclenchées à son encontre, critiquer l'institution judiciaire en général et le comportement de tel ou tel magistrat en particulier. Cependant cette liberté a des limites. Excèdent manifestement ce qui est admissible le fait d'accuser des magistrats instructeurs de s'être rendus délibérément complices de tortures qui auraient été infligées par des services d'enquête syriens à son client.
C'est aussi en matière pénale que les devoirs de l'avocat sont les plus astreignants.
Angers. 29 septembre 2011 (Gaz.Pal. 13 décembre 2011, note Belval et Villacèque) sommaire : Il entre dans les compétence du conseil de l'ordre d'imposer à tous les membres du barreau l'assistance aux gardes à vue.
Depuis quelques années, on s'interroge sur le point de savoir si, après réhabilitation, un ancien malfaiteur peut devenir avocat. Les Conseils de l'Ordre n'y semblent guère favorables.
Nîmes 6 février 2007 (Gaz.Pal. 31 mars 2007) : La confrontation d'une réinsertion froidement technique et individuelle, même patente, ne permet pas d'écarter l'inaptitude de l'impétrant au respect sans faille des valeurs d'honneur, de probité et de désintéressement qui fondent la profession d'avocat, inaptitude caractérisée par des passages à l'acte pour le moins graves [faits de vols avec arme] et une attitude sans compassion ni regrets, c'est-à-dire déshumanisée.
AVOCAT DÉSIGNÉ D’OFFICE
L’art. 116 C.pr.pén. dispose que, si le défendeur n’a pas d’avocat, il lui en est commis un d’office par le canal du bâtonnier de l’Ordre. Ce conseil jouit de toutes les prérogatives de la défense.
Voir : Désignation d’avocat d’office
Cass.crim. 12 mai 1999 (1999 II Chr.crim. 132 ) : La mission de l’avocat commis d’office pour assister la personne mise en examen, lors de la première comparution et du débat contradictoire sur la détention, ne cesse que si l’intéressé choisit un autre avocat ou s’il a été procédé, par le bâtonnier, à la désignation d’un autre conseil.
Procès de Jeanne d’Arc, procès-verbal d’ouverture, déclaration de l’évêque Cauchon : Comme elle n’était point assez docte et instruite dans de telles matières si ardues, pour la conseiller sur ce qu’elle avait à répondre et à faire, nous avons offert à ladite Jeanne de choisir un ou plusieurs de ceux qu’elle voudrait parmi les assistants ; et si elle ne voulait choisir un elle-même, nous lui en désignerions un pour la conseiller.
Interrogatoire préalable de la reine Marie-Antoinette (12 octobre 1793). Comme on lui demandait si elle avait un conseil, a répondu que non, attendu qu’elle ne connaît personne. Demande, - Si elle veut que le Tribunal lui en nomme un ou deux d’office ? Réponse, - Qu’elle le veut bien. D’après quoi lui ont été donnés d’office pour conseils et défenseurs officieux les citoyens Tronson-Ducoudray et Chauveau-Lagarde.
AVOCAT (Droit à l’assistance d’un)
Cf. Défense (Droits de la)*.
L’un des premiers droits de la défense est de bénéficier de l’assistance d’un conseil, qui sera ordinairement un avocat. Selon l’art. 6.3. Conv. EDH, tout inculpé, prévenu ou accusé, a droit à l’assistance d’un avocat et peut s’entretenir avec lui en toute liberté. La méconnaissance de ce droit constitue une cause d’annulation de la procédure.
Cahiers de doléances pour les États généraux de 1789. L’art. 77 demandait qu’après le premier interrogatoire, il soit donné à tout accusé un conseil, si mieux n’aime le choisir lui-même, auquel conseil sera donné communication des procédures et charges.
Décret de la Commune de Paris du 22 avril 1871 : L’accusé choisira librement son défenseur, même en dehors de la corporation des avocats.
Code de droit canonique (Commentaire Salamanque) : Dans un procès pénal, l’accusé doit toujours avoir un avocat choisi par lui ou désigné par le juge.
Cass.crim. 22 août 1959 (Bull.crim. n°394 p.774) : L’inculpé peut communiquer librement avec son conseil ; s’il est détenu, la faculté qui lui est ainsi reconnue doit pouvoir s’exercer pendant toute la durée de la détention ; Il s’agit là d’une prescription d’ordre absolu et essentielle aux droits de la défense.
Cass.crim. 26 juin 1995 (Bull.crim. n°235 p.646) parle des garanties de l’information contradictoire liées à l’assistance d’un avocat.
Cass.crim. 25 février 2014, n° 13-87869 (Bull.crim.) : Il résulte de l'art. 115, al. 1er, C.pén., que, si elles désignent plusieurs avocats, les parties doivent faire connaître celui d'entre eux qui sera destinataire des convocations, lesquelles sont adressées, à défaut de ce choix, à l'avocat premier choisi.
Cass.crim. 12 novembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 45) : L’absence de l’avocat d’un accusé pendant tout ou partie des débats n’entraîne la nullité de la procédure qu’autant qu’elle est le fait de la Cour, du président ou du ministère public.
Encore convient-il d'observer que l'avocat pénaliste ne saurait raisonnablement obtenir communication de l'ensemble du dossier dès le début de la garde à vue. Il serait en effet à craindre que cet avocat ne se laisse entraîner à faire disparaître des preuves ou ne mettent les complices du suspect au courant du développement de l'information. Ce risque s'est accru depuis que l'intervention des avocats relève moins d'une activité libérale que d'une profession commerciale ; il s'est encore aggravé depuis que l'avocat traditionnel tend à être supplanté par des groupements pour lesquels la recherche du profit laisse peu de place à la déontologie. Et que dire des avocats plus ou moins officiellement attachés à des entreprises industrielles ou commerciales, peu scrupuleuses sur le choix des moyens !
Cass.crim. 19 septembre 2012, n° 11-88111 (Gaz.Pal. 18 décembre 2012 p. 14) : En l'état des dispositions du Code de procédure pénale, l'avocat ne peut avoir accès à l'entier dossier d'une personne pendant la garde à vue de son client.
AVOCAT DU DIABLE
Cf. Contradiction des débats*.
Dans une cause de béatification ou de canonisation, l’avocat du diable était un docteur chargé de veiller à ce que ne soient pas négligées d’éventuelles
zones d’ombres dans la vie de celui que l’on envisageait de donner en exemple aux chrétiens.
- L’institution présente un intérêt scientifique : elle montre que le principe du contradictoire doit être appliqué dans toute instruction portant
sur les actes d’une personne, qu’il s’agisse de l’en blâmer ou de l’en complimenter, puisqu’il favorise la recherche de la vérité.
Dictionnaire Robert : L’expression « avocat du diable » désigne celui qui est chargé de contester un dossier en canonisation et défend ou représente l’adversaire du futur saint : le démon.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Il est d'usage à Rome, avant de canoniser un saint, de nommer, pour plaider contre lui, un avocat, qu'en style familier on appelle l'Avocat du Diable : si cet avocat avait toujours été fidèle à son client, le calendrier serait un peu moins rempli. Quoi qu'il en soit, l'idée en elle-même est excellente, et c'est un emprunt que la politique doit faire à la religion.
Michelet (Histoire de la Révolution) : Le royaliste Dupont de Nemours se fit (comme on dit dans les controverses théologiques) l'avocat du diable, je veux dire de la République. Le diable, c'est ce qui lui arrive toujours en pareil cas, fut tué sans difficulté, et la République jugée impossible, la France déclarée royaliste.
AVOCAT GÉNÉRAL
Cf. Ministère public*.
L’avocat général est un magistrat du parquet, placé sous les ordres du procureur général, qui représente le ministère public devant la chambre des appels correctionnels, la chambre d’accusation, la cour d’assises et la Cour de cassation.
Perrot (Institutions judiciaires) : Auprès de chaque cour d’appel il y a un parquet, que l’on appelle « Parquet général », qui est dirigé par un haut magistrat qui porte le titre de « Procureur général ». Il a sous ses ordres deux catégories de magistrats : d’une part des « avocats généraux », dont le rôle est généralement de porter la parole à l’audience au nom du procureur général, d’autre part des « substituts généraux », dont la fonction est plus spécifiquement administrative.
Cass.crim. 22 août 1959 (Bull.crim. n° 308 p.809) : L’avocat général développe librement les observations qu’il croit convenables au bien de la justice.
AVORTEMENT
Cf. Assassinat*, Embryon*, Encise*, Fœtus*, Fœticide*, Homicide*, Légitimité*, Meurtre*, Natalité*, Personne humaine*, Vie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-125 et s., p.84 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », Table alphabétique
Voir : J. Tissot, Le meurtre au regard de la morale
Voir : J. Sainte-Rose, La condition juridique de l’enfant à naître
- Notion. L’avortement est l’acte par lequel une personne prive de la vie, intentionnellement (voire par imprudence), un enfant encore en gestation dans le sein de sa mère. Cet acte porte atteinte à la personne de l'enfant, à sa famille et à la Nation.
Encyclopédie Larousse : Expulsion spontanée ou provoquée du produit de la conception avant le moment où il devient viable.
Garraud (Traité de droit pénal) : Dans l’acception juridique du mot, l’avortement c’est l’expulsion prématurée, volontairement provoquée, du produit de la conception.
- Morale. L'avortement est fermement condamné par la règle morale, tant théologique que philosophique.
Livre des Psaumes : Seigneur, tu m’as choisi dès le ventre de ma mère.
Gousset (Théologie morale) : Il n’est pas permis à une femme de faire périr le fruit qu’elle porte en son sein.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : À partir du moment où se réalise la fusion des noyaux des gamètes, juste après la fécondation, est constitué un être nouveau. Son patrimoine génétique est achevé : il ne variera jamais. Certes, il a besoin de recevoir d'un autre, la mère, ce qui lui est nécessaire pour survivre (oxigène, sang, amour), mais il se développe à partir de lui-même. De la fusion des gamètes à la puberté, son organisme s'enrichira par lui-même, sans connaître de ruptures ou de seuils qualitatifs. Il ne devient pas homme ; il jouit pleinement de la nature humaine.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Le Code définit l'être humain comme une personne... dès lors qu'elle se manifeste dans l'utérus d'une mère, jusqu'au moment de sa mort. Il s'en suit qu'un moine qui cause intentionnellement un avortement ... commet un infraction majeure.
Dalaï-lama (Au-delà des dogmes) : Le bouddhisme estime que la conscience pénètre l'être au moment même de la conception et que, par conséquent, l'embryon est déjà un être vivant. C est pourquoi nous considérons qu'avorter revient à ôter la vie d'un être vivant et que, comme tel, ce n'est pas un acte juste. ... Cela dit, il peut y avoir des situations exceptionnelles. Je pense par exemple au cas où il est certain que l'enfant va naître anormal ou bien quand la vie de la mère est en danger. ... Au fond, tout dépendra de l'intention et de la motivation de l'action.
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : L'homicide direct d'un innocent est un acte intrinsèquement mauvais.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Les parents doivent s'abstenir, comme des pires assassinats qu'ils puissent commettre, de l'avortement provoqué et de l'infanticide. Ces crimes révoltent assez la nature et le bon sens moral pour qu'il soit superflu de réfuter les excuses et les justifications que leur ont cherché l'individualisme et l'hédononisme.
Höffe (Petit dictionnaire d’éthique) : La législation de l’avortement ne saurait être assimilée à une législation morale. Il ne peut qu’être toléré comme moyen d’éviter des dommages réels, physiques ou psychiques de la femme enceinte ou de l’enfant à naître.
Kardec (Le livre des Esprits) : La mère, ou toute autre, commettra toujours un crime en ôtant la vie à l'enfant avant sa naissance, car c'est empêcher l'âme de supporter les épreuves dont le corps devait être l'instrument.
L'avortement revêt un caractère d'immoralité scandaleuse lorsqu'il a pour but de supprimer un héritier légitime, en gestation, au profit d'un autre, en vie ; que ce soit le fait de la mère elle-même ou d'un tiers.
Digeste de Justinien (48, 19, 39). Tryphonien : Cicéron, dans un plaidoyer pour Cluentius Avitus, a écrit que lorsqu'il était en Asie, une femme de Milet, avait reçu de l'argent des héritiers substitués à son fils, s'était fait avorter par des médicaments, et avait été condamnée à mort.
- Science criminelle. Comme tout meurtre ce type d’homicide constitue un crime (le foeticide) que le
législateur a le devoir d'incriminer dans son principe. L'avortement ne saurait être considéré comme exceptionnellement légitime, dans tel ou tel cas
d'espèce, que pour des raisons médicales concernant, soit la vie de la mère, soit l’état de santé de l’enfant.
On incrimine ordinairement ce crime en tant que délit formel : l'acte destiné à provoquer l'avortement est alors réprimé indépendamment de son résultat.
Certains codes contiennent des dispositions spéciales concernant l'avortement par imprudence, d'autres comportent des incriminations de police
préventive.
Le législateur ne doit pas perdre de vue que le crime d'avortement peut être le fait d'un tiers (qui veut p.ex. éliminer un futur héritier) ou le fait
de la mère (cas le plus fréquent en pratique, mais non unique comme on le pense trop souvent).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
Voir : Tableau concernant la prohibition de l'avortement (selon la science criminelle)
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : Délits contre la Population. Ce sont ceux qui tendent à diminuer le nombre des membres de la Communauté : Suicide, Avortement ...
Digeste de Justinien 47, XI, 4. Marcien : Les empereurs Sévère et Antonin ont ordonné, par rescrit, qu'une femme qui s'est fait avorter, doit être envoyée en exil pour un temps : car il paraît inacceptable qu'elle puisse priver impunément son mari d'avoir des enfants.
Digeste de Justinien 48, 8, 8. Ulpien : S'il est constant qu'une femme a fait violence à ses entrailles pour se faire avorter, le gouverneur de la province la condamnera au bannissement.
Loi Salique. T. XXVI, art. 5 : Quiconque aura fait périr un enfant dans le sein de sa mère, ou un nouveau-né âgé de moins de huit jours, auquel on n’a point encore donné de nom, sera condamné à payer 4.000 deniers, ou 100 sous d’or.
Code général des États prussiens (éd. Paris an X). XX-733) : Nul ne doit se porter sciemment, à l'égard d'une personne dont la grossesse est apparente ou connue de lui, à des actes qui ont coutume d'exciter de fortes commotions de l'âme.
Code pénal de 1810. Art. 317 (DL 29 juillet 1939) : Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres violences ou par tout autre moyen, aura procuré, ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans…
Code pénal de Malte. Art. 241 (1) : Quiconque, par n'importe quelle nourriture, boisson, médicament, ou par violence, ou par tout les autre moyen, causera l'avortement de n'importe quelle femme portant un enfant, que la femme y consente ou pas, sera passible de l'emprisonnement de dix-huit mois à trois ans.
Code pénal du Japon. Art. 212 - (Avortement) : Quand une femme enceinte commet elle-même son avortement par des drogues ou tout autre moyen, elle encourt un emprisonnement pour un an au plus.
Pour renforcer la lutte contre le crime d'avortement, le législateur doit édicter des délits-obstacles.
Digeste de Justinien (48, 19, 38, 5). Paul : Ceux qui donnent un breuvage pour faire avorter ... quoiqu'ils ne le fassent pas par dol, cependant, parce que la chose est d'un mauvais exemple, sont condamnés, les gens du bas peuple aux mines, les personnes les plus distinguées à être reléguées dans une île, étant privés d'une partie de leurs biens. Si par ce breuvage une femme a péri, ils sont punis du dernier supplice.
On observera que l'avortement peut avoir pour objet, en fin de grossesse, de précipiter la naissance de l'enfant. Cet acte est évidemment légitime s'il s'impose pour des raisons de santé concernant la mère ou l'enfant. En revanche, s'il est pratiqué par convenance personnelle, il constitue un délit de coups et blessures dont l'enfant (dit "avorton") pourra demander réparation.
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) estimait qu'il y a avortement lorsqu'une veuve fécondée par un autre après la mort de son mari, provoque dès le huitième mois une naissance prématurée, pour faire croire à la conception légitime de l'enfant.
- En droit positif, lorsque cet acte se commet sans l’autorisation de la mère, on parle d’interruption illégale de grossesse (art. 223-10 C.pén.). Lorsqu'il est perpétré avec l’autorisation de la mère, dans les formes légales, et n’est dès lors plus punissable, on parle par euphémisme d’interruption volontaire de grossesse (voir le Code de la santé publique).
Cass.crim. 5 mai 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 179) : L’interruption volontaire de grossesse, telle qu’elle autorisée par la loi du 17 janvier 1975, ne saurait constituer un acte de torture.
On est allé si loin dans la négation du droit à la vie, pour les enfants dans le sein de leur mère, qu'il est actuellement interdit de discuter le "droit" des femmes à l'avortement.
G.Mémeteau, note sous Bordeaux 6 avril 2007 (Gaz.Pal. 10 novembre 2007) : Chaque censure soutient l'autre. Tant d'intérêts sont en jeu : les libertés des femmes, l'utilisation des embryons, les politiques internationales d'aides conditionnées par l'adoption de politiques de réduction des naissances... Il n'est guère discerné que lorsque seule une opinion peut publiquement s'exprimer et que l'opinion contraire est muselée ... la liberté d'expression n'existe plus.