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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  U

UBI  -  L'une des questions que doivent se poser le législateur, puis à défaut le tribunal, lors de la détermination de la sanction est la suivante : où l'infraction a-t-elle été commise ?
Il y a en effet parfois lieu de retenir une circonstance aggravante de lieu ; par exemple l'ivresse tapageuse dans un lieu public. 

Cf. Quis*, Quid*, Quando*, Quibus auxilliis*, Cur*, Quomodo* . Et Motifs (de l'individualisation de la sanction)*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-3, p.295

ULTRA PETITA

Cf. Compétence - Compétence d'attribution*, Saisine*.

Un tribunal statue ultra petita lorsqu’il statue au-delà de ce qui lui a été demandé. Dans la mesure où il excède le domaine de sa saisine, sa décision est entachée de nullité.

Signe Doctrine Boré (La cassation en matière pénale) : L’ultra petita, commis par une juridiction répressive, constitue un excès de pouvoir donnant ouverture à cassation.

Signe Droit comparé Cour de cassation du Luxembourg 30 mai 1913 : Lorsque le prévenu a seul relevé appel d’un jugement rendu à sa charge, la compétence du juge d’appel, par l’effet dévolutif de cet appel, est circonscrite dans les termes mêmes de cet acte et des conclusions prises devant lui, d’où la conclusion qu’il ne peut statuer ultra petita en aggravant la condamnation du premier juge.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 mai 1979 (Bull.crim. n° 152 p.433) : Il est vainement fait grief à une Cour d’appel d’avoir statué ultra petita en assortissant des intérêts de droit à dater du jour de l’arrêt la condamnation à dommages-intérêts prononcée au profit de la partie civile, alors que celle-ci n’avait pas conclu à l’attribution d’intérêts moratoires. En effet, une créance délictuelle ou quasi délictuelle produit de plein droit des intérêts moratoires du jour où la décision dont elle résulte est devenue exécutoire.

UNIFORME  -  Voir : Faux costume*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-218, p.510 (sur le port d'un faux uniforme officiel)

UNIVERSITÉ

Cf. Abélard*, Doctrine*, Droit*, Jurisconsulte*, Enseignement du droit*, Immunité scientifique*, Papinien*, Science criminelle*, Ulpien*.

Signe Renvoi article Voir : J.-P. Doucet,  Supplique en faveur de la science criminelle (sur la nécessité de restaurer la science criminelle)

Signe Renvoi article Voir : J.-P. Doucet, L'enseignement du droit criminel dans une société libérale (article soulignant la nécessité de faire prévaloir la science criminelle sur le droit positif, si l'on souhaite protéger la société des entreprises totalitaires)

Signe Renvoi article  Blasons de quelques Universités

Signe Renvoi article  Sceaux de quelques Universités

Signe Renvoi article  Devises de quelques Universités

Signe Renvoi rubrique Voir : H. Ahrens, Des rapports de l’État avec les sciences et les arts, l’instruction et l’éducation, et la moralité publique

Les études supérieures qui portent sur une matière donnée (pour nous il s’agit des études juridiques, et plus spécialement des études de droit criminel) peuvent s’orienter dans deux directions : ou bien vers la recherche fondamentale, ou bien vers les techniques d’application des règles présentement en vigueur. Les premières relèvent de l’Université, les secondes des Instituts spécialisés (École supérieure de la magistrature…). Du fait qu’elles sont complémentaires, les deux importent également au bon fonctionnement de la société. Elles offrent d’ailleurs aux étudiants deux parcours différents ; ce qui permet à chacun de choisir celui qui correspond le mieux à sa tournure d’esprit ; les uns se tournant plutôt vers la théorie, les autres plutôt vers la pratique.

On peut regretter que l’ancienneté des Universités, et leur renommée passée, attire des étudiants qui s’épanouiraient mieux dans un autre cadre. On peut aussi déplorer qu'elles se plient au goût du jour, multiplient des enseignements techniques qui ne répondent pas à leur vocation, et que les pouvoirs publics attachent plus d'importance à la qualité des locaux qu'à la compétence des maîtres.

Il n’en reste pas moins que tous les enseignants, qu'ils œuvrent dans les Universités ou dans les Instituts techniques, doivent connaître tout à la fois la théorie générale de leur matière et son application pratique ; c’est là une des grandes leçons que les jurisconsultes romains nous ont léguées. Trop de théoriciens oublient d’envisager l’applicabilité de la règle de droit qu’ils étudient ; trop de praticiens perdent de vue qu'un corpus juridique n'est satisfaisant que s'il constitue un ensemble rationnel, où chaque disposition s’harmonise avec l’ensemble des autres.

Lorsque, avec tous les grands corps sociaux du Moyen-âge, les Universités furent reconnues en tant que personnes morales, chaque put se doter d’un blason. Son triple objet était : d’indiquer le lieu où elle était fixée ou le grand personnage qui l’avaient créée, de faire connaître sa fonction sociale, à savoir l’acquisition de la connaissance, et de préciser qu’elle se fixait pour but la recherche de la vérité scientifique. Ainsi le blason de la Sorbonne comporte les Fleurs de lis des Rois de France qui l’avaient soutenue à sa naissance, celui d’Oxford figure un livre ouvert inspiré par la lumière divine, et celui d’Harvard représente trois livres où l'on peut lire le mot VE-RI-TAS.

Outre un blason, une Université possède un sceau, lui permettant d’authentifier ses documents officiels. Ce sceau présente les mêmes caractères que le blason, mais de manière plus pratique que symbolique : le nom de l’Université et la ville où elle se situe y sont inscrits en clair ; son fondateur ou ses grandes figures y sont souvent représentés en effigie. On peut aussi y trouver sa devise.

Les termes que comportent le plus souvent les devises sont les suivants : vérité, vertu, sagesse, science, intégrité, fidélité, charité… Nombreuses sont les devises dont les auteurs, conscients de la faiblesse de la nature humaine, se tournent vers la Divinité en lui demandant son soutien ; en héraldique cette invocation est  illustrée par un nuage d’où sort une main tenant un livre. Il en est ainsi avec le sceau de la Faculté de droit de l'Université de Nancy qui représente un ouvrage où figurent les mots De justicia et jure (un juriste classique voit dans ce document un recueil des lois naturelles dont tous les théoriciens et les praticiens devraient s'inspirer). L'Université de Pennsylvanie a pris comme devise : Leges sine moribus vanae (si elles ne sont pas soutenues par de bonnes mœurs, les lois sont vaines). En 1991, un professeur de l'Université de Belgrade  a conclu une conférence par cette profession de foi qui pourrait être notre devise à tous, je veux dire : " Science, conscience et labeur ".

Signe Histoire Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : Alcuin, maître de l'école d'York a été le grand artisan de la renaissance carolingienne... La réussite des grands centres d'études est due à la présence d'une bibliothèque bien constituée et d'un maître particulièrement savant... Les Espagnols, fuyant l'occupation arabe, se sont installés en Gaule avec leurs manuscrits et leur science... Lyon eut la chance d'accueillir certains de ces Espagnols et d'avoir un scriptorium où des centaines de manuscrits ont été recopiés... Jean Scot Érigène, Irlandais protégé de Charles le Chauve, réveille l'école de Laon et en fait un centre d'études du grec et de la philosophie... Le terme "Académie" que l'on trouve sous la plume d'Alcuin, se limite au petit cercle des lettrés.

Signe Doctrine Letort-Trégaro (Pierre Abélard) : Abélard savait comme personne nouer un contact direct, existentiel avec ses disciples. Ce type de rapport avec ses élèves le fait comparer, certes, à Aristote, le Péripatéticien, mais aussi à Socrate, à Épicure, à Zénon d'Élée, à tous les grands maîtres de l'Antiquité. Dernier professeur d'un monde antique révolu, il est aussi le premier professeur des temps modernes par le sentiment qu'il eut que son travail était aussi un métier, et un métier noble et utile.

Signe Doctrine Ortolan (Cours de législation pénale comparée) : Au Moyen-âge, les Universités, dont le nom, dans son étymologie historique, ne signifie autre chose que corporation, avaient reçu de l'opinion générale et vulgaire une acception bien plus philosophique : leur dénomination représentait aux esprits l'ensemble de toutes les connaissances humaines ; et l'Université, en effet, réunissait en son sein, dans le même local, rapprochées les unes des autres, s'entraidant mutuellement, toutes les sciences : symbole de l'association intellectuelle, qui produisait par contrecoup l'association et la fraternité entre les hommes voués à !a science.

Signe Histoire Olivier -Martin (Histoire du droit français) :
- Les écoles de Paris. - À Paris, au XIIe siècle, il existait des écoles extérieures aux monastères de Saint-Victor et de Sainte Geneviève. Les écoles épiscopales étaient dirigées par le « maître des écoles », appelé l’écolâtre ou le capiscol. Au nom de l’Évêque, le chancelier conférait au maîtres la permission d’enseigner (licentia docendi), et avait juridiction sur les maîtres et écoliers. La foule des écoliers devint telle qu’elle déborda bientôt sur la rive gauche, sur la Montagne Sainte-Geneviève.
- L’université des maîtres et écoliers se forme spontanément. - L’ensemble des maîtres et des écoliers (universitas magistrorum et scolarium) se considéra bientôt comme un corps distinct, ayant des intérêts propres, à l’instar des bourgeois groupés en communes et des maîtres et compagnons constitués en communautés de métier. Et par une pression méthodique, l’Université cherche à faire reconnaître sa situation particulière par les pouvoirs dont elle dépend. En 1200,Philippe Auguste la met à l’abri des vexations de son prévôt de Paris, qui doit jurer de respecter ses privilèges. Puis le Pape la reconnaît comme une corporation ecclésiastique (1228) et lui accorde un sceau (1246). Elle obtient ainsi pleine capacité pour acquérir des biens et reçoit bientôt des libéralités et privilèges de la part des princes et des personnes privées. Ses anciens liens avec l’évêque de Paris ne sont pas rompus ; c’est toujours le chancelier qui délivre les diplômes. Mais il ne peut les délivrer que sur le vu des certificats des maîtres. L’Université jouit d’une large liberté pour son organisation intérieure et la réglementation des études ; elle a juridiction sue les écoliers pour toutes les questions de discipline universitaire.

- L’université devient un corps autonome et privilégié. - Ainsi, grâce à l’arbitrage du pape et à la bonne volonté du roi, un nouveau corps autonome est créé. Cette république un peu bruyante de maîtres et d’écoliers, venue aux écoles de Paris de tous les points de la chrétienté et qui a débordé les cadres primitifs de l’école épiscopale, a reçu un statut approprié, à la fois respectueux du passé et adapté aux besoins nouveaux, et placé sous la protection du pape, défenseur des intérêts généraux de la chrétienté. Un peu plus tard, mais selon un processus analogue, les Universités de Montpellier et d’Orléans furent reconnues par le pape.
- Les facultés et les collèges. - L’Université des maîtres et écoliers constitue un corps unique, mais divisé en facultés. La Faculté des Arts est une école de formation générale, transition entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, où l’on passe avant d’accéder à l’une des facultés supérieures de Théologie, de Décret ou de Médecine… Aux facultés s’ajouteront bientôt les collèges, sortes d’internats où étaient reçus gratuitement, selon les indications des fondateurs, maîtres et écoliers. Beaucoup de collèges furent fondés et enrichis par des particuliers, souvent par des ecclésiastiques, comme le fameux collège de Sorbonne, fondé par Robert de Sorbon.

Signe Histoire Merlin de Douai (Répertoire de jurisprudence, v° Université § 1) :
S’il resta quelques étincelles de lumière en Occident, dans le sixième et septième siècle, nos pères en ont eu l’obligation aux monastères et aux maisons épiscopales. Les Églises cathédrales et les monastères considérables formèrent, après l’invasion des peuples du Nord, des écoles qui devinrent plus ou moins célèbres. On y enseignait la grammaire, la dialectique et l’écriture sainte. Tous les hommes qui se distinguèrent jusqu’au huitième siècle, sortirent de ces écoles.
Les guerres fréquentes entre les maires du Palais, qui pillaient les monastères et détruisaient les églises, avaient déjà occasionné la décadence de ces écoles, lorsque Charlemagne monta sur le trône. Ce prince, appelé à juste titre le restaurateur des lettres, et qui lui-même était très éclairé pour son temps, mit tout en oeuvre pour les rétablir. Par une loi faite au concile de Francfort … cet empereur dit que ses soins principaux doivent s’étendre sur les écoles des églises et des monastères ; que ceux qui sont chargés d’enseigner les autres, doivent surtout régler leurs leçons et leurs écrits sur l’écriture et la doctrine des pères. Il ordonne qu’on choisisse pour une fonction si importante des hommes habiles qui joignent à des connaissances la facilité d’enseigner, et qui aient le goût de l’enseignement « Tales vero ad hoc opus viri eligantur qui et voluntatem et possibilitatem dicendi et desiderium habent alios instruendi ». (Capitulaires, T. 1, page 202).
Par un capitulaire fait à Aix-la-Chapelle en 789, il veut qu’on établisse des écoles dans les maisons des évêques et dans les monastères pour enseigner les psaumes, le plain-chant, l’épacte, la grammaire, et qu’on pourvoie ces écoles de livres catholiques très corrects, parce que souvent, ajoute-t-il, avec l’intention de remplir bien les fonctions de la prière publique, on le fait mal lorsque les livres ne sont pas châtiés…

Charlemagne établit lui-même, dans son palais, une école qui fut très célèbre jusqu’au règne de Charles-le-Chauve. Il ne se contenta pas de favoriser le rétablissement des écoles ; il prit, pour se procurer de bons maîtres, un moyen toujours efficace, et qui sera toujours dans la main des princes qui voudront faire fleurir les études : il honora les savants, les combla de biens, les attira chez lui. C’est à ses bienfaits que la France est redevable du fameux Alcuin, qui, dans son école de Tours. forma plusieurs disciples, après lui l’honneur de son siècle.
Ce sont apparemment les écoles du palais de Charlemagne qui ont fait dire à plusieurs écrivains de l’Université de Paris qu’il en est le fondateur. On sait quelle était dans les quatorzième et quinzième siècles l’espèce de manie qui avait saisi tous les corps, pour reculer, le plus qu’il était possible, leur origine ; et cette manie-là ne devait pas être moindre qu’ailleurs dans l’Université de Paris, composée alors de presque tous les érudits du temps…

Les écoles que Charlemagne établit dans son palais ne furent jamais autres que les écoles des églises et des monastères, et par conséquent elles ne doivent point être confondues avec l’Université Paris. Elles étaient encore célèbres sous le règne de- Charles-le-Chauve ; mais bientôt après, elles tombent en décadence, et disparaissent entièrement. Ce n’est qu’après une interruption de près de deux siècles, qu’il reparaît tout d’un coup des écoles d’un autre genre, sous le nom d’Université.
Cet intervalle se trouve rempli par d’autres écoles qui acquirent une grande célébrité : savoir, celle de Reims, sous Hincmar et ses successeurs, c’est-à-dire depuis le neuvième siècle ; et celle de Lyon dans le même temps. L’école de Reims se soutint après l’invasion des Normands ; on peut dire même qu’elle était alors la plus célèbre. Elle produisit dans ce temps Flodoart, qui écrivit l’histoire de l’église de Reims, et Gerbert, qui devint pape sous le nom de Silvestre II. Plus tard encore, ou en vit sortir saint Bruno, Roscelin de Compiègne, les deux frères Anselme et Raoul de Laon.
Au commencement du onzième siècle, il se formait à Paris une école qui devait devenir la plus fameuse de l’Europe. Nos premiers rois de la troisième race avaient fixé leur séjour dans cette ville. Paris, devenu la capitale du royaume, s’augmentait de jour en jour ; les grands et les gens d’affaires, qui étaient obligés d’y établir leur résidence, y attiraient après eux cette foule d’artisans du luxe, de marchands et de demandeurs qui accompagnent toujours la cour des princes. Les maîtres se rendaient, de toutes parts, dans une ville qui devenait la plus importante du royaume, qui était la plus riche, et où il y avait le plus de gens en état de connaître leur mérite. Le nombre et la célébrité des maîtres y attiraient beaucoup d’écoliers. Aussi, dès le commencement du douzième siècle, y voit-on plusieurs maîtres fameux : Guillaume de Champeaux, et ses disciples. qui enseignaient à Saint-Victor ; Pierre Abelard, qui enseigna avec un grand éclat les humanités et la philosophie d’Aristote ; Alberic de Reims, Pierre Lombard, Hildebert de Tours, Robert Pula, l’abbé Rupert, et Hugues de Saint-Victor.

Nous voilà arrivés au commencement de l’Université de Paris. Connue on y venait étudier de toutes les parties de l’Europe, d’Angleterre, d’Allemagne, de tout le Nord, d’Italie et d’Espagne, et qu’on y enseignait toutes les sciences, ou nomma ces assemblées de gens de lettres, « Universitas studiorum », « Université d’études », pour montrer qu’elles renfermaient toutes les études, et qu’on y enseignait toutes les sciences, qu’il fallait auparavant aller apprendre en divers lieux. Ces maîtres n’avaient point formé de corps jusque-là, et n’étaient point soumis à des règlements particuliers : ils convinrent d’en former un, et dressèrent entre eux des statuts qu’ils furent tenus de suivre. Innocent III, qui se glorifiait d’avoir étudié à Paris sous Pierre de Corbeil, lequel y professait la théologie, confirma ces statuts par une bulle donnée à Anganie … en l’an 1209. Nous ignorons quels étaient ces statuts. Duboullai lui-même dit qu’il ne les pas vus. Cependant ils existaient en 1209 puisqu’ils se trouvent cette année confirmés par Innocent III.
Quelques années après, Philippe-Auguste donna des règlements à l’Université de Paris. On ne les a pas plus découverts que les statuts qu’elle avait déjà ; mais on est certain de leur existence, parce qu’on les trouve référés dans quelques édits, déclarations et statuts particuliers.
L’origine de l’Université de Bologne, la plus ancienne après celle de Paris, fut à peu près la même, et son existence date presque du même temps. En 1220, le pape Honorius témoignait, par une bulle, que l’étude des bonnes lettres avait rendu la ville de Bologne célèbre par tout le Monde… Outre l’Université de Paris, on en compte dix-sept autres en France, indépendamment de celles d’Avignon et d’Orange : savoir, celles d’Orléans, Toulouse, Bordeaux, Bourges, Caen, Angers, Poitiers, Nantes, Reims, Valence, Aix, Montpellier, Besançon, Douai, Strasbourg, Dijon, et Nancy depuis la réunion de la Lorraine à la France…
Les Universités ont été, comme toutes les corporations de l’Ancien régime, entraînées par le torrent de la révolution de 1789. Mais leur suppression s’est opérée, en quelque sorte, d’elle même. Aucune loi ne l’a prononcée formellement…

Signe Doctrine Bluntschli (Droit public général) :
Comme dit excellemment Savigny, " Le grand avantage de l'université, celui que les livres ne peuvent donner, c'est de présenter à l'étudiant la science dans son dernier état, personnifiée dans le maître, de réveiller son ardeur, de le pousser à apprendre et à produire à son tour, en mettant sous ses yeux la genèse vivante de la pensée scientifique ". Il faut donc que le professeur d'université garde toute son individualité.
La science ne s'acquiert que par l'esprit agissant librement, On rejettera toute prescription officielle sur les livres d'enseignement, les systèmes, les méthodes, etc. Mais même ici, la liberté n'est pas absolue et son but la détermine : la forme de l'enseignement propre à l'université, et qui doit être maintenue, c'est le discours libre. Si la parole du maître n'est plus qu'une dictée, elle perd tous ses avantages. Machinale et mortelle à l'esprit, elle cesse d'être une vivante impulsion ; mieux vaudrait recourir au livre imprimé. L'État s'efforcera de repousser une aussi paresseuse méthode. Un chargé d'enseignement qui s'y serait complu ne devrait jamais arriver au professorat...

La haute science ne s'allie bien qu'à la liberté . L'université sera donc indépendante, et formera autant que possible un corps autonome. Le moyen âge présente ici un vif contraste avec l 'époque moderne. Il aimait et protégeait cette autonomie au point d'eu faire une sorte de souveraineté.

Signe Doctrine Jeandidier (in Mélanges en l'honneur de Ph.Merle) : La mode est à la professionnalisation dans les facultés de droit ; elles finissent par oublier que leur mission est de dispenser un savoir, une culture et un art de raisonner.

Il devrait être inutile d'observer qu'une personne ne saurait être appelée à professer dans une Université que si ses connaissances scientifiques et sa moralité personnelle le légitiment. Encore ne doit-elle pas être dominée par une idéologie aveugle, mais soumise au doute socratique.
De plus il n'appartient, ni aux pouvoirs politiques, ni aux groupes de pression, d'imposer leurs conceptions aux universitaires. C'est pourquoi Napoléon avait sagement créé des chaires dont les titulaires, aux qualités publiquement reconnues, étaient déclarés inamovibles et jouissaient donc de toute liberté, tant dans leur recherche que de leur enseignement.

Signe Législation Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 18 décembre 2000.
Art. 13. Liberté des arts et des sciences. Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée.

Signe Philosophie Gilson (Thomas d'Aquin - Textes sur la morale) : Supposons qu'il s'agisse de conférer à quelqu'un la dignité et les fonctions du professeur ; du point de vue de la justice distributive, cet homme n'y a droit qu'en proportion exacte de sa science, car c'est sa science, qui définit sa place dans la hiérarchie sociale par rapport à l'ordre de l'enseignement. Agir justement, en pareil cas, c'est donc ne tenir compte que de la science du candidat ; faire acception de personne, au contraire, c'est considérer sa personne, c’est-à-dire tout ce qui n'est pas la seule cause légitime que l'on puisse avoir de lui conférer cette dignité : ses richesses, par exemple, ou la parenté qui nous unit à lui.

Signe Dictionnaire Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Enseignement du droit, par Chêne : L'étudiant en droit est toujours invité à cultiver, comme le dit Alain, « ce doute sur le droit qui sauve le droit ».

Signe Dictionnaire Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Professeurs à la Faculté de droit, par J.-M. Carbasse : Les professeurs à la Faculté de droit sont essentiellement en charge de la dimension proprement culturelle du droit : à l'instar des anciens jurisconsultes romains, c'est à eux qu'il revient de faire du droit un art...
Depuis le milieu du XXe siècle, la technocratie galopante a accéléré l'inflation juridique et multiplié les branches spéciales du droit. Cette prolifération de matières étroitement techniques a malheureusement obscurci la dimension culturelle de la discipline..
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En guise de péroraison on peut rapporter le dialogue suivant :
Signe Exemple concret Dale Furutani :
Le Maître dit : Quelle est selon toi la joie suprême, pour un vrai maître ?
Le disciple hocha la tête, dans le doute : Je ne sais pas, Maître.
Le Maître reprit : La joie suprême pour un vrai Maître, c'est d'avoir un élève qui le surpasse.

UNIVOQUE

Cf. Commencement d’exécution*, Équivoque*, Tentative*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-334, p.98 / n° I-I-I-339, p.103 / n° I-I-I-341, p.108

Un acte ou un écrit est dit univoque lorsqu’il ne peut avoir qu’un sens. En matière de tentative seul un acte univoque, visant directement à blesser tel intérêt protégé précis, permet de dire qu’il y a eu commencement d’exécution du crime ou délit reproché.

Signe Dictionnaire Littré (Dictionnaire) : Univoque : qui n’est susceptible que d’une seule interprétation.

Signe Philosophie St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Dans une cause univoque, la similitude de l’effet se trouve au même niveau de perfection formelle.

Signe Doctrine Carrara (Cours de droit criminel) : Je définis la tentative : tout acte extérieur conduisant univoquement par sa nature et dirigé par la volonté explicite de l’agent vers un résultat criminel.

Signe Droit comparé Cour de cassation du Luxembourg 4 novembre 1974 : Une preuve par indices, non pas univoques mais équivoques, est insuffisante pour entraîner la conviction du juge.

Signe Jurisprudence TGI Toulouse, 20 novembre 1989 (Gaz.Pal. 1993 II somm. 513) : Le rôle du Tribunal est, en l’espèce, de rechercher si le défunt a exprimé une volonté personnelle, claire et univoque de procréer après sa mort et désigné la requérante comme destinataire de son sperme.

URGENCE

Cf. Clameur publique*, Enquête de police*, État d'urgence*, Flagrant délit*, Force majeure*, Légitime défense*, Nécessité (état de)* .

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-310, p.72 / n° I-I-II-203, p.139

Signe Renvoi rubrique Voir : P.Moriaud, De la justification du délit par l'état de nécessité

- Notion. Présente un caractère d'urgence une situation qui ne souffre point de retard dans l'action.

Signe Doctrine Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : Définie communément comme la qualité de ce qui ne souffre point de retardement, l'urgence n'a pas de définition juridique précise parce que, à l'instar de la nécessité, elle constitue un standard. Elle n'apparaît en définitive que comme une espèce de la nécessité. L'urgence renvoie à la nécessité d'agir vite.

- Conséquence quant au fond. Du point de vue du fond du droit, la notion d'urgence se rapproche de celle de force majeure. Un acte en principe interdit par la loi pénale peut être légitimement accompli, à titre exceptionnel, lorsqu'il y a urgence à mettre fin à une situation dangereuse pour l'ordre public.

Signe Doctrine Bluntschli (Droit public général) : L'urgence ne doit pas créer un droit nouveau définitif ; elle peut autoriser une violation du droit, non une substitution formelle et durable. Le droit exceptionnel n'existe que pour la situation exceptionnelle.

Signe Doctrine Hauriou (Aux sources du droit) : En cas d'urgence, l'ordre social prime la justice.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 16 décembre 2006 (Bull.crim. n° 317 p.1180) : S'il est interdit de transporter des animaux malades ...  cette interdiction cesse de s'appliquer dans le cas de transport à des fins sanitaires ou d'abattage d'urgence.

- Conséquence quant à la procédure. Lorsqu’une autorité judiciaire prend connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction, elle peut, s’il y a urgence, prendre toute mesure conservatoire pour assurer la conservation des preuves ; et ce quand bien même elle déborderait son domaine de compétence ou méconnaîtrait une règle de procédure. Dans une telle hypothèse, on fait application de l’adage « nécessité fait loi ». C’est la Cour de cassation qui, éventuellement, vérifie que l’accomplissement de l’acte litigieux ne pouvait raisonnablement être différé.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale allemand, § 21 (Pouvoir en cas de grande urgence). Un tribunal incompétent doit en cas de grande urgence procéder aux actes d’instruction qui doivent être faits dans son ressort.
§ 81a 2°, relatif à un examen corporel tel que la prise de sang) : La décision appartient au juge, mais, lorsqu’un retard risque de compromettre le succès de l’instruction, elle peut être prise également par le ministère public et ses auxiliaires.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale espagnol, Art. 449 : En cas de péril de mort imminente du témoin, on recevra sa déposition de toute urgence, sous la forme de procès-verbal.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 1er décembre 1998 (Bull.crim. n° 323 p.929) : Le juge d’instruction qui acquiert la connaissance de faits nouveaux peut, avant toute communication au procureur de la République, en consigner la substance dans un procès-verbal, et, le cas échéant, effectuer d’urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 11 mai 2000 (Bull.crim. n° 186 p.548) : Les officiers de police judiciaire qui, à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire, acquièrent la connaissance de faits nouveaux, peuvent, avant toute communication au juge d’instruction des procès-verbaux qui les constatent, effectuer d’urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance.

USAGE DE FAUX

Cf. Délits pénaux (délit de conséquence)*, Faux*, Faux en écritures*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-216, p.508

Signe Renvoi rubrique Voir : R.Garraud, Notions générales sur le faux et l'usage de faux

- Notion. On appelle usage de faux le fait de se servir en connaissance de cause d’un document précédemment falsifié, comme s'il s'agissait d'un document  authentique et pour atteindre le but permis par celui-ci.

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : L’usage de faux consiste en l’emploi, conforme à sa destination, et au préjudice de la victime, d’un écrit qu’on sait falsifié. L’infraction suppose un objet, réunissant toutes les caractéristiques du faux punissable, un acte matériel d’usage, le préjudice et l’intention frauduleuse.

- Science criminelle. Cet acte constitue un acte accessoire postérieur au délit principal. Il peut donc techniquement être sanctionné, soit en tant qu'acte de complicité a posteriori, soit en tant que délit de conséquence. L'expérience montre qu'il vaut mieux  pour le législateur en faire un délit autonome.

Signe Doctrine Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) : La fabrication et l'usage ne se confondent pas ; ils forment deux faits successifs, qui s'isolent l'un de l'autre, en présentant deux opérations distinctes. De ces deux actes, la loi a fait deux crimes distincts, indépendants, qui ont des éléments constitutifs différents...
L'usage n'est punissable que si l'auteur a agi dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Cette intention doit être prouvée et constatée dans les actes de procédure.

Signe Droit comparé Code pénal de Colombie. Art. 291 - Uso de documento falso - Celui qui, sans avoir concouru à sa falsification, fait usage de faux document public qui peut servir de preuve, encourt de deux à huit ans de prison.

Lorsqu’il est commis par le faussaire lui-même, l’usage d’un faux ne saurait faire l’objet d’une peine distincte. Il retarde toutefois le point de départ de la prescription de l’action publique.

Signe Droit comparé Cour supérieure du Luxembourg 16 janvier 1972 (Pas.lux. 1972-1974 167): Il est de principe que lorsque le faussaire fait lui-même usage du faux, cet usage ne forme que le dernier acte et la consommation de l'infraction de faux ; il en suit que l'auteur du faux et de l'usage de faux ne commet qu'une seule infraction, l'ensemble des faits délictueux étant le résultat d'une même intention criminelle.

- Droit positif. C’est l’art. 441-1 C.pén. (art. 148 et 151 de l’ancien Code) qui sanctionne l’usage de faux, mais sans le définir.

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : Dans le système de la législation française, la fabrication d’une pièce fausse et l’usage de cette pièce ne sont pas deux éléments successifs d’un même crime ; ce sont deux crimes distincts, que le Code pénal mentionne séparément.
L'incrimination d'usage de faux est constitué de trois éléments essentiels : 1° il faut qu'il y ait usage de la pièce fausse ; 2° que cette pièce renferme les caractères d'un faux prévus et spécifiés par la loi ; 3° et que l'usage ait eu lieu avec connaissance de la fausseté de la pièce.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 mars 1990 (Droit pénal 1990 247 note Véron) : Les délits de faux et d’usage de faux, tout en impliquant l’un comme l’autre l’altération de la vérité dans un document, sont distincts ; celui qui fait usage du document falsifié est punissable, quand bien même il ne serait pas l’auteur du faux ou que celui-ci serait inconnu ou ne pourrait être poursuivi.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 7 mai 2002 (Rev. gén. assur. 2002 1056, note Fortis) : La production en connaissance de cause de faux certificats d'origine et de fausses factures de maquettes de bateau, qui sont des documents de nature à faire la preuve de faits et à permettre d'en déduire l'existence de droits, constitue l'usage de faux.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 mai 2012, n° 11-82431 (Gaz.Pal. 28 juillet 2012 p.25) sommaire : Constitue un usage de faux la production, spontanée ou effectuée en exécution d'une décision de justice, de documents falsifiés.

USAGE IRRÉGULIER DE LA MONNAIE LÉGALE -  Voir : Monnaie*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-124, p.476  

USAGE IRRÉGULIER D’UN DOCUMENT OFFICIEL

Cf.  Contrefaçon*, Falsification de document*, Faux*, Fonction (fonction publique)*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-119, p.94

Les articles 433-14 et 433-15 du Code pénal, figurant sous la rubrique "De l'usurpation de signes réservés à l'autorité", incriminent, non seulement le fait d'user sans droit d'un document officiel, mais encore le fait d'user d'un document présentant avec un document officiel une ressemblance de nature à causer une méprise dans l'esprit du public .

Signe Doctrine Vitu (Commentaire au Juris-classeur) : Le délit de l'article 433-15 vise une imitation approchée, suffisante pour créer une méprise dans l'esprit du public... Il constitue, pour les marques distinctives de l'autorité, une sorte de défense plus lointaine que l'article 433-14.

USAGE IRRÉGULIER D’UNE QUALITÉ

Cf. Fonction*, Fonctionnaires*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-220, p.512

L’art. 433-18 C.pén. (anciens art. 262 et 263) incrimine le fait, notamment pour un grand commis de l’État, de laisser utiliser son titre comme argument publicitaire par une entreprise visant un but lucratif.

Signe Doctrine Vitu (Commentaire au Juris-classeur) : Par cette prohibition, la loi cherche surtout à empêcher que les titres, qualités ou distinctions honorifiques qu’elle vise ne soient transformés en éléments publicitaires, en arguments lucratifs, et que le public, mal renseigné, ne voie dans l’utilisation de ces titres ou distinctions une confirmation de la compétence des personnes ou de la moralité des opérations. Indirectement, la loi veut aussi protéger les titres et qualités des personnes mentionnées et éviter qu’elles ne soient éclaboussées par les difficultés d’ordre financier ou par les scandales qui pourraient surgir ultérieurement.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 10 janvier 1967 (Bull.crim. n° 17 p.41) : Pour faire application de ce texte au prévenu, les juges du fond doivent constater qu’il est l’une des personnes que ce texte énumère et que, dans la publicité faite dans l’intérêt de l’entreprise qu’il dirige ou qu’il se propose de fonder, il a fait –ou laisser- figurer, avec mention de sa qualité, le nom d’un ancien membre du Gouvernement, d’un fonctionnaire

USAGES

Cf. Coutume*, Loi*, Norme*, Sources du droit*, Traditions locales*, Tromperies contractuelles*.

Signe Renvoi rubrique Pour un exemple d'usage écartant l'application du droit pénal, voir le Cas pratique n°89.

- Notion. Les usages consistent en une pratique suivie spontanément par les membres d'un groupe social, et consacrée par son ancienneté.

Signe Dictionnaire Larousse des synonymes. Coutume se dit d'une manière d'agir très générale et collective, laquelle repose généralement sur une tradition. Usage suppose  quelque chose de plus restreint, de plus particulier, de moins ancré surtout que la coutume; il fait plutôt penser à une pratique.

Signe Philosophie Montesquieu (De l’esprit des lois) : Les mœurs et les manières sont des usages que les lois n’ont point établis, ou n’ont pas pu, ou n’ont pas voulu établir.

- Science juridique. Lorsqu'ils reposent sur une pratique commune établie de longue date (élément matériel), et sont effectivement observés par les intéressés en tant que règle de vie sociale (élément moral), les usages constituent une source secondaire du droit. Ils peuvent alors compléter la législation en vigueur, voire y apporter quelques tempéraments.

Signe Philosophie Tarde (Les lois de l'imitation) : Aux prescriptions légales accumulées s'ajoutent les usages commerciaux.

Signe Doctrine Marty et Raynaud (Droit civil) : L’élément matériel de l’usage consiste en une pratique, une habitude, fixant la conduite à tenir dans telles circonstances… L’élément psychologique est l’idée que la conduite définie par l’usage a un caractère obligatoire et qu’il y a lieu de s’y conformer.

Signe Histoire Bertaut (Le directeur des confesseurs, Lyon 1674) : Si la religion pourchasse les instincts animaux de l'homme, elle admet que les baisers donnés par le motif de civilité, selon la coutume du pays, sont exempts de péché, parce que le motif de civilité est honnête.

Signe Droit comparé Code pénal suisse. Art. 322 octies - 2. Ne constituent pas des avantages indus les avantages autorisés par le règlement de service et ceux qui, de faible importance, sont conformes aux usages sociaux.

Signe Droit comparé Code pénal de Mauritanie. Art. 372 sur la filouterie d'hôtel : Sera puni d'un emprisonnement de dix jours au moins et de six mois au plus ... celui qui, sachant qu'il est dans l'impossibilité absolue de payer, se sera fait attribuer une ou plusieurs chambres dans un hôtel, auberge ou gîte d'étape et les aura effectivement occupées. Toutefois ... l'occupation du logement ne devra pas avoir dépassé une durée de dix journées d'hôtel ; telle qu'elle est fixée par les usages locaux.

Signe Jurisprudence Paris 14 décembre 1970 (La vie judiciaire 23 mai 1971) : Un usage ne peut être tenu pour une source du droit que si deux éléments s'y trouvent réunis : d'une part, la pratique depuis longtemps suivie de façon générale ; d'autre part, la conviction de ceux qui se conforment à cette pratique qu'ils agissent en vertu d'une règle non exprimée s'imposant à eux comme une règle de droit.

- Droit positif. On rencontre les usages dans différents activités artisanales, industrielles ou commerciales, où ils précisent le sens et la portée des lois sous l’impulsion des organisations professionnelles. Tantôt ils servent à établir le domaine du légitime et de l’illégitime ; tantôt ils précisent l’existence, la répartition et l’étendue des responsabilités.

Signe Législation Code de la sécurité intérieure. Art. L.211-1 (Les lois de l'imitation) : Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le rôle des usages est tout à fait exceptionnel en matière pénale. Les tribunaux y font parfois appel en matière de fraudes et falsifications.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 mai 2001 (Bull.crim. n° 121 p.363) : Il résulte de l’art. R. 112-14 C.consom.., qu’à défaut de réglementation en vigueur en matière de répression des fraudes, la dénomination de vente d’une denrée alimentaire est celle fixée par les usages commerciaux. Fait une exacte application de ces dispositions, la Cour d’appel qui, pour caractériser le délit de tromperie, retient que le fait de commercialiser sous la dénomination «jambon supérieur» un produit qui, composé à forte proportion d'épaule de porc et d’additifs favorisant la rétention d’eau, ne peut, au regard des usages de la profession, bénéficier de cette appellation.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 7 novembre 2006 (Bull.crim. n° 274 p.998) : Constitue le délit de tromperie, le trempage des coquilles Saint-Jacques, procédé dont les juges du fond apprécient souverainement qu'il ne correspond pas à un usage professionnel établi, et qui, en accroissant le taux d'humidité au détriment de la proportion de protéines, entraîne une altération des qualités substantielles de cette marchandise.

USURE (Usurier)

Cf. Abus de la faiblesse d’autrui*, Anatocisme*, Avarice*, Cupidité*.

- Notion. L’usure consiste dans le fait de prêter de l’argent à un taux excessif, en profitant de la situation de faiblesse où se trouve l'emprunteur.

Signe Dictionnaire Littré (Dictionnaire) : L'usure est le profit que l'on retire d'un prêt au-dessus du taux légal ou habituel.

Signe Doctrine Vouin (Droit pénal spécial) : Il y a usure à retirer d'un capital prêté un intérêt supérieur à celui que la loi autorise.

- Règle morale. Ayant été pratiquée avec excès à la fin de la république romaine, l'usure fut condamnée notamment par César et les premiers empereurs. L'Église catholique renforça cette condamnation.

Signe Histoire Plutarque (Vie de Lucullus) : Proconsul en Asie mineure, Lucullus commença par limiter le taux de l’intérêt à 1% par mois, et défendit de rien exiger au-delà ; en second lieu, il retrancha toute usure qui dépassait le capital ; troisièmement, il établit que les créanciers percevraient au plus un quart du revenu du débiteur.

Signe Philosophie Concile du Latran. Décret de 1139 : Nous condamnons cette détestable et honteuse rapacité des prêteurs d'argent condamnés par les lois divines et humaines, et dans l'Écriture. Nous privons les usuriers et toute consolation ecclésiastique, et ils seront privés de sépulture chrétienne à moins qu'ils ne se repentent.

Signe Philosophie Vittrant (Théologie morale) : Prêter à intérêt, en exigeant un intérêt supérieur à celui que la loi autorise, c’est commettre le péché d’injustice que l’on nomme usure.

Signe Philosophie Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Deux maux de différent genre ont été la source de l’usure, savoir : la cupidité de celui qui prête, et l’indigence de celui qui emprunte ; le riche se servant de la misère du pauvre pour l’accabler, au lieu de le secourir dans son besoin, comme la charité l’y oblige et comme l’humanité même doit y porter… L’usure est défendue par le droit naturel, par le droit divin et par le droit humain, tant ecclésiastique que civil.

- Science criminelle. Pour observer la règle morale, le droit romain a essayé sans grand succès, de lutter contre l’usure. L'Ancien droit français s’y est montré fermement hostile. Afin de protéger les personnes les plus démunies, de nombreux législateurs ont suivi cette voie.

Signe Histoire Établissements de Saint-Louis (1270) : S’il se trouve dans la terre d’un baron un homme atteint et convaincu d’usure, ses meubles seront confisqués au profit du baron ; et il sera renvoyé par devant l’Église pour y subir la peine de son péché... Aucun juif ne pourra prêter à aucun chrétien qui n'aura aucun fonds ni aucun meuble, et qui ne pourra vivre que du travail de ses mains.

Signe Histoire De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : L’usure lucratoire a été réprouvée dans tous les temps, comme une chose odieuse et très pernicieuse à l’État : aussi a-t-elle toujours été regardée comme le poison le plus dangereux à la société civile. Par l’Ordonnance de Saint-Louis de 1254, il est défendu aux Chrétiens et aux Juifs d’exercer aucune usure. Par arrêt du 2 juin 1699, Madeline Jatrigeon a été condamnée à faire amende honorable à la Grand’Chambre, et bannie pour cinq an du ressort de la Prévôté de Paris.

Signe Doctrine Marat (Plan de législation criminelle) : L’usure, cette convention entre le besoin et l’avarice est toujours un crime.

Signe Histoire Grimm (Antiquités du droit allemand) : Celui qui sera trouvé usurier fera trois dimanches de suite le tour de l’Église, l’eau bénite à la main, nu-pieds, vêtu de laine, et un chapeau de juif sur la tête.

Signe Droit comparé Code annamite de Gia Long. Art. 134 (et commentaire) : Celui qui, en affaires privées, prête de l’argent, ne peut en aucun cas exiger un intérêt mensuel plus élevé que 3 %. Même si le nombre d’années ou de mois est considérable, le prêteur ne peut exiger plus que la restitution du capital et d’une somme d’argent égale à ce capital. Ceux qui contreviendront à cette disposition seront punis de 40 coups de rotin. On poursuivra également la restitution de l’excédent des intérêts perçus en trop.

Signe Droit comparé Code pénal d’Argentine. Art.175 Bis : Celui qui, profitant de la nécessité, de la légèreté ou de l’inexpérience d’une personne la pousse à promettre … pour elle ou pour un tiers, des intérêts ou autres avantages pécuniaires à l’évidence disproportionnés avec sa prestation, ou encore des garanties relevant de l’extorsion, sera puni de un à trois ans de prison …
La même peine sera applicable à celui qui, en connaissance de cause, acquiert, transfère ou se prévaut d’un crédit usuraire.
La peine de prison sera de trois à six ans … si l’auteur est un prêteur ou un commissionnaire usuraire de profession ou habituel.

- Droit positif. Le législateur français a fait de l’usure un délit pénal dans les articles L.313-3 et s. du Code de la consommation (ce texte a été complété par une loi du 28 décembre 1966 concernant les opérations de démarchage). Le taux d’usure varie actuellement de manière technocratique en fonction de l’état du marché.

Signe Doctrine Véron (Droit pénal des affaires) : Dans sa définition actuelle, constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour les opérations de même nature comportant des risques analogues.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 42) : En matière d’usure, selon les dispositions de l’art. 1er de la loi du 28 décembre 1966, devenu l’art. L.313-3 C. consommation, toutes sommes versées à un intermédiaire, fussent-elles stipulées dans des actes séparés, doivent être prises en compte pour la détermination du taux effectif global comme pour celle du taux effectif pris comme référence.

Signe Jurisprudence Paris 1er mars 1979 (D. 1981 I. 355 note M. Boizard) : L’intention coupable s’entend de la connaissance qu’avait le prêteur du taux moyen pratiqué par les banques et du taux plafond calculé à partir du taux de rendement des obligations des sociétés privées, tous éléments d’information qui sont régulièrement publiées au Journal officiel.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 septembre 1996 (Bull.crim. n° 337 p. 999) : Aux termes des dispositions de l'art. 6 de la loi du 28 décembre 1966, la prescription de l'action publique court à compter du jour de la dernière perception soit d'intérêts soit de capital.

USURPATION DE COMMANDEMENT

Cf. Attentat contre les institutions*, Complot*, Insurrection*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 21, p.23

L’art. 412-7 C.pén. voit un crime dans le fait de prendre, sans droit ou sans autorisation, un commandement militaire quelconque, ou de le retenir contre l’ordre des autorités légales.

Signe Doctrine A.Vitu (Commentaire au Juris-classeur) : Ainsi que l’a noté la Circulaire ministérielle du 14 mai 1993, cette disposition définit une infraction-obstacle, c’est-à-dire incrimine des actes préparatoires érigés en infractions parce que tendant vers la commission d’actes plus graves : les mouvements insurrectionnels ou les attentats mettant en péril l’État.

USURPATION DE COSTUME -  Voir : Faux costume*.

USURPATION DE FONCTION

Cf. Fonction*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-107, p.340

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction exécutive  (selon la science criminelle)

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de l'administration  (en droit positif français)

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie (n° 2323)

- Notion. L’usurpation de fonction consiste dans le fait, par une personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés au titulaire de cette fonction.

Signe Doctrine Vitu (Commentaire au Juris-classeur) : Parmi les prérogatives dont l’autorité publique est investie, l’une des plus importantes réside dans le droit exclusif de désigner les titulaires des fonctions publiques et de leur conférer les pouvoirs attachés à cette fonction. On ne saurait tolérer que de simples particuliers s’emparent abusivement des fonctions réservées aux organes publics.

- Science criminelle. Une telle ingérence est sanctionnée de manière très générale par le droit criminel.

Signe Droit comparé Cass belge 21 juin 1976 (Rev.dr.pén. 1976-1977 225) : Le délit d’immixtion dans une fonction publique consiste, soit dans l’exécution sans titre d’un acte déterminé d’une fonction publique, soit dans le recours à des manœuvres ou à une mise en scène qui, sans constituer des actes de la fonction publique, sont cependant de nature à faire croire que leur auteur a les pouvoirs attribués par la loi à un fonctionnaire ou officier public.

Signe Droit comparé Code des Ta-ts'ing (par G. Boulais, Manuel du Code chinois) : Celui qui se donnera comme Mandarin pour accomplir quelque dessein... ou qui s'arrogera les nom et surnom d'un Mandarin pour réussir dans une entreprise, recevra 100 coups de bâton et partira 3 ans en exil.

Signe Droit comparé Code annamite de Gia Long. Art. 326 : Ceux qui se feront faussement passer pour des fonctionnaires … seront punis de la décapitation.

Signe Droit comparé Code pénal du Pérou. Art. 361 : Celui qui, sans titre ou nomination, usurpe une fonction publique, ... encourt une peine de privation de liberté de quatre à sept ans, et une déclaration d'inhabilité de un à deux ans.

Il s'agit d'un délit formel, constitué par le seul fait de se présenter mensongèrement comme titulaire d'une fonction dont on n'est pas investi. Peu importe dès lors que les tiers n'aient pas été abusés.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 24 mars 1987 (Bull.crim.  n° 140 p.387) : Pour que soit constitué le délit d'usurpation de fonctions, il n'est pas nécessaire que des tiers aient cru que le prévenu était investi des fonctions usurpées.

- Droit positif. Le Code pénal français réprime tout naturellement un tel acte (art. 433-12 C.pén., art. 258 ancien).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 juin 1861 (S. 1861 I 1011) : Si on peut faire les actes d’une fonction publique sans s’y immiscer, il n’est pas également vrai et exact de dire qu’on ne peut s’immiscer dans la fonction sans en faire les actes ; cette immixtion peut également résulter d’un ensemble de faits qui, sans constituer des actes déterminés et caractérisés, présentent des manœuvres et une mise en scène de nature à faire croire au pouvoir du fonctionnaire prétendu. [ en l’espèce, le prévenu s’était fait passer pour un commissaire de police ].

Signe Jurisprudence Cass.crim. 11 juin 1964 (Bull.crim. n° 202 p.437) : L’art. 258 C.pén. sanctionne ceux qui, même sans usurpation de titres, ont accompli des actes d’une fonction dont ils ne sont pas investis ; sans qu’il soit d’ailleurs nécessaire que la victime ait cru à la régularité de ces actes.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 octobre 2009, n° 09-81609 :  X..., militaire affecté à la direction de la protection et de la sécurité de la défense, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour s'être immiscé sans titre dans l'exercice de la fonction publique de policier ;
Pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable et déclarer constitué le délit prévu par l'art. 433-12 C.pén., l'arrêt retient que X... s'est rendu au domicile de Y... en faisant état d'une qualité de policier qu'il n'avait pas, tout en présentant une carte professionnelle barrée de tricolore et en faisant ainsi croire à l'employée de Y... qu'il possédait les pouvoirs d'un fonctionnaire de police ;
Mais en l'état de ces motifs, desquels il ne résulte pas que le prévenu ait, à l'occasion de l'entrée dans l'appartement, accompli un acte réservé à la fonction de policier, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits poursuivis ne revêtaient pas la qualification prévue par l'art. 433-13C.pén., n'a pas justifié sa décision
.

USURPATION DE SIGNES DE L’AUTORITÉ

Cf. Escroquerie*, Faux costume*, Fonction*, Vol*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-II-218, p.510

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de l'administration  (en droit positif français)

L’art. 433-14 C.pén. vise le fait d’usurper des signes réservés à l’autorité, notamment de porter un costume, un uniforme ou une décoration réglementé par l’autorité publique (ancien art. 259). Ce texte tend bien sûr à protéger ce domaine de l’État, mais il sert aussi de délit obstacle à des infractions qu’il facilite (telle l’escroquerie).

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : On entend par costume, l’habillement qui sert à distinguer les fonctionnaires et officiers publics. Il y a des costumes ou uniformes réservés à certaines personnes, comme signe extérieur de leur autorité. La loi a dû protéger, par une sanction pénale ; le droit exclusif que ces personnes ont de les revêtir.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 28 décembre 1928 (Gaz.Pal. 1929 I 127) : Le privilège de porter la robe appartient exclusivement à ceux qui ont droit au titre d’avocat (sous peine de l’art. 259 C.pén.).
- Jurisprudence confirmée sous le nouveau Code pénal : Cass.crim. 5 novembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 43).

Un tel acte présente une gravité particulière lorsqu'il émane d'un militaire.

Signe Législation C.just.mil., art. 438 : Est puni d'un emprisonnement de deux ans tout militaire ... qui porte publiquement des décorations, médailles, insignes, uniformes ou costumes français, sans en avoir le droit.

USURPATION DE TITRE

Cf. Escroquerie*, Fonction*, Sports*, Usurpation de fonction*, Vol*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-II-219, p.511

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de l'administration  (en droit positif français)

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie  (n° 2323)

L’art. 433-17 C.pén. incrimine l’usage illégitime d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique, d’un diplôme officiel ou d’une qualité attribuée par l’État (ancien art. 259 al.2).
Cette disposition tend en premier lieu à protéger les titres décernés ou reconnus par l’autorité publique, mais aussi à prévenir toute infraction qui pourrait se commettre par la voie d’une usurpation de titre (violation de domicile perpétrée par un individu se présentant comme inspecteur de police). En tant qu’incrimination de police, cette disposition ne requiert, pour l’élément moral, qu’un simple Dol général*.

Signe Doctrine Goyet (Droit pénal spécial) : Ce texte est très large ; en dehors des appellations attachées aux fonctions publiques et aux offices ministériels, il protège toutes celles qui désignent des professions réglementées (avocat, agréé, architecte, médecin, chirurgien-dentiste …).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 février 1991 (Gaz.Pal. 1991 II somm. 365) : Ont fait une exacte application de l’art. 259 C.pén. les juges qui ont déclaré le prévenu coupable d’avoir, en se qualifiant d’avocat-conseil, fait usage d’un titre tendant à créer, dans l’esprit du public, une confusion avec le titre d’avocat.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 28 janvier 2014, n°12-84425 : L'arrêt attaqué a condamné M. X... pour usurpation de titre et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis... au motif que, le 10 mars 2011, M. X..., transformant sa voix, s'est fait passer pour M. B...; M. B... étant le capitaine de police chargé de la commission rogatoire dans la procédure D... ; il a ainsi pu converser avec Mme A..., juge, d'instruction, qui découvrant le subterfuge, a raccroché ; les témoignages de Mmes A... et Y... établissent la réalité de cette usurpation ;
le moyen de cassation proposé, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis... Rejette..
.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 18 décembre 1979 (Bull.crim. n° 366 p.991) : La loi ne fait pas de « la volonté délibérée de tromper le public » un élément constitutif du délit d’usurpation de titre.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. p.65) : L’élément moral du délit d’usurpation de titre, qui n’exige pas une intention spéciale de tromperie, est constitué par l’utilisation, en connaissance de cause, d’un titre dont le prévenu n’est pas titulaire.

L’usurpation d'un titre nobiliaire était jadis incriminée par l'art. 259 du Code pénal de 1810.
Dans sa version d'origine, il visait l'usage de titres impériaux qui ne lui auraient pas été légalement conférés.
Après la Restauration, il visait l'usage de titres royaux qui ne lui avaient pas été légalement conférés.
Les passions calmées, il visait quiconque, sans droit et en vue de s'attribuer une distinction honorifique, aura publiquement pris un titre (royal ou impérial).

USURPATION D’IDENTITÉ (ou d’état civil)

Cf. Casier judiciaire*, État civil*, Faux nom*, Nom*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-10, p.254 

Signe Renvoi rubrique Voir pour un exemple : Le faux Martin Guerre

Signe Renvoi rubrique Voir : Un procès en usurpation d’identité et spoliation d’héritage à Castres en 1650-1651

- Notion. L’usurpation d'identité ou d’état civil consiste notamment dans le fait, pour une personne appelée à justifier de son identité, de prendre le nom d’un tiers.

Signe Doctrine Lorho (Juris-classeur pénal, art. 424-23 n° 3) : La prise du nom d'un tiers est caractérisée par l'emprunt de l'identité d'une personne existante.

Signe Exemple concret Montesquieu (De l’esprit des lois) : Un imposteur, qui se disait Constantin Ducas, suscita un grand soulèvement à Constantinople. Il fut pris et condamné au fouet.

Signe Exemple concret Exemple (Télétexte du 12 novembre 2006) : Entre 2001 et 2005 le rappeur M., dit S., utilisait un faux permis de conduire et usurpait l'identité d'un autre M., son vrai nom.

- Science criminelle. Cet emprunt d'identité tombe ordinairement sous le coup de la loi pénale lorsqu’il est commis dans des circonstances de nature à nuire à la personne dont l'état civil est usurpé.

Signe Droit comparé Code pénal espagnol de 1944. Art. 470 : Celui qui usurpera l'état civil d'une autre personne sera puni des travaux forcés de courte durée et d'une amende...

Signe Droit comparé Code pénal de Porto Rico. Art. 191 : Imposture - Toute personne qui se fait frauduleusement passer pour une autre … et qui sous ce caractère usurpé effectue tout acte non autorisé par la personne faussement représentée, ou désavantageux pour un tiers, sera sanctionnée d’une peine de réclusion de six mois au plus.

- Droit positif français. Ce subterfuge tombe sous le coup de la loi pénale lorsqu’il est commis dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre l’intéressé des poursuites pénales (art. 434-23 C.pén., ancien art. 780 C.pr.pén.).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 janvier 1987 (Gaz. Pal. 1987 II somm. p. 291) : Il suffit, pour que le délit de l’art. 780 alinéa 1er C.pr.pén. soit constitué, que l’usurpation du nom d’un tiers réellement existant s’accompagne de précisions suffisantes pour entraîner l’inscription d’une condamnation au casier judiciaire de ce tiers.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 mai 1991 (Gaz. Pal. 1991 II somm. 473 ) : Le délit d'usurpation d'état civil n'est constitué qu'autant que la fausse identité était susceptible de déterminer l'inscription d'une condamnation au casier judiciaire d'un tiers réellement existant. Encourt dès lors la cassation l'arrêt de condamnation qui se borne à énoncer que le prévenu R... a pris le nom de S... Ali pour cacher son activité de trafiquant de drogue.

UTILITARISME

Cf. Bentham*, Doctrines criminelles*.

Doctrine pénale selon laquelle la mesure de la peine doit être dictée, à titre principal, par le souci d'assurer la sûreté de l'État et la sécurité des personnes. À cette fin le législateur va déterminer la sanction applicable de manière telle qu'elle surpasse l'intérêt qu'il y a à commettre l'infraction.

Signe Dictionnaire Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Utilitarisme, par D. Baranger : L'utilitarisme est une doctrine relative à la morale, c'est-à-dire à la question du bien et du mal dans l'action humaine. Cette doctrine a été élaborée par un ensemble d'auteurs, principalement britanniques, entre le milieu du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle. Le père fondateur de cet utilitarisme classique ets Jeremy Bentham*.

Signe Philosophie Bentham (Déontologie ou science de la morale) : La base de la déontologie, c'est le principe de l'utilité, c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'une action est bonne ou mauvaise, digne ou indigne, qu'elle mérite l'approbation ou le blâme, en proportion de sa tendance à accroître ou à diminuer la somme du bonheur public... L’utilité de la peine est évidente ; mais on ne doit créer aucune peine, ni supprimer aucun plaisir, sans qu'il y ait un but approuvé par l'utilité.

Signe Philosophie De Curban (La science du gouvernement) : L'utilité de l'État est la vraie mesure des peines que les tribunaux humains décernent.

Signe Doctrine Stéfani et Levasseur (Droit pénal général et criminologie) : Le but utilitaire consiste à faire servir la répression elle-même aux fins de prévention, tant générale que spéciale ... Longtemps on a compté surtout sur l'intimidation.

Signe Doctrine Jeandidier (Droit pénal général) : La  sévérité du Code pénal de 1810 s’inspire de la doctrine utilitariste de Bentham : si les rédacteurs du Code pénal ont fait oeuvre intimidante, c’est parce qu’ils sont convaincus que « le crime doit se faire craindre davantage par la répression à laquelle il expose, que désirer par les satisfactions qu’il procure ».

UXORICIDE

Cf. Atricide*, Féminicide*, Fratricide*, Homicide*, Matricide*, Meurtre*, Parricide*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), I-244, p.257

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 221, p.107

Signe Renvoi rubrique Voir : Platon, L'homicide  (extrait de son « Traité des lois »)

L’uxoricide constitue une variété, par aggravation, de l’Homicide* : il consiste dans le Meurtre* de sa femme par le mari, ou de son mari par sa femme. Le jour même où Agamemnon revint à Mycènes, victorieux de la ville de Troie, il fut assassiné par sa femme Clytemnestre assistée de son amant Égisthe. Le Code pénal français n’a pas consacré de disposition particulière à ce crime, qui relève donc du droit commun (meurtre, assassinat ou empoisonnement).

Signe Philosophie Ferri (Sociologie criminelle) : Le divorce n’élimine pas tous les uxoricides par adultère; mais il en diminue la fréquence.

Signe Histoire Code d'Hammourabi. § 153 : Si l'épouse d'un homme, en vue d'un autre mâle, a fait tuer son mari, on mettra cette femme à la potence.

Signe Histoire Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, 1783) : Uxoricide. C’est le nom donné dans le droit canonique au meurtre commis par un mari envers sa femme. Nous y comprenons aussi celui commis par la femme envers son mari, en ce qu’ils renferment également, l’un et l’autre, l’infraction d’une des premières lois de la Société civile, en même temps que la profanation d’un Sacrement par lequel il s’était formé entre le mari et la femme un lien indissoluble, qui ne devait cesser que par la mort naturelle de l’un d’eux.

Signe Exemple concret Affaire Lafarge (Les grands procès, éd. France Loisirs). Qui saura un jour si, en 1840, le maître de forges Charles Lafarge est mort pour avoir mangé un gâteau empoisonné préparé par sa femme ? Toute la France de la Monarchie de juillet s’est passionnée pour cette affaire au cours de laquelle les experts se disputèrent pour savoir si, oui ou non, Lafarge avait absorbé de l’arsenic ? [condamnée à la réclusion à perpétuité, l’accusée fut  graciée par Napoléon III]

Signe Exemple concret Exemple (A.F.P. 24 nov. 2011) : La police pakistanaise a arrêté aujourd'hui une femme qui avait tué son mari, qu'elle a ensuite découpé avant de préparer un plat avec ses restes, car il s'apprêtait à prendre une seconde femme sans son autorisation, selon un responsable policier ... La police a retrouvé l'arme du crime, un couteau, et la casserole remplie de restes humains.

Signe Exemple concret Actualité (A.F.P. 22 nov. 2011) : Le Pérou va intégrer au Code pénal un nouveau crime, le « féminicide », pour le meurtre d'une conjointe ou ex-conjointe, qui sera passible d'une peine minimum de 15 ans de prison, a annoncé aujourd'hui la ministre péruvienne de la Femme.

L’uxoricide emporte en outre des sanctions civiles : d'abord l'indignité successorale (art. 726 du Code civil), voire une annulation du mariage supprimant les avantages matrimoniaux.

Signe Doctrine Marty et Raynaud (Droit civil - Successions et libéralités) : L'indignité successorale résulte d'une condamnation pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt. Elle suppose une condamnation pour homicide volontaire : meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement.

Signe Jurisprudence Cass.civ. 19 décembre 2012 (Gaz. Pal. 17 janvier 2013 p.24) : Dès lors qu'il ressort de plusieurs dépositions qu'au moment du mariage, l'épouse était animée par une intention de lucre et de cupidité, n'ayant pour but que d'appréhender le patrimoine de son époux, afin d'assurer son avenir et celui du fils qu'elle avait eu avec un tiers, et qu'elle s'était refusée à son époux après le mariage, n'ayant consenti à une relation sexuelle que le jour du mariage, ce qui avait conduit l'époux, qui éprouvait des doutes sur la sincérité de l'intention matrimoniale de son épouse, à exprimer sa volonté, quelques jours avant de subir les coups mortels portés par son épouse, de demander l'annulation du mariage, il apparaît que l'épouse n'a pas eu l'intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l'union conjugale et c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir retenu que cette dernière s'était mariée dans le but exclusif d'appréhender le patrimoine de son époux, en a déduit, sans méconnaître les exigences conventionnelles de la liberté du mariage, qu'il y a lieu d'annuler celui-ci, faute de consentement .

Signe de fin