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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  M
(Dixième partie)

MOBILE

Cf. Animosité*, Cause*, Circonstances aggravantes*, Circonstances atténuantes*, Cupidité*, Égoïsme*, Éléments constitutifs de l'infraction -élément moral*, Envie*, For interne*, Haine*, Intention*, Jalousie*, Lâcheté*, Lucre*, Passions*, Plaisanterie*, Vanité*.
Faire le mal dans le seul but de faire le mal ; voir Malignité* (exemple tiré de St Augustin)

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-1, p.123 / n° I-110, p.160 / n° I-122, p.175-176 / n° I-131, p.186 / n° I-208, p.212 / n° I-135, p.244 / n° III-332, p.499 / n° III-333, p.500 / n° III-334, p.501

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-322, p.87 / n° I-III-II-8, p.302

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-312 p.164 / voir la Table alphabétique, p.682

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » n° 104, p.39 /  n° 314, p.146 / n° 317 2°, p.153 / n° 331, p.195 / n° 410, p.253 / n° 412, p.255 / n° 420, p.263 / n° 508, p.333

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-126, p.367 / n° II-I-140, p.388 / n° II-I-143, p.394 / n° II-I-156 p.424 / p.ex.  

Signe Renvoi rubrique Voir : A.Vitu, Le meurtre politique

Signe Renvoi rubrique Voir : L'affaire Constance Kent

- Notion sommaire. Le mobile est ce qui, au plus profond de lui-même, pousse l’auteur d’une infraction à agir. Comme il explique ordinairement le Passage à l’acte*, les praticiens considèrent qu’une affaire n’est vraiment élucidée qu’à partir du moment où le mobile du prévenu a été établi.
On dit aussi parfois le motif ; mais pour éviter toute ambiguïté il est préférable de réserver ce dernier terme aux "motifs" du jugement.

Signe Philosophie Jone (Précis de théologie morale) : Le motif (mobile) est le but poursuivi par l'agent et qui le détermine à l'action.

Signe Philosophie R.Simon (Éthique de la responsabilité) : Un premier trait du motif, c’est qu’il répond à la question « pourquoi » et que la réponse se fait en termes de « parce que ». Dire le motif, c’est fournir la raison qui permet de comprendre mieux le sens de l’action… La raison de mon agir, ce peut être la haine, la vengeance, l’insécurité, la peur, l’amitié, l’esprit de solidarité, le sens de la justice, etc.

Signe Doctrine Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : On définit généralement le mobile : le but final poursuivi par l’agent. Nous croyons plus exact de donner une définition différente ; le mobile c’est l’intérêt ou le sentiment qui a déterminé l’action. Le vol est en général commis sous l’influence d’un mobile immoral, la cupidité… On a vu cependant des voleurs par philanthropie.

Signe Doctrine Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal belge T.I) : Le mobile se rattache à l'élément psychologique de l'infraction. Sa découverte oblige de pénétrer le conflit des passions pour dégager la tendance ou le sentiment qui, dans ce conflit, est sorti victorieux et a déterminé le sujet à l'action.

Signe Histoire Plutarque (Vie de Dion) donne un exemple de rêve qui conduit celui qui l'a fait à commettre un meurtre : Le tyran Denis tua Marsyas, l'un de ses officiers, à qui il avait confié un commandement dans ses armées, uniquement parce qu'il avait rêvé que cet officier l'égorgeait ; prétendant qu'il n'avait eu ce songe pendant la nuit, que parce que Marsyas avait formé le complot dans la journée et l'avait communiqué à d'autres.

Variété. Les mobiles des actes humains que l'on observe dans la pratique sont extrêmement divers. On cite le plus souvent : Ambition, Amour*, Convoitise, Cupidité*, Envie*, Haine*, Honneur*, Jalousie*, Vengeance* ; parfois qualifiés "Les couleurs des ténèbres".
Mais on observe également des infractions par Altruisme*, par simple défi...

Signe Doctrine Pradel (Droit pénal général) parle des mobiles ou sentiments particuliers qui inspirent l'acte : cupidité, vengeance, jalousie, pitié, amour (p.ex. dans l'homicide d'un grand malade), haine de la société ou désir de la changer... Le mobile est le pourquoi de l'action, la raison qui pousse l'agent. Le mobile est en somme l'arrière plan psychologique de l'intention.

Signe Doctrine Proal (La criminalité politique) - Mobile politique : L'anarchie n'est qu'une conséquence de la fausse maxime que le but excuse le crime politique, qu'il est permis de tuer pour faire triompher une cause. Mort au tyran ! disent les régicides. Mort à la bourgeoisie ! répètent les anarchistes.

Signe Droit comparé Code pénal italien de 1930. Art. 551 : Motif d'honneur - Si [l'avortement] est commis pour sauvegarder son propre honneur ou l'honneur d'un proche parent, les peines édictées par les articles précédents sont diminuées de la moitié aux deux tiers.

Signe Exemple concret Michelet (Histoire de la Révolution) : Beaumarchais, qui avait accablé de ses critiques ce pauvre littérateur de Manuel, n'en fut pas moins sauvé par celui-ci, alors Procureur de la Commune. À la veille des massacres de l'Abbaye, Manuel court à la prison de l'Abbaye, se fait amener Beaumarchais. Celui-ci se trouble, s'excuse. - « Il ne s'agit pas de cela, Monsieur, lui dit Manuel ; vous êtes mon ennemi ; si vous restez ici pour être égorgé demain, que pourra-t-on dire ? Que j'ai voulu me venger ? Sortez d'ici sur l'heure ». Beaumarchais tomba dans ses bras ; il était sauvé.

Signe Exemple concret Exemples curieux (« La Meuse » 24 septembre 1975) : H. K..., le « roi » des voleurs allemands de voitures est retiré des « affaires », mais il a voulu « voir si c’était aussi facile qu’il y a sept ans ». Alors, il s’est fait passer pour le pilote d’essai d’un périodique automobile et a volé, en plein Salon de Frankfort, une « Tomaso Pantera », pour la rendre volontairement une heure plus tard… Le constructeur n’a pas porté plainte.
(Ouest-France 12 février 2016) : Une cliente mécontente d'un salon de coiffure de San Diego (États-Unis) a tenté d'abattre l'auteur de sa coupe de cheveux désastreuse en utilisant une arme chargée de plusieurs balles. Le pistolet s'est enrayé, le coiffeur et une autre personne ont réussi à maîtriser la jeune femme de 29 ans.

 Signe Exemple concret Henri Martin (Histoire de France de 1789 à ... - T.VII, éd. Paris 1885) : Il y avait bien des mobiles divers dans la farouche exaltation des insurgés de la Commune de Paris en 1971... Il subsistait chez bon nombre de fédérés une conviction sincère de combattre pour la République, conviction soutenue par l'orgueil parisien, qui s'indignait de céder « aux ruraux ». Il y en avait qui n'étaient plus animés que par la passion du combat pour le combat... Chez d'autres, l'envie, les haines sociales, tournaient au mal des natures énergiques et incultes... Quant aux chefs, c'était l'exaspération des sectaires qui voyaient s'envoler leurs utopies au moment où ils avaient cru toucher au triomphe ; ailleurs, la rage des ambitieux effrénés qui avaient, un moment réalisé leurs rêves, régner sur la reine des cités, et qui étaient résolus à s'ensevelir sur les ruines de ce Paris qui  échappait à leurs mains...

Signe Exemple concret Qiu Xiaolong (La danseuse de Mao) : L'empereur Cao Cao se fit construire plusieurs tombeaux, et fit tuer ensuite tous les ouvriers pour que personne ne connaisse l'emplacement de sa véritable sépulture. Cao Cao n'a pas été le seul. Le premier empereur Qin a agi de même.

Signe Exemple concret Assassinat, par des islamistes, de la rédaction et des dessinateurs de « Charlie Hebdo » (Le Figaro 8 janvier 2015), par haine présentée comme une vengeance. Une dessinatrice qui arrivait témoigne : Ils voulaient entrer. J'ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu. Ça a duré cinq minutes...Je m'étais réfugiée sous un bureau... Ils parlaient parfaitement le français et se revendiquaient d'al-Qaida. Selon un rescapé, les agresseurs ont crié : Nous avons vengé le Prophète ! et Allah Akbar !

- Philosophie morale. Les spécialistes de la philosophie morale distinguent le mobile du motif. Pour eux, le mobile est en quelque sorte viscéral, instinctif ; alors que le motif est intellectuel, réfléchi. Lorsqu'il y a faute, elle est à l'évidence plus grave dans le second cas que dans les premier.

Signe Dictionnaire Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Mobiles – Lato sensu : tout ce qui pousse à l’action (y compris les motifs, idées, sentiments ou tendances. Stricto sensu : éléments actifs et affectifs (tendances, sentiments, désirs) qui poussent à l’action.
Motifs : Mobile d’ordre intellectuel : le conflit des mobiles et des motifs.

Signe Philosophie Caro (Problèmes de morale) : La morale spiritualiste qui a toujours distingué avec le plus grand soin le motif de la détermination morale, des mobiles diversement mélangés et complexes qui s'y peuvent joindre.

Signe Philosophie Ferraz Marin (Philosophie du devoir) : Chacun de nous a éprouvé qu'il est d'autant plus libre qu'il est plus complètement soustrait aux mobiles sensibles, et plus complètement soumis aux motifs rationnels.

Signe Exemple concret L’incendie de l’une des sept merveilles du monde (Encyclopédie Microsoft Encarta). Le temple d'Artémis à Éphèse, en Asie Mineure (commencé vers 560 av. J.-C. et dont la construction dura cent vingt ans), célèbre pour sa taille imposante et la richesse de son décor, fut incendié en 356 av. J.-C. par un habitant de la ville, Érostrate, qui entendait ainsi immortaliser son nom.

Signe Exemple concret Shakespeare (Roméo et Juliette), sur la cupidité. Roméo parlant à l’apothicaire qui lui a vendu un poison : - Voici ton or, le poison le plus funeste pour l’âme des hommes ; il commet plus de meurtres dans cet odieux monde que tes misérables mixtures.

- Nature juridique. Comme les mobiles et les motifs relèvent tous deux du for interne de l'agent, ils peuvent difficilement être décelés par les magistrats (trop souvent abusés sur ce point tant au pénal qu'au civil). Dieu seul, disent les Écritures, peut sonder les reins et les coeurs.

Signe Philosophie Confucius (L'invariable milieu) : Tout homme qui dit: "Je sais distinguer les mobiles des actions humaines", présume trop de sa science.

Signe Philosophie Frank (La morale pour tous) : Efforçons-nous d'être irréprochables, non seulement aux yeux des hommes, mais aux yeux de Celui qui, selon l'expression de l'Écriture, sonde les reins et les cœurs.

- Régime. Puisqu'il se situe sur un plan subjectif et échappe par suite aux constatations matérielles, le mobile probable ne peut être pris en considération -éventuellement- qu’au stade de la détermination de la sanction.

Signe Renvoi rubrique Voir : Cass. crim. 7 juin 1961

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : Le mobile qui détermine le coupable est indifférent, au point de vue de la culpabilité légale.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 7 juin 1961 (Bull.crim. n°190 p.559) : Le délit de violences volontaires est constitué lorsqu’il y a un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qui a inspiré cet acte et alors même que son auteur n’aurait pas voulu le dommage qui en est résulté.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 8 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr. 297) : Le délit de vol est constitué, quelque soit le mobile qui a inspiré son auteur.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 18 juillet 1975 (Gaz.Pal.1975 II 661) : Le mobile ne peut être pris en considération que pour l’application de la peine.

Lorsqu'il est établi, le mobile peut conduire le juge, soit à appliquer le maximum légal de la peine, soit à reconnaître au coupable des Circonstances atténuantes*.

Signe Droit comparé Code pénal d'Andorre. Art. 53 : Le tribunal doit fixer la peine dans les limites établies par la loi, suivant son analyse juridique et en tenant particulièrement compte de la gravité et du degré de danger social du fait délictueux, des circonstances, tant atténuantes qu'aggravantes, qui ont pu intervenir et des mobiles de l'inculpé, ainsi que de ses antécédents, sa personnalité et ses possibilités de réinsertion sociale.

Signe Droit comparé Code pénal de Belgique. Art. 377bis : Dans les cas prévus par le présent chapitre, le minimum des peines portées par ces articles peut être doublé s'il s'agit d'un emprisonnement, et augmenté de deux ans s'il s'agit de la réclusion, lorsqu'un des mobiles du crime ou du délit est la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard d'une personne en raison de sa prétendue race, de sa couleur, de son sexe, de son ascendance, de son origine nationale ou ethnique, de son orientation sexuelle, de son état civil, de sa naissance, de sa fortune, de sa conviction religieuse ou philosophique, (d'un handicap) ou (d'une caractéristique physique).

Signe Droit comparé Code pénal du Pérou. Art. 146 : Si l'auteur d'une fraude en matière de déclaration de filiation agit par une raison d'honneur, la peine sera réduite à une prestation de travail d'intérêt général de vingt à trente jours.

Mais un mobile, aussi louable soit-il, ne saurait, par lui-même, justifier la commission d'une infraction.

Signe Philosophie Catéchisme de l'Église catholique. n° 1753 et 1759 : Une intention bonne ne rend ni bon ni juste un comportement en lui-même désordonné (comme le mensonge)... La fin ne justifie pas les moyens.

Signe Philosophie Tarde (La philosophie pénale) : Quand il est prouvé que les mobiles d’un acte délictueux quelconque sont antisociaux, il n’y a plus à plaider l’acquittement.

Signe Doctrine Constant (Manuel de droit pénal) : Un motif, quelque légitime qu'il soit, ne peut jamais justifier une atteinte aux droits garantis par la loi ou par la Constitution.

Signe Jurisprudence Orléans, 27 mars 2000 (Petites affiches 27 juillet 2001 p. 15) : Des considérations humanitaires et l'absence de but lucratif ne peuvent suffire à caractériser l'aide légitime au séjour irrégulier d'un étranger en France. En effet, il n'est pas dérogé en la matière aux principes généraux du droit pénal, le mobile de l'aide apportée à l'étranger demeurant indifférent.

MODUS OPERANDI (Mode opératoire)

Cf.  Preuve (recherche des)*, Processus criminel*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-2, p.624

Nombre de délinquants, ne serait-ce qu’en raison de leurs capacités intellectuelles, de leur bagage technique ou par simple superstition (on ne change pas une méthode qui gagne), agissent presque toujours selon le même « modus operandi », autrement dit selon la même méthode. C’est pourquoi, dès le début d’une enquête, la police judiciaire examine avec une attention particulière la façon dont une infraction a été commise afin de pouvoir rechercher d’éventuels précédents.

Signe Doctrine Sutherland et Cressey (Principes de criminologie) : Une méthode d’identification des auteurs d’infractions repose sur le principe suivant : il est présumé qu’un malfaiteur emploiera toujours le même modus operandi pour accomplir ses forfaits. Si cette méthode est étudiée et si un rapport est établi à l’occasion de chaque infraction grave, l’identification de l’auteur d’une infraction déterminée sera plus facile.

Signe Doctrine Gassin (Criminologie) : On peut collecter dans les dossiers criminels des informations sur : 1° les traits caractéristiques des situations pré-criminelles ; 2° les diverses situations pré-criminelles ; 3° la notion de l'acte délictueux ; 4° les diverses sortes d'actes délictueux, leurs modes de préparation et leurs procédures d'exécution (modus operandi) ; 5° La personnalité des victimes et leurs rapports éventuels avec les auteurs.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 juin 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 239) : La prescription de l'action publique a été interrompue par les réquisitions du procureur de la République adressées aux services de police judiciaire... en vue d'approfondir l'enquête sur le montant des détournements, le mode opératoire utilisé et les complicités éventuelles.

Signe Jurisprudence Douai (Ch. accus.), 3 novembre 1992 (Gaz Pal. 1993 II Chr.crim. 461) : Des investigations qui ont été entreprises par lui aux fins d'identifier puis de localiser l'auteur des faits, de déterminer le mode opératoire utilisé par ce dernier, ainsi que les circonstances précises de la vente du véhicule et de l'établissement du document litigieux.

Signe Jurisprudence Paris 4 février 1998 (Gaz.Pal. 1999 I somm. 362) : Seul avait été précisé par les services de gendarmerie le modus operandi des voleurs, sans commentaire sur la dangerosité des lieux.

Signe Exemple concret P.Cornwell ("Il ne restera que poussière") : Dans tous les cas les portières sont déverrouillées, les clefs sur le contact, il n'y a aucune trace de lutte et pas de vol apparent. Le modus operandi est toujours le même.

MŒURS (Bonnes ou mauvaises)

Cf. Bien*, Bonnes mœurs*, Charité*, Déviance*, Exhibition sexuelle*, Fornication*, Incivilité*, Luxure*, Mal*, Moralité*, Ordre moral*, Outrage public à la pudeur*, Prostitution*, Proxénétisme*, Publication d'ouvrage contraire aux bonnes mœurs*, Pudeur*, Vertus*, Vices*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul  Doucet, « La loi pénale » (3e éd.), n° III-13, p.338

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul  Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-114 p.71 / n° II-103, p.260 / n° II-205, p.302 / n° II-341, p.419

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul  Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 102, p.33 / n° 107, p.46 / n° 223, p.111-112 / n° 332, p.195 / n° 337 1°, p.207 / n° 439, p.293

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul  Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-8 p.149 / notamment  

Signe Renvoi rubrique Voir : H. Ahrens, Des rapports de l’État avec les sciences et les arts, l’instruction et l’éducation, et la moralité publique

- Notion. Les mœurs en général sont constituées par la manière de vivre d’une population, au moment présent de son histoire.
Le mœurs d’une personne résultent de ses habitudes de vie et de sa conduite, principalement dans ses rapports sociaux ; elles sont ordinairement envisagée par rapport au Bien* ou au Mal*

Signe Dictionnaire Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Mœurs, par J. Comaille : Selon la définition générale, les moeurs désignent les manières de vivre, d'être, de sentir, des membres d'une société à un moment de son développement historique.

Signe Dictionnaire Canto-Sperber (Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale). V° Mœurs, par A. Pons : On parle de «bonnes » ou de « mauvaises » mœurs. C’est dire que les mœurs ne sont jamais neutres, mais qu’elles sont toujours qualifiées, du fait même de leur caractère normatif et régulateur.

Signe Dictionnaire Littré (Dictionnaire). V° Mœurs : Habitudes considérées par rapport au bien ou au mal dans la conduite de la vie.

- Les mœurs et le droit. Les atteintes aux mœurs se situent aux confins du droit et de la morale. Tantôt elles font l'objet de sanctions pénales, tantôt elles ne donnent lieu qu'à une sanction civique (mise en quarantaine p.ex.). En droit contemporain la police des mœurs relève des tribunaux répressifs, alors qu'à Rome elle était exercée par une autorité morale : le censeur. La Convention songea à reprendre cette institution ; une idée à creuser en un temps où les incivilités s'aggravent.

Signe Histoire Plutarque (Vie de Caton) : Les romains ne croyaient pas qu'on dût laisser à chaque particulier la liberté de se marier, d'avoir des enfants, de choisir un mode de vie, de faire des festins suivant son désir et sa fantaisie, et sans être soumis à aucun jugement ni à aucun contrôle. Persuadés que c'est dans les actions privées, bien plus que dans la conduite publique et politique que se manifestent les inclinations d'un homme, ils choisissaient deux magistrats, les censeurs, chargés de veiller sur les mœurs, de les réformer, de les corriger, et d'empêcher que personne ne se laissât entraîner à la volupté et n'abandonnât les institutions nationales et les usages antiques.

Signe Doctrine Von Jhering (L’esprit du droit romain) : Le censeur intervenait dans le cas de parjure, adultère, divorce sans motif, inhumanité envers les subordonnés, débauche, prodigalité, altération des rapports économiques, conduite publique blâmable telle que la brigue de la faveur populaire, soif des nouveautés, manque au respect dû à l’autorité… Cette énumération montre que le pouvoir du censeur ne s’exerçait pas seulement sur des faits d’immoralité proprement dite ; il s’étendait à des actions déraisonnables dont le pater familias romain avait coutume de s’abstenir.

Signe Droit comparé Code pénal du Luxembourg. Art. 385 : Quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à 3 ans et d'une amende...

Signe Exemple concret Lanthenas, député à la Convention, rédigea un mémoire, imprimé par ordre de cette assemblée, intitulé : Censure publique, ou nécessité de confier à un certain nombre de citoyens instruits et vertueux, et périodiquement renouvelés par la Nation, la surveillance des mœurs, et de la morale de l'instruction publique.

- Les mœurs et la vie politique. L'histoire nous apprend qu'une Nation ayant des mœurs saines progresse, alors qu'une Nation d'abandonnant aux vices est destinée à mourir. On voit hélas des hommes politiques procéder systématiquement à la corruption des moeurs afin d'en tirer personnellement avantage..

Signe Législation Constitution du 4 novembre 1848 (IIe République). Art. I : La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposée de faire parvenir tous les citoyens... à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.

Signe Doctrine Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) : Les mœurs, surtout les mœurs occuperont attention du magistrat : elles sont le garant de toute vertu. Partout où les mœurs règnent, on observe les lois.

Signe Exemple concret Robespierre (Discours du 18 pluviôse an II) : L’immoralité est la base du despotisme, comme la vertu est l’essence de la République.

Signe Doctrine Proal (La criminalité politique) Préface de le deuxième édition : La politique étant une lutte d'idées et surtout de passions et d'intérêts opposés, et la nature humaine étant ce qu'elle est, c'est-à-dire portée à l'intolérance, à la haine et la vengeance, il serait naïf d'espérer que le pouvoir sera toujours exercé par des hommes sages, que le parti victorieux  après des luttes violentes n'abuseront jamais de leur victoire pour abattre leurs adversaires, qu'ils ne seront pas intolérants, haineux et vindicatifs. On voit toujours  des hommes politiques et des assemblées démoraliser des peuples par des pratiques et des maximes immorales, telle que celles-ci : « La fin justifie les moyens - La force prime le droit »...
Napoléon Ier aimait à dire : « Tous les crimes d'État qu'on fait pour la couronne, le Ciel nous en absout alors qu'il nous la donne »
.

Signe Philosophie Bergier (Principes de métaphysique et de morale) : Pour peu que l'on ait lu l'Histoire, on voit les Nations déchoir, languir, se consumer à mesure que la corruption des mœurs y fait des progrès ; et les États les plus florissants s'abîmer enfin sous le poids de la dépravation.

Signe Doctrine Proal (Le crime et la peine) : Comparez les mœurs de la société romaine et celles des Germains décrites par Tacites, et dites de quel côté se trouve la supériorité morale... Pendant que les mœurs les plus infâmes étaient chantées par la poètes romains, les Barbares noyaient dans la boue des marais ceux qui avaient prostitué leurs corps.

Signe Doctrine Proal (La criminalité politique) Chap. X, De la corruption des mœurs publiques : L'esprit d'une nation se modèle toujours sur l'esprit de son gouvernement. Une cour licencieuse enseigne la licence ; un gouvernement cruel rend le peuple cruel  ; des députés corrompus corrompent les électeurs, une administration vénale propage la vénalité... De bons exemples donnés par les détenteurs du pouvoirs invitent à la probité, à la droiture. Un gouvernement juste inspire le sentiment de justice. Un gouvernement qui pratique la fraude et le mensonge enseigne la fourberie et l'hypocrisie.
Même ouvrage, Conclusion : La politique n'a pas seulement pour but le maintien de l'ordre et la protection des intérêts matériels, elle a aussi un but d'éducation.


MOMENT DES FAITS

Cf.  Faits*, Lieu des faits*, Qualification des faits*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-217, p.55 et s.

Signe Renvoi rubrique Voir : R. Merle, L'acte pénal

Il est de principe que, pour qualifier les faits, les juges doivent se placer au moment où ceux-ci ont été perpétrés ; ce moment couvre l'ensemble des faits indivisibles qui se sont succédé.

Signe Histoire Digeste de Justinien (47, X, 21). Javolenus : L'estimation des injures doit se faire en se plaçant, non au temps où l'on juge, mais à l'époque des faits.

Signe Histoire Digeste de Justinien (47, IX, 4). Paul : Pédius dit que c'est "ravir lors d'un naufrage", que de ravir dans la terreur qui précède immédiatement le naufrage.

Ce principe vaut d'abord pour constater la réunion des éléments constitutifs d'une infraction.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : C'est un principe général de notre droit pénal que l'on doit se placer "au temps de l'action" pour apprécier les éléments constitutifs de l'infraction.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 juin 1986 (Bull.crim. n° 188 p.486) : La cour d'appel s'est placée à juste titre au moment des faits délictueux dont elle était saisie.

Il vaut aussi pour apprécier l'existence d'un fait justificatif .

Signe Jurisprudence Cour EDH 14 juin 2011 (n° 30812/07) : La Cour rappelle que l’usage de la force par des agents de l’État pour atteindre l’un des objectifs énoncés au § 2 de l’art. 2 de la Convention peut se justifier au regard de cette disposition lorsqu’il se fonde sur une conviction honnête considérée, pour de bonnes raisons, comme valable à l’époque des événements mais qui se révèle ensuite erronée. Affirmer le contraire imposerait à l’État et à ses agents chargés de l’application des lois une charge irréaliste qui risquerait de s’exercer aux dépens de leur vie et de celle d’autrui.

Il vaut également pour la détermination des personnes responsables et la recherche d'une éventuelle cause de non-imputabilité.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 avril 2013, n° 12-82551 (Gaz.Pal 23 juillet 2013 p.28) sommaire : La qualité de chef d'entreprise s'apprécie au moment des faits.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 décembre 1982 (Bull.crim. n° 282 p.758) : La Cour d'appel a légalement justifié sa décision déchargeant la mère de la présomption de responsabilité de l'art. 1384 alinéa 3 C. civ., au motif que son fils mineur n'habitait pas avec elle au moment des faits.

Signe Droit comparé Code pénal du Luxembourg. Art. 71 (Loi du 8 août 2000) : N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, de troubles mentaux ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 115) : Selon les conclusions de l'expertise, le prévenu n'était pas atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

Enfin la peine applicable est celle qui était encourue au jour des faits et non celle applicable au jour du jugement, sous réserve du principe de la rétroactivité des lois plus douces.

Signe Histoire Digeste de Justinien (48, 19, 1 pr.). Ulpien : Toutes les fois que l'on juge un délit, il est de règle que le coupable ne doit pas subir la peine applicable à sa condition au jour où le jugement est rendu ; mais celle qu'il aurait subie s'il avait été jugé lors du délit.

- Il ne nous semble pas inutile de souligner la généralité de la règle selon laquelle, pour apprécier sainement des actes, des paroles ou des écrits, il faut se replacer au moment où ils sont intervenus. On porte de nos jours beaucoup trop de jugements erronés sur des faits historiques, simplement parce que l'on ne tient pas compte des circonstances dans lesquelles ils sont survenus.

Signe Philosophie Fordyce (Éléments de philosophie pénale) : Hobbes qui, durant les troubles cruels d'une guerre civile, ne pouvait considérer que d'un point de vue peu favorable cette partie du genre humain qui s'offrait à ses regards, paraît avoir tracé un tableau odieux de notre nature, d'après le coup d'œil qu'il avait l'occasion de jeter sur elle.

MONARCHIE

Cf. Anarchisme*, Aristocratie*, Coup d’État*, Démocratie*, Despotisme*, État*, Lèse-majesté (crime de)*, Libertés - libertés intellectuelles*,  Népotisme*, Oligarchie*, Régicide*, République*, Résistance à l’oppression*, Séparation des pouvoirs*, Théocratie*, Tyrannie*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 3, p.5 (note 3) / n° II-3, p.282 / n° II-9, p.288-289 / n° II-100, p.301

- Notion. Selon Littré, la monarchie est le gouvernement d'un État régi par un seul chef ; monarchie héréditaire, élective ou constitutionnelle. Ce critère formel ne doit pas faire illusion : il peut y avoir monarchie de fait dans tout régime politique, et toute monarchie au départ libérale peut dégénérer en despotisme.

Signe Philosophie Aristote (La rhétorique) : La monarchie, comme son nom l'indique aussi, est le gouvernement où un seul chef commande à tous. Il y a deux monarchies : la monarchie réglée, ou la royauté, et celle dont le pouvoir est illimité, ou la tyrannie.

Signe Philosophie Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : La monarchie est le gouvernement où le pouvoir est confié à un seul homme ; elle se subdivise en  monarchies héréditaires et monarchies électives.

Signe Philosophie Ph. Raynaud (Dictionnaire de philosophie politique, v° Monarchie) : Étymologiquement, la notion de "monarchie" renvoie au "gouvernement d'un seul", et elle prend place dans la classification des régimes qui font du nombre des gouvernants un critère décisif de différenciation entre les formes de gouvernement.

- Morale politique. Au regard de la société, le meilleur gouvernement est celui qui s'attache par priorité à assurer le Bien commun*, ou si l'on préfère l'Intérêt général* ; le plus mauvais est celui qui sert les intérêts d'une personne et de ses proches, les intérêts d'une catégorie privilégiée de la société, ou les intérêts des membres de groupes de pression.

Signe Philosophie Aristote (Éthique à Nicomaque) : La déviation de la royauté est la tyrannie. Toutes deux sont des monarchies, mais elles diffèrent du tout au tout : le tyran n’a en vue que son avantage personnel, tandis que le roi a en vue celui de ses sujets.

Signe Philosophie St Thomas d'Aquin (Du gouvernement royal) : Il faut que, par ses lois et ses décrets, par des châtiments et des récompenses, le monarque détourne ses sujets de l'injustice et les engage dans la voie des œuvres vertueuses.

Signe Philosophie Schopenhauer (Éthique, droit et politique). Préface du traducteur  (Dietrich) : Le philosophe allemand se prononce pour la monarchie contre la république. On trouvera ici ses raisons alléguées. L'une d'elles... c'est qu'il doit être plus difficile aux intelligences supérieures d'arriver à de hautes situations, et, par là, à une influence politique directe, dans les républiques que dans les monarchies.

Signe Histoire Olivier-Martin (Précis d'histoire du droit français) : La société féodale était faite de nombreux gouvernements actifs et pleins de vie, mais parfois indisciplinés. Le pouvoir royal... va assurer la sécurité française, discipliner les groupes sociaux secondaires et réaliser enfin, sous son arbitrage, l'équilibre que comporte l'instabilité de la condition humaine.

Signe Philosophie Neufbourg (La loi naturelle) : La légitimité en vertu de laquelle règnent les princes d'une même famille dans les monarchies héréditaires : c'est la légitimité conventionnelle ou légale. Une loi spéciale, organique, qui règle d'avance et à perpétuité l'ordre de succession, selon lequel ils sont appelés au pouvoir, en fait une légitimité permanente qui ne doit plus sortir de la famille adoptée. La société, en accordant une si magnifique prérogative, a eu certainement en vue sa prospérité particulière beaucoup plus que celle de la famille privilégiée. Elle a voulu par ce moyen se préserver des troubles et des commotions politiques que font ordinairement éclater les ambitions rivales à la fin de chaque règne, dans les états électifs.

Au regard des personnes, le gouvernement le plus recommandable est celui qui assure la liberté de pensée et d'expression sous toutes ses formes et qui reprend à son compte les propositions individuelles propres à faire progresser l'humanité.

Signe Philosophie Jolivet (Traité de philosophie) : Tout le problème politique de l'État revient, en fin de compte, à régler sagement le jeu concerté des libertés publiques (c'est-à-dire de l'autonomie relative qu'il faut laisser aux éléments personnels et réels de la société) et du pouvoir central

- Science politique. L'expérience permet d'observer que nulle forme de gouvernement n'est parfaite ; il en est ainsi parce que toute Constitution est mise en œuvre par des êtres humains, qui sont inévitablement tentés d'étendre leur pouvoir au point de parvenir, avec le temps, à établir  un régime totalitaire soit patent soit occulte. La monarchie a contre elle le risque de glisser insensiblement vers le despotisme ; à l'inverse elle présente l'incomparable avantage d'inspirer aux citoyens le sentiment d'appartenir à un même corps, d'incarner l'identité de la population, d'assurer la pérennité de la Nation, et ainsi de pouvoir suivre une ligne politique continue (l'alternance, si prisée de nos jours, se traduit au contraire par une action inconséquente).

Signe Philosophie Gorce (Traité de philosophie) : L'État doit-il être dominé par un seul (monarchie) ou par plusieurs (oligarchie), ou livré plus directement à la multitude (démocratie) ? Les moralistes les plus prudents distinguent des bons régimes et des mauvais régimes appartenant à chacune des trois catégories. Il existe des ploutocraties infâmes et d'excellentes démocraties modérées, de bonnes monarchies et des tyrannies, et aussi des démagogies anarchiques. Le plus souvent, les régimes se tempèrent en se combinant. Le cas contraire arrive aussi.

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : Le mouvement politique absolutiste a été poussé à l'excès, tant par la monarchie que par la démocratie (convention nationale).

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : Selon Kant, il n'y a que deux formes gouvernementales, la forme républicaine et la forme despotique ; la première, seule propre à amener une bonne administration, existe lors qu'il y a division des pouvoirs ; la seconde existe lorsque tous les pouvoirs sont réunis dans la main. du souverain individuel ou collectif. De cette manière la monarchie peut avoir, selon Kant, un gouvernement républicain et une démocratie un gouvernement despotique.

Signe Philosophie Bakounine (Catéchisme révolutionnaire), au nom de l'anarchisme, conscient de ces déviations, proposait un remède radical mais simpliste : Abolition de la monarchie, de la république. [c'était oublier qu'une société ne peut survivre sans ossature]

Signe Philosophie Bergier (Principes de métaphysique) : La seule différence qu'il y ait entre le pouvoir d'un Roi et celui d'une République, c'est que ce pouvoir du Roi peut être limité, et que celui de la République ne saurait l'être, parce que dans la Monarchie, le Prince qui commande est une personne différente de celles qui obéissent, et que leurs droits sont distincts comme leurs personnes ; le pouvoir d'une République, au contraire, est toujours absolu, parce que c est la même personne morale qui commande et qui obéit.

Signe Philosophie Bautain (Manuel de philosophie morale) : Dans les gouvernements paternels, et surtout dans la monarchie héréditaire, la croyance s'établit facilement qu'un peuple appartient à une famille.

Afin de pallier les risques que comporte le régime monarchique, il convient de poser des bornes aux prérogatives du monarque. On y parvient notamment en s'inspirant du principe de la Séparation des pouvoirs* : si la fonction exécutive peut être confiée dans ses grandes lignes au Chef de l'État, la fonction législative doit prendre sa source dans la volonté de la population exprimée par des élections libres et la fonction judiciaire doit être assurée par des magistrats indépendants. Encore faut-il que la Constitution fasse en sorte de ne pas opposer ces trois pouvoirs mais de les rendre complémentaires. De plus, il convient d'adapter la loi fondamentale à la situation intérieure et extérieure dans laquelle se trouve la Société concernée.

Signe Philosophie Gorce (Traité de philosophie) : Il faut considérer que le même régime idéal n'est pas à proposer identiquement à tous les peuples, en tous les pays et en tous les temps... De toute manière, ce qu'on doit toujours abhorrer, c'est la tyrannie, laquelle peut être le fait non seulement d'un prince, mais de plusieurs hommes, voire d'une masse aveugle.

Signe Philosophie Jolivet (Traité de philosophie) : Que le pouvoir central cesse d'exercer ou exerce mal (en gouvernant pour un parti) sa fonction directrice et coordinatrice, aussitôt la structure du corps politique se disloque et l'anarchie le menace dans sa vie même. Qu'il prétende au contraire (souvent pour réagir, par un excès aussi nuisible, contre l'anarchie qu'il a provoquée) brimer ou étouffer les libertés publiques : c'est alors le despotisme qui paraît. La prudence, qui est par excellence la vertu du politique, consiste à évoluer entre ces deux écueils, également redoutables.

Signe Doctrine Bluntschli (Droit public général) : Dans la monarchie constitutionnelle, en présence de deux chambres, dégagé des luttes directes, le prince sera comme le régulateur des partis ; il maintiendra l'équilibre, et la monarchie n'en sera que plus digne.

Signe Philosophie Baudin (Cours de philosophie morale) : Qu'il soit de forme monarchique, aristocratique ou démocratique, l'État est à la fois le représentant de la nation et son serviteur... Il est légitime dans la mesure où il est le représentant authentique et le serviteur dévoué de la nation, en revanche, il ne peut être qu'illégitime dans la mesure où il cesse de la représenter pour ne plus représenter que lui-même et ses intérêts égoïstes, où il cesse de la servir pour l'asservir à ses fins particulières.

- Ancien régime Français. Il convient de préciser que l'expression « Monarchie absolue » n'a pas le sens que certains ont voulu lui donner. Cette variété de Constitution repose sur un Prince qui a été investi en fonction de règles abstraites établies au fil des siècles et qui est chargé de veiller à l'intérêt général. Puisqu'il n'a pas été désigné par une caste il se trouve dégagé de toute pression partisane, de toute sujétion à un groupe de pression, de toute dépendance envers un clan ; en un mot, il est un homme libre qui ne doit nulle faveur à quiconque. Dans ces conditions, s'il reconnaît le principe de la séparation des pouvoirs temporel et spirituel, et s'il inspire de l'enseignement d'une religion respectueuse de la dignité de la personne humaine (ou du droit naturel), il lui devient loisible de diriger la Nation en vue du Bien commun. Tel était l'idéal auquel tendait les Rois qui créèrent la France et lui ont donnèrent une âme.  

Signe Histoire Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : Le roi carolingien a reçu, le jour du sacre, la mission de faire régner la paix et la concorde entre tout le peuple chrétien qu'il gouverne. À l'exemple des princes bibliques, il doit assurer l'exercice de la justice et faire régner l'équité, et il sait que Dieu lui en demandera compte... Un prince digne de ce nom doit sa protection aux veuves, orphelins, voyageurs, pèlerins, étrangers...

Signe Histoire Loysel (Institutes coutumières) n° 1 et 3 : La France est une monarchie héréditaire tempérée par les lois... Les lois doivent être librement vérifiées en Parlement (autrement les sujets n'en sont pas liés).  

Signe Histoire Olivier Martin (Histoire du droit français) : Le roi doit respecter la loi divine, les lois fondamentales du royaume... Représentant l'intérêt commun du royaume, au-dessus des ordres et des corps, il a pour le promouvoir des moyens d'actions illimités... Le roi est et doit être conseillé ; mais le dernier mot lui appartient. D'ailleurs ses sujets pensent de même : loin de souhaiter que des organes indépendants limitent l'autorité du  monarque, ils redoutent pour lui l'influence de son entourage.  

Signe Exemple concret Illustration : Lors de la proclamation de Hugues Capet comme Roi de France en 987, les grands feudataires qui l'élevèrent à ce rang détenaient encore un pouvoir considérable. Quand Adalbert de Périgord envahit la Touraine, le roi lui ordonna de mettre fin à cette agression. C'est à cette occasion que ce mémorable échange verbal eut lieu :
Hugues Capet : Adalbert, qui t'a fait comte ?
Adalbert : Hugues, qui t'a fait roi ?
Le premier Capétien comprit la leçon et fit rapidement sacrer son fils pour qu'il ne dépende plus de l'élection de quelques grands seigneurs, mais seulement de Dieu [ de nos jours, le Président de la République est-il un homme libre ou l'homme lige d'un coterie ? ].

MONITION

Le terme monition est utilisé en droit canonique dans le sens d’Avertissement*. Sitôt prévenu d’un éventuel écart de conduite d’une personne relevant de son autorité, le supérieur doit la mettre formellement la mettre en garde et l’inviter à suivre le droit chemin ; et ce par un acte juridique classé aux archives secrètes de la curie.

Signe Dictionnaire Dictionnaire de droit canonique (Naz) : La monition est un remède préventif, en tant qu’elle est adressée à quelqu’un dont la culpabilité n’est pas démontrée.

Signe Droit comparé Code de droit canonique. Can. 1339 : A la personne qui se met dans l’occasion proche de commettre un délit ou sur laquelle, après une enquête sérieuse, pèse un grave soupçon d’avoir commis un délit, l’Ordinaire peut faire une monition par lui-même ou par autrui.

MONITOIRE

Dans l'Ancien droit un monitoire était un appel à témoin intervenant dans les affaires graves, demandé par la partie civile ou la partie publique, entériné par le juge criminel saisi du dossier, et diffusé par les curés des paroisses. Les « lettres monitoires » s’analysaient en un acte de coopération entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel dans la lutte contre le crime.

Signe Dictionnaire Dictionnaire de la foi chrétienne. Monitoire – Dans une procédure criminelle contre des délinquants indéterminés, une monition publique est adressée aux témoins connus ou inconnus pour les obliger, sous peine de sanction, à comparaître et à faire les révélations en leur pouvoir.

Signe Doctrine Pothier (Traité de la procédure criminelle) : Les monitoires sont des lettres qui se publient aux prônes des paroisses, par lesquels l’official du diocèse avertit les fidèles de révéler la connaissance qu’ils ont des auteurs et complices du crime qui y est exposé, avec menaces d’excommunication contre ceux qui ne viendraient pas à révélation.

Signe Histoire Henri Martin (Histoire du droit français) à propos des poursuites contre Nicolas Fouquet : L'assistance de l'autorité ecclésiastique fut requise ; on lut dans les églises des monitoires par lesquels tous les fidèles étaient soumis, à peine d'excommunication, de révéler les délits financiers à leur connaissance (11 décembre 1991 - 2 octobre 1663).

MONNAIE

Cf.  Carte bancaire*, Chèque*, Contrefaçon*, Indexation*, Monnaie (fausse)*, Poids et mesures*, Poinçon*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-217 et s., p.353 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »
- n° I-8, p.287/ II-II-110, p.449 (sur le monopole monétaire de l'État)
- n° II-II-113, p.467 (sur la notion de monnaie)

- Notion. En tant que commune mesure des valeurs, la monnaie, qui peut être de métal ou de papier, a pour fonction de servir d’intermédiaire dans les relations de services et d’affaires.

Signe Doctrine Doucet (L’indexation) : La monnaie a trois fonctions. En premier lieu, elle est la commune mesure de la valeur de tous les biens et services qui sont offerts sur le marché, c’est elle qui permet de déterminer, d’une manière simple, la valeur de chaque chose ou de chaque prestation… Elle est d’autre part un intermédiaire dans les échanges, une contrepartie très souple qui a permis de dépasser le stade du troc... Elle permet enfin la conservation des valeurs ; l’importance pratique de cette fonction est essentielle : c’est elle qui donne à la monnaie sa dimension dans le temps.

Signe Histoire Paul Faure (La vie quotidienne en Crète au temps de Minos) : Les statères du Code de Gortyne, avant d'être une monnaie, désignèrent un poids de métal, au même titre que la mine ou le sicle des amendes orientales.

Signe Histoire Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : Dès 755, Pépin qui sait que la frappe des monnaies est une source de revenus en même temps qu'un instrument de puissance, décide de reprendre en main le monopole de la frappe, d'imposer une monnaie qui porte son nom et d'en réglementer la fabrication. Charlemagne continua l'œuvre de Pépin.

Signe Droit comparé Code pénal de Bosnie-Herzégovine. Art. 1 - Définitions - 24 : Le mot monnaie désigne les pièces métalliques et les papiers-monnaies qui ont cours légal en Bosnie, en Herzégovine, ou dans un pays étranger.

Mais sa valeur propre repose sur la confiance dont elle est créditée par l'opinion publique. Une politique démagogique, une économie branlante, peuvent conduire à sa dépréciation, voire à son effondrement.
Tel fut le cas en Allemagne sous la République de Weimar où, en 1923, les timbres postes ordinaires étaient surchargés de valeurs énoncées en milliards de deutschemark. Il suffit d'une ligne politique responsable, et du redressement de l'économie allemande, pour que le deutschemark retrouve sa place légitime parmi les monnaies mondiales.

Timbres allemands surchargés en 1923 - République de Weimar

Timbres allemands surchargés en 1923 - République de Weimar

On nomme monnaie de billon les pièces métalliques autres que celles en or ou en argent, par exemple en cuivre, bronze ou nickel.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 21 octobre 1936 (Bull.crim. n°93 p.192) : L'art. 132 [ancien] C.pén. comprend, sous le nom de monnaie de billon  ou de cuivre, toutes les monnaies métalliques autres que celles d'or ou d'argent.

La monnaie fiduciaire est constituée par les billets de banque imprimés par l'institut émetteur, tel la Banque de France. C'est surtout elle qui est visée par la législation sur la fausse monnaie.

Signe Doctrine Nogaro (Cours d'économie politique) : Un deuxième élément du stock monétaire est formé par masse des billets émis. Il figure au bilan de l'institut d'émission ; on a coutume, dans la langue française, de le mentionner sous le nom de monnaie fiduciaire.

Quant à sa nature juridique, du fait de son importance économique  elle appartient au domaine des droits ou monopoles régaliens et constitue à ce titre un intérêt protégé majeur.

Signe Histoire Le Brun de la Rochette (Le procès criminel) : La fabrication de la monnaie qui a cours dans le Royaume est au nombre des crimes de lèse-Majesté.

Signe Histoire Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien), après que Pépin le Bref eût imposé le monopole d'État, Charles le Chauve précise : Que personne, comme à l'habitude mû par l'espoir du gain, ne prenne notre décision à la légère ; que tous, à partir du 1er juillet, fassent échanger leur argent en nouvelle monnaie ; à partir de cette date, les nouveaux deniers devront être acceptés partout. Suivent des mesures contre ceux qui frapperaient des deniers en dehors des lieux de frappe légaux.

Signe Droit comparé Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) : Suivant les travaux préparatoires du Code pénal de 1867, le droit de battre monnaie, loin d'être un droit qui découle de l'essence même de la puissance souveraine, n'est qu'un monopole accordé au gouvernement dans l'intérêt général de la circulation des biens.

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La nature véritable du faux-monnayage est de constituer une atteinte au droit de souveraineté de l'État, sous l'aspect particulier de la souveraineté monétaire. Même actuellement, l'État possède des prérogative régaliennes sur lesquelles les particuliers ne doivent pas empiéter.

Signe Jurisprudence Cass.1e civ. 5 février 2002 (Gaz.Pal. 2003 J 403 Conclusions Sainte-Rose) : Une société ayant reproduit dans une revue de numismatique divers billets de banque, il ne peut être reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Banque de France de son assignation en cessation de son activité et paiement de dommages-intérêts, dès lors que la Cour d'appel a relevé la fonction de mode de paiement légal dévolue aux billets de banque, émis et mis en circulation à cette fin par la Banque de France, établissement public administratif, leur affectation à l'intérêt général et le caractère public des opérations concernées, faisant ainsi ressortir l'incompatibilité entre l'exercice de cette fonction régalienne et la protection des droits d'auteur revendiquée par la demanderesse au pourvoi.

- La monnaie scripturale est l'aboutissement de la dématérialisation, voire de la désétatisation de la monnaie. Celle-ci n'est plus concrétisée par du métal ou un billet émis par l'État, mais par de simples mouvements d'écritures : émission de chèque, virement bancaire... Ce sont alors en principe les textes réprimant le faux en écritures qui deviennent applicables.

Signe Doctrine Ripert et Roblot (Droit commercial) : Les titres et les comptes établis par les banques constituent une sorte de monnaie, à laquelle les économistes donnent le nom de monnaie scripturale.

Signe Doctrine Savatier et Leloup (Droit des affaires) : Le paiement symbolique et la monnaie scripturale. Une nouvelle étape, pour les dettes d'argent, a substitué au billet de banque un paiement abstrait. Ne remunant plus d'espèces, il se fait par chèque, virement bancaire ou lettre de change.

Monnaie de compte et monnaie de paiement. Pour évaluer le préjudice subi par la victime d’une infraction, et fixer le montant des dommages-intérêts dus par l’auteur de cette infraction, le tribunal emploie une monnaie de compte, en principe la monnaie locale.
- Mais le jugement peut prévoir que le versement de l’indemnité se fera au domicile de la victime, donc dans la monnaie de ce pays. La conversion de la monnaie de compte en monnaie de paiement s’effectue alors au taux en vigueur le jour de l’opération. Voir : Indexation*.

Signe Doctrine Doucet (L’indexation) : Lorsque la monnaie joue exclusivement le rôle de commune valeur des biens et services, elle prend le nom de monnaie de compte… Lorsque la monnaie sert d’intermédiaire dans les échanges, elle est alors un moyen de payement.

Signe Jurisprudence Cass. soc. 3 avril 1990 (Gaz.Pal. 1990, panor. 168) : La conversion de la monnaie de compte en monnaie de paiement ne peut être faite qu’au cours du change au jour de ce paiement.

En principe, lorsque la somme due ne s'exprime pas en un chiffre rond, c'est au débiteur qu'il incombe de faire l'appoint.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 décembre 2005 (Bull.crim. n° 334 p.1154) : Selon l'art. L. 112-5 du Code monétaire et financier, en cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l'appoint.

Monnaie ayant cours légal et monnaie ayant cours forcé. On dit qu’une monnaie a cours légal lorsqu’elle bénéficie du pouvoir libératoire, et peut dès lors être employée pour éteindre une dette. On dit qu’une monnaie a cours forcé lorsqu’elle est détachée de tout support, en sorte que ses détenteurs ne peuvent plus demander son remboursement en métal précieux à la banque d’émission. Un billet de banque a cours du moment où il est mis en mis en circulation jusqu’au jour où il est matériellement détruit.

Signe Doctrine Carbonnier (Droit civil) : Le cours légal, c’est l’obligation faite par la loi à un créancier de recevoir un instrument monétaire déterminé en paiement d’une quantité déterminée d’unités monétaire… Avec le cours forcé, l’inconvertibilité est de l’essence de la monnaie… Le billet de banque est devenu un papier-monnaie, une monnaie absolue, qui tire toute sa valeur de la souveraineté de l’État.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 27 juillet 1883 (S. 1885 I 41) : Le cours légal, c'est l'obligation imposée par la loi à tous les citoyens d'un pays d'accepter les monnaies nationales ou celles qui leur sont légalement assimilées.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2010) : Les billets de banque sont démonétisés qu’en fin de processus de destruction et non dès la prise, par l’agent compétent, de la décision de les mettre hors circuit et de les détruire.

Signe Histoire Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) donne un exemple de violation du cours légal : Le 16 messidor an II, fut envoyé à la guillotine Nicolas Daubit, marchand d’huile : lorsqu’on le payait en assignat, il réclamait un supplément de deux sols par livre.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 mai 1987 (Gaz.Pal. 1987 II 582) : A caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit d’introduction, exposition et usage de monnaies étrangères contrefaites ayant eu cours légal dont elle a déclaré le prévenu coupable la Cour d’appel qui a énoncé que ce dernier avait proposé à la vente et vendu des pièces de monnaies «refrappées» ayant même titre, métal, dimensions et origine que des pièces d’argent de l’époque d’Alexandre le Grand, ayant eu cours légal dans la Grèce antique.

- Protection pénale de la monnaie. Tous les législateurs incriminent non seulement le crime de fausse monnaie (voir ci-dessous), mais encore les manifestations de méfiance à l'encontre de la monnaie d'État.
La monnaie émise par l'État est protégée du jour de son émission au jour de sa destruction matérielle.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-123, p.475  

Signe Jurisprudence Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2010) : Les billets de banque sont démonétisés qu’en fin de processus de destruction et non dès la prise, par l’agent compétent, de la décision de les mettre hors circuit et de les détruire.

Le législateur sanctionne le fait de refuser de recevoir des monnaies émises par l’État (art. R.642-3 C.pén.).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 avril 2006 (Bull.crim. n° 114 p.423) : N'est pas entachée d'illégalité l'instauration d'un système de règlement d'une redevance de stationnement exclusivement au moyen d'une carte prépayée, qui répond à l'objectif d'intérêt public de sécuriser les appareils contre le vol.

Signe Droit comparé Code pénal d'Italie de 1930. Art. 693: Quiconque refuse de recevoir, pour leur valeur, des monnaies ayant cours légal sur le territoire de l'état, est puni d'une amende...

Il peut également s'agir du fait de détenir des signes monétaires destinés à remplacer la monnaie légale (art. R.642-2). 

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-126 p.477, n° II-II-127 p.477  

Signe Doctrine Vitu (Traité de doit pénal spécial) : Cette incrimination tend à interdire ce que l'on pourrait appeler l'institution de monnaies privées, telles que certains employeurs en avaient parfois mises en vigueur au XIXe siècle par le biais de bons, remplaçant une partie du salaire, et utilisables seulement dans les magasins de vente appartenant à l'employeur ou désignés par lui.

Signe Exemple concret Exemple de méconnaissance de ce texte (Ouest-France 26 mars 2016) : C'est en « Galais », l'une des six monnaies locales en Bretagne, que certains viennent payer leur pain, leur fromage et leur viande, sur le marché de la paroisse d'Armel (Morbihan)... Tout est venu de la crise en 2008. L'idée a germé parce que le système globalisé, où 95% de l'argent sert à la spéculation, a montré ses failles.
Créer une monnaie locale, c'est récupérer ce « pan de souveraineté » bafoué par la mondialisation... Payer en monnaie locale, une monnaie qui ne sort pas du Pays, c'est encourager la production, soutenir les fromagers, les charcutiers de chez nous... Ce sont des petites structures qui créent un lien social, économique, plutôt que les grandes structures déshumanisées... La boulangère : On ne refuse jamais d'être payés en galais. Cet argent, en plus de sa valeur marchande, a une valeur symbolique. Nous, une fois payés en galais, on dépense chez les maraîchers du coin. On encourage le local
.

 Quant à l'art. L. 112-5 du Code monétaire et financier, il dispose qu'il appartient au débiteur de faire l'appoint. Cette obligation n'existe que si le créancier accepte les versements en liquide.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 décembre 2005 (Bull.crim. n° 334 p.1154) : Selon l'art. L. 112-5 du Code monétaire et financier, en cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l'appoint. Encourt la cassation l'arrêt qui déclare coupable de la contravention prévue par l'art. R. 642-3 C.pén. le responsable d'un magasin poursuivi pour avoir refusé de recevoir d'une cliente une billet de 500 € en paiement d'achats d'un montant de 51,13 €.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 octobre 2007 (Bull.crim. n° 235 p. 990) : Déclare à bon droit coupable de la contravention prévue par l'art. R.642-3 C.pén. le responsable d'une société poursuivi pour avoir refusé d'un client un paiement en espèces, la décision qui relève que, ladite société n'acceptant aucun règlement en numéraire, le débiteur n'était pas en mesure de s'acquitter de faire l'appoint, prévu par l'art. L. 112-5 du C. monétaire et financier.

On a par ailleurs vu sanctionner la thésaurisation de monnaie d’or, au motif qu’elle réduit la masse monétaire en circulation.

Signe Histoire Tribunal Révolutionnaire 1er thermidor an II. Sont condamnées à mort Marie-Françoise Puzel et ses deux servantes, Françoise Maret et Anne Oudet, envoyées devant le Tribunal pour avoir, de peur d’être volées, enterré un peu d’argent.

MONNAIE (Fausse)

Cf.  Comparse*, Contrefaçon*, Excuse de dénonciation*, Filigrane*, Foi publique*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-117, p.471  

Signe Renvoi rubrique Voir : D. Jousse, La fausse monnaie  (sous l’Ancien droit français)

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Le faux-monnayage  (sous le Code pénal de 1810)

Signe Renvoi rubrique Voir : W. Jeandidier, La fausse monnaie  (sous le Code pénal de 1993)

- Notion. Comme il vient d’être vu le droit de battre Monnaie* constitue un droit régalien et ne peut, de ce fait, être exercé que par l’État. Toute monnaie mise en circulation par une personne privée constitue donc une fausse monnaie.

Signe Doctrine De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Ce qui fait la monnaie c'est la marque qui est apposée sur une certaine matière par l'autorité publique... Le droit de faire battre monnaie doit être considéré comme une des plus éminentes marques de la souveraineté .

Signe Doctrine Goyet (Droit pénal spécial) : L'État a le monopole de l'émission des pièces de monnaie. L'intérêt public exige que des peines sévères frappent celui qui s'est rendu coupable de contrefaçon ou d'altération des monnaies.

Signe Histoire Code annamite de Gia Long. Art.325 (Commentaire officiel) : Les règles d'après lesquelles doivent être fabriquées les monnaies sont établies par le Souverain ; le Gouvernement entretient des ateliers pour les fondre et les couler, afin de faciliter les transactions et le développement de la fortune publique, et il ne peut être permis aux particuliers d'en fabriquer privément.

Signe Droit comparé Code criminel du Canada. Art.448 - Définitions de « monnaie contrefaite » : a) Fausse pièce ou fausse monnaie de papier qui ressemble ou est apparemment destinée à ressembler à une pièce courante ou à de la monnaie de papier courante ou destinée à passer pour une telle pièce ou une telle monnaie de papier...

Se rend coupable du crime de fausse monnaie toute personne qui empiète sur ce privilège .

Signe Histoire Seligman (La justice en France sous la Révolution). Les détenus de la Force et de la Conciergerie créèrent de véritables ateliers de fausse monnaie et de faux assignats...  Trois détenus s'étant évadés de la Conciergerie, on se hâta de publier, pour rassurer l'opinion, que c'étaient des assassins et non de faux-monnayeurs. La Constituante se préoccupa du péril que ces pratiques criminelles faisaient courir au crédit de l'État. [cette anecdote confirme que la valeur d'une monnaie dépend essentiellement de la confiance que lui accorde le public]

Signe Exemple concret Exemple (AFP 14 juin 2012) : La plus grande fabrique de faux billets de France a été démantelée mardi et mercredi en Seine-et-Marne par l'office spécialisé de la police judiciaire, selon des sources policières.
Cette officine, d'où sont sortis "plus de 9 millions d'euros en 350.000 faux billets de 20 et de 50 euros", était jusqu'alors, en termes de volume et de qualité, la première de France et la deuxième d'Europe", selon les mêmes sources.
Dissimulée dans un site industriel d'un petit village discret entre Meaux et Chelles (nord du département), cette officine a été démantelée après que "plusieurs dizaines de personnes" eurent été interpellées au cours des mois précédents, dont le contrefacteur. L'Office central pour la répression du faux monnayage , avec la Juridiction interrégionale spécialisée de Paris, a travaillé sur cette affaire depuis que les contrefaçons ... sont apparues dans le circuit fiduciaire en 2007.
Ces fausses coupures de 20 et 50 euros "de bonne facture" avaient été réalisées non en offset, comme le plus souvent, mais à partir d'une chaîne graphique numérique, selon ces sources. Elles étaient émises "à 90% sur le territoire français, le reste dans les zones frontalières des pays riverains", et "distribuées" par des membres de la communauté des gens du voyage. Au fil du temps, "plusieurs dizaines de personnes de cette communauté qui constituaient le réseau d'écoulement ont été interpellées" en région parisienne et dans des zones de moyennes agglomérations en province, mais "la difficulté de remonter les filières dans ces milieux-là" a fait que le contrefacteur lui-même n'a été interpellé que depuis "peu de temps", a-t-on ajouté.
Il s'agit d'un homme "d'une cinquantaine d'années, déjà connu des services de police et condamné pour fausse monnaie", selon les sources policières. Si les différents protagonistes de la filière avaient été interpellés, l'officine elle-même restait introuvable
.

- Règle morale. Le faux monnayage est considéré comme une faute grave par les moralistes ; ils rappellent à cet égard que les hommes ont le devoir de respecter ce monopole d'État reconnu par le droit naturel.

Signe Philosophie Pontas (Dictionnaire des cas de conscience) : La monnaie est une pièce de métal qui; sous l'autorité du prince, sert de prix aux choses qui sont dans le commerce. Il n'y a que le souverain qui ait droit de faire battre monnaie ; el il est défendu à tous ses sujets, de le faire.

Signe Philosophie Héribert Jone (Théologie morale) : Celui qui, ayant reçu de la fausse monnaie a payé à son tour avec cette monnaie, sans devenir plus riche, a commis un péché.

Signe Philosophie Neufbourg (La loi naturelle) : La raison d'utilité sociale a fait que les peines correspondent plus souvent au crime matériel, si je puis m'exprimer ainsi, qu'au crime intentionnel... les peines sont rigoureuses pour le faux monnayeur qui ne songe qu'à s'enrichir,  mais qui, par le fait, jette le trouble dans toutes Ies transactions de la vie civile.

- Science criminelle. Le régime juridique du crime de fausse monnaie, qui relève rationnellement des crimes contre l'État, est traditionnellement rigoureux. Ainsi, la simple falsification constitue déjà le crime ; la mise en circulation de la monnaie falsifiée en constitue un autre. En toute hypothèse, il s'agit d'une infraction intentionnelle.

Signe Renvoi rubrique Voir : Décret du 1er brumaire an II (22 octobre 1793), relatif au crime de fabrication de faux assignats ou de fausse monnaie

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie  (selon la science criminelle)

Signe Renvoi rubrique Voir, sur la peine pour crime de fausse-monnaie, et l’invitation à la délation : Assignat

Signe Doctrine Blackstone (Commentaire sur les lois anglaises, éd. 1776) : Si on a placé le crime de faux monnayage au rang des crimes de haute trahison, c’est qu’on considère l’action du faux-monnayeur comme une violation de la fidélité qu’il doit à son Souverain, et en même temps comme une usurpation des droits de la prérogative royale, le faux monnayeur se revêtissant lui-même d’un des attributs de la souveraineté.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 27 février 1947 (Gaz.Pal. 1947 I 173) : La connaissance des billets contrefaits ou falsifiés, de la part de celui qui en fait usage, est un élément essentiel et constitutif de la criminalité.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 8 novembre 2000 (Bull.crim. n°333 p.987) : Prive sa décision de base légale la Cour d'assises qui, pour déclarer un accusé coupable de détention en vue de leur mise en circulation de billets de banque contrefaits ou falsifiés, fonde la condamnation qu'elle prononce sur une réponse affirmative à une question qui a omis de caractériser la connaissance qu'aurait eu cet accusé de la contrefaçon ou de la falsification des billets détenus.

La simple reproduction de l'image d'un billet de banque, dès lors qu'elle ne peut en aucune manière être confondue avec une monnaie ayant cours légal ne tombe pas sous le coup de la loi pénale.

Signe Jurisprudence Cass. (1e civ) 5 février 2002 (Gaz.Pal. 2003 J 403 Conclusions Sainte-Rose) : Une société ayant reproduit dans une revue de numismatique divers billets de banque, il ne peut être reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Banque de France de son assignation en cessation de cette activité et paiements de dommages-intérêts, dès lors que la Cour d'appel a relevé la fonction de mode de paiement légal dévolue aux billets de banque, émis et mis en circulation à cette fin par la Banque de France, établissement public administratif, leur affectation à l'intérêt général et le caractère de service public des opérations concernée, faisant ressortir l'incompatibilité entre l'exercice de cette activité régalienne et la protection des droits d'auteur revendiquée par le demandeur au pourvoi.

La vigilance du législateur s'étend à la falsification des monnaies étrangères.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-129, p.477  

La sanction du faux-monnayage est ordinairement de nature criminelle.

Signe Histoire Digeste de Justinien, 48, 10, 8. Ulpien : Quiconque aura rogné des pièces d'or, ou en aura mises en couleur, ou en aura fabriquées, si c'est un homme libre il sera livré aux bêtes féroces ; si c'est un esclave, il sera puni du dernier supplice.

Signe Histoire Desmaze (Pénalités anciennes) : Au XIIIe siècle, les faux monnayeurs étaient bouillis tout vifs, comme le prouvent les quittances suivantes : 27 livres et 4 sols à Maître Henri, pour avoir fait bouillir des faux monnayeurs… Le 9 novembre 1527 encore, Yon de Lescat, marchand à Paris, fut bouilli au marché aux pourceaux, parce qu’il avait, par l’espace de plus de quinze ans, fait de la fausse monnaie d’or et d’argent, au moyen de quoi il avait fait de grosses acquisitions.

Signe Droit comparé Code annamite de Gia Long, art. 325 : Ceux qui auront fondu et coulé privément de la monnaie de cuivre seront punis de la strangulation.

Signe Droit comparé Code pénal d'Andorre. Art. 142 : Sera puni d'un emprisonnement d'un maximum de vingt ans quiconque aura falsifié une monnaie ayant cours légal ou aura introduit ou mis en circulation de la fausse monnaie.

Le législateur retient habituellement ici l'excuse absolutoire de dénonciation.

Signe Droit comparé Code pénal de Belgique. Art. 192 : Les personnes coupables des infractions mentionnées aux articles... seront exemptes de peines si, avant toute émission de monnaies contrefaites ou altérées... et avant toutes poursuites, elles en ont donné connaissance et révélé les auteurs à l'autorité.

- Droit positif français. Le crime de fausse monnaie est incriminé par les art. 442-1 C.pén. et s. (art. 132 et s. de l’ancien Code).

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie (en droit positif français)

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 mars 1837 (S. 1938 I 171) : Le crime prévu par l’art. 134 C.pén. ne consiste pas seulement dans la parfaite imitation des monnaies dont il s’agit ; mais la contrefaçon peut aussi résulter d’une somme d’apparences suffisantes, pour que la circulation puisse en être obtenue au détriment des pièces véritables.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 février 1993 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 248) : Le crime d’exposition de billets de banque contrefaits ne constitue qu’une modalité du crime d’usage de tels billets et entre, dès lors, dans les prévisions des art. 133 et 139 C.pén.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France) : Douarnenez, mars dernier. Des faux billets de 20 € circulent en ville. L'homme qui les a reproduits à l'aide d'un scanner était hier devant le Tribunal correctionnel de Quimper. Il explique : - Peu de temps avant, j'avais acheté du haschich à des jeunes pour 160 €. Il était infect. Je connaissais le dealer qui les fournissait. J'ai voulu lui rendre la monnaie de sa pièce. Jugement : quatre mois de prison ferme.

MONOPOLEUR (Monopole)

Cf.  Abus de position dominante*, Ententes prohibées*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), sur la police du commerce des grains et l’approvisionnements des marchés et des armées

Le crime de monopole consistait autrefois à accaparer une catégorie de biens afin de faire baisser l’offre, et à pouvoir ainsi fixer son prix de vente au plus haut. Il était sanctionné de la manière la plus rigoureuse, surtout lorsqu’il portait sur des produits de première nécessité comme le blé.

Signe Histoire Digeste de Justinien, 48 12, 2 pr. Ulpien : Par la loi Julia sur les vivres, une peine est établie contre celui qui, par ses menées ou ses associations, aura fait augmenter la cherté des vivres.

Signe Histoire Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises) : C’est une infraction contre le commerce public que d’aller acheter dans les maisons, villages ou hameaux, des denrées, volailles, bestiaux etc. afin de se rendre maître du prix de ces mêmes biens sur les marchés.

Signe Histoire Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : On appelle monopoleurs ceux qui font amas excessif de marchandises de quelque espèce que ce soit, dans le dessein de la rendre rare et d’être les seuls qui en aient pour la vendre à un prix exorbitant. La plus ancienne loi qu’on connaisse est de l’Empereur Zénon : « Nous défendons que personne ose commettre le crime de monopole soit à l’égard des habillements, de poissons, ou de quelque espèce de chose que ce soit, à peine de confiscation de ses biens et d’être banni à perpétuité ».

Signe Histoire Décret du 26 juillet 1793 : La Convention nationale, considérant tous les maux que les accapareurs font à la société par des spéculations meurtrières sur les plus pressants besoins de la vie et sur la misère publique, décrète : L’accaparement est un crime capital… Sont déclarés coupables d’accaparement ceux qui dérobent à la circulation des marchandises ou denrées de première nécessité qu’ils achètent ou tiennent enfermées dans un lieu quelconque, sans les mettre en vente journellement et publiquement.

Signe Histoire Merlin (Répertoire de jurisprudence, 1827) : Le Monopole est l’abus de la faculté qu’on s’est procurée de vendre seul des marchandises, des denrées dont le commerce devrait être libre.

- Ce fait a relevé de l’art. 419 de l’ancien Code pénal ; il a été actualisé par l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; il figure maintenant dans le Code de commerce sous le nom d’Abus de position dominante*.

MONSEIGNEUR  -  Voir : Pince-monseigneur*.

MONTAGE

Cf.  Diffamation*, Honneur*, Mensonge*, Tromperie*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-8, p.253

Dans une section intitulée « De l’atteinte à la représentation de la personne », l’art. 226-8 C.pén. incrimine le fait de publier un montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, dès lors qu’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage (art. 370 de l’ancien Code).

Signe Doctrine Pelletier (Juris-classeur pénal, art. 226-8) : Ce texte a pour but de protéger la représentation de la personne à travers ses paroles ou son image. On veut éviter que celles-ci soient déformées ou dénaturées. Ainsi, ce qui est en cause, c’est le respect de la dignité imposant une restitution fidèle de l’image ou des paroles, exclusive de toute dénaturation.

Signe Jurisprudence Toulouse 26 février 1974 (D. 1974 736) : Le montage ne constitue pas nécessairement une manipulation ou un truquage de la photographie, mais se trouve réalisé dès lors que l’insertion de cette photographie dans un contexte d’images, de dessins ou de légendes en a modifié la valeur artistique, la portée ou la signification.

MONTE-EN-L'AIR

Cf.  Cambriolage*, Escalade*, Malfaiteur*, Vol qualifié*.

Un monte-en-l'air est un cambrioleur qui s'introduit dans les appartements ou grandes habitations en escaladant leur façade puis en y pénétrant par les lucarnes du toit ou les fenêtres des étages (expression populaire, invariable).
Puisque l'escalade est en principe assimilée à l'effraction, l'auteur d'un tel méfait se rend coupable de Vol qualifié*.

Signe Exemple concret Les expressions françaises décortiquées : Pour avoir droit à cette appellation, il fallait entrer dans les appartements en montant pas les façades, en s'aidant des balcons, reliefs divers et autres tuyaux d'écoulement.

Signe Jurisprudence Cass.crim.2 avril 1864 (DP 1864 I 324) : Il y a escalade par cela seul que le voleur s'est introduit dans l'édifice par une ouverture autre que celle destinée à servir d'entrée... Il en est ainsi dans le cas où, pour pénétrer dans une maison, le voleur a abusé des facilités que présentait un échafaudage dressé le long de celle-ci.

Signe Exemple concret Blog "Le Monde" : Quand Paris dort, les monte-en-l'air s'éveillent. L'échafaudage est là, résillant le vieil immeuble repéré depuis des semaines. Si tentant. Il suffit de monter, de passer la palissade, à ses risques et périls, d'escalader pour gagner les greniers...

MONUMENT AUX MORTS -  Voir : Sépulture*, Symbole*.

MONUMENTS (et Sites naturels)

Cf.  Biens publics*, Détérioration*, Incendie*, Patrimoine historique ou culturel*, Sépulture*, Vandalisme*, Vestiges archéologiques*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° IV-213, p.576

Signe Renvoi rubrique Voir : Décret du 13 avril 1793, protégeant les chefs-d’oeuvre de sculpture

Signe Renvoi rubrique Voir : Décret du 6 juin 1793, protégeant les monuments nationaux

- Notion. En droit criminel on entend par « monuments » les meubles et immeubles qui présentent, pour la collectivité voire pour l'humanité, un intérêt historique, culturel ou artistique.
Sous la Monarchie de juillet, Guizot proposa au roi Louis-Philippe l'officialisation d'un poste de d'inspecteur des Monuments historiques. En 1834 ce poste fut confié à l'écrivain Prosper Mérimée, qui s'entoura d'architectes dont le plus connu est Viollet-le-Duc ; après un tour de France des bâtiments les plus intéressants sur le plan historique ou architectural, il dressa un inventaire des monuments à restaurer et entretenir qui n'a cessé d'être complété.

Vitrail de la cathédrale du Mans

Vitrail de la cathédrale du Mans (Photo Jean-Paul Doucet)

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Les monuments historiques, c’est-à-dire ces immeubles ou ces objets mobiliers dont la conservation présente un intérêt public du point de vue historique ou artistique.

Signe Exemple concret Exemple (Le Figaro 16 février 2016) Quentin Périnel : Le plus vieux temple maçonnique de France, connu sous le nom de Temple de David, ou Temple de l'amitié franco-américaine, va être restauré. Il est classé Monument historique depuis 1947... Situé dans le parc du château d’Épône - une petite commune des Yvelines d’à peine 6000 habitants - c’est le plus ancien temple maçonnique de France. La légende veut que Benjamin Franklin, l’un des pères fondateurs des États-Unis y aurait fait étape et Robespierre y aurait rédigé la Constitution de 1791 avec quelques autres révolutionnaires. Malgré sa petitesse, le temple de David (du nom du peintre qui en aurait établi le plan) est donc chargé d’histoire... Pour lui redonner de sa superbe, la mairie a effectué des demandes de subventions, notamment auprès des responsables du Grand Orient de France.

Les lieux et monuments historiques sont en effet trop souvent la cible d'individus guidés par une idéologie aveugle. C'est pourquoi le législateur pénal doit assurer fermement leur protection ; sauf dans le cas de monuments attachés à des croyances manifestement absurdes et causes de troubles sociaux : ainsi Charlemagne, pendant une campagne en Germanie, put faire abattre le chêne Irmunsul qui était censé soutenir la voûte des cieux.

Signe Exemple concret De Bleignerie et Dangin, « Paris incendié 1871 » - réédition, Éditions du Mécène 2009) : Les Fédérés, désespérant enfin de leur cause, voulurent, s'ils mouraient, ensevelir l'armée libératrice sous les ruines de Paris... Des ordres d'incendies furent donnés et signés dans tous les quartiers ; des légions d'incendiaires se levèrent, hommes, femmes, enfants. Tous les monuments de Paris, à commencer par les Tuileries et l'Hôtel de Ville, des îlots de maisons tout entier furent arrosés de pétrole du haut en bas, la flamme y circula bientôt de toutes parts... L'armée libératrice put voir le spectacle horrible de l'incendie attaquant en même temps tous ses monuments : l'Hôtel de Ville, les Tuileries, le Louvre (et son irremplaçable bibliothèque), le Palais-Royal, le Palais de Justice, l'Arsenal de Paris (l'une des plus considérables bibliothèque publique), le Conseil d'État, la rue Royale, la rue de Rivoli... ses principaux établissements industriels : la Manufacture des Gobelins, les Docks de la Villette... [tous les ans, au mois de mai, les Fédérés n'en sont pas moins publiquement honorés !].

Signe Exemple concret Maurice Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe République) : Au mois de mai 1871, lors l'entrée des Versaillais, les communards résolurent... une dévastation systématique de Paris. On n'avait pas voulu épargner la Sainte-Chapelle. Ses murs avaient été badigeonnés de substances inflammables. Un incident fortuit et providentiel sauva l'admirable édifice : la mèche soufrée qui devait mettre le feu trempait dans du pétrole. Le chef incendiaire n'y prit pas garde et fut soufflé par une formidable explosion de gaz lorsqu'il voulut l'allumer. Contusionné, il fut emporté par ses hommes... Lorsqu'il revint pour terminer sa besogne, il n'était plus temps. On ne pouvait plus approcher de la Sainte-Chapelle, environnée d'une ceinture de flammes le reste du Palais de justice étant déjà la proie de l'incendie.

- Règle morale. La destruction de tels biens, qui appartiennent au patrimoine de l'humanité, appelle de toute évidence une condamnation morale.

Signe Philosophie Catéchisme de l'Église catholique. § 2409 : Infliger volontairement un dommage aux propriétés publiques est contraire à la loi morale et demande réparation.

Signe Exemple concret Exemple de destructions unanimement condamnés sur le plan international (Ouest-France 6 octobre 2015) : Syrie : L'Arc de triomphe de Palmyre détruit par Daech. Le monument, qui datait de l'empereur Septime Sévère (193 à 211), s'est effondré dimanche, pulvérisé à l'explosif. Depuis qu'il a pris le contrôle de Palmyre, en mai dernier, le groupe État islamique a déjà détruit deux temples et les trois plus belles tours de la cité antique.

- Science criminelle. Pratiquement tous les législateurs protègent les monuments qui illustrent leur civilisation.

Signe Droit comparé Constitution italienne de 1947. Art. 9 : La République favorise le développement de la culture et la recherche scientifique et technique.
Elle protège le paysage et le patrimoine historique et artistique de la Nation.

Signe Jurisprudence Cour EDH 5 janvier 2000 (D. 2000 SC 187) : Le contrôle du marché des œuvres d'art par l'État constitue un but légitime, pour la protection du patrimoine culturel et artistique.

Signe Droit comparé Code pénal d'Arménie, art. 264 : La destruction ou la  dégradations de monuments protégés en raison de leur valeur historique ou culturelle, comme, la destruction ou la dégradation de documents ou d'articles possédant la valeur culturelle ou historique particulière, est punie d'une amende... du travail correctionnel pour un an au plus, ou de l'emprisonnement pour  deux 2 ans au plus.

Signe Droit comparé Code pénal du Guatemala, art. 332 "A": Encourt une peine de deux à dix ans de prisons celui qui commet un vol portant sur :
1°/ Une collection ou des spécimens rares de la faune, de la flore ou des minéraux, ou sut objet de valeur paléontologique ;
2°/ Des biens de valeur scientifique, culturelle, historique ou religieuse ;
3°/ Des antiquités ayant plus d'un siècle des inscriptions, des monnaies, des gravures, des timbres fiscaux ou de courrier ayant une valeur philatélique ;
4°/ Des objets d'intérêt ethnologique ;
5°/ Des manuscrits, livres, documents et anciennes publications ayant une valeur historique ou culturelle ;
6°/ Des objets d'art, tableaux, peintures et dessins, gravures et lithographies originales, ayant une valeur historique ou culturelle ;
7°/ Des archives sonores, photographiques ou cinématographiques ayant une valeur historique ou culturelle ;
8°/ Des articles et objets d'ameublement de plus de deux cents ans d'existence, et d'anciens instrument de musique ayant une valeur historique ou culturelle.

Signe Droit comparé Code pénal soviétique de 1962. Art. 230 : La destruction, la démolition ou la dégradation intentionnelles de monuments culturels ou de sites naturels placés sous la protection de l'État, sont punis de la privation de liberté pour une durée de deux ans au plus...

Signe Droit comparé Code pénal de Colombie, art. 156 : Celui qui pendant le déroulement d’un conflit armé … attaque et détruit des monuments historiques, œuvres d’art, installations éducatives ou lieux de culte, qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples… encourt de trois à dix ans d’emprisonnement.

Signe Droit comparé Chine, 10 octobre 1998 : Le Tribunal de Xianbyang a condamné à mort quatre personnes pour avoir volé et vendu entre 1992 et 1994 des fresques de la dynastie Tang (618-907) entreposées dans l'annexe du musée où ils travaillaient.

- Droit positif français. En raison de leur valeur, les monuments historiques sont protégés par la loi pénale, comme le sont les sites naturels et les Vestiges archéologiques* (art. 322-2, 3° et 4°, C.pén. ; art. 257 et 257-1 anciens).
L'art. R.645-13 incrimine jusqu'à l'intrusion dans des lieux historiques ou culturels.
Les articles L.114-1 et s. du Code du patrimoine complètent ce dispositif.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 août 1993 (Gaz.Pal. 1993 II Chr.crim. 561) : L’extraction, à l’aide de burins et de massettes, de cristaux de quartz du sein de la paroi granitique du massif du Mont-Blanc où ils se trouvent, dans des filons ou cavités appelés fours, a pour effet de dégrader le site protégé en supprimant partie de sa substance.

Signe Exemple concret Gravité actuelle du vol d'objets d'art (Le Figaro magazine 13 mars 1999) : Les cambriolages sont devenus de véritables opérations de guerre montées par des commandos que rien n'arrête et qui vont jusqu'à cadenasser les grilles des brigades locales de gendarmerie pour retarder l'intervention des forces de l'ordre.

Il est vrai que les guerres de religion (avec la destruction par les huguenots de l'Abbaye de Saint-Martin de Tours, probablement la plus vénérée d'Europe), la Révolution puis la Commune de Paris avaient donné un bien mauvais exemple.

Signe Exemple concret Géoguide - Bourgogne : Vers 1150, l'abbaye de Cluny compte près de 500 moines... Devant l'affluence l'abbaye ne cessera de s'agrandir et restera le plus vaste sanctuaire de l'Occident jusqu'à la reconstruction de Saint-Pierre de Rome au XVIe siècle... La Révolution marquera la fin définitive de l'épopée clunisienne : en 1791, les moines sont chassés ou déportés vers le bagne de île de Ré. Dans la foulée, le mobilier est dévasté, les tombeaux profanés, la nef mutilée et le dépeçage ira bon train, jusqu'à ne laisser de Cluny qu'un petit dixième de sa superficie.

Signe Histoire Henri Martin (Histoire de France de 1789 à nos jours -1885-), sur l'incendie de la ville de Paris par la Commune de Paris en 1871. Le 23 mars, un peu avant la nuit ; des colonnes de flammes jaillirent à la fois du ministère des Finances, des maisons qui font le coin de la rue Royale et du Faubourg Saint-Honoré, du Conseil d'État et du Palais de la Légion d'honneur ; puis toute la façade des Tuileries à son tour s'embrasa. L'incendiaire des Tuileries est connu, c'est Bergeret... De nouveaux incendies furent allumés dans cette affreuse nuit : le Palais-Royal, puis la Bibliothèque du Louvre, qui se trouvait dans l'aile la plus voisine des Tuileries. Cette merveilleuse collection de livres d'art et de littérature, remplie des éditions les plus belles et les plus rares, fut anéantie en peu d'heures...

Il est à noter que les biens meubles sont en outre protégés par la législation douanière.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 janvier 1991 (Gaz.Pal. 8 août 1991) : Aux termes de l'art. 38 C. douanes sont considérées comme prohibées notamment toutes marchandises dont l'exportation est soumise à des formalités particulières. Tel est le cas des œuvres des sculpteurs, antérieures au 1er janvier 1900, qui ne peuvent être exportées sans autorisation préalable.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 81) : Lors d'un contrôle douanier effectué le 23 avril 1988, à la frontière franco-belge, il a été découvert à l'intérieur d'un camion appartenant à la société belge F..., spécialisée dans le transport des objets d'art, deux tableaux de Pissaro et Signac, ainsi qu'un troisième de faible valeur signé Savery, dépourvus de tous documents douaniers nécessaires à leur sortie du territoire.
La juridiction du second degré déclare à bon droit F... coupable du délit d'exportation en contrebande des tableaux de Pissaro et Signac, et de la contravention d'exportation sans déclaration en ce qui concerne la troisième toile ; en effet, par application des art. 2 bis et 38-4 C. douanes, la sortie du territoire national des biens culturels à destination d'un autre État, membre de la Communauté européenne, demeure soumise aux dispositions de ce Code
.

Suite de la lettre M