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NAPOLÉON ET L’ÉLABORATION
DES CODES RÉPRESSIFS
par Georges LEVASSEUR

( Mélanges Imbert, PUF 1989 p.371 )

On ne manque jamais de souligner le rôle joué par Bonaparte dans l’élaboration du Code civil. On loue l’initiative qu’il a prise, le choix des juristes auxquels il s’est adressé, l’intensité et l’efficacité de ses interventions devant le Conseil d’État, la ténacité et l’habileté qui lui ont permis d’obtenir un vote favorable des diverses assemblées parlementaires instituées par la Constitution de l’an VIII, au point que c’est à bon droit que ce code fut baptisé Code Napoléon. Au contraire, on a coutume de dire que l’empereur n’a pas manifesté le même intérêt pour les codes répressifs, en particulier le Code pénal, ce tard venu1, et l’on en déduirait volontiers que c’est à ce manque de l’impériale sollicitude qu’il faut attribuer les défauts, les grincements et la fragilité de ces deux codes répressifs (dont l’un a été remplacé en 1959 et dont l’autre a subi de nombreuses révisions totales ou partielles, après avoir résisté à quatre ou cinq projets de réforme de grande amplitude).

La lecture des travaux préparatoires2 démontre au contraire l’influence de Napoléon (l’Empire avait remplacé le Consulat peu avant le début des travaux). Il était présent dès l’ouverture le 9 prairial an XII et n’a manqué aucune des 10 séances du Conseil d’État qui se sont tenues jusqu’au 27 frimaire an XIII (2 en mai-juin 1804 et 8 entre le 16 octobre et le 18 décembre). Lors de la reprise des travaux en 1808, il participe aux séances des 30 janvier, 6, 13, 20, 27 février et 5 mars 1808, 26 août et 16 septembre 1808 où se discute le futur code d’instruction criminelle, ainsi qu’à celles du 21 janvier et 22 juillet 1809 consacrées à certaines parties du Code pénal. De cette répartition, on peut déjà inférer que l’empereur jugeait l’organisation de la procédure plus importante que les incriminations et pénalités.

Ce qui ne peut manquer de frapper, à la lecture, c’est le mode de participation de l’empereur aux discussions qui se développent devant lui, alors que le problème ne cesse généralement de se compliquer, les opinions de s’opposer davantage, et les digressions de se multiplier; avec le génie que l’on n’attendrait pas d’un profane (il a, au besoin, posé quelques questions très pertinentes s’il a eu besoin d’être éclairé sur des points techniques), il intervient alors pour faire le point, clarifier le débat, faire ressortir les points essentiels, suggérer au besoin une proposition personnelle3. Les discussions ne cessent pas pour autant, mais le lecteur a compris quel en était l’enjeu, et ce n’est pas sur un simple argument d’autorité ni par une sorte de crainte révérencielle que l’on aboutira à une solution provisoire ou définitive.

A côté de certaines options fondamentales que l’empereur a su faire prévaloir (I) nous ferons une place, dans l’espace mesuré dont nous disposons, à certaines opinions secondaires qu’il a eu l’occasion d’exprimer (II).

I - Les options fondamentales dues à Napoléon

Trois points fondamentaux nous semblent se dégager, par ordre d’importance décroissante : l’unification des justices civile ou répressive (A), l’organisation des procès criminels (B), et enfin le problème des infractions militaires (C).

A / L’unité des justices civile et répressive

On ne peut manquer d’être frappé par la place que cette unification occupe dans les préoccupations de Napoléon. Le droit intermédiaire avait jeté à bas l’organisation judiciaire où les Parlements, qui avaient la haute main sur l’une et l’autre justice, après s’être opposés avec éclat à la monarchie avaient été ensuite balayés par les premières vagues révolutionnaires.

Certes il n’était pas question de rétablir les Parlements, foyers des autonomismes locaux, repaires de l’aristocratie, et dont les pouvoirs sentaient, à tort ou à raison, l’arbitraire. Mais, face à un exécutif puissant et à un législatif difficile à contenir, l’empereur entendait établir un pouvoir judiciaire imposant. La poussière de juridictions créées par les autorités révolutionnaires, dont le fonctionnement laissait beaucoup à désirer, ne pouvait être laissée en l’état. Le problème de l’unification ne figurait cependant pas dans les 14 questions formulées le 16 prairial an XII, et c’est sur l’initiative de l’empereur qu’il occupa toute la séance du 1er brumaire an XIII, celle du 8, et une bonne partie des séances du 15, du 22 et du 29 brumaire ainsi que de celle du 20 frimaire. Le projet établi par Bigot-Préameneu fut combattu comme inconstitutionnel par Treilhard, et un avis négatif fut finalement émis le 20 frimaire an XIII, contredisant l’avis favorable du 8 brumaire.

La question se posa à nouveau avec la reprise des travaux en 1808, dans une atmosphère plus favorable, sur un projet présenté par l’empereur dans la séance du 30 janvier, mais il fallut finalement recourir à un sénatus-consulte dont les termes furent discutés le 5 mars 1808. C’est seulement à ce moment que Napoléon décida qu’on pouvait, sur les bases ainsi établies, «arrêter en entier le projet de code»4.

1 / L’empereur tenait essentiellement à cette unification, c’est-à-dire à ce que les cours d’appel aient compétence en matière répressive5 et concentrent en leur sein toute l’autorité judiciaire (ce point a été bien souligné par Faustin-Hélie dans son magistral ouvrage6).

Il l’a exprimé à maintes reprises. « Les tribunaux seront sans considération tant qu’ils ne cumuleront pas la justice criminelle avec la justice civile. L’avantage de cette réunion sera de donner au corps judiciaire une force égale à celle des autres corps, et de les mettre en état de défendre l’ordre public et la liberté civile contre l’administration, contre le militaire, contre les hommes puissants7... Peut-on, sans la réunion des deux justices, armer les tribunaux de la considération et de la force dont ils ont besoin ? Voilà toute la question... Chaque autorité doit avoir, dans l’État, une influence proportionnée à ce qu’elle est appelée à faire. L’autorité judiciaire n’aura celle qui lui appartient que quand elle sera divisée entre 30 grands corps8 qui réuniront le pouvoir de prononcer tout à la fois sur la propriété, sur l’honneur et sur la vie, et qui seront composées de magistrats recommandables. Telles doivent être les cours d’appel. »9

L’empereur s’élève à l’avance contre toute résurrection des anciens parlements, mais celle-ci ne lui paraît pas à craindre10.

Les justifications pratiques de cette unification sont nombreuses les rouages répressifs existant à l’époque sont d’une inefficacité à peu près totale11; ils manquent de prestige et sont sensibles aux pressions locales12 ; il existe un vide juridique qui oblige l’empereur à intervenir lui-même13 ; cette réforme n’augmenterait aucunement les frais de justice, au contraire 14, etc.

2 / Plus importantes encore sont les conséquences que l’empereur envisage d’en tirer, et qui n’ont pas toutes été réalisées.

La cour d’appel comprendra une section criminelle, d’au moins 10 membres (les présidents de tribunaux criminels y seront intégrés), et les conseillers pratiqueront le roulement de façon à bénéficier les uns et les autres du prestige qui s’attache à la culture juridique des civilistes. A la tête de la cour sera un premier président « qui ne soit attaché à aucune section, mais qui ait le droit de les présider toutes»15 ; chaque section aura un président, notamment la section criminelle, désigné par l’empereur. Napoléon envisage même de « convertir les procès civils en procès criminels quand il y aura lieu »16. En tout cas le droit d’évocation est plusieurs fois affirmé17. Les cours impériales doivent être « le centre de la justice criminelle », et même le «centre de tout et rien ne doit échapper à leur action»18.

Plus important est le renforcement du ministère public qui doit découler de cette unification, alors qu’il était pratiquement limité aux affaires pénales. Les «magistrats de sûreté» deviendront avocats impériaux sous le contrôle du procureur général, et porteront la parole à l’audience19. « Le procureur général est le chef du parquet parce qu’il représente l’empereur. »20

Les rapports de l’ordre judiciaire et des services de police ont été moins bien éclaircis. Les «magistrats de sûreté» d’une part étaient sous les ordres du préfet et d’autre part avaient la charge d’alerter les représentants de la justice. Nous retrouverons cette difficulté à propos de l’article 10 C. instr. (infra, II-A-2). Napoléon débrouille ce problème avec beaucoup de clarté21. Cependant, le 30 janvier 1808, en terminant la séance, il affirma qu’il n’entendait pas « donner une police aux corps judiciaires »22.

Mais une des conséquences les plus importantes que l’empereur pensait tirer de l’unification, c’était l’autorité qui serait attachée à l’intervention des cours d’appel en «sections réunies», c’est-à-dire en assemblée plénière. Cette formation serait investie d’un pouvoir général de surveillance et discipline dans son ressort23. Il n’en est guère resté que l’article 11 de la loi du 20 avril 1810, que la loi du 24 février 1934 a d’ailleurs abrogé24 et qui permettait à la cour, toutes chambres assemblées, d’ordonner au procureur général d’entreprendre des poursuites. Mais Napoléon avait, pour cette formation de ses cours d’appel, d’autres ambitions. Il la voit se substituer à la section criminelle25, et la fait même intervenir dans les cours d’assises26, où il plaçait volontiers autant de juges professionnels que de jurés (ce que le Conseil d’État décida le 13 février 1808 27); il voulait même la voir intervenir pour contredire au besoin le verdict du jury. Certains de ces propos furent donc tenus lors des nombreuses discussions concernant l’organisation des procès criminels.

B / L’organisation des procès criminels

Ce point a été au centre des discussions; l’organisation due à l’assemblée constituante et caractérisée par l’intervention successive du jury d’accusation et du jury de jugement (œuvre mutilée ultérieurement par la création des tribunaux spéciaux) devait-elle être maintenue ?28. Les débats ont surtout, semble-t-il, porté sur la compatibilité de cette organisation avec l’unification des justices civile et répressive dans un grand corps unique, auquel l’empereur tenait tant.

1 / Le sort du jury d’accusation fut définitivement réglé le 6 février 1808. Napoléon avait dit qu’il ne présentait que des inconvénients, et que jamais il n’opérerait d’une manière aussi sûre qu’un seul magistrat29 ; composé de citoyens mal formés, et jugeant uniquement sur pièces, ses défauts sont reconnus par les partisans du jury en général ; « il ne faut appliquer la masse des citoyens qu’à des fonctions qu’ils puissent remplir et laisser aux gens de loi celles dont eux seuls sont capables »30. Ce seront donc des juges, ceux de la section criminelle de la cour d’appel (ultérieurement la Chambre des mises en accusation), qui décideront de la mise en accusation.

Ainsi c’est de la cour que procédera la mise en accusation, sur l’acte dressé à cette fin à la suite de la procédure menée au niveau local. L’arrestation peut être opérée par la gendarmerie, «mais le mandat d’arrêt ne doit être lancé que par des juges»31.«Le tribunal de première instance ferait l’information ; s’il pensait qu’il y a lieu à poursuites, il enverrait la procédure à la cour d’appel, laquelle, quand elle le croirait convenable, décréterait le prévenu32 ; elle ne le jugerait pas, car alors elle deviendrait trop puissante, mais elle le renverrait devant la cour d’assises qu’elle formerait; il importe au surplus qu’en aucun cas le prévenu ne soit relâché sans qu’on ait entendu le ministère public.»33

L’essentiel de l’organisation nouvelle est ainsi suggéré par l’empereur qui y voit «l’avantage de donner à un corps puissant le pouvoir de poursuivre tous les crimes ». Au besoin «on peut donner aux accusés des défenseurs», pour éviter que «la nécessité de faire décréter par la cour d’appel ne dégénère en simple formalité». Quant à la lenteur d’une telle procédure, «il est facile de l’écarter en autorisant les cours impériales à déléguer, pour instruire, un juge de première instance pris sur les lieux... Il faut que la cour impériale remplisse les fonctions du jury d’accusation, avec faculté de déléguer l’instruction à un juge pris sur les lieux pour les délits les moins importants. Quant à l’acte d’accusation, il doit être dressé à la cour d’assises »34.

2 / L’organisation de la cour d’assises allait découler des décisions arrêtées sur l’unification des justices civile et répressive. La cour criminelle du droit intermédiaire siégeait au chef-lieu de département; on décide de ne pas en changer le siège pour être plus près du lieu du crime, et des témoins, tout en plaçant dans la cour d’appel le moteur de la justice, y compris la justice pénale, mais la cour ira tenir ses assises périodiquement sur place, car c’est un de ses membres (désigné par son chef) qui ira présider la session35.

Le jury de jugement est maintenu. Il est exact que cette solution a longuement occupé les débats. Le problème du jury occupait six des 14 points fondamentaux à mettre en discussion. De nombreux adversaires l’ont combattu pendant bien des séances; le maintien décidé en 1804 a été remis en question en 1808, et, contrairement à ce que soutenait l’avocat général Cruppi dans son discours de rentrée de 1896, c’est à l’adhésion réticente de Napoléon à l’institution que celle-ci a dû d’être conservée. Il admet le jury dès le 16 prairial an XII «s’il est possible de parvenir à le bien composer»36, et le Conseil décide alors de le conserver. Le 20 frimaire an XIII il s’enquiert de l’avis émis par les tribunaux, et conclut que «l’opinion sur l’institution du jury paraît trop douteuse pour qu’en supprimant cette institution, l’on n’excite pas des regrets»37.

La question est de nouveau discutée en 1808 après la suspension des travaux. L’empereur demande le 23 janvier 1808 «comment le jury marche actuellement», «quels sont depuis quatre ans les effets de l’institution du jury» ; «il faut, avant tout, savoir si actuellement le jury prend une fausse direction»38.Il n’obtient que des réponses très nuancées, et en profite pour relancer le projet d’unification. A la séance du 6 février 1808 il fait39 un long exposé du principe du jury de jugement et de ses implications, mais se demande s’il est utile de séparer le fait du droit, ce qui ouvre une discussion animée. Napoléon conclut celle-ci par des réflexions lapidaires qui entraînent le Conseil à adopter le jugement par jurés40.

3 / Le fonctionnement de la cour d’assises a donné lieu à d’intéressantes discussions sur la formation des verdicts et sur la condamnation, le 16 septembre 1808 sous la présidence de Napoléon. La commission ayant proposé la majorité des deux tiers (et non 10 voix sur 12 comme dans le Code de 1791), l’empereur demanda si sept voix favorables à l’accusé l’innocenteraient définitivement. Sur réponse affirmative, Napoléon observa qu’il comprenait qu’on ne le condamnât pas à mort, mais qu’à son avis les juges devraient apprécier la culpabilité ou qu’il devrait être fait appel à de nouveaux jurés, en recommençant la procédure ; il proposa également (avec un succès temporaire) de faire participer la cour à l’appréciation de la culpabilité en cas de verdict affirmatif jugé erroné41.

Il est curieux de remarquer que lors de l’élaboration de la loi du 4 mars 1831, des discussions analogues eurent lieu le 7 février à la Chambre des pairs et le 11 février à la Chambre des députés. Dans l’une, le duc de Broglie invoquait les calculs du célèbre Laplace42, dans l’autre Daunou faisait appel à l’autorité de Condorcet43. Mais il faut signaler l’initiative du baron Gaugal qui le 10 janvier 1831, à la Chambre des députés44 proposait que la peine de mort ne puisse être prononcée que sur un verdict de culpabilité rendu à l’unanimité, à défaut la peine du degré inférieur serait seule applicable ; en dépit de l’appui de Lafayette et de La Rochefoucault, son amendement fut rejeté45; ignorant ce précédent historique, c’est la proposition que nous avions émise en 1967, pour application à notre régime actuel d’échevinage46.

4 / Dès avant le Code pénal et jusqu’à la charte de 1830, de nombreux procès criminels ont échappé aux assises ; ce sont ceux déférés aux tribunaux spéciaux créés par la loi du 18 pluviôse an IX47 maintenus dans le Code d’instruction criminelle (où leur réglementation occupait les articles 553 à 599), sous le nom de Cours spéciales, dont l’existence avait été, dès le début, affirmée temporaire. Dès le 16 prairial an IX, Napoléon avait jugé utile le maintien de ces juridictions d’exception48.

Dans la discussion du 5 mars 1808, l’empereur s’élève cependant contre l’extension de compétence que l’on veut donner aux Cours spéciales49 ; celle-ci doit être limitée d’une part par la qualité des personnes (vagabonds et repris de justice), d’autre part par la nature des infractions (crimes contre la sûreté de l’État) « mais on propose d’ajouter une troisième classe de crimes, et de soustraire aux jurés les vols et assassinats commis sur les grands chemins. C’est peut-être aller trop loin. Pourquoi ces crimes ne seraient-ils pas aussi bien punis par les jurés, quand ils ont été commis sur la voie publique, que lorsqu’ils l’ont été dans l’intérieur d’une maison? Il ne faut pas oublier que les tribunaux spéciaux ne doivent être opposés qu’aux crimes qui, supposant une grande force dans les coupables, peuvent intimider les jurés ». L’empereur lance alors l’idée que le banditisme de grand chemin ne soit déféré aux Cours spéciales «que dans le cas où ils ont été commis par une bande organisée» ; suggestion qui n’eut pas de succès sur le moment, mais qui trouve un curieux écho chez les auteurs du projet de révision du Code pénal déposé en 1986, lequel retient la «bande organisée» comme circonstance aggravante d’un certain nombre d’infractions.

C / Les infractions et juridictions militaires

Les codes répressifs n’ont pas réglé, finalement, le cas des infractions militaires, mais les travaux préparatoires permettent cependant de connaître les idées de Napoléon sur ce point, qui devait avoir pour lui une importance particulière.

L’article 6 du projet de Code d’instruction criminelle énumérait limitativement les infractions militaires (prévoyant que les peines applicables seraient déterminées par le Code militaire). Cet article disparut à la suite de la discussion du 21 février 1809 au Conseil d’État. Napoléon manifeste tout de suite ses réticences50. Il ajoute que l’ «on définit très mal la juridiction militaire, lorsqu’on dit qu’elle sera exercée sur des crimes ou des délits commis à l’occasion ou dans le cours du service»; il affirme même que « les juges saisiraient difficilement cette métaphysique», et qu’ «une règle aussi vague serait d’une application fort embarrassante».

Il propose alors que les cours impériales soient saisies d’abord de tous les délits commis, qu’elles instruisent l’affaire et, quand le délit leur paraîtra militaire, qu’elles renvoient «le prévenu à son corps». Regnault de Saint-Jean-d’Angély lui objecte qu’il est impossible aux juges civils de bien apprécier les délits militaires. L’empereur répond, assez curieusement, «qu’il faut craindre avant tout l’arbitraire de la loi» et propose de laisser au procureur général «la plus entière latitude pour porter ces sortes d’affaires devant les cours, ou devant les tribunaux militaires».

Treilhard alléguant qu’il faut bien définir les infractions militaires, Napoléon répond : «La règle est toute simple ; il n’y a de délits militaires que ceux auxquels le Code militaire donne cette qualification ; tous les autres sont des délits communs, encore qu’ils soient commis par des soldats.»51 On pourrait se borner à dire dans un article que les délits militaires sont ceux que le Code militaire qualifie ainsi52. Ce sera ainsi d’ailleurs que les choses se passeront finalement.

L’empereur demande que «tous les délits commis dans les armées soient jugés par les tribunaux militaires», mais il suggère pour ceux commis ailleurs, fût-ce par des militaires, un système nuancé mais complexe53. «Que tous les délits soient portés devant les cours impériales ; mais que le procureur général puisse renvoyer devant les tribunaux militaires ceux qui lui paraîtront être de leur compétence, et que ces tribunaux les jugent comme par délégation de la cour.» Il en donne cette justification: «La justice est une en France ; on est citoyen français avant d’être soldat; si, dans l’intérieur, un soldat en assassine un autre, il a sans doute commis un crime militaire, mais il a aussi commis un crime civil. Il faut donc que tous les délits soient d’abord soumis à la juridiction commune, toutes les fois qu’elle est présente.» Dans le cas où un civil figure parmi les coparticipants (objection formulée par Daru), «le procureur général fera ce qu’il jugera convenable», sous le contrôle du Grand Juge (ministre de la Justice) auquel il est subordonné, avec, au besoin, l’arbitrage de la Cour de cassation, et Napoléon donne des exemples précis54.

Mais si Napoléon fut appelé à intervenir longuement et à orienter l’élaboration des codes criminels sur les points fondamentaux qui lui tenaient le plus à cœur, il eut, au cours de si nombreuses discussions, l’occasion de faire connaître occasionnellement son avis sur des points très divers, et il n’est pas sans intérêt d’en être informé.

II - Quelques opinions secondaires occasionnellement émises

On sera peut-être surpris d’entendre Napoléon se faire, en diverses circonstances le défenseur de la liberté individuelle, aussi ce point sera-t-il exposé en premier lieu (A), mais il convient aussi de signaler les avis émis au sujet des peines (B) ou de l’organisation des audiences (C).

A / Le souci de la liberté individuelle

Sur le plan de la liberté individuelle, on songe immédiatement à l’article 10 C.instr.crim. concernant les pouvoirs du préfet (ancêtre de l’article 30 de l’actuel Code de procédure pénale), mais les intentions de l’empereur à cet égard sont éclairées par certaines idées émises concernant la protection de la liberté individuelle55.

1 / Diverses protections de la liberté individuelle. - Napoléon, pour faire accroître les pouvoirs de la justice, n’a pas hésité le 16 février 1808 à évoquer le spectre des arrestations arbitraires effectuées par la police ou les autorités administratives56. Et de rappeler le cas de ce détenu, rencontré au fort de Dantzig «qui y était oublié depuis cinquante-sept ans ; on ne savait plus ni son nom, ni ce qu’il était, ni la cause de sa détention». Le 20 février 1808, Napoléon cherche à accélérer la procédure pour abréger la détention préventive ; il désire que «l’accusé soit traduit devant les plus prochaines assises»57 et insiste : «Il faut pourvoir à ce que la cour impériale prononce sans délai, afin qu’elle ne puisse pas retenir indéfiniment un citoyen dans les prisons.» Il faut y veiller «surtout lorsque l’affaire est devant la cour impériale ; ces cours auront une grande force ; il faut donc empêcher qu’elles n’en abusent pour vexer un citoyen faible et sans appui»58. On constate que ce souci de la liberté individuelle est lié à la création d’un corps judiciaire unifié et puissant.

Mais en dehors de la limitation de la détention, la liberté individuelle peut être protégée par d’autres moyens par exemple par l’exercice des voies de recours. On est heureux d’entendre Napoléon affirmer «qu’il est certain que la loi ne tiendrait pas la balance égale, si elle permettait au procureur général de se pourvoir et ne donnait pas la même faculté au prévenu»59. On est frappé de son attachement au double degré de juridiction ; il concevait volontiers que tous les dossiers soient portés devant la cour impériale, sauf à ce que celle-ci n’intervienne pas lorsque personne n’avait fait appel60, et on parvenait mal à le convaincre que le double degré de juridiction était bien réalisé en matière criminelle61. Le 16 février 1808 il suggère que l’appel soit admis au moins pour fausse application de la loi, d’autant plus que la cour disposera d’une certaine latitude dans l’application de la peine62; mais le Conseil estima, comme Treilhard et Muraire et en dépit de Cambacérès, que le pourvoi en cassation (que l’empereur jugeait peu indiqué) suffirait. Il insiste pour que l’appel soit toujours ouvert en matière correctionnelle bien qu’on lui objectât les frais que cela entraînerait63.

2 / Le problème des pouvoirs de police judiciaire des préfets. - On sait que l’article 10 C.instr.crim. donnait aux préfets le pouvoir de faire personnellement, ou de requérir les officiers de police judiciaire de faire, tous actes nécessaires à l’effet de constater les infractions et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. Cette disposition, inlassablement critiquée comme attentatoire à la séparation des pouvoirs, disparut en 1933 pour connaître un nouvel avatar dès 1935, et subsister sous une autre forme dans l’article 30 C.proc.pén.

Napoléon présidait la séance du 26 août 1808 où la question fut discutée. La commission avait établi la liste des officiers de police judiciaire, mais hésitait sur le point «de savoir si la police judiciaire serait exercée par les préfets pour les crimes qui intéressent la sûreté de l’État»64; à Paris le préfet de police possède les attributions du maire, fallait-il les accorder aux préfets des départements? La commission était favorable et lui accordait même le pouvoir de lancer les mandats, mais elle admettait la force de plusieurs objections. Chacun reconnaissait l’impossibilité de placer les préfets sous l’autorité des Cours d’appel ou la surveillance du procureur général. Napoléon demande d’abord si la commission entend donner aux préfets une compétence exclusive dans les affaires de sûreté de l’État, puis si ceux-ci exercent la police judiciaire dans les affaires communes65.

L’empereur expose alors les raisons pour lesquelles il lui apparaît que le préfet doit avoir les pouvoirs de police judiciaire en toute matière66 ; puisque l’on reconnaît qu’il a d’excellents moyens d’action en matière d’infractions à la sûreté de l’État, « pourquoi l’empêcher de diriger ces mêmes moyens contre les autres crimes» ? Certes le procureur général règne sur la police judiciaire, mais l’empereur expose un système qui emporte la décision : «On peut tout concilier, en autorisant le préfet à rédiger des procès-verbaux, à instruire, à envoyer ses actes au procureur général, et en laissant au procureur général l’alternative ou de les recommencer, ou de leur donner le caractère d’actes judiciaires lorsqu’il les trouvera suffisants. Par là on éviterait l’inconvénient de refaire sans nécessité la procédure, sans toutefois subordonner le préfet au procureur général. Cet officier n’aurait point d’ordres à donner au préfet ; il pourrait opérer par ses propres agents, et néanmoins les actes du préfet seraient plus que de simples renseignements.»

B / Observations relatives à la responsabilité et aux peines

Pour se limiter aux observations résultant d’opinions réfléchies on notera que le 21 février 1809 lors de la discussion de l’article 3 du Code pénal, Napoléon s’étonne qu’on n’applique pas à la tentative de délit la peine frappant l’infraction consommée, comme on le fait pour les crimes67, cependant sur les explications de Berlier et de Merlin, l’article est adopté.

A l’article 17 du Code pénal, c’est à Napoléon qu’est due la rédaction adoptée68, d’après laquelle le condamné à la déportation sera transporté et devra demeurer à perpétuité «dans un lieu déterminé par le gouvernement, hors du territoire continental de la France». Le texte envisagé portait «hors du territoire européen de l’empire». Quant au régime de la déportation comportant notamment la restitution des droits civils, l’empereur s’attache longuement et avec pertinence aux divers problèmes que cela pose, et le renvoi en commission est décidé en conséquence 69.

C / Quelques aperçus sur le fonctionnement de la justice

Le fonctionnement de la justice doit être entouré de respect ; lorsque l’on discute le chapitre des : « Dispositions particulières sur des délits contraires au respect dû aux autorités constituées »70, l’empereur s’étonne que l’on envisage une injonction préalable à l’adresse des perturbateurs de l’audience ; il faut les expulser sans délai et les incarcérer ; «la rigueur qu’on déploie dans ces cas ne blesse pas les droits du citoyen, car ils ne consistent pas à troubler l’exercice de la justice» (on notera que le souci de la liberté individuelle reste présent). Il insiste d’ailleurs sur ce point7l. La police de l’audience doit être forte, et le juge de paix lui-même doit pouvoir sanctionner, même de peines de prison, les infractions qui y sont commises à moins que l’infraction n’excède sa compétence, auquel cas il informera et renverra devant la juridiction compétente72.

On notera que Napoléon est intervenu avec force pour que le tribunal de police soit municipal et présidé par le maire73, en particulier parce que les infractions jugées ont un caractère local, mais telle ne fut pas la solution retenue.

Napoléon intervient de même sur les règlements de juges et estime que les demandes de renvoi doivent être largement ouvertes74, il en est de même pour les motifs de suspicion légitime et de sûreté publique75.

On notera enfin l’insistance de l’empereur sur la subordination du procureur général au grand juge et à l’empereur76 ; il semble n’admettre que malaisément l’adage (non cité) d’après lequel « la plume est serve mais la parole est libre »77.

La tentation est grande, en suivant ces longs débats, de tenter un parallèle avec les problèmes de politique criminelle rencontrés aujourd’hui encore dans les commissions analogues : place et organisation du jury, rôle de la Chambre d’accusation, détention provisoire, collégialité des juridictions, contradiction des débats, rapports police-justice, double degré de juridiction, tribunaux d’exception, formes nouvelles de criminalité, etc., on noterait alors ce qui subsiste en permanence et ce qui évolue.

Mais Napoléon n’était ni un rêveur ni un prophète, et ne pouvait se soucier que de la société de son temps (un temps d’ailleurs fort agité). On admirera alors qu’au milieu des spécialistes souvent embarrassés, il se soit senti parfaitement à l’aise, allant droit au but avec une étonnante lucidité. On constatera que son sens de l’ordre et de l’autorité, son désir d’instituer un pouvoir judiciaire aussi fort que les autres, puissant, efficace et respecté, se concilient avec un réel souci de la liberté individuelle et de ce que l’on appelle à nouveau les droits de l’homme. Son oeuvre s’est montrée plus solide qu’on ne l’a cru longtemps puisque le code pénal est toujours debout et que nous n’avons pas su usiner un code de procédure pénale d’un métal comparable au code d’instruction criminelle qui devait tant à ses interventions.

Georges LEVASSEUR
Professeur honoraire des Facultés de Droit
de Grenoble et de Lille et de l’Université de Paris II


NOTES

1. En réalité Napoléon voulait que le Code criminel vienne immédiatement après le Code civil, et avant le Code de commerce et le Code de procédure civile (Locré, XXIV, p. 440 ; l’empereur montre pourquoi il doit avoir la priorité).

2. Dans l’ouvrage de Locré, Législation civile, commerciale et criminelle de la France, t. XXIV à XXIX. Les auteurs se sont souvent bornés au résumé donné de ces travaux dans les Prolégomènes contenus dans le tome I, p. 204 et s. Les anniversaires ont donné lieu à divers articles (notamment : Maurice Sabatier, Napoléon et les Codes criminels, Rev. pénit., 1910, p. 911, et les interventions de Larnaude, Garçon et Lepoittevin; Le cent cinquantenaire du Code pénal, Rev. Sc. crim., 1960, p. 383, et les allocutions prononcées à cette occasion).

3. Voir par exemple 15 brumaire an XIII (Locré, XXIV, p. 460; 22 brumaire an XIII, Locré, XXIV, p. 482 et 494; 27 frimaire an XIII (Locré, XXIV, p. 556 et s., analyse du rôle du magistrat de sûreté) ; 2 février 1808 (Locré, XXIV, p. 620 s., 630 et s.; 13 février 1808 (Locré, XXIV, p. 646-647) ; 20 février 1808 (Locré, XXIV, p. 674-677).

4. Locré, XXIV, p. 692. On est surpris de voir qu’à ce moment Treilhard estime qu’on aurait pu se passer d’un sénatus-consulte.

5. Les décisions correctionnelles étaient portées en appel devant le tribunal de grande instance voisin ; quant aux affaires criminelles les « magistrats de sûreté «  (créés par la loi du 7 pluviôse an IX) recevaient les procès-verbaux et prévenaient le directeur du jury d’accusation départemental ; si l’accusation était décidée, l’affaire était jugée par la cour criminelle avec jury de jugement ; un pourvoi en cassation était possible (en 1807, d’après Merlin à la séance du 20 février 1808, il y avait eu 668 pourvois contre les arrêts des cours). Un grand nombre d’infractions étaient en outre soumises aux « tribunaux spéciaux » institués par la loi du 28 pluviôse an IX siégeant sans jury et dont les décisions pouvaient également être frappées de pourvoi.

6. Traité de l’instruction criminelle, II, p. 147 et s.

7. Locré, op. cit., XXIV, p. 595 ; séance du 30 janvier 1808.

8. Il y a trente cours d’appel.

9. Locré, loc. cit., p. 596, même séance.

10. « On ne doit jamais voir reparaître les scènes ridicules des Parlements » (Locré, XXIV, p. 595 ; « Il n’y a plus d’états généraux que (ces cours) puissent prétendre représenter, plus de pairs, plus de partage de l’autorité souveraine entre le roi et des vassaux, plus de provinces dont chacune forme un État particulier qui se régit par ses lois propres ; le pouvoir suprême réside en entier dans la personne de l’empereur »... « Les parlements étaient l’autorité capitale dans chaque province ; ils faisaient la loi, ou repoussaient celle que le souverain voulait établir. Maintenant, au contraire, un arrêt du Conseil est une loi que les tribunaux sont obligés de suivre, tant que le Sénat ne l’a pas annulé comme inconstitutionnel » (Locré, loc. cit., p. 596-597, même séance).

11. Locré, I, p. 220-221 (s il s’agit d’organiser la poursuite des crimes, elle est nulle dans l’état actuel des choses ») ; id., XXIV, p. 444 (« il serait impossible de laisser à la justice criminelle son organisation actuelle »).

12. Locré, XXIV, p. 465.

13. « L’empereur est obligé de surveiller et de réprimer directement les abus d’autorité et les prévarications, de défendre lui-même les citoyens contre l’administration et contre tout ce qui a quelque puissance dans l’Empire ; cette étrange situation ne peut changer que par l’établissement de grands corps, qui aient assez de force pour exercer des poursuites contre quiconque s’écarte de son devoir » (Locré, XXIV, p. 595) ; on le voit, Napoléon envisageait alors de confier aux cours d’appel la juridiction administrative.

14. Locré, XXIV, p. 444 («  La plus spécieuse des objections qu’on ait faites contre ce système est celle qu’on a tirée de l’augmentation des frais» ; une démonstration détaillée suit cette information).

15. Locré, XXIV, p. 463.

16. Locré, XXIV, p. 587.

17. Locré, XXIV, p. 647 et 657.

18. Locré, XXIV, p. 674 et s. L’empereur réfute avec soin toutes les objections.

19. « Lorsqu’un défenseur manquerait à l’avocat impérial, le procureur général se lèverait et requerrait contre lui, et ce réquisitoire aurait d’autant plus de force qu’il serait proposé par un magistrat impassible et qui n’aurait pas d’offense personnelle à venger » (Locré, XXIV, p. 456). Sur la méfiance bien connue de Napoléon à l’encontre des avocats, voir notamment Locré, XXIV, p. 47, 51, 52, 446, 467, 483.

20. Locré, XXIV, p. 491-492. « Les fonctions des avocats généraux doivent donc se borner à suppléer» (voir notre principe de l’unité du ministère public) ; « il est utile de leur confier ce ministère, pour que le procureur général, qui préside le parquet, ne soit pas en cause, et qu’il ne se trouve pas engagé dans les débats avec les accusés et avec leurs défenseurs ».

21. Locré, XXIV, p. 557 (27 frimaire an XIII). En créant de grands corps judiciaires Napoléon « avait en vue de leur attribuer une partie de la haute police. On a prétendu que ce système ne pouvait pas se concilier avec l’institution du jury ; de là résulte que le procureur général n’est plus assez fort pour réprimer tous les désordres, et qu’on est forcé d’employer le préfet. Cependant on ne peut mettre les magistrats de sûreté sous les ordres de l’un ou de l’autre pour les mêmes actes ; car s’il y avait contradiction entre les ordres, ces officiers ne sauraient plus à qui obéir. Il faut donc, en rendant leurs fonctions aussi judiciaires qu’il sera possible, les laisser absolument à la disposition du préfet, pour les cas où il en a besoin, et, pour l’instant les rattacher au procureur général ». Un peu plus tard (p. 561-562) l’empereur pense que l’on a pourrait tout concilier en plaçant le magistrat de sûreté sous le procureur général pour les affaires ordinaires, et en lui ordonnant de communiquer au préfet celles qui intéressent la sûreté générale ».

22. Locré, XXIV, p. 596.

23. L’article 15 du projet examiné le 22 brumaire an XIII (Locré, XXIV, p. 475 et 485 et s.) autorisait cette formation, après avoir entendu le procureur général, à « rappeler à leurs devoirs soit un tribunal entier, soit un ou plusieurs des membres, par un avis officiel notifié ou même en les mandant à sa barre ».

24. G. Leloir, Une réforme inaperçue, Rev.sc.crim., 1936, p. 21. Sur l’intervention de Napoléon en vue de l’élaboration de cet article, cf. Locré, XXIV, p. 489 et 494.

25. Locré, XXIV, p. 470.

26. Locré, XXIV, p. 480.

27. Locré, XXIV, p. 640. Le 22 brumaire an XIII (Locré, XXIV, p. 484), l’empereur avait fait adopter l’idée que la réunion des sections pourrait être demandée (par le président ou le procureur général) jusqu’à ce que le tirage au sort des jurés ait été effectué.

28. Le projet de Code criminel contenait en outre un « jury de famille » destiné à intervenir dans les délits et contraventions « commis par un fils de famille non émancipé, non marié, ou non établi ou par une femme mariée non séparée de corps de son mari », s’il n’y avait pas de complices étrangers à la famille et si les tiers victimes avaient été désintéressés. Après examen les 12 août et 24 septembre 1808, la Commission renonça à cette institution.

29. Locré, XXIV, p. 611.

30. Locré, XXIV, p. 621.

31. Locré, XXIV, p. 630.

32. Origine de l’ordonnance de prise de corps.

33. Locré, XXIV, p. 630-631.

34. Locré, XXIV, p. 637-638.

35. « Le système qui place la cour d’assises dans le tribunal de première instance des grandes villes a cet avantage qu’il n’oblige pas de faire voyager les juges, le procureur général, le greffier, les jurés, les témoins, et qu’en conséquence il permet de multiplier la tenue des assises » (Napoléon à la séance du 16 février 1808, Locré, XXIV, p. 661; voir aussi, p. 662-663 l’exposé du système suggéré, qui est d’ailleurs celui qui a été suivi).

36. Locré, XXIV, p. 46.

37. Locré, XXIV, p. 516 et 518.

38. Locré, XXIV, p. 579-580-581. Une réponse à sa première question est fournie par Treilhard qui affirme (p. 593) que « les présidents et procureurs généraux des cours criminelles, appelés à Paris à l’occasion du sacre, ont tous manifesté le désir de voir conserver le jury ».

39. Locré, XXIV, p. 610 et s.

40. « L’opinion qui tend à constituer le juge du droit juge du fait aggrave la situation des accusés; en effet si le premier juge prononce sans appel, il devient trop puissant. Cependant il paraît difficile d’ouvrir l’appel... est-il possible de recommencer le débat ?... Je préférerais l’ancienne législation à un système où les mêmes juges prononceraient toujours comme jurés ; l’habitude les endurcirait, et néanmoins l’accusé n’aurait plus les mêmes garanties qu’autrefois. Il faut que les fonctions de juré ne soient remplies que rarement par la même personne » (Locré, XXIV, p. 620).

41. Locré, XXV, p. 493. « On ne doit pas perdre de vue que l’unanimité est de l’essence du jury. Si l’on s’arrêtait là, il n’y aurait pas à balancer; il faudrait du moins exiger les deux tiers pour la condamnation. Mais comme, d’un autre côté, sept voix contre cinq font naître un préjugé défavorable, il est utile, pour l’accusé lui-même, que les juges interviennent toutes les fois que le jury n’est pas unanime. Rien ne serait plus révoltant que d’entendre cinq jurés et cinq juges proclamer l’innocence de l’accusé, et de le voir cependant condamner, parce qu’il aura paru coupable à sept personnes contre dix. » Mais Treilhard, condamnant par là l’ «échevinage »de la loi de 1941 que l’idée de Napoléon préfigurait, s’éleva véhémentement contre cet «amalgame». Notons que le projet prévoyait que l’unanimité des cinq membres de la cour permettait de renvoyer l’affaire devant un autre jury si le verdict de culpabilité leur paraissait erroné. Finalement Napoléon ayant fait observer que sa proposition était plus favorable à l’accusé que celle de la majorité de 9 voix contre 3, la commission fut chargée de préparer un nouveau projet (qui ne parait pas avoir eu les suites attendues).

42. Locré, op. cit., XXVIII, p. 543.

43. Locré, op. cit., XXVIII, p. 561.

44. Locré, op. cit., XXVIII, p. 470 ; voir déjà p. 355.

45. Locré, op. cit., XXVIII, p. 476, 500 et s.

46. G. Levasseur, Considérations juridiques sur la peine de mort, spécialement en droit français, dans Pena de Morte, Université Coïmbra, 1967, t. I, p. 113.

47. Sur les travaux préparatoires de la loi du 18 pluviôse an IX (qui fut présentée au corps Législatif par Portalis), voir Locré, XXVII, p. 246 et s., XXVIII, p. 3 et s.

48. « II serait nécessaire aussi d’organiser des tribunaux d’exception, pour connaître des délits commis par des individus non domiciliés ou réunis en bande. La répression de pareils accusés est au-dessus de la force des jurés, ils se laisseraient trop facilement intimider » (Locré, XXIV, p. 47).

49. Locré, XXIV, p. 690.

50. « Maintenant tous les délits commis par des militaires en garnison ou en service sont renvoyés aux Conseils de guerre; et l’ordre public n’en souffre pas, car les tribunaux militaires ne sont pas plus indulgents, si même ils ne sont plus sévères, que les cours criminelles. On veut donc introduire une innovation, et il importe de bien la peser avant de l’admettre» (Locré, XXIV, p. 135).

51. Locré, XXIV, p. 137.

52. Entraîné par son élan, Napoléon voulait faire définir aussi les délits des ecclésiastiques, car « les prêtres forment, comme les militaires, une classe particulière dans l’État » et il redoutait que « sous prétexte de hiérarchie, ils entretiennent avec une puissance étrangère des correspondances et des rapports contraires à la fidélité qu’ils doivent à leur souverain». Treilhard réussit à le dissuader.

53. Locré, XXIV, p. 139.

54. Locré, XXIX, p. 140.

55. On se souvient qu’à propos de la mise en accusation, l’empereur disait déjà « Dans cette matière, il faut se décider par l’intérêt de l’accusé » (Locré, XXIV, p. 389) ; de même il pensait que « l’opinion qui tend à constituer le juge du droit juge du fait aggrave la condition des accusés » (Locré, XXIV, p. 620).

56. « C’est alors que l’autorité de la Cour impériale devient nécessaire pour arrêter le désordre ; autrement la police sera forcée d’intervenir et il y aura des arrestations arbitraires. Voilà le droit que Sa Majesté entend repousser, et que rendent nécessaire ceux qui appréhendent d’augmenter le pouvoir des Cours... Pourquoi faut-il que ce soit la police qui réprime ces hommes ? Pourquoi n’est-ce pas la justice ? On ne peut affaiblir la justice sans consacrer le système des prisons d’État, sans l’étendre aux délits qui ne sont pas des crimes d’État » (Locré, XXIV, p. 652-653).

57. Locré, XXIV, p. 677.

58. Locré, XXIV, p. 678.

59. Locré, XXIV, p. 674.

60. Locré, XXIV, p. 675.

61. « Il serait fort bizarre que, pour le plus mince intérêt civil, un citoyen eût la ressource d’être jugé successivement par deux tribunaux, et que, lorsqu’il s’agit de son honneur et de sa vie, on ne lui laissât qu’un seul degré de juridiction » ; comme Treilhard lui fait observer qu’en matière criminelle il y a deux décisions successives, sur l’accusation puis sur le jugement, Napoléon réplique que « ce ne sont pas là deux degrés » (Locré, XXIV, p. 588, le 30 janvier 1808). L’argument de Treilhard avait déjà été opposé le 16 prairial an XII, aux critiques de Bigot-Préameneu (Locré, XXIV, p. 45). On constate que cent soixante-quinze ans plus tard le garde des Sceaux Robert Badinter, également choqué de la même anomalie, n’a pas obtenu plus de succès.

62. Locré, XXIV, p. 658 à 661.

63. « Les affaires correctionnelles étant des affaires d’honneur, les frais doivent être comptés pour rien, et on ne peut refuser aux condamnés le droit de se pourvoir à la Cour impériale " (Locré, XXIV, p. 639) ; l’appel fut finalement admis, mais sans être toujours porté devant la cour d’appel, en dépit de la décision arrêtée le 13 février 1808.

64. Locré, XXV, p. 199.

65. Locré, XXV, p. 204 et 205.

66. « Le préfet, comme chargé de la police administrative, veille sur les malfaiteurs, évente leurs projets, fait saisir les pièces de conviction et s’empare des coupables. Il semblerait donc utile qu’il pût aussi interroger sur-le-champ, et constater les traces de tout crime quelconque. II tient le fil dans sa main, et dès lors il peut, mieux que personne, atteindre et suivre toutes les ramifications de l’affaire, découvrir et atteindre tous les coupables. En beaucoup de circonstances on ne trouverait que de l’avantage à laisser instruire le préfet, par exemple sur les vols de diligences, sur le crime d’incendie, sur celui de faux, d’autant qu’on reconnaît que les instructions des préfets sont généralement bien faites » (Locré, XXV, p. 205 ; en effet les préfets instruisaient dans le cadre de la police administrative ; le comte Réal venait d’en porter témoignage et déplorait que l’on eût à recommencer, au risque du dépérissement des preuves).

67. Locré, XXIX, p. 134. La même hésitation s’est manifestée lors des projets de réforme du Code pénal.

68. Locré, XXIX, p. 141.

69. Locré, XXIX, p. 142.

70. Locré, XXIV, p. 389 et s.

71. « Il ne faut pas craindre d’établir des peines fortes contre les désordres que se permettent les individus dans le sanctuaire de la justice. Il est bon d’imprimer dans les esprits un profond respect pour les juges, et d’apprendre à chacun que si la publicité de l’instruction permet aux citoyens d’être présents aux audiences, ils doivent s’y comporter d’une manière différente que dans les lieux de divertissement et de plaisir » (Locré, XXIV, p. 392).

72. Locré, XXIV, p. 393.

73. Locré, XXV, p. 315 à 318.

74. Locré, XXIV, p. 404.

75. Locré, XXIV, p. 407.

76. «  Quand le procureur général a reçu des ordres, il doit s’y conformer dans ses conclusions : cet officier n’est point juge, il n’est que partie, et représente le gouvernement. C’est par cette raison que, dans les lits de justice où le roi était présent et était instruit de l’affaire, le procureur général concluait conformément aux ordres du roi » (Locré, XXIV, p. 405-406).

77. Locré, XXIV, p. 407; voir aussi p. 657.

Signe de fin