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CODE D’INSTRUCTION CRIMINELLE DE 1808
Présentation

 

Présentation du Code d’instruction criminelle
par R. Garraud

« Traité d’instruction criminelle et de procédure pénale »
(Paris 1907, T.I, p. 89 et s., n° 58 et 59)

58. Le Code d’instruction criminelle (1) se compose de deux livres, précédés de Dispositions préliminaires, relatives à l’exercice des actions publique et civile. Le premier livre est intitulé : De la police judiciaire, et des officiers de police qui l’exercent ; il traite de la procédure préalable à la poursuite et qui consiste à rechercher et constater les crimes, délits et contraventions. Le second livre, intitulé De la justice, s’occupe de la procédure de jugement et des questions qui se rattachent à l’exécution. Ce Code contient 643 articles.

Comme toutes les autres oeuvres législatives du commencement du XIX° siècle, ce Code est une oeuvre de transaction ou plutôt de superposition entre les dispositions contraires des deux législations antérieures : l’ordonnance de 1670, c’est-à-dire le Code de Louis XIV, les lois de 1791, c’est-à-dire le Code de la révolution. Il organise, en effet, un type mixte de procédure qui reproduit, dans la première phase du procès pénal, l’instruction préalable, écrite, secrète, sans contradiction, de l’ordonnance de 1670, et qui, dans la seconde, maintient la procédure publique, orale, contradictoire des lois de 1791, et conserve le jury de jugement, en supprimant le jury d’accusation.

Il a été de mode, en France, de se montrer sévère pour le Code d’instruction criminelle de 1808 et de dire que, venu l’avant-dernier de nos Codes, il en est le moins parfait. Il marque cependant une date dans l’histoire de la législation criminelle. Le savant rapporteur des projets de modification de la procédure pénale en Belgique, Thonissen, s’est montré plus juste que ne le sont d’ordinaire les criminalistes français :

L'empereur Napoléon

L'empereur Napoléon
(Source : University of Texas Libraries)

 

Accès au texte intégral

Articles 1 à 216
(Dispositions préliminaires,
Livre I, Livre II - Titre I)

Articles 217 à 447
(Livre II - Titres II et III)

Articles 448 à 643
(Livre II - Titre IV et VII)

« Ce Code n’était pas, comme on l’a dit tant de fois, une œuvre incohérente de despotisme et de réaction. Succédant au Code du 3 brumaire an IV, dont les six cents articles, préparés en huit jours, avaient été votés en deux séances, il réalisait un grand et incontestable progrès. Il n’était pas, dans toutes ses parties, l’expression la plus élevée de la science de l’époque, mais il simplifiait et améliorait notablement la législation existante. Il n’en faut pas d’autres preuves que l’accueil qu’il a reçu dans une grande partie de l’Europe. Il a longtemps survécu à la chute de Napoléon 1er, dans tous les pays que la République et l’Empire avaient annexés à la France. Il a servi de type à la plupart des Codes modernes. Le Code de 1808 était, en réalité, une œuvre de progrès, un bienfait pour la France, mais, tout en offrant incontestablement ce caractère, il était loin d’atteindre à la perfection. L’empereur Napoléon qui ne partageait pas les illusions des rapporteurs de son Conseil d’État avait été le premier à s’en apercevoir. Il s’était empressé d’attacher son nom au Code civil, mais il avait refusé d’accorder la même faveur au Code de procédure pénale. Il était trop éclairé pour ne pas comprendre que le temps et l’exécution ne manqueraient pas de signaler bien des imperfections et bien des lacunes. Il ne promulgua ses Codes criminels que sous la réserve d’un perfectionnement graduel, dont il avait par avance posé le principe dans son admirable décret du 5 nivôse an X (2). L’expérience, disait-il, indiquera les modifications nécessaires : elle fera le reste » (3).

59. Quelles sont les institutions qui forment l’armature même du Code d’instruction criminelle de 1808 ?

I. La première est celle de la division de pouvoir entre le ministère public et le juge d’instruction dans la procédure préalable. Cette distinction de la poursuite et de l’instruction fut présentée, dans les travaux préparatoires, comme une garantie de la liberté individuelle. Mais la nécessité, pour le procureur de la République, de requérir le juge était de nature à entraîner des lenteurs dangereuses. On admit la séparation des pouvoirs, avec ce tempérament qu’en cas de flagrant délit, le ministère public serait autorisé à faire les actes d’instruction urgents. Le flagrant délit reprit ainsi, dans le Code d’instruction criminelle, la place importante qu’il a d’ordinaire dans les droits primitifs ; et on s’attacha, pour restaurer le flagrant délit, d’une part, à en élargir la notion, et, d’autre part, à bien montrer, par la rédaction même du Code, qu’on voyait presque, dans le flagrant délit, l’hypothèse normale de l’instruction. C’est, en effet, dans la section qui traite : « Du mode de procéder des procureurs dans l’exercice de leurs fonctions », que se trouvent insérées les dispositions concernant la confection des procès-verbaux. Les plaintes et les dénonciations furent soigneusement distinguées : c’est au juge que doit s’adresser le plaignant (art. 63), au procureur que doit s’adresser le dénonciateur (art. 31). Mais les plaintes peuvent aussi être adressées au procureur qui les transmet alors, avec ses réquisitions, au juge d’instruction (art. 64).

II. La séparation de l’enquête préalable, conduite par la police, d’avec l’instruction proprement dite, confiée à la justice, n’apparaît pas nettement dans les textes. En réalité même, le Code d’instruction criminelle manque de préface. La phase policière du procès pénal se passe en dehors de lui ; le Code s’est contenté d’indiquer quels officiers en étaient chargés. Il n’a pas réglementé les actes de l’« enquête officieuse ».

III. L’instruction préparatoire, nécessaire quand il s’agit d’un crime, facultative quand il s’agit d’un délit, c’est la procédure de l’ordonnance de 1670 jusqu’au règlement à l’extraordinaire. D’abord, l’audition des témoins a lieu secrètement ; le prévenu ne peut y assister. Les articles 71 à 86, qui en règlent la forme, reproduisent presque textuellement le titre VI de l’ordonnance. Pour les perquisitions et les saisies, on recueille, dans le Code du 3 brumaire (art. 125 à 131), quelques garanties qui doivent accompagner ces opérations. Elles ont lieu en présence du prévenu, s’il a été arrêté (art. 39 et 89), et celui-ci peut fournir des explications ; il reconnaît les objets saisis et paraphe les scellés. Les expertises, si importantes en matière criminelle, ne sont pas réglementées. Le prévenu n’est pas appelé à les contredire. La seule garantie de cette procédure, c’est le serment imposé aux experts (art. 46). Les quatre mandats, créés successivement par les lois de 1791, de l’an IV et de l’an IX, sont tous conservés avec leur ancien caractère. En principe, la procédure s’ouvre par un mandat de coercition, le mandat d’amener ; ce n’est qu’au cas où le prévenu est domicilié et où il s’agit d’un simple délit, que le juge peut se contenter de lancer un mandat de comparution (art. 91). Le mandat d’arrêt est celui qui doit établir la détention préventive. Quant au mandat de dépôt, il est maintenu, mais avec un caractère provisoire. Le cas ordinaire d’application de ce mandat est déterminé par l’article 100. Le Code ne s’occupe de l’interrogatoire de l’inculpé que pour fixer le délai dans lequel le premier interrogatoire doit avoir lieu (art. 93). Aucune forme spéciale n’est prescrite ; aucune garantie n’est donnée. Notamment, le juge n’a pas à faire connaître à l’inculpé soit l’objet de l’inculpation, soit les renseignements déjà recueillis.

IV. L’instruction est nécessairement réglée par une juridiction d’instruction, la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation. La procédure devant ces juridictions est secrète comme l’information. Le juge d’instruction fait partie de la chambre du conseil. En matière criminelle, il suffit d’une seule voix, celle du juge d’instruction, pour que les pièces soient transmises au procureur général. Dans la chambre des mises en accusation, le procureur général a accès ; mais l’inculpé n’est ni présent ni représenté.

V. Quand on arrive à la procédure de jugement, la scène change. Ce n’est pas dans l’obscurité des cabinets d’instruction, c’est au grand jour de l’audience que les débats vont se dérouler oralement et contradictoirement. Cette procédure est entièrement empruntée, quant à ses principes et à sa réglementation, aux lois de la révolution. Quel que soit le tribunal chargé de juger, la procédure est publique, orale, contradictoire. C’est le Code de brumaire qui fournit au législateur de 1808 ses principales dispositions. Mais le Code d’instruction criminelle de 1808 simplifie le système des questions posées au jury, et d’un excès tombe dans l’autre, en substituant au régime de l’analyse celui de la synthèse.

VI. Ce n’est là que la procédure de droit commun : il existait une procédure d’exception en matière criminelle. Il était institué des Cours spéciales (art. 583 à 599), héritières des tribunaux spéciaux organisés par les lois du 18 pluviôse an IX et du 22 floréal an X. Ces cours comprenaient cinq des magistrats qui siégeaient à la cour d’assises et trois militaires ayant au moins le grade de capitaine. Elles connaissaient de tous les crimes commis par les vagabonds ou gens sans aveu ou par des condamnés à des peines afflictives ou infamantes, ainsi que des crimes de rébellion à la force armée, de contrebande armée, de fausse monnaie et d’assassinat préparé par des attroupements armés (art. 553, 554). Toute l’instruction préparatoire était suivie dans les mêmes formes que pour les affaires soumises au jury : c’était la chambre d’accusation qui ordonnait, s’il y avait lieu, le renvoi devant la cour spéciale. Cet arrêt était d’office soumis à la chambre criminelle de la Cour de cassation (art. 568 et 570). Devant la cour spéciale, le débat était oral, public, contradictoire. Le jugement était rendu à la majorité des voix, le partage profitant à l’accusé (art. 582) ; il était en dernier ressort, mais pouvait être l’objet d’un pourvoi en cassation (art. 597).

*

NOTES :

(1) Tel est, en effet, le titre officiel de ce Code. L’ordonnance criminelle de 1670 était un Code d’instruction criminelle, puisque, dans la procédure qu’elle formulait, l’instruction était tout le procès. Mais le Code de 1808 eût été plus exactement intitulé « Code de procédure pénale » : de procédure et non d’instruction, puisque l’instruction n’est qu’une partie de la procédure ; pénale et non criminelle, puisque la procédure qui est codifiée n’est pas seulement celle des crimes, mais encore celle des délits et des contraventions. Ce double motif a fait adopter, à l’étranger, le titre de Code de procédure pénale (Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, etc.), de préférence au titre français, Code d’instruction criminelle.

(2) C’était, en effet, une idée bien juste et qui aurait pu être féconde, que celle qui avait porté le Premier consul a décider, par ce décret, que, chaque année, le Tribunal de cassation lui enverrait une députation de douze de ses membres, chargée de lui faire connaître les vices de la législation signalés par l’expérience de l’année.

(3) Thonissen, Rapport à la Chambre des représentants de Belgique.

Signe de fin