DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre P
PANDECTES - Nom grec du Digeste*. Voir : Justinien*.
PAPINIEN
Cf. Digeste*, Gaïus *, Jurisconsulte*, Justinien*, Modestin*, Paul*, Ulpien*, Université*.
Jurisconsulte* romain, préfet du prétoire sous l’empereur Septime Sévère, mort en l’an 212. Auteur de nombreux ouvrages de grande
valeur, combinant la morale grecque la plus élevée à la remarquable technique juridique romaine, il fut surnommé « le prince des jurisconsultes ». Mommsen a
relevé « son sens très aigu du droit et de la morale », soulignant ainsi le lien étroit qui unit ces deux disciplines sociales.
Selon une légende qui dépeint l'homme, après qu'il eut fait assassiner son frère Geta, l'Empereur Caracalla demanda à Papinien de justifier son acte.
Celui-ci
lui répondit qu'il était plus facile de commettre un fratricide que d'en faire l'apologie ; pour cette réponse il fut
contraint de s'ouvrir les veines.
Une Constitution impériale de 426 (dite « Lois des citations ») disposait que, là où les opinions des autres grands jurisconsultes (Gaïus, Modestin, Paul, Ulpien)
apparaissaient divisées, c’était celle de Papinien qui devait faire pencher la balance. Ses
écrits ont été largement cités dans le Digeste de Justinien.
Digeste (XLVIII, XI, 9). Papinien, au Livre 15 des Réponses : Ceux qui, pour de l'argent, auront renoncé à l'exercice d'une fonction confiée par l'État commettent le délit de concussion.
Giffard (Précis de droit romain) : Papinien a écrit des ouvrages très nombreux et d'une haute valeur, notamment un recueil de Responsa, dont on retrouve de nombreux fragments dans le Digeste. On dit que c'est le "prince" des jurisconsultes romains.
Warée (Curiosités judiciaires) : Caracalla ayant tué son frère Géta, voulut engager Papinien à faire l’apologie de son crime ; mais ce jurisconsulte répondit à l’Empereur « Il est plus aisé de commettre un fratricide que de l’excuser ». Les ouvrages de Papinien pourront être un jour oubliés ; mais cette réponse (qui lui coûta la vie) doit faire parvenir son auteur à l’immortalité.
PAUL (Julius Paulus)
Cf. Digeste*, Gaïus*, Jurisconsulte*, Justinien*, Modestin*, Papinien*, Ulpien*.
Jurisconsulte romain, qui serait né en 160 et mort en 230. Il
fut avec Ulpien assesseur de Papinien alors Préfet du prétoire,
et devint lui-même Préfet du prétoire sous l’empereur Septime
Sévère. Il fut l'auteur de nombreux ouvrages appréciés en raison
de leur clarté et de leur originalité.
La Constitution impériale de 426 (dite « Lois des citations »)
l'incluait parmi les grands jurisconsultes classiques (avec Gaïus, Modestin,
Papinien et Ulpien) dont l'opinion faisait autorité.
Digeste (XLVII,
II, 1). Paul : Labéon dit, que le mot furtum « vol » est
dérivé de furvo, c'est-à-dire noir, parce que le vol se fait en
secret et dans l'obscurité et le plus souvent la nuit ; ou du
mot fraude, comme le veut Sabin ; ou de ferendo et auferendo «
emporter » ; ou du grec, qui appelle les voleurs phoras. Bien
plus les Grecs eux-mêmes ont dit phoras du mot ferendo, « porter ».
1. De là, la seule intention de commettre un vol ne fait pas un
voleur.
2. Ainsi celui qui nie un dépôt n'est pas par cela même soumis à
l'action de vol, mais seulement s'il l'a caché pour le prendre à
son profit.
3. Un vol est le maniement frauduleux dans l'intention de
gagner, ou de la chose même ou de son usage, ou de sa
possession, quand la loi naturelle le défend.
PERREAU Bernard
Cf. Cuche*, Donnedieu de Vabres*, Merle*, Roux*.
Criminaliste français (décédé en 1976), qui a mené l'essentiel de sa carrière à la Faculté de droit de Caen. Ses travaux retiennent l'attention du fait qu'il a perçu avec une rare perspicacité les ressorts fondamentaux du droit criminel. Son principal ouvrage s'intitule « De la qualification en matière criminelle » (Paris 1926) ; il aurait dû être suivi d'un Traité de droit criminel. Mais, en détruisant sa maison, les bombardements qui ont précédé la libération de Caen ont anéanti ses notes et manuscrits. Ayant eu la chance de le connaître alors que j'étais jeune chargé de cours, j'ai profité de ses conseils qui ont profondément influencé mes propres recherches ; je l'entends encore me dire « N'oubliez jamais, devant un point de droit criminel, de commencer par établir s'il relève des techniques législatives ou des techniques judiciaires ». Ma bibliothèque comporte, extraits des décombres de son bureau, des livres qu'il m'a fait l'honneur de me transmettre lors de son départ à la retraite ; certains contiennent encore de la poussière du plâtre de sa maison anéantie.
J-A.Roux (Préface à l'ouvrage précité) : Le lecteur verra, ce qui n'avait encore fait l'objet d'aucune synthèse, groupées dans une étude méthodique, les multiples questions que soulève la qualification devant les tribunaux de répression. Il y trouvera aussi, avec une grande sûreté de doctrine, les solutions qui lui permettront de sortir du dédale, parfois inextricable, que crée en cette matière le jeu de principes opposés. L'ouvrage de M. Perreau est en tous points excellent. Ce n'est pas seulement le travail d'un juriste expert et averti. C'est aussi l'œuvre d'un penseur.
Perreau (De la qualification en matière criminelle) : La plupart des
définitions qui ont été proposées s'inspirent de cette idée : que la qualification constate un rapport entre le fait soumis au juge et le texte de la
loi.
Il convient, à notre avis, de distinguer, en matière de qualification :
1° Au point de vue de leur objet, la qualification du fait et la qualification de l'infraction ;
2° Au point de vue de l'autorité dont elles émanent, la qualification légale et la qualification judiciaire ;
3° Au point de vue de leur portée d'application, la qualification in rem et la qualification in personam.
Les principes généraux de la qualification judiciaire
:
1°/ Toute juridiction saisie a le pouvoir, et le devoir, de
statuer sur la qualification.
2°/ Le juge ne peut qualifier d'autres faits que ceux dont il a
été saisi.
PLANIOL Marcel Ferdinand
Cf. Domat*, Gény*, Mazeaud*, Pothier*.
Voir : Planiol, Distinction du droit positif et du droit naturel
Civiliste français (1853 - 1931). Né à Nantes, il fut professeur successivement à la Faculté de droit de Grenoble, à la Faculté de droit de Rennes, puis à la Faculté de droit de Paris. Sur sa vie et son œuvre, qui ne relèvent pas de notre matière, nous renvoyons à l'ouvrage de Philippe Malaurie « Anthologie de la pensée juridique » (p.227), bien mieux armé que nous pour les présenter. Nous retiendrons toutefois un passage, qui nous semble révélateur de la pensée de Planiol, extrait de son « Traité élémentaire de droit civil » qui constitue son œuvre majeure.
Planiol (Traité de droit civil, T.I, Introduction) : Le droit est une science. Ce n'est pas ainsi pourtant que le définissaient les anciens, qui voyaient en lui un art. « Ut eleganter Celsus definit, jus est art boni et aequi"... Le droit est un art dit aussi M. Cuq, au commencement de son livre si remarquable sur les institutions juridiques des romains. Et en effet il y a une fonction sociale qui consiste à résoudre les questions de droit, c'est celle du juge, de l'avocat etc.; mais cet art n'est que la mise en pratique d'une science préalablement acquise. Cette science juridique se rapproche plus des sciences historiques ou de l'histoire naturelle que des sciences exactes ou des sciences physiques, car le droit se transforme sans cesse, et ses principes sont loin d'avoir la fixité des vérités mathématiques ou des lois physiques ; le droit est mobile comme la vie et comme l'opinion humaine. [il l'est peut-être moins que ne le pensait cet éminent auteur si l'on considère que le phénomène criminel, point de départ matériel de la science criminelle, semble lié à une nature humaine qui ne paraît pas avoir beaucoup varié au fil des millénaires]
PLATON
Cf. Aristote*, Cicéron*, Dante*, Montesquieu*, Pufendorf*, St Thomas d'Aquin *, Socrate*.
Voir : Platon, Les sanctions pénales dans l’au-delà
Voir : Platon, L'homicide (extrait du "Traité des lois")
Philosophe grec (427-347 av. J.-C.) issu d'une des plus nobles familles d'Athènes, promis à un bel avenir politique, les événements l'orientèrent vers une philosophie de l'action plutôt que vers l'action elle-même. Elève de Socrate, ami et maître d'Aristote, il fut l'un de ces hommes qui préparèrent le terrain sur lequel devait s'épanouir la pensée chrétienne. Il met en effet à l'honneur la vérité, le bien, la beauté, la raison. On a pu dire à juste titre que la civilisation occidentale est helléno-chrétienne : sa base morale est constituée par l'enseignement du Christ ; son développement logique est dû aux outils intellectuels mis au point par les penseurs grecs. Ainsi se réalisa l'union idéale de la foi et de la raison, qui atteignit sa plus haute expression avec St Thomas d'Aquin. Trois de ces écrits intéressent particulièrement les juristes : La République, Le Politique, et Les Lois.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : Platon est un rationaliste, un idéaliste, un mystique, un visionnaire, un artiste, un éducateur, un homme de conviction, tout en étant éclectique et marqué par la doute socratique. ; il croit au bien, au beau, au vrai, au juste, au courage, aux idées, à l'absolu, à la transcendance, à l'immortalité, au divin et aux âmes... Une grande partie de son œuvre entend lutter contre la décadence morale et politique à laquelle avait amené le relativisme des sophistes, dont la devise était le mot de Protagoras : « L'homme est la mesure de toutes choses ; pour celles qui sont, mesure de leur être ; pour celles qui ne se sont pas, mesure de leur non-être ». Pour les sophistes, il n'y avait rien de bien en soi, pas de vrai en soi, pas de juste en soi, puisque tout était relatif à l'homme, c'est-à-dire à l'individu... A de nombreuses reprises, Platon fonde la valeur de la loi, si imparfaite soit-elle, sur une hiérarchie des valeurs.
Bergson (Les deux sources de la morale-religion) : Le dialogue, tel que Socrate l'entend, a donné naissance à la dialectique platonicienne et par suite à la méthode philosophique, essentiellement rationnelle, que nous pratiquons encore. L'objet de ce dialogue est d'aboutir à des concepts qu'on enfermera dans des définitions.
Victor Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Notre vraie doctrine est le spiritualisme, cette philosophie aussi solide que généreuse, qui commence avec Socrate et Platon, et que l'Évangile a répandue dans le monde.
Malepeyre (Précis de la science du droit naturel) : Les douze livres du "Traité des lois" sont un ouvrage de la vieillesse de Platon. Son ardente imagination, attiédie par l'âge, lui permet d'examiner avec plus de froideur ; il abandonne le champ de la spéculation pour suivre celui de l'examen. Après avoir analysé les différentes constitutions de la Grèce, et principalement celles des Crétois et des Lacédémoniens, il cherche le but de toute législation, l'indique et s'efforce d'enseigner les moyens d'y parvenir.
Pradeau (In Dictionnaire de la justice, v° Platon) : C'est dans sa "République" que Platon conduit l'examen le plus approfondi de la justice. Ou plutôt des justices puisqu'elles sont de plusieurs espèces. Ni le juste que définissent les lois, ni la justice qu'est la vertu de l'âme, ni même la justice elle-même, qu'on pourrait dire absolue, ou "naturelle" ne se recoupent nécessairement. Selon Platon, il revient précisément au philosophe de les définir conjointement, de montrer comment la vertu de justice et le juste légal doivent être conçus d'après la justice elle-même, puis d'instituer la cité vertueuse qui repose sur leur réunion. Les distinctions terminologiques de la "République" sont à bien des égards fondatrices, car elles occuperont l'ensemble de la réflexion philosophique sur la justice, qu'elle soit ancienne ou moderne.
PLOMBS DE VENISE. Voir : Tribunal des Dix*.
POTHIER Robert-Joseph
Cf. Domat*, Jousse*, Muyart de Vouglans*, Pussort*.
Jurisconsulte français qui a passé toute sa vie à Orléans (1699 – 1772), où il fut professeur à l'Université (1749) et conseiller au Présidial, comme l'avait été son père. On s'accorde à voir en lui, non seulement un savant jurisconsulte dans la tradition romaine, mais un honnête homme réputé pour son extrême probité. Il s’attacha avant tout au droit civil, et n’enrichit guère le droit criminel. Mais il mérite d’être évoqué ici en hommage à son esprit de synthèse qui lui permit de mettre en ordre l’ensemble du droit français à la veille de la Révolution et de servir ainsi de guide au législateur napoléonien. On peut le considérer comme le digne successeur de Domat, et penser que ses efforts pour présenter de manière rationnelle le droit français ont inspiré Muyart de Vouglans en ce qui concerne le droit criminel.
Pothier (Traité de la procédure criminelle). Article préliminaire : La procédure criminelle est la forme dans laquelle on poursuit la réparation, tant publique que particulière, des crimes, contre ceux qui les ont commis. Un crime est une action injuste, qui tend à troubler l'ordre et la tranquillité publique.
Planiol (Droit civil) : Nourri comme Domat de l’esprit classique, Pothier est un jurisconsulte d’une grand sens et surtout d’une clarté qui ne s’obscurcit jamais, mais il manque de critique et d’esprit personnel… Il est resté étranger au grand mouvement philosophique qui emportait tout le XVIIIe siècle.
A. Esmein (Histoire du droit français) : Il a exposé, dans ses divers traités, toutes les matières du droit privé, et son influence a été immense sur les rédacteurs du Code civil. Dans un grand nombre d'articles, et spécialement dans la matière des obligations, ils ont pris Pothier pour guide, si bien que lorsqu'on a voulu fixer le sens des dispositions qu'ils avaient écritéz, on a dû, tout d'abord, se référer aux œuvres de ce jurisconsulte.
Marty et Raynaud (Droit civil) : Pothier, magistrat et professeur à Orléans, esprit clair, simplificateur et ordonnateur, a condensé dans de nombreux traités l’acquis de l’ancien droit. Ses ouvrages, très répandus et estimés à la fin de l’ancien droit, seront largement utilisés par les rédacteurs du Code civil.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : C'était un homme sans passions, une âme de pauvre, d'une grande simplicité et d'une encore plus grande humilité. Il était versé dans la théologie et la morale, ce qui marque beaucoup de ses analyses : il n'expose les règles de droit positif qu'après les avoir considérées dans le for intérieur des personnes auxquelles elles s'appliquent.
Épitaphe (selon son biographe). La Ville d’Orléans lui fit élever un monument, où sont rappelés « la candeur de son âme, la simplicité de ses mœurs et la sainteté de sa vie ».
Warée (Curiosités judiciaires) : Il déclara formellement que la question (torture) n’offre aucune certitude au juge et outrage l’humanité. Aussi refusa-t-il toujours de siéger dans les affaires où elle devait être ordonnée.
PRINS Adolphe
Cf. Rossi*, Haus*, Von Liszt*.
Voir : A. Prins, Développement historique du droit pénal
Voir : A.Prins, Le caractère social de la criminalité
Pénaliste et criminologue belge (1845 – 1919), professeur à l’Université de Bruxelles. Formé à l’école classique, mais ouvert aux idées avancées par les
positivistes, il fut l’un des fondateurs de l’école dite « éclectique ». Il fut Inspecteur général des prisons belges et Président de l'Union
internationale de Droit pénal. Son principal ouvrage est intitulé « Science pénale et droit positif » (Bruxelles 1899).
Il demandait notamment que l’on continue à fonder le droit criminel sur la notion de libre arbitre, même si elle ne peut faire l’objet d’une preuve positive ou
négative, tout simplement parce qu’elle répond au sentiment de la dignité humaine et qu’elle permet d’asseoir solidement un droit criminel protecteur de la
société. Il militait également en faveur de mesures propres à assurer la réhabilitation du condamné.
Prins (Science pénale et droit positif) Préface : Dans ce livre j’ai
essayé de combiner les éléments du droit pénal positif moderne, tel qu’il est consacré par les textes législatifs, avec les éléments de la théorie pénale issue du
mouvement scientifique contemporain qui a transformé les conditions du droit de punir. Il n’est plus possible d’enseigner le droit pénal sans tirer profit du
puissant effort de la science moderne ; et il n’est pas non plus possible d’exposer les doctrines novatrices sans montrer leur lien avec le droit
positif.
Nous n’avons pas à rompre avec l’idéal traditionnel de la liberté morale, auquel le monde s’est accoutumé de croire et qui constitue, après tout, le plus
puissant des ressorts pour le bien et l’irrésistible aiguillon de l’enthousiasme et de l’action.
Si le droit pénal est, plus que tout autre droit, un vêtement qu’il faut ajuster au corps de ceux qui le portent, c’est peut-être parce qu’il a uniquement
comme objet des hommes vivant et agissant.
Pradel (Histoire des doctrines pénales) : Le point de départ de Prins est sa neutralité à l'égard du grand problème du déterminisme et du libre arbitre, et il conteste notamment le principe classique de la responsabilité subjective du coupable qui conduit au prononcé de courtes peines. Il faut désormais « envisager des êtres sociaux qui ont des devoirs envers la communauté et voir dans le criminel un individu qui porte atteinte à l'ordre social ». Comme il n'est pas possible de mesurer la peine à partir du degré de responsabilité et comme l'individu le moins responsable peut être, malgré tout, le plus dangereux, on doit remplacer le critère de la responsabilité morale par celui de l'état dangereux.
PUFENDORF Samuel ( Baron de )
Cf. Ahrens*, Barbeyrac*, Burlamaqui*, Cumberland*, Doctrines criminelle*, Droit -Droit naturel*, Grotius*.
Voir son portrait, figurant en frontispice de l’édition française de 1734.
Voir le Titre complet du « Droit de la nature et des gens »
Pufendorf (ou Puffendorf) était un juriste allemand (1632 – 1694). Le roi de Suède le nomma titulaire d'une Chaire de droit naturel en 1670. Son enseignement le conduisit à publier un remarquable ouvrage, intitulé « Le droit de la nature et des gens » (1672), qui fut traduit en français par J. Barbeyrac. Dans ce traité il s’est efforcé, à la suite de Grotius, de développer les principes du droit naturel en mettant l’accent sur la possibilité de les déceler par le seul recours à la raison. L’influence de cet ouvrage a été considérable, car il a sonné le renouveau d’un droit naturel qui était demeuré quelque peu en sommeil depuis trois siècles ; il a au reste constitué un premier pas, non voulu, vers sa laïcisation. Le lecteur contemporain y trouve encore de nombreuses sources de réflexion.
Lockke (Traité de l’éducation des enfants) : Lorsqu’un enfant aura bien digéré les Offices de Cicéron, il sera temps de lui faire lire le livre de Grotius « Du droit de la guerre et de la paix », ou l’ouvrage, qui est peut-être meilleur, de Pufendorf touchant « Le droit naturel et le droit des gens », dans lequel il pourra s’instruire des Droits naturels des hommes, de l’origine et des fondements de la société, et des devoirs qui en résultent.
Malepeyre (Précis
de la science du droit naturel) : Arrêté avec sa famille à
Copenhague, il resta captif pendant huit mois. C'est dans les
loisirs de la captivité qu'il approfondit les principes du
droit, et jeta les bases de son grand ouvrage. Pufendorf est le
premier qui ait donné un traité systématique sur le droit
naturel... Son Traité du droit naturel et des gens est bien plus
méthodique que celui de Grotius ; les principes sont posés avec
clarté, ses réflexions sont utiles, mais elles manquent souvent
de profondeur.
Le "Traité du droit de la nature et des gens", que Pufendorf
publia en 1676, a joui de la plus grande réputation... Cependant
notre célèbre chancelier d'Aguesseau ne faisait pas un très
grand cas de cette œuvre, et préférait le résumé qu'il en a fait
sous le titre « Des devoirs de l'homme et du citoyen
». Barbeyrac,
traducteur des ouvrages de Pufendorf pensait aussi que l'abrégé
était plus exact que le Traité.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.I) : L'honneur ou la responsabilité de la séparation du droit naturel et de la morale est généralement attribuée à Grotius... Mais Grotius est un praticien ; Pufendorf, lui, est professeur et il se préoccupe de la place à assigner au droit naturel dans la classification des sciences. Cherchant à préciser la distinction entre le droit et la morale, Pufendorf caractérise le droit par la contrainte sociale : n'est objet de droit que l'acte susceptible d'être soumis à une contrainte sociale ; les actes qui échappent à l'action de la société sont purement moraux.
Pufendorf (Droit de la nature et des gens) : Par cela seul qu’on est homme, on est naturellement assujetti à certaines obligations, et revêtu de certains droits... Dans cet ouvrage, nous nous bornons à enseigner les droits et les devoirs de l’homme, dont on peut connaître la nécessité par les seules lumières de la raison.
Pufendorf (Les devoirs de l'homme et du citoyen), sur le Droit naturel : Il est de la dernière importance que les jeunes gens qui viennent dans les Académies soient instruits de bonne heure des principes de cette science morale qui sont d'un usage manifeste dans la Vie civile, et dont la connaissance de l'aveu de toutes les personnes raisonnables, est d'un plus grand secours pour faciliter l'étude de la Jurisprudence en général, que tous les éléments du Droit Civil de quelque Pays que ce soit.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : C'est Pufendorf qui a popularisé et épanoui l'École du droit de la nature et des gens, amorcée par Grotius. Elle affirme que le droit naturel constitue une science autonome se suffisant à elle-même et qui doit dominer la jurisprudence ; il est directement inspiré par la raison humaine.
Prélot et Lesquyer (Histoire des idées politiques) : Pufendorf donne au droit naturel, comme fondement autonome, la raison naturelle, source complète de la vérité morale.
PUSSORT Henri
Cf. Domat*, Jousse*, L'Hospital*, Muyart de Vouglans*.
Voir l’Ordonnance criminelle de 1670.
Conseiller d’État et légiste français (1615 –1697). Oncle de Colbert, qui le tenait pour un excellent juriste, Pussort fut membre du Conseil de justice qui assista
Louis XIV dans son entreprise d’unification du droit français. On sait que cet effort n’aboutit que
très partiellement, moins pour des motifs de fond, qu’en raison des
particularismes locaux et de l’opposition des privilégiés : parlementaires et avocats
(Louis XV obtint de meilleurs résultats, ce qui explique la
fronde des Parlements à laquelle il sut faire face).
Très attaché à l’idée de Justice, Pussort prit le parti de ceux qui privilégient les victimes au détriment de leurs agresseurs, les citoyens paisibles au détriment
des fauteurs de troubles. Ce qui le fit pencher (peut-être un peu trop) vers la Procédure inquisitoire plutôt que vers la Procédure accusatoire.
Boileau lui sut d'ailleurs gré d'avoir tenté de combattre la
Chicane. Mais la postérité Révolutionnaire ne lui a jamais pardonné
sa rigidité et son intransigeance.
On lui reconnaissait de profondes
connaissances, une grande puissance de travail et le sens de
l'intérêt général ; cependant, en dépit de sa probité reconnue, l'homme
lui-même n'était guère aimé.
Conférence
d'ouverture des travaux pour l'ordonnance de 1670. Monsieur
de Chancelier Séguier lui ayant donné la parole, M. Pussort a
dit que, comme il n'y avait point de plus grand défaut dans un
juge que celui de la puissance, aussi était-il nécessaire, avant
toutes choses, de bien établir sa compétence, particulièrement
en matière criminelle, où les longueurs, qui procédaient le plus
ordinairement des conflits de juridictions, détruisaient ou
affaiblissaient les preuves, et donnaient lieu à l'impunité des
plus grands crimes.
Que c'était par cette considération que Sa Majesté avait estimé
que, pour parvenir à une véritable réformation de la procédure
et instruction criminelle, il fallait commencer en établissant
le pouvoir des Juges ; que sur un fondement si ferme et si
solide, l'instruction pouvait être faite avec certitude et
stabilité ; et que c'étaient ces motifs qui avaient porté Sa
Majesté à mettre à la tête de cette Ordonnance le Titre : De la
Compétence des Juges.
Timbal (Histoire du droit) : C’est Colbert qui persuada Louis XIV d’entreprendre un corps de lois uniformes pour tous le Royaume. On créa, pour ce faire, un Conseil de Justice où se trouvaient réunis des membres du Conseil du roi, notamment le Conseiller d’État Pussort, oncle de Colbert, le premier président de Lamoignon et des praticiens. Des travaux de ce Conseil sont sortis une Ordonnance sur la Procédure civile (1667) et une Ordonnance sur la Procédure criminelle (1670).
H. Martin (Histoire de France) : Un esprit de sévérité mal entendu conduisit Pussort à faire maintenir les principes posés par le Chancelier Poyet en 1539, contre les maximes plus sages et plus humaines que soutenait Lamoignon. L’Ordonnance criminelle est restée, en somme, la moins hardie, la moins novatrice, la moins louable des réformes législatives de Colbert.
Pussort a dit, lors des Travaux préparatoires à l’Ordonnance criminelle de
1670 : Comme il n’y a point de plus grand défaut dans un juge que celui de la puissance, aussi était-il nécessaire, avant toutes choses, de bien établir sa
compétence... Les longueurs qu’engendrent les conflits de juridictions détruisent et affaiblissent les preuves, et donnent lieu à l’impunité des plus grands
crimes.
Il ne faut mettre personne en pouvoir de refuser la Justice.
Ni l’accusé ni l’accusateur ne peuvent se choisir un juge, moins en matière criminelle qu’en matière civile.
En matière de Lois, il faut approcher le plus près que l’on peut de la perfection.