DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre F
FAUCONNET Paul
Cf. Glotz*, Fustel de Coulanges*, Sociologie *.
Voir : Fauconnet, Introduction sociologique à l’étude de la responsabilité
Universitaire français (1874 - 1938). Agrégé de philosophie en 1895, il s'orienta vers la sociologie naissante et devint proche de Durkheim. Il entama sa carrière à l'Université de Toulouse, puis fut nommé à la Sorbonne où il devint professeur en 1932. Son principal ouvrage est sa seconde thèse, qui s'intitule : « La responsabilité - Étude de sociologie » ; il s'appuie sur une connaissance approfondie des conceptions pénales de la Grèce antique, du droit romain, du droit canonique et du droit du Moyen-âge. C'est pourquoi il est à juste titre considéré comme un classique par les criminalistes.
Fauconnet « La responsabilité - Étude de sociologie ».
Introduction - La responsabilité n’est généralement pas étudiée comme une réalité donnée à l’observation. On ne cherche pas à
dégager, inductivement, ce qu’elle est en fait. C’est à l’idée de responsabilité que s’attachent philosophes et jurisconsultes :
concept extrêmement abstrait auquel ils appliquent une analyse toute logique et dialectique.
Il y a cependant des faits de responsabilité. Ce sont des faits sociaux et, dans le genre social, ils appartiennent à l’espèce
des faits juridiques et moraux. L’objet de notre travail est de chercher, dans l’analyse de ces faits sociaux, les éléments d’une théorie de la
responsabilité.
Si le substantif responsabilité correspond à un pur concept et non, semble-t-il, à des éléments observables, au contraire
l’adjectif responsable intervient comme attribut dans des jugements qui sont des objets d’expérience.
La Cour d’assises qui déclare irresponsable un accusé dément, le juge civil qui rend tel patron responsable du dommage causé par son employé, l’opinion
publique protestant que tel séducteur est moralement responsable de l’infanticide pour lequel la fille séduite a été seule condamnée à une peine, prononcent des
jugements que nous pouvons appeler jugements de responsabilité. Ces jugements, étant des jugements juridiques ou moraux, ne
constatent pas spéculativement un fait ; ils traduisent le sentiment que ceux qui les prononcent ont de ce qui est juste, moralement ou juridiquement obligatoire :
par conséquent ils se réfèrent, explicitement ou non, à des règles. Dans nos exemples, la Cour d’assises se réfère à l’article 64 du Code pénal, le juge civil à
l’article 1384 du Code civil, l’opinion publique à ce principe communément admis que, si la fille infanticide est seule pénalement responsable, le séducteur qui
l’a abandonnée l’est moralement bien davantage. Des règles analogues forment une partie importante de tout droit et de toute moralité : nous pouvons les appeler
règles de responsabilité.
Les règles et les jugements de responsabilité sont évidemment des faits : ils tombent sous l’observation, on peut les
décrire, les raconter, les situer, les dater. Et ce sont assurément des faits sociaux.
FAUSTIN HÉLIE - Voir : Hélie ( Faustin )*.
FERRI Enrico
Cf. Criminologie*, De Greeff*, Doctrines criminelles*, Durkheim*, Garofalo*, Lombroso*, Sociologie criminelle*, Sutherland*.
Voir : Ferri, Les cinq catégories de criminels
Criminologue italien (1856 – 1929), fondateur de la Sociologie criminelle*. Disciple de Lombroso*, et
influencé par Durkheim, il devint le porte parole du positivisme dans le domaine criminel. Dès sa thèse de doctorat il soutint que le libre arbitre est une
fiction, et qu’il convient de substituer la responsabilité sociale à la responsabilité morale.
Son ouvrage principal a été traduit en français, par son auteur lui-même, sous le titre « La sociologie criminelle » (1893). C’est lui qui orienta les
recherches, d’une part vers l’évolution de la criminalité au fil des siècles et des bouleversements sociaux, d’autre part vers diverses catégories de
délinquants : « criminels-nés », « criminels d’habitude », « criminels d’occasion » ou « criminels-passionnels ». Si
ses études ont permis de mieux comprendre le phénomène criminel et le comportement de certains délinquants, elle ont aussi servi de caution aux régimes issus de
l’international-socialisme et du national-socialisme dans une politique criminelle marquée par l’idée d’élimination des éléments asociaux.
Ferri (La sociologie criminelle, Préface de l’auteur) : Le nom de
sociologie criminelle, que j’ai donné à la science des délits et des peines, renouvelée de la méthode expérimentale, suivant les données de l’anthropologie et de
la statistique criminelle, a été déjà accepté et reproduit par tant d’autres écrivains, qu’il n’a plus besoin d’aucune explication.
Ce livre n’est, et ne veut être, qu’une introduction élémentaire à l’étude biologique et sociologique de la criminalité… De sorte que ce livre peut servir de
trait d’union entre « L’homme criminel » de M. Lombroso, qui a été le point de départ de la nouvelle science, et la « Criminologie » de M.
Garofalo qui a marqué les points d’arrivée d’ordre purement juridique.
J’espère que la nouvelle édition de ce livre aidera quelque peu à persuader le public, que la science des délits et des peines, en dehors des détails secondaires
et transitoires, ne pourra se ranimer qu’avec la méthode expérimentale de l’école positive ; de même la société, en dehors de troubles exceptionnels et
transitoires, ne pourra dorénavant réaliser une défense utile, préventive et répressive contre le crime, qu’en abandonnant le doctrinarisme des théories pénales
traditionnelles.
Pinatel (Bouzat et Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie T.III) : La grande figure d'Enrico Ferri domine la sociologie criminelle de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle. Fondateur de la sociologie criminelle, il se présente comme un esprit éclectique, sachant capter les courants qui se manifestent et en dégager la synthèse.
Gassin (Criminologie) :
Pour Ferri, le délinquant est un être dont l'activité
criminelle est déterminée par toute une série de facteurs
criminogènes (facteurs anthropologiques, facteurs du milieu
physique, facteurs du milieu social)... Ce qui le conduit à une
classification des délinquants. Ferri classe les
délinquants en cinq catégories (les criminels nés, les criminels
aliénés, les délinquants d'habitude, les délinquants d'occasion
et les criminels passionnels).
L'œuvre de Ferri ne constitue qu'un premier pas dans la voie
d'une recherche véritablement satisfaisante de l'explication de
l'action criminelle, car elle présente la délinquance d'une
manière beaucoup plus mécanique que vivante, comme la résultante
d'une série de facteurs juxtaposés qui viennent se combiner pour
produire l'acte délictueux à la manière d'une réaction chimique.
Or, dans la réalité, les choses sont beaucoup plus complexes.
FOUCHÉ Joseph
Cf. Vidocq*, Police*.
Homme politique français (1759 - 1820). Révolutionnaire féroce, cupide et cynique ; mais, en habile tacticien, il sut prendre parti contre Robespierre lors de sa chute en Thermidor an II. Ministre de la Police, sous le Directoire, le Consulat et une partie de l'Empire, il s'occupa principalement de police politique. Il n'en est pas moins généralement considéré comme le fondateur de la police moderne.
Fouché (Mémoires) : Je me réservai de planer seul sur la haute police, dont la division secrète était restée sous la direction de Desmarets, homme souple et rusé, mais à vues courtes. C'était dans mon cabinet que venaient aboutir les hautes affaires dont je tenais moi-même les fils. Nul doute que je n'eusse des observateurs soudoyés, dans tous les rangs et dans tous les ordres ; j'en avais dans les deux sexes, rétribués à mille ou deux mille francs par mois, selon leur importance ou leurs services. Je recevais directement leurs rapports par écrit avec une signature de convention. Tous les trois mois je communiquais ma liste à l'empereur, pour qu'il n'y eût aucun double emploi, et aussi pour que la nature des services tantôt permanents, souvent temporaires, pût être récompensée, soit par des places, soit par des gratifications.
H.Martin (Histoire de France) : Le ministre de la police, Fouché, n'avait point de moralité, mais avait du jugement.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : Joseph Fouché est considéré, non sans exagération, comme le fondateur de la police moderne... Le titre de "ministre de la Police" ne doit pas faire illusion : la police, en tant qu'ensemble de services structurés et subordonnés à un ministre n'est pas créée. On doit toutefois reconnaître à Fouché divers mérites : celui d'avoir conçu l'importance de la tâche qui consiste à informer le Gouvernement sur l'évolution tant de l'opinion publique, que des faits politiques, économiques et sociaux, mission requérant le centralisation des informations aux fins de recoupements et de constitution de fichiers et de monographies (telle la célèbre topographie chouanique) - celui d'avoir insisté sur la mission de prévention - celui d'avoir combattu efficacement les atteintes à la sûreté de l'État et les complots (du moins ceux dont il n'était pas l'artisan).
FRANCE
Cf. Langue française*, Monarchie*, Nation*, Patrimoine historique et culturel*, Patrie*, République*.
Le territoire qui constitue actuellement la France était, avant
la conquête de Jules César, divisé entre les différentes régions
dominées par les tribus celtes qui s'y étaient installées depuis
quelques siècles. Les Romains ne distinguaient pas entre ces
régions et les englobaient sous le terme générique de Gaules ;
sous la domination romaine, on parlait des gallo-romains. Après
les grandes invasions germaniques, on ne parle plus de la Gaule
mais de la Francie. Ce n'est guère qu'à la fin du premier
millénaire que l'on emploie régulièrement le nom propre de
« France
».
C'est sous ce nom que s'est développée une civilisation à la
fois riche et originale.
Strabon, historien grec, avait déjà perçu l'originalité de la future France : Ce qui mérite d'être remarqué dans cette contrée, c'est la parfaite correspondance qui règne entre ses divers cantons, par les fleuves qui les arrosent et par les deux mers dans lesquelles ces fleuves se jettent ; correspondance qui constitue en grande partie l'excellence de ce pays, par la grande facilité qu'elle donne aux habitants de communiquer les uns avec les autres, et de se procurer mutuellement tous les secours et toutes les choses nécessaires à la vie... Une si heureuse disposition des lieux, par cela même qu'elle semble être l'ouvrage d'un être intelligent plutôt que l'effet du hasard, suffirait pour prouver la Providence.
H.Martin (Histoire de France, Avant-propos) : Entre toutes les régions du globe, il en est une qui attire invinciblement le regard par son heureuse situation, par le rythme harmonieux de ses proportions et la netteté des ses limites. Assise au bord des mers, entre les îles et les presqu'îles qui entourent, comme autant d'appendice, l'extrémité occidentale du continent asiatico-européen, elle forme en quelque sorte la tête de ce corps immense. Communiquant immédiatement avec trois des principales régions de l'Europe, et par un étroit canal maritime avec une quatrième, elle est mise par les mers qui la baignent avec le reste du monde.
FURIES - Voir : Érinyes*.
FUSTEL DE COULANGES Numa Denis
Cf. Bloch*, Droit (histoire du)*, Fauconnet*.
Voir : Fustel de Coulanges, De la loi divine à la loi humaine
Universitaire français (1830 - 1889). S'étant spécialisé très tôt dans l'histoire de la Grèce antique, il dirigea d'abord les fouilles archéologiques dans l'ile de
Chio, ce qui lui permit de se familiariser, non seulement avec les vestiges de la Grèce antique, mais aussi avec les particularités de la pensée grecque. Agrégé de
lettres, il enseigna successivement à l'Université de Strasbourg, puis à l'École normale supérieure et enfin à la Sorbonne. Son principal ouvrage, qui demeure un
grand classique, s'intitule « La cité antique ».
Il nous met en garde contre une erreur qui peut avoir de graves conséquences pour les personnes : les institutions anciennes ne sauraient renaître, elles doivent
s'adapter à l'évolution de l'humanité.
Fustel de Coulange (La cité antique Introduction) : De la nécessité
d’étudier les plus vieilles croyances des anciens pour connaître leurs institutions - On se propose de montrer ici d’après quels principes et par quelles règles la
société grecque et la société romaine se sont gouvernées. On réunit dans la même étude les Romains et les Grecs, parce que ces deux peuples, qui étaient deux
branches d’une même race, et qui parlaient deux idiomes issus d’uns même langue, ont eu aussi un fonds d’institutions communes et ont traversé une série de
révolutions semblables.
On s’attachera surtout à faire ressortir les différences radicales et essentielles qui distinguent à tout jamais ces peuples anciens des sociétés modernes. Notre
système d’éducation, qui nous fait vivre dès l’enfance au milieu des Grecs et des Romains, nous habitue à les comparer sans cesse à nous, à juger leur histoire
d’après la nôtre et à expliquer nos révolutions par les leurs. Ce que nous tenons d’eux et ce qu’ils nous ont légué nous fait croire qu’ils nous ressemblaient;
nous avons quelque peine à les considérer comme des peuples étrangers; c’est presque toujours nous que nous voyons en eux. De là sont venues beaucoup d’erreurs.
Nous ne manquons guère de nous tromper sur ces peuples anciens quand nous les regardons à travers les opinions et les faits de notre temps.
Or les erreurs en cette matière ne sont pas sans danger. L’idée que l’on s’est faite de la Grèce et de Rome a souvent troublé nos générations. Pour avoir mal
observé les institutions de la cité ancienne, on a imaginé de les faire revivre chez nous. On s’est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul
la liberté chez les modernes a été mise en péril.
Nos quatre-vingts dernières années ont montré clairement que l’une des grandes difficultés qui s’opposent à la marche de la société moderne est l’habitude qu’elle
a prise d’avoir toujours l’antiquité grecque et romaine devant les yeux.
Pour connaitre la vérité sur ces peuples anciens, il est sage de les étudier sans songer à nous, comme s’ils nous étaient tout à fait étrangers, avec le même
désintéressement et l’esprit aussi libre que nous étudierions l’Inde ancienne ou l’Arabie.
Ainsi observées, la Grèce et Rome se présentent à nous avec un caractère absolument inimitable. Rien dans les temps modernes ne leur ressemble. Rien dans l’avenir
se pourra leur ressembler. Nous essayerons de montrer par quelles règles ces sociétés étaient régies, et l’ou constatera aisément que les mêmes règles ne peuvent
plus régir l’humanité.