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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?

Lettre  D

DANTE Alighieri

Cf. Contrepan (Talion)*, Machiavel*, Péché*, Villon*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Dante, La Divine comédie :  le poète et le crime

Poète et philosophe italien (1265 -1321). Il naquit à Florence, à l'époque du conflit entre les Gibelins et les Guelfes ; époque troublée s'il en fut dont il ne ressortit pas indemne. Ce sont ses tribulations qui le conduisirent à écrire l'œuvre monumentale qui reçut plus tard le nom de « Divine comédie », comportant trois volumes consacrés à l'Enfer, au Purgatoire et au Paradis. Si elle retient encore l'attention des pénalistes, en dépit du fait que les personnages mis en scène sont très marqués par leur époque, c'est parce que, en fustigeant leurs vices, il montre le lien entre le vice et le crime, entre le crime et la sanction qu'il entraîne. Il donne une image d'une loi du talion évolué.

Signe Doctrine Masseron (Introduction à l'édition du Club français du livre) : Le genre philosophique de la « Comédie », écrit Dante dans le Traité de la "Monachia", est la morale pratique et éthique, car l'œuvre a été entreprise non pour la spéculation mais pour l'action. Quant à son but, c'est d'arracher ceux qui vivent dans cette vie à l'état de misère et de les conduire à l'état de bonheur. La route est longue et semée d'obstacles, qui va de la "forêt obscure" du premier chant de l'Enfer à l'Empyrée du dernier chant du Paradis, c'est la route qui conduit de la misère au bonheur, et de la servitude à la liberté, c'est la route suivie par le poète dans son ascension vers le Bien, route dont il avait reçu de Dieu la mission sacrée de la montrer, sur ses traces, aux hommes qui souffrent, et surtout aux puissants de ce monde, chargés de les diriger et qui avaient failli à leur tâche... Virgile, dans la « Comédie », conduira Dante, l'humanité, jusqu'au paradis terrestre, c'est-à-dire jusqu'au bonheur de cette vie... Plus haut, vers la béatitude de la vie éternelle, un autre guide sera nécessaire, Béatrice, la vérité révélée, l'autorité spirituelle du successeur de Pierre.

DE CURBAN Gaspar de Réal

Cf. Domat*, Jousse*, Muyart de Vouglans*.

Signe Renvoi rubrique Voir : De Curban, Voies pour juger de la grandeur des crimes et délits

Homme politique et juriste français (1682 -1752). Né à Sisteron, il occupa la charge de grand-sénéchal de Forcalquier. Il s'intéressa très tôt à l'étude du droit public, et fut encouragé à poursuivre ses travaux par le fait qu'ils furent très vite appréciés par ses contemporains. Son principal ouvrage, intitulé « La science du gouvernement, ouvrage de morale, de droit et de politique », retient l'attention quoiqu'ils soit quelque peu tombé dans un oubli injustifié. Peut-être n'est-il pas politiquement correct.

Signe Doctrine De Curban  (La science du gouvernement T.IV) : Le Gouvernement établit et conserve l'union parmi les Citoyens. Il conduit les hommes par l'autorité au but que le législateur a eu pour objet, et où la raison seule devrait les faire aspirer, c'est-à-dire au bien général de la société dans lequel se trouve l'avantage de chaque citoyen.
Puisque la sévérité des peines ne suffit pas pour réprimer entièrement l’injustice quel en serait le progrès, si le Souverain n’était pas en état de punir les contrevenants ? Les lois seraient inutiles, dit le Droit Romain, si l’on ne les faisait pas exécuter, si elles ne consistaient que dans l’écriture, et si le législateur ne leur donnait la force nécessaire à leur application
.

DE FERRIÈRE Claude-Joseph

Cf : Denisart*, Jousse*, Muyart de Vouglans*.

Juriste français (Paris 1639 - Reims 1715). Ancien avocat au Parlement, il devint Professeur à la Faculté de droit de Paris. Mais, appelé à Reims, il y prit définitivement la tête de l'École de droit. Le fait qu'il fut particulièrement versé dans le droit canonique et le droit romain lui valut une admiration générale, qui fut encore renforcée par la publication de son "Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l'explication des termes de droit..." qui est effectivement d'une grande richesse. L'édition fréquemment visée dans ce Site, qui comporte deux volumes, est celle publiée à Toulouse en 1779 ; elle fait partie des ouvrages qui ont servi de source pour le présent Dictionnaire.

Signe Doctrine Avertissement sur cette nouvelle édition. On peut dire avec confiance que nous n'avons point de Livre de droit et de pratique qui soit plus utile que celui-ci.
Il renferme non seulement les définitions de tous les termes de droit, d'ordonnances, de coutumes et de pratique, mais aussi des recherches curieuses sur l'étymologie de ces termes, sur l'origine de différents droits et usages qui ont lieu parmi nous ; avec l'explication des principes qui ont rapport à chaque terme.
Ce Dictionnaire est donc comme la clef du droit et de la pratique. L'ordre dans lequel les matières y sont rangées donne la facilité de trouver sur le champ le point dont on veut être éclairci.

DE GREEFF Étienne

Cf. Ferri*, Garofalo*, Haus*, Lombroso*, Prins*, Sutherland*.

Criminaliste belge (1898 - 1961). Docteur en médecine, en 1930 il fut nommé professeur  de criminologie à l'Université de Louvain. On le considère comme étant le fondateur de l'école belge de criminologie. Parmi ses principaux ouvrages, on retiendra son  « Introduction à la criminologie » ; mais il est à noter qu'il écrivit des œuvres de vulgarisation, des romans tels que "La nuit est ma lumière".

Signe Doctrine De Greeff (Introduction à la criminologie) : Les sciences criminelles se caractérisent par une grande complication et particulièrement en ce qui concerne l'étude du délinquant, par la subsistance de régions obscures ou mal connues encore, en dépit de l'activité clinique et scientifique de nos criminologues. Toute la matière, au surplus, semble comme fuyante et rebelle à la précision et à la certitude.
La « complexité » de cette science résulte de ce que la délinquance concerne à la fois d'une part la personne humaine comme telle (agissant à titre individuel ou comme agent responsable d'une association quelconque) et en tant que membre de la société politique ; de l'autre, cette société elle-même, dans ses exigences vitales.
On se trouve ainsi, dès l'abord, devant les difficultés de la synthèse du personnel et du social, de la liberté et de la contrainte, de l'autonomie individuelle et de la raison d'État.
L'obscurité et l'imprécision relatives de la science criminologique sont inhérentes à toute science qui a l'homme pour objet. La difficulté s'accroît ici de ce que le sujet immédiat de notre science est moins souvent peut-être l'homme normal que l'être dont les rouages mentaux et psychologiques ne fonctionnent pas selon l'ordinaire des comportements humains. Or, si l'homme en son état normal, est déjà difficile à observer et à connaître en dépit des « constantes » qui caractérisent précisément cet état, que dire des individus livrés aux dérèglements innombrables de l'anormalité ?
Qu'une science présentant des aspects aussi divers et tant de difficultés internes exige la formation de savants spécialisés, personne n'en doute plus aujourd'hui.
Mais à l'intérieur même de la criminologie, des spécialisations particulières s'imposent de toute évidence sur les différents plans de l'anthropologie, de la psychiatrie, de la psychologie, du droit répressif, de la politique anticriminelle, de la sociologie, de la pénologie, etc...
Il est peu de sciences, toutefois, où la spécialisation entraîne autant d'inconvénients et de risques. Il en est peu où le chercheur spécialisé ait autant de peine à garder la vue d’ensemble et la proportion respective des parties, à ne pas nier ou minimiser, au bénéfice des facteurs qu'il découvre ou voit vivre, les facteurs qui échappent à son observation directe et en particulier les éléments d'ordre spirituel qui interviennent dans les comportements humains
.

Signe Doctrine Pinatel (Bouzat et Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie T.III) : Dans ses toutes premières et magistrales études E. de Greeff a mis en lumière que la personnalité du débile mental, vue du dedans, se caractérise par l'inaptitude à tenir compte de la personnalité d'autrui. Il s'ensuit qu'il aura un comportement de type primitif et de ce fait tombera plus facilement qu'un autre dans la délinquance.

DE LANESSAN Jean Marie

Cf. Ferri*, Roux*.

Signe Renvoi rubrique Voir : De Lanessan, La morale naturelle  [absence de libre arbitre, dans la conception matérialiste]

Signe Renvoi rubrique Comparer : L. Proal, Le crime et le libre arbitre  [existence du libre arbitre, dans la conception spiritualiste]

Médecin et homme politique français, député radical (1843 - 1919). Après avoir fait des études de médecine, il s'orienta vers l'histoire naturelle, ce qui le conduisit à assurer des cours de zoologie à la Faculté de médecine de Paris. Il fut un disciple de Darwin, ce qui le conduisit à nier l'existence du libre arbitre dans son ouvrage intitulé « La morale naturelle ».

Signe Doctrine De Lanessan (La morale naturelle) : J'ai d'abord écrit ces pages pour moi-même. J'y ai travaillé pendant longtemps sans autre but que de donner une forme précise aux idées qui m'étaient inspirées soit par la lecture des moralistes, soit par l'observation directe des animaux et des nombreuses sociétés humaines, primitives ou civilisées, au milieu desquelles j'ai vécu.
Les faits qu'il m'était donné d'observer me firent d'abord constater la vanité des efforts qui ont été tentés pour concilier les doctrines morales des religions ou des métaphysiques avec la conception scientifique de l'univers et des êtres vivants. Il m'apparut qu'aucun accord n'était possible, dans le domaine des problèmes moraux, entre la doctrine de la création et celle de l'évolution, entre l'hypothèse indémontrable du libre arbitre et la certitude du déterminisme, entre l'immuable "loi morale" des religions ou l'absolu "impératif catégorique" des métaphysiciens et la mutabilité incessante des idées morales dans l'humanité. Il était donc nécessaire de chercher la source de ces idées ailleurs que dans la métaphysique ou les religions.
Repoussant avec la science moderne toutes les hypothèses relatives à la divinité, à l'âme et au libre arbitre, ne pouvant admettre comme ayant une existence réelle que la matière et le mouvement dont elle est animée, avec leurs transformations et évolutions incessantes, je pensai qu'il n'était pas possible d'expliquer l'évolution ascendante de la moralité autrement que par l'organisation et les relations des êtres humains et de leurs ancêtres animaux et par l'éducation que reçoit tout individu animal ou humain
.

DENISART Jean-Baptiste

Cf. Ayrault*, Domat*, De Ferrière*, Jousse*, Le Brun de la Rochette*, Muyart de Vouglans*,  Rousseaud de la Combe*, Serpillon*, Tiraqueau*.

Jurisconsulte français (1713 - 1765). Procureur au Châtelet de Paris, il est l'auteur d'un ouvrage intitulé "Collection de décisions" (dont la 5e édition de 1766 comporte trois volumes plus deux suppléments). Cet ouvrage est à juste titre considéré comme l'un des plus complets exposés de notre Ancien droit ;  il se situe la frontière du dictionnaire et de l'encyclopédie, ce qui explique qu'il ait servi de modèle aux encyclopédies du XIXe siècle. Dans sa "Bibliothèque philosophique du législateur", Brissot a rendu indirectement hommage à ce remarquable documentaliste par la petite pique ci-dessous.

Signe Doctrine Brissot de Warville (T.VIII, Extrait du Mercure de France) : On a vu des avocats puiser un orgueil ridicule dans la connaissance des arides détails de la jurisprudence, prendre en dédain la morale, la politique, l'histoire, la littérature, tout ce qui tient à l'étude des lois, et estimer Denisart bien au-dessus de Montesquieu.

DIGESTE

Cf. Code théodosien*, Gaius*, Gortyne*, Jurisconsultes*, Justinien*, Modestin*, Papinien*, Paul*, Ulpien*.

Signe Renvoi article Voir : Aperçu de l'histoire de l'ancien droit criminel français

Signe Renvoi rubrique Voir : Le Digeste de Justinien - Livres 47 et 48  (Texte intégral - Version bilingue Latin/Français)

Le Digeste ou, en grec Pandectes, a été rédigé sur ordre de Justinien et publié dans sa version définitive en 534. Il nous a transmis les formules les plus instructives de la doctrine des jurisconsultes romains de la grand époque. Quelque peu oublié un temps (du fait qu'il avait été rédigé à l'intention des juristes de l'Empire romain d'orient), il ne fut vraiment redécouvert qu'au dixième siècle et fut à l'origine de la renaissance du droit dans la partie occidentale de l'Europe, tout particulièrement en Italie puis en France.

Signe Doctrine Giffard (Précis de droit romain) : Le but c'est la codification du jus antiquum, l'ancien Droit des jurisconsultes. Mais le Digeste ne contient pas tout le droit antique; ce sera un recueil de jus enucleatum, c'est-à-dire un droit dont on a supprimé des parties, et un droit revu. En effet la Commission présidée par Tribonien devait choisir et émonder les textes, les réformer et supprimer tout ce qui était tombé en désuétude, faire disparaître les antinomies, les controverses, et faire prévaloir dans le doute l'usage des capitales, Rome et Constantinople.

Signe Doctrine Petot (Cours d'histoire du droit privé 1957-1958) : Les études de droit romain ont pris leur essor en Italie, à, l’université de Bologne, à la fin du XIème siècle et au début du XIIème. Elles, portaient, non pas sur le droit théodosien, qui n’avait jamais été complètement oublié, mais sur les compilations de Justinien dont les textes venaient d’être remis en lumière. Leur découverte a paru merveilleuse... Il est certain que le Digeste était déjà connu, au moins partiellement, de quelques érudits avant la renaissance bolonaise. Le grand canoniste français Ive de Chartres en cite quelques passages dans ses œuvres. D’autre part, deux résumés, assez médiocres, du droit romain de Justinien avaient été composés dans la seconde moitié du XIème siècle, le Brachylogue et les Exceptiones Petri legum romanorum. L’un et l’autre ont sans doute été rédigés dans le Sud-Est de la France.
Le droit de Justinien restait cependant ignoré du grand public. C’est à un maître bolonais, Irnerius, que revient l’honneur de le lui avoir fait connaître. Il suivait, dans son enseignement, les méthodes exégétiques pratiquées par les théologiens. Après la lecture du texte, le maître donnait l’explication des termes ou des expressions difficiles. S’il y avait lieu, il précisait le casus, c’est-à-dire le problème juridique dont le texte commenté apportait la solution. Les disciples transcrivaient ces diverses observations sur leurs propres manuscrits, soit dans les marges, soit en interligne. C’est ce qu’on appelait les « gloses », d’où le nom de glossateurs donné à Irnerius et à son école. Mais il arrivait que le travail fût poussé plus loin. Le maître résumait en un traité systématique la doctrine romaine sur une institution déterminée, le mariage par exemple, ou encore tout le contenu d’un ouvrage, tel que le Code ou les Institutes. À ces exposés on donnait le nom de « sommes ».
La renaissance bolonaise a exercé une influence durable et profonde sur la formation du droit privé dans tous les pays occidentaux … Pour comprendre les réactions qu’a suscitées en France le droit romain retrouvé, il faut préciser la portée de ce droit dans l’esprit des maîtres bolonais. Pour eux, le droit romain, dit « droit civil », apparaissait comme le droit par excellence, égal, dans sa pérennité, au droit canonique, une sorte de vérité révélée et éternelle … Cet aspect des théories bolonaises justifie pleinement les réticences de la royauté française, qui entendait demeurer indépendante.

Signe Doctrine Carbasse (Manuel d'introduction historique au droit) : Il s'agissait de mettre à la disposition des juristes, dans un but de restauration du droit, les extraits les plus significatifs des grands jurisconsultes (c'est ce qu'on appelait désormais le jus, par opposition aux leges contenues dans les codes)... Le meilleur de l'héritage juridique de Rome, en quelque sorte revivifié par la volonté de l'empereur, est transformé en loi.

Signe Doctrine Taine (Les origines de la France contemporaine) : Parle du travail immémorial du génie romain. « Dire le droit », imposer aux hommes des règles de conduite, voilà en abrégé toute l'œuvre pratique du droit romain, et chez lui, au IIIe, au IVe et au Ve siècle, dans la décadence des autres études, la science du droit était encore en pleine pousse et vigueur.

Signe Exemple concret Warée (Curiosités judiciaires) : Lorsqu’il n’existait que le manuscrit des Pandectes que les Florentins avaient emporté de Pise, et avant que les copies en fussent multipliées, c’était le premier magistrat de Florence qui en avait la garde, et on ne le montrait aux curieux qu’à la lueur de plusieurs flambeaux.

DIKÉ

Cf. Justitia*, Thémis*.

Dans la mythologie grecque, Diké, fille de Zeus et de Thémis, personnifie la justice humaine.

Signe Doctrine Ménard (De la morale avant les philosophes) :  Thémis est la loi des Dieux, l'expression collective et générale des rapports dans la nature ; Diké, sa fille, est la loi des hommes, la forme particulière des rapports entre des êtres égaux. La connaissance de cette loi est la Morale ; fruit spontané de la conscience humaine.

DOMAT Jean

Cf. Pothier*, Muyart de Vouglans*.

Signe Renvoi rubrique  Domat, Les deux principes fondamentaux des lois

Jean DOMAT Jurisconsulte français (1625 – 1696), né à Clermont en Auvergne, mort à Paris. Il fut un grand ami de Pascal. Vivant au siècle de la raison, Domat fut celui qui introduisit l’ordre et l’esprit de système dans la science juridique (une édition complète de ses œuvres a été publiée en 1821). On lui reconnaissait une grande élévation de l'esprit, une parfaite rectitude de jugement et une sûre intuition des principes fondamentaux.
Dans la préface à son « Traité des lois » et à son « Traité des lois civiles dans leur ordre naturel » il indique qu’il s’est proposé de rendre l’étude des lois civiles « facile et agréable ». À cette fin il est parti des « principes naturels et immuables de l’équité » (il ne faut faire de tort à personne…), il a approfondi son étude en s’appuyant sur « la loi naturelle » (les enfants ne peuvent s’engager dans un contrat qui leur serait nuisible), enfin il s’est « proposé de mettre les lois civiles dans leur ordre, de distinguer les matières du droit, et de les assembler selon le rang qu’elles ont dans le corps qu’elles composent naturellement ». [C’est dans cet esprit que nous avons conçu les Tableaux d’incriminations qui figurent sur ce site].

Signe Doctrine D’Aguesseau (Instructions à son fils) : Avec Grotius, l’ouvrage moderne qui vous suffira presque seul, et que vous ne sauriez trop vous rendre familier, c’est le Traité des lois de M. Domat, qui est en tête de son grand ouvrage des « Lois civiles dans leur ordre naturel ».
Personne n’a mieux approfondi que cet auteur le véritable principe des lois, et ne l’a expliqué d’une manière plus digne d’un philosophe, d’un jurisconsulte et d’un chrétien. Après avoir remonté jusqu’au premier principe, il descend jusqu’aux dernières conséquences ; il les développe dans un ordre presque géométrique ; toutes les différents espèces de lois y sont détaillées avec les caractères qui les distinguent. C’est le plan général de la société civile le mieux fait et le plus achevé qui ait jamais paru.

Signe Doctrine A.Esmein (Histoire du droit français) : Il a entrepris d'exposer les lois romaines en langue française et de les présenter dans leur ordre naturel. Partant de là, il a combiné une exposition systématique du droit romain débarrassé des détails historiques et présenté comme la raison écrite, applicable à tous les pays et à tous les temps : il a voulu atteindre « l'ordre par le retranchement de l'inutile et la clarté par le simple effet de l'arrangement ». Son exposition est en effet froide, claire et bien ordonnée, mais le livre a peu de valeur scientifique.

Signe Doctrine Malaurie (Anthologie de la pensée juridique). Avocat du roi au présidial de Clermont-Ferrand, Domat s'installa ensuite à Paris ; il vendit sa charge et Louis XIV le pensionna pour qu'il consacrât tout son temps à publier son traité. Janséniste, ennemi des Jésuites, il a pourtant toujours eu le soutien de Louis XIX, auquel il portait un grand attachement... Avec les Lois civiles (c'est-à-dire le droit romain) dans leur ordre naturel (1689, s'accomplit une systématisation ordonnée et cartésienne, à la langue claire, précise et exacte, mais un peu solennelle : l'ordre du grand siècle d'un jardin à la française ; elles préfigurent la codification de 1804... Telle qu'il l'expose dans sa préface, sa méthode tient en trois démarches : 1°) s'attacher à l'équité (chez Descartes, c'est le bon sens, qui est "la chose du monde la mieux partagée); 2°) examiner les relations entre les lois et les faits ;  3°) (et surtout) mettre les lois en ordre. [voir les citations choisies pour éclairer ces trois points ]

Signe Doctrine H.Martin (Histoire de France) : Domat résolut d'établir l'ordre dans l'étude du droit civil. Cette pensée le mena bien loi et bien haut. Pour ne pas substituer à la confusion une classification arbitraire, il comprit que ce n'était point assez de coordonner les règles de droit, si l'on ne remontait aux premiers principes de ces règles. Quels sont ces premiers principes ? Pour les découvrir il faut poser deux vérités premières ou définitions primordiales : 1° Les lois de l'homme ne sont que les règles de sa conduite ; 2° Cette conduite n'est autre chose que les démarches de l'homme vers sa fin. - La fin de l'homme, c'est Dieu ; c'est-à-dire la possession de Dieu, qui est le souverain bien. - La première loi de l'homme est donc celle qui commande l'amour et la recherche de ce souverain bien. Cette première loi en renferme une seconde, qui oblige les hommes à s'associer et à s'aimer entre eux pour chercher ensemble leur fin commune dans l'unité suprême. C'est pour lier les hommes dans cette société que Dieu l'a rendue essentielle à leur nature.
Domat restera, depuis Cujas, le plus grand nom de la jurisprudence française. Cujas avait débrouillé et comme recréé la matière du droit : Domat y donna l'âme. Un mot singulier et touchant atteste à la fois son humilité et le sentiment qu'il avait de son œuvre. « Je suis surpris, disait-il, que Dieu se soit servi d'un petit homme, d'un homme de néant comme moi, pour faire si bel ouvrage ! ». Cet ouvrage devait être la base, et des judicieux travaux de la jurisprudence pratique au XVIIIe siècle, et de la grande codification du XIXe.

Signe Exemple concret Boileau (Lettre à Brossette) : J’ai naturellement peu d’inclination pour la science du droit civil, et il m’a paru, étant jeune et voulant l’étudier, que la raison qu’on y cultivait n’était pas la raison humaine, mais une raison particulière, fondée sur une multitude de lois qui se contredisent les unes les autres, et où on se remplit la mémoire sans se perfectionner l’esprit… La lecture du livre du sieur Domat m’a fait changer d’avis, et m’a fait voir dans cette science une raison que je n’y avais pas vue jusque là. C’était un homme admirable… Vous me faites un grand honneur de me comparer à lui, et de mettre en parallèle un misérable faiseur de satires avec le restaurateur de la raison dans la jurisprudence.

DONNEDIEU DE VABRES Henri

Cf. Cuche*, Levasseur*, Merle*, Perreau*, Saleilles*, Tarde*, Vitu*.

Pénaliste français (Nîmes 1880  - Paris 1952). Lorsque se déclencha la guerre de 1914-1918, il enseignait à la Faculté de droit de Montpellier. À la fin de la guerre, il fut nommé professeur à la Faculté de droit de Paris, où il occupa pendant une trentaine d'années la Chaire de droit criminel. Son enseignement a été à l'origine de son « Traité de droit criminel », excellent ouvrage qui connut trois éditions (les nombreuses citations figurations dans ce site proviennent de la troisième).
Outre cet enseignement du droit criminel général, il manifesta un intérêt particulier pour le droit pénal international. Ce qui le conduisit à publier deux ouvrages majeurs : « Introduction à l'étude du droit pénal international » (Pairs 1922), puis « Les principes modernes du droit pénal international » (Paris 1928).
En 1945 il fut l'un des juges titulaires, au Procès de Nuremberg ; c'est lui qui représenta la France.  

Signe Doctrine Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) Préface à la 1e édition : Vers 1.900, lorsque nous suivions, des bancs de la Faculté de droit de Paris, les leçons de nos respectés maîtres, MM. Alfred Le Poittevin et Émile Garçon, le conflit des Écoles néo-classique et positiviste battait son plein. Le crime est-il une atteinte à la loi morale, un mauvais usage de la liberté, d'où naît le devoir d'expiation ? Est-il le symptôme d'un état morbide, individuel ou collectif, qu'il faut soigner ? C'est ainsi que le problème était posé en Italie. Parallèlement, on se demandait, en Allemagne, si le droit pénal doit être rétributoire ou tutélaire.
Ce conflit s'est éteint par une transaction. Dans l'ordre de la pensée, la neutralité prévaut à l'égard du problème du libre-arbitre. Dans l'ordre de l'action, nous voyons des moyens nouveaux, d'un caractère mi-répressif, mi-thérapeutique, les mesures de sûreté, se juxtaposer ou se superposer aux peines. À cette solution, la science française a pris part, avec des livres comme ceux de Gabriel Tarde et de Raymond Saleilles
.

Signe Doctrine Donnedieu de Vabres (Les principes modernes du droit pénal international) Introduction : Les facilités croissantes des communications, les progrès de l'automobilisme, de l'aviation même ont mis à la disposition des malfaiteurs bien des moyens de franchir les frontières et de se soustraire aux recherches des polices nationales. Aussi voyons-nous les bandes internationales de criminels se multiplier, surtout pour la perpétration des délits « sociaux », tels que la traite des blanches, la fabrication et l'émission de fausses monnaies. On cite les noms de « bandits internationaux » biens connus des polices dont ils savent, par le nombre même de leurs méfaits, la rapidité et l'ubiquité de leur action, déjouer les efforts.
Ce développement coïncide avec la crise du nationalisme qui, par un véritable paradoxe, s'est institué au lendemain de la guerre - en même temps que se fondait la Société des Nations - dans l'ordre moral, aussi bien qu'économique et politique. Il est urgent que, dans le domaine de la politique criminelle, cet esprit particulariste soit vaincu. Il est urgent qu'à l'internationalisation du crime s'oppose internationalisme de la répression.
[en un siècle la situation n'a fait qu'empirer].

DRACON ( Draconien )

Cf. Gortyne*, Hammourabi*, Manou*, Thot*, Zoroastre*.

Législateur du VIIe siècle avant J-C. Les lois qu’il donna aux athéniens était extrêmement rigoureuses puisqu’elles comportaient toutes la même sanction : la mort. On a pu dire que ces lois avaient été écrites avec du sang et non avec de l’encre. De nos jours encore, une loi particulièrement sévère est dite draconienne.
- Mais pouvait-il faire autrement dans l’état de civilisation où il se trouvait ? À son actif on peut porter que c’est lui qui mit fin à la vengeance familiale, et fit entrer le pouvoir judiciaire dans le giron de l’État.

Signe Histoire Plutarque (Vie de Solon) : Les lois de Dracon ne prononçaient qu’une même punition pour toutes les fautes : la mort. Ceux qui étaient convaincus d’oisiveté subissaient le dernier supplice, et ceux qui avaient volé des légumes ou des fruits étaient punis avec la même rigueur que les sacrilèges et les homicides. Aussi Démade a-t-il eu raison de dire que Dracon avait écrit ses lois avec du sang, et non avec de l’encre.

Signe Jurisprudence TGI Nice (réf.) 10 octobre 1985 (Gaz.Pal. 1986 somm. 281) : Une loi exorbitante du droit commun doit être appliquée, quel que soit leur caractère draconien.

Signe Exemple concret Cabal (Rapport parlementaire sur la valeur scientifique de l’utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire) : Des précautions draconiennes doivent être observées tant au stade du recueil des échantillons qu’à celui de l'analyse.

DURKHEIM Émile

Cf. Ferri*, Garofalo*, Lombroso*, Sociologie criminelle*, Tarde*.

Né à Épinal en 1858, mort à Paris en 1917, Durkheim est considéré comme celui qui a fait de la sociologie une discipline à part entière. Il fait reposer sa doctrine sur la notion de laïcité, considérée comme le vrai fondement de la morale, morale toutefois plus sociale qu'individuelle ; il y voit dès lors un élément majeur de la cohésion de la société. Considérant que la sociologie constitue une science des faits sociaux, il penche tout naturellement vers les doctrines matérialistes et socialistes, fort en vogue à son époque. Ses conceptions, comme celles de nombre de précurseurs, ont été souvent démenties par les événements ultérieurs ; elles ont même parfois servi d'argument à l'élaboration de doctrines politiques totalitaires.

Signe Doctrine Malaurie (Anthologie de la pensée juridique). Durkheim estime qu'il existe deux sortes de règles juridiques. D'une part le droit répressif, c'est-à-dire le droit pénal, dont les sanctions atteignent quelqu'un dans sa fortune, son honneur et sa vie ; le crime est défini d'une manière purement sociologique : l'acte qui porte atteinte à la conscience collective d'une société donnée... la notion de crime est donc purement relative. D'autre part, le droit restitutif (les droits civil, commercial, administratif) où il ne s'agit plus de punir mais de remettre les choses en l'état : celui qui doit une somme d'argent doit la payer.

Signe Doctrine Gassin (Criminologie). L'École sociologique est représentée par Émile Durkheim qui peut être considéré comme le fondateur d'une théorie qui lie les conduites criminelles à la structure socio-culturelle.
Le premier trait caractéristique de la pensée de Durkheim est que le crime est un phénomène de sociologie normale puisqu'il se manifeste dans toute société humaine, et qu'il est même un facteur de santé publique.
Cette conception le conduit à affirmer que la criminalité provient, non pas de causes exceptionnelles, mais de la structure même de la culture à laquelle elle appartient : d'autre part, la criminalité doit être comprise et analysée non pas en elle-même, mais toujours relativement à une culture déterminée dans le temps et l'espace .

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