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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  S
(Sixième partie)

SERGENT 

Cf. Huissier de justice*.

Dans l'Ancien droit français, un sergent avait pour fonction principale de mettre à exécution les décisions de justice, qu’il s’agisse de Décrets*, Jugements* ou Sentences*.

Signe Histoire De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Le sergent est le dernier Officier de justice, établi pour signer les actes de procédure et mettre à exécution les jugements qui sont rendus en conséquence… Le sergent à verge portait autrefois en sa main une verge, ou baguette, dont il touchait ceux auxquels il avait charge de délivrer un exploit ou commandement de justice.

Signe Histoire Jousse (Traité de la justice criminelle, 1772) : Les Sergents, Huissiers et autres qui arrêtent une personne prévenue de crime, ne peuvent le faire de leur autorité, et sans être porteurs du décret de prise de corps. Il faut seulement excepter le cas de flagrant délit.

Signe Exemple concret Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : Les sergents, qui agissaient pour le compte des seigneurs justiciers ou pour le compte du prévôt de Paris, étaient de redoutables auxiliaires de la justice, premiers éléments d'une police urbaine nécessaires à la régulation des violences dans la ville, recrutés pour leur force physique, mais redoutés par la population qui craignait leurs débordements. Comme ils vivaient en marge du monde qu'ils combattaient, il n'était d'ailleurs pas rare qu'ils succombent eux-mêmes à la tentation du mal.

SERMENT

Cf. Faux serment civil*, Faux témoignage*, Parjure*, Serment décisoire*, Serment supplétoire*, Sincérité*, Témoin*, Vérité*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 8, p.14 (sur la dispense de prestation de serment au profit des membres de la famille)

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice quant à la réunion des preuves  (en droit positif français)

- Notion. Le serment est la formalité par laquelle, avant de faire une déclaration officielle devant un tribunal, une personne affirme solennellement qu’elle va parler en vérité (du moins en véracité). Ce serment n'est pleinement crédible que s'il est prêté dans la forme prévue par la religion ou la philosophie à laquelle son auteur adhère.
En France, on a longtemps prêté serment devant Dieu, ce qui conférait à cette invocation un caractère sacré et éternel. Actuellement on ne prête plus serment que devant la Justice, donc sous la menace de se voir appliquer une sanction pénale au cas où le parjure viendrait à être indubitablement prouvé.
Voir in fine le "serment d'entrée en fonction".

Signe Doctrine Domat (Les lois civiles dans leur ordre naturel) : Le serment est une sûreté que les lois exigent en plusieurs occasions, pour confirmer un témoignage ou une déclaration sur la vérité d’un fait ; et cette sûreté consiste en la confiance qu’on peut avoir, que celui qui jure ne violera pas un devoir où il prend Dieu pour témoin.

Signe Philosophie Vittrant (Théologie morale) : Le serment est une invocation expresse ou tacite du nom de Dieu en témoignage de la véracité de ce que l’on déclare.

Signe Exemple concret Serment prêté par Hugues Capet lors de son couronnement en 987 : Hugo, par la grâce de Dieu, très bientôt roi des Francs. Au jour de mon sacre, je promets devant Dieu et ses saints, ainsi qu'à chacun de vous ici assemblés, d'observer les privilèges canoniques, d'appliquer les lois établies et de rendre la justice. J'en assurerai la défense autant qu'il me sera possible, avec l'aide de Dieu, comme le doit un roi en son royaume, pour chaque évêque et la communauté qui lui est attachée, et pour chaque peuple qui nous est confié, en appliquant à chacun la loi le concernant, de par notre autorité. Hugo rex.

- Règle morale. La violation d'un serment constitue une faute grave dans toutes les grandes civilisations.

Signe Philosophie Livre des morts dans l'Égypte pharaonique : Je n’ai pas juré (en vain).

Signe Philosophie Hobbes (Le citoyen) : Le serment est un discours, qui s’ajoute à une promesse, par laquelle celui qui fait cette promesse, affirme qu’il renonce à la miséricorde de Dieu s’il manque à sa parole… Les romains disaient : « Je te prie, Jupiter, de traiter celui de nous qui rompra sa promesse comme je traite cette truie, que je vais égorger ».

Signe Philosophie Pufendorf (Le droit de la nature) : De quelque formule qu'on se serve, pour prendre à témoin la divinité, et se soumettre aux effets de sa vengeance au cas où l'on jurerait faux ; le serment doit toujours être réputé conforme à la Religion de celui qui le prête.

Signe Philosophie Bouillier (Questions de morale) : Le devoir de dire la vérité devant les juges s'accroît encore par la solennité religieuse du serment. Le serment prêté ajoute au mensonge un caractère d'impiété et de sacrilège.

Signe Doctrine Gorphe (L’appréciation des preuves en justice) : Le serment est un appel solennel à la conscience, avec une invocation, expresse ou non, à Dieu, à une divinité ou à ce que l’on tient pour sacré. Son efficacité dépend de la conscience, morale ou religieuse, du témoin : il ne vaut que pour les croyants ou les honnêtes gens. Son efficacité est renforcée, il est vrai, par la crainte de la sanction pénale attachée au parjure ; mais on sait bien que trop de parjures y échappent en raison de la difficulté qu’il y a à confondre les faux-témoins habiles, surtout pour la preuve de l’intention coupable, qui souvent se distingue mal de l’erreur.

- Personnes appelées à prêter serment. Ce sont principalement les témoins, les experts et les interprètes.

Signe Droit comparé Code de droit canonique (Commentaire Salamanque). Canon 1454 : Tous les membres du tribunal et les personnes qui lui apportent leur concours doivent prêter serment de remplir correctement et fidèlement leur charge.

L'Ancien droit exigeait de l’accusé qu’il prête serment, au motif qu’il devait la vérité à la justice ; le droit contemporain s’est heureusement départi de cette rigueur.

Signe Histoire Ordonnance criminelle de 1670 (T.XIV, art.7) : L’accusé prêtera serment avant d’être interrogé, et en sera fait mention à peine de nullité.

Signe Philosophie Pufendorf (Le droit de la nature, éd. 1734) : En matière de causes criminelles, il est injuste de déférer le serment au défendeur, comme le faisaient autrefois les juges de l'Aréopage.

Les proches des parties ne sont pas appelés à prêter serment (art. 335 C.pr.pén.), ils ne sont entendus qu'à titre de simple renseignement.

Signe Doctrine Angevin (La pratique de la cour d'assises) : Ont seules droit à la qualité de témoin les personnes qui, régulièrement à appelées à déposer devant la cour d'assises, y déposent sous la fois du serment, ce qu'elles savent des faits ou de l'accusé. D'autres personnes, ne répondant pas à ces exigences, peuvent être entendues, sans prestation de serment, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ; elles n'ont pas, à proprement parler, la qualité de témoin et leurs déclarations ne valent que comme simple renseignement.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 mai 2011 (n° 10-86.229, Bull.crim. n° 109 p.467) : L’énumération à l’article 335 du C.pr.pén. des personnes qui ne peuvent être entendues sous la foi du serment est limitative. Elle ne s’applique pas à une personne liée à l’accusé par un pacte civil de solidarité.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 août 1984 (Bull.crim. n° 267 p.708) : Si, en application de l'art. 335 C.pr.pén., l'interdiction d'entendre sous la foi du serment la femme de l'accusé subsiste même après le divorce, c'est à tort que le président de la Cour d'assises a reçu à titre de simple renseignement la déposition de la sœur de l'ex-femme de l'accusé et de la belle-sœur de celui-ci, alors que l'alliance de ces témoins avec l'accusé avait cessé à la suite de la dissolution du mariage.

Serment des témoins. Aux termes de l’art. 446 C.pr.pén., avant de commencer leur déposition devant le tribunal correctionnel, les témoins prêtent, sous peine de nullité, le serment de « dire toute la vérité, rien que la vérité ». La formule, en principe intangible, n’est toutefois pas viciée par l’emploi de termes la renforçant.
- Devant la cour d’assises, le témoin prête le serment « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité » (art. 331).

Signe Droit comparé Code de procédure pénale allemand § 57 (Information des témoins) : Avant l’audition, les témoins doivent être invités à dire la vérité et avisés qu’ils devront faire leur déposition sous la foi du serment, à moins qu’il n’y ait une exception imposée ou admise par la loi. Ils doivent être avisés de la signification du serment et de la possibilité de choisir entre la formule religieuse et la formule laïque. Ils doivent également être avisés des poursuites pénales encourues en cas de déposition inexacte ou incomplète.
- § 66c (Formule du serment)
1) Le serment avec affirmation religieuse se prête de telle manière que le juge adresse au témoin les paroles suivantes: "Vous jurez par Dieu tout-puissant et omniscient que vous avez dit, en conscience, la pure vérité et que vous n’avez rien omis", et le témoin dit ensuite: "je le jure, que Dieu me vienne en aide."
2) Le serment sans affirmation religieuse se prête de telle manière que le juge adresse au témoin les paroles suivantes: "Vous jurez que vous avez dit, en conscience, la pure vérité et que vous n’avez rien omis.", et le témoin dit ensuite: "Je le jure."
3) Lorsqu’un témoin fait connaître qu’il voudrait utiliser la formule de serment d’une communauté religieuse ou spirituelle dont il est membre, il peut ajouter cette formule au serment.
(4) Lors de la prestation de serment, le témoin doit lever la main droite.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 novembre 1972 (Bull.crim. n° 341 p.875) : Le témoin P. a été entendu devant la Cour d’appel après avoir prêté le serment de « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Il résulte de cette énonciation que le témoin a bien prêté le serment prescrit par l’art. 446 C.pr.pén. ; l’addition surabondante à la formule édictée par ce texte des mots « la vérité » n’en restreint ni la portée, ni les conséquences légales.

 Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 mai 2011 n° 10-86229 (Gaz.Pal. 23 juin 2011 p.27) : Les témoins régulièrement cités et notifiés sont acquis aux débats et ne peuvent être entendus sans avoir prêté le serment prescrit par l'art. 331 C.pr.pén. à moins qu'ils ne se trouvent dans un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévu par la loi ; les dérogations prévues par l'art. 335 du même Code ne peuvent être entendues au-delà des limites fixées par ce texte, ce dont il résulte qu'elles ne s'appliquent pas à une personne liée à l'accusé par un pacte civil de solidarité.

Signe Exemple concret J.Auboyer (La vie quotidienne dans l'Inde ancienne) : Dans l'Inde ancienne, les témoins ne prêtent pas serment ;  on leur lit une adjuration solennelle les prévenant des punitions corporelles qui leur seraient infligées en cas de faux témoignage, peines aggravées par la perspective d'un châtiment supplémentaire dans l'au-delà pour toutes leurs vies futures.

Serment des experts. Les experts doivent, à leur entrée en fonction, prêter le serment (prévu à l’art. 160 C.pr.pén.) « d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ». Lorsqu’ils se présentent au tribunal ils doivent prêter le même serment, du moins dans sa substance. Encore faut-il qu'ils aient véritablement la qualité d'experts.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 25 juillet 1979 (Bull.crim. n° 253 p.683) : Un expert ne figurant sur aucune des listes prévues à l’art. 157 C.pr.pén. est tenu de prêter serment devant le juge d’instruction chaque fois qu’il est commis.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 février 1975 (Bull.crim. n° 60 p.163) : Il n’y a pas nullité lorsque la formule employée pour le serment des experts à l’audience, bien que ne reproduisant pas exactement celle qui est prévue par l’art. 168 C.pr.pén., en exprime cependant le sens sans le dénaturer ni le restreindre.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 10 juin 2015, pourvoi n° 14-87054 : Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; elle a relevé appel de la décision l'ayant condamnée, en reprenant devant la cour l'exception de nullité soulevée devant le premier juge, tirée de l'absence de prestation de serment du médecin ayant réalisé le prélèvement sanguin ;
Pour écarter
à bon droit ce moyen de nullité, l'arrêt énonce que les dispositions spéciales des art. R. 3354-1 et s. du code de la santé publique ne prescrivent pas que le médecin qui effectue la prise de sang prévue par l'art. R. 3354-5 dudit code ait préalablement prêté serment.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 23 juin 2015, pourvoi n° 14-84464, dans une espèce relative à une conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants : Un simple prélèvement sanguin, n'étant pas une constatation ou un examen technique ou scientifique au sens de l'art. 60 C.pr.pén., il n'est pas nécessaire que la personne qui y procède prête serment.

Serment des interprètes. Tant devant la cour d’assises (art. 344 C.pr.pén.) que devant le tribunal correctionnel (art. 407), l’interprète doit prêter le serment « d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience ». La formalité est substantielle.

Signe Histoire Ordonnance criminelle de 1670 (T.XIV, art.11) : Si l’accusé n’entend pas la langue française, l’interprète ordinaire, ou s’il n’y en a point celui qui sera nommé d’office par le juge, après avoir prêté serment, expliquera à l’accusé les interrogatoires qui lui seront fais par le juge, et au juge les réponses des accusés.

Signe Histoire Ancien Code de droit canon : L’interprète prête d’abord serment de remplir fidèlement son devoir et de garder le secret ; à la fin de son mandat, il prête serment d’avoir bien rempli son devoir.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 février 1977 (Bull.crim. n° 42 p.104) : En omettant de faire prêter à l’interprète désigné par lui le serment prévu par l’art. 407 C.pr.pén., le président de la cour d’appel a méconnu les dispositions de ce texte ; cette prescription légale étant édictée dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sa violation entache de nullité l’ensemble de la procédure devant la cour d’appel.

- Serment d'entrée en fonction. A côté du serment en justice, il existe un serment d'entrée en fonction par lequel l'intéressé s'engage à accomplir la tâche qui va lui être confiée selon les règles qui la régisse et dans l'intérêt du Bien commun.

Signe Exemple concret Serment prêté jadis par les Avocats avant leur entrée en fonction : Je jure de ne rien dire ou publier comme défenseur ou conseil de contraire aux Lois, aux règlements et aux bonnes mœurs, à la sûreté de l'État et à la Paix publique, et de ne jamais m'écarter du respect dû aux Tribunaux et aux Autorités publiques.

SERMENT DÉCISOIRE

Cf. Serment*.

Le serment décisoire est un serment déféré par l’une des parties au procès (qui se trouve démunie de preuve pour asseoir sa prétention) à l’autre partie (qui se trouve en voie de triompher), avec l’espoir que cette dernière, interrogée sous serment, reculera devant un mensonge aggravé (on en trouve un exemple dans le livre de Erckmann-Chatrian « L’ami Fritz »).
- Ce mode de preuve, qui tranche radicalement un procès civil (art. 1357 C.civ.), n’est pas recevable devant une juridiction répressive.

Signe Doctrine Tardif (La procédure civile et criminelle) : La preuve par serment a eu, de tout temps, dans notre procédure, un rôle secondaire en tant que serment décisoire auquel le juge subordonne sa décision … On ne l’admettait que pour des affaires de peu d’importance.

Signe Histoire Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements, Paris 1727) : Un arrêt du Parlement de Bordeaux du 20 juin 1528 ordonnait qu'un accusé, chargé par un seul témoin, se purgerait par serment sur les reliques de St Antoine. Cette forme n'est plus en usage.

Signe Jurisprudence Cass.com. 26 janvier 1981 (Gaz.Pal. 1981 I Panor.182 ) : Le juge ne peut déférer d’office le serment décisoire, dont la délation relève de la seule initiative des partie… sa prestation met fin au litige.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 décembre 1921 (Gaz.Pal. 1921 I 587) : Le serment litis-décisoire ne peut être déféré devant la juridiction répressive, qui exclut ce mode de preuve inconciliable avec l’exercice de l’action civile.

SERMENT SUPPLÉTOIRE

Cf. Serment*.

Le serment supplétoire est un serment déféré, à la partie qui lui paraît la plus digne de confiance, par un juge qui estime les preuves insuffisantes et souhaite posséder une indication complémentaire. Déjà peu employé en matière civile (art. 1366 C.civ.), ce mode de preuve n’est pas admis en matière pénale.

Signe Doctrine Tardif (La procédure civile et criminelle) : Le serment supplétoire est un serment que le juge déférait d’office pour compléter une preuve insuffisante.

Signe Jurisprudence Cass.com. 26 janvier 1981 (Gaz.Pal. 1981 I Panor.182 ) marque la faiblesse de cette preuve : A bon droit une Cour d’appel a décidé que le serment supplétoire ne constitue pas en lui-même une preuve suffisante de la prétention de la partie qui l’a prêté.

SÉRUM DE VÉRITÉ  -  Voir : Narco-analyse*.

SERVAGE

Cf. Dignité de la personne humaine*, Esclavage*, Liberté*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 51, p.51

Au Moyen-âge, un serf était le plus souvent une personne rattachée à une terre ; elle était privée de certains droits et était soumise à certaines obligations (on disait de certains serf qu'ils étaient taillables et corvéables à merci). Le servage est condamnable au même titre que l'esclavage.

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : À partir de la dissolution de l'empire de Charlemagne et de la séparation définitive de la France et de l'Allemagne en 887, ces deux peuples ont suivi de plus en plus une direction opposée dans leur mouvement politique, l'un vers l'unité de l'absolutisme royal, l'autre vers une fédération d'une multitude d'États particuliers, mais dans lesquels les pouvoirs sont aussi de plus en plus concentrés dans la main des aristocraties et des princes, de sorte que la grande masse de la nation, sans droits politiques, exploitée par des pouvoirs temporels et spirituels au moyen des divers droits seigneuriaux, des dîmes, des corvées, etc., fut partout opprimée et maintenue dans un servage spirituel et matériel.

Signe Philosophie Bautain (Manuel de philosophie morale) : C'est l'Évangile  qui a fait passer l'homme des temps modernes de l'esclavage au servage, du servage à la commune, de la commune à la liberté politique.

Signe Droit comparé Code pénal allemand de 1998. Art. 234 : Celui qui saisit un être humain par la force, par la menace d'un mal appréciable, ou par la ruse, afin de le placer dans l'état d'esclavage ou de servage...sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins.

Signe Exemple concret Taine (Les origines de la France contemporaine) : Louis XVI supprima le servage dans ses domaines en 1778.

Signe Exemple concret Brian-Chaninov (Histoire de la Russie) : En mars 1856, Alexandre le Libérateur proclamait levant la noblesse de Moscou : "Le régime de possession des âmes ne peut pas durer. Mieux vaut abolir le servage par en haut qu'attendre qu'il le soit par en bas".

Mais, dans les temps troublés qui ont suivi les grandes invasions, du fait de l'insécurité générale, il existait aussi des serfs personnellement liés à un haut personnage, laïc ou religieux, qui leur assurait nourriture et vêtement, en contrepartie d'un devoir de service et d'obéissance. Ce "contrat de servage" serait de nos jours entaché d'une nullité absolue, et pourrait même parfois donner lieu à poursuites pour abus d'une situation de faiblesse (art. 223-15-2 C.pén.).

Signe Histoire Olivier-Martin (Histoire du droit français) : Aux temps les plus durs du haut Moyen-âge, les paysans ont cherché avant tout la sécurité, au risque de sacrifier leur liberté.

Signe Exemple concret Riché (La vie quotidienne dans l'Empire carolingien) : C'est du VIIIe siècle que date ce contrat passé entre un homme qui n'a pas de quoi se nourrir et se vêtir, et un puissant : " Vous devez m'aider et me soutenir, pour la nourriture autant que pour le vêtement, dans le mesure où je pourrai vous servir et bien mériter de vous. Tant que je vivrai, je vous devrai le service et l'obéissance qu'on peut attendre d'un homme libre ; et tout le temps de ma vie, je n'aurai pas le pouvoir de me soustraire à votre puissance, mais je devrai au contraire rester tous les jours de ma vie sous votre puissance et protection ".

SERVITUDE  -  Voir : Esclavage*.

SEUIL DE PROTECTION PÉNALE

Cf. Voie de fait*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 131 p.107

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 47 et s., p.45 et s.

La loi pénale prend le relais de la loi civile, ou de la réglementation disciplinaire, lorsque les actes ou les atteintes envisagés revêtent une gravité telle que l’ordre public s’en trouve menacé. Le palier de ce passage varie principalement en fonction de l’importance de l’intérêt en cause : l’intégrité physique des personnes est protégée dès la plus légère lésion, alors que la loyauté dans les relations d’affaires n’est garantie que contre des manœuvres dolosives marquées.
On peut évoquer ici l'adage latin : De minimis non curat praetor.

Signe Droit comparé Code pénal de Bulgarie. Art. 93 9° : Il y a « fait mineur » lorsque, en raison du défaut ou de l'insignifiance du préjudice causé,... l'infraction commise se situe au plus bas niveau de danger social par rapport aux infraction de même nature.

SÉVICES

Cf. Animaux (Protection des)*, Coups et blessures*, Cruauté*, Brutalités*, Intégrité physique*, Personnes vulnérables*, Violences*, Voie de fait*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-111. p.269

Selon Littré "sévices" est un terme du palais qui désigne les mauvais traitements d'un époux envers l'autre, d'un père ou d'une mère envers ses enfants, d'un maître envers ceux qui lui sont confiés... On ajouterait aujourd'hui les actes de cruauté commis par une personne envers un animal domestique. Ce mot vient du latin "saevitia" signifiant violence, dureté, cruauté.
Sont considérés comme sévices, non seulement les coups et blessures au sens propre, mais également les privations d'aliments ou de soins, et à plus forte raison des comportement marqués par la brutalité ou la cruauté (voir p.ex. les art. 521-1 et s. C.pén. visant les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux).

Signe Philosophie Ahrens (Cours de droit naturel) : Peuvent justifier la dissolution du lien conjugal les actes qui portent atteinte à la personnalité physique ou morale d'un époux, par exemple les attentats contre la vie ou la santé, les sévices corporels.

Signe Philosophie Corre (Les criminels) : En 1887, la famille Norroy est condamnée aux travaux forcés, à Nancy, pour une série de sévices infligés à une petite nièce, âgée de quatre ans : on frappait l'enfant à propos des moindres choses ou sans motif, tantôt avec des baguettes, tantôt avec des orties; l'hiver on la plaçait nue sous un robinet de pompe...

Signe Doctrine Garofalo (La criminologie) parle justement des sévices sur une personne incapable de se défendre.

Signe Doctrine Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Aux agissements positifs qu'il réprime, l'art. 312 (ancien Code pénal) ajoute certaines attitudes négatives, les privations d'aliments ou de soins, du moins lorsqu'elles ont été assez graves compromettre la santé de l'enfant.

Signe Droit comparé Code pénal du Togo. Art. 61 : Lorsque les auteurs de la séquestration se seront livrés à des sévices sur la victime, les peines prévues aux articles 46 à 49 seront portées au double.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 22) : Pour déclarer justement le prévenu coupable de non-dénonciation de sévices infligés à un mineur de quinze ans, la cour d'appel énonce que le prévenu, directeur d'un collège, a omis de dénoncer aux autorités administratives ou judiciaires, dès qu'il les a connus, les attentats à la pudeur commis sur une élève âgée de quatorze ans.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 janvier 2004 (Gaz.Pal. 2004 J 3198) : L'art. 521-1 C.pén. réprime le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort d'un animal domestique.

SEXISME  -  Voir : Discrimination*.

SEXUALITÉ - Voir : Attentat à la pudeur*, Femmes*, Pudeur*, Viol*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 327 2°, p.184 (sur l'initiation, par leurs parents, de leurs enfants à mener une vie sexuelle conforme aux lois de la nature)

SICAIRE

Cf. Assassinat*, Spadassin*, Stipendier*, Tueur*.

On nomme « sicaire » un assassin stipendié. Ce terme vient du latin, sica : poignard à lame pointue et courbe qui servait à égorger un malheureux attaqué par derrière (son côté interne étant seul tranchant) . Le sicarius est celui qui tue lâchement avec une telle arme (l'italien  et l'espagnol connaissent encore le mot sicario). C’est en général un Tueur à gages*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-214 p.338

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 23, p.19 /  n° I-242 p.140 / n° I-319, p.173

Signe Renvoi article Voir : J.-P. Doucet, Le contrat d’assassinat.

Signe Histoire Digeste (L. XLVIII, T. VIII) - Lex Cornelia sur les sicaires et les empoisonneurs : Marcien : La loi Cornelia sur le sicaires et les empoisonneurs punit celui qui a tué un homme... sans faire aucune différence de la condition de l'homme qu'il a tué.

Signe Histoire Du Boys (Histoire du droit criminel de la France) : L'assassinat est le marché que fait un sicaire, pour de l'argent, de défaire quelqu'un de son ennemi : c'est encore plus vil et plus bas s'il est possible, que le brigandage lui-même. Il est puni des mêmes peines... Étant entendu que l'instigateur est puni comme l'exécuteur matériel du crime : sa lâcheté le place encore au-dessous de celui dont il arme la main.

Signe Philosophie Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Dans un assassinat, il y a un principal assassin ; sous lui il peut y avoir des sicaires qui portent les coups. Ceux-ci se rendent véritablement coupables du crime.

Signe Philosophie Tarde (La philosophie pénale) : On a retrouvé à Venise la note des sommes payées par le Conseil des Dix à un grand nombre de sicaires pour honoraires d’assassinats commandés.

Signe Doctrine Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : Dans une requête adressée à l’Empereur par les communes de Castiglione, Medole et Solferino, contre Ferdinand II Gonzague, il est prouvé que les sicaires du prince assassinaient de pauvres paysans, leur coupaient la tête et les exposaient dans une cage de fer sur les murs de Castiglione.

Signe Doctrine Garofalo (La criminologie) : Celui qui, pour venger sa famille d'un outrage sanglant, paye un sicaire afin d'en tuer l'auteur, est un criminel bien différent du sicaire assoldé qui exécute le meurtre.

Signe Exemple concret Exemple (Taine, Les origines de la France contemporaine) : À Avignon, le parti des brigands semble perdu ; car toute- la ville,. populace et bourgeoisie, est contre eux. - Mais, par la terreur, on peut suppléer au nombre, et, avec les 550 sicaires qui leur sont restés, les Jacobins extrêmes entreprennent de dompter une cité de 30.000 âmes. Mainvielle aîné, traînant deux canons, arrive avec une patrouille, tire à l'aventure dans l'église demi-évacuée, une centaine de personnes tuées dans les rues, sont lancées dans le canal de la Sorgues, le massacre de développe...

Signe Exemple concret Exemple (Encyclopédie Encarta). Les circonstances exactes du décès du Caravage, le 18 juillet 1610, sur la plage de Porto Ercole, au nord de Rome, restent obscures ; l’assassinat par des sicaires appointés par la famille Tomassoni n’est qu'une hypothèse.

SIDA  -  Voir : Administration de substances nuisibles*.

SIÈGE (d’un tribunal)

Cf. Tribunal*.

- Principe. Normalement un juge, et à plus forte raison un tribunal, doit rendre la justice dans son local de fonction habituel. Dans l’idéal il s’agit d’un bâtiment aménagé de façon à manifester la dignité de la fonction judiciaire.

Signe Droit comparé Code de droit canonique. Canon 1468 : Le siège de chaque tribunal sera autant que possible stable, et accessible à des heures déterminées.

Signe Histoire Denisart (Collection de jurisprudence) : Les juges ne peuvent rendre aucun jugement en leur hôtel ou maison, si ce n’est sur les référés qui demandent une grande diligence… Il n’est point permis aux juges de tenir audience et de rendre la justice dans les cabarets, sous le porche des Églises, ou dans les cimetières.

Signe Exemple concret Warée (Curiosités judiciaires) donne un exemple de ce qu’il ne faut pas faire : M. du Hellain quittait rarement son lit. On prétend même que, lorsqu’il exerçait les fonctions de juge de paix, sa chambre à coucher devenait salle d’audience, et il rendait ses arrêts la tête sur l’oreiller et le corps mollement étendu dans la position horizontale.

- Tempérament. Certaines juridictions peuvent tenir en outre des Audiences* foraines les rapprochant des justiciables. P.ex. : dans une ville de foire, le jour où celle-ci se tient ; dans l’enceinte d’une maison d’arrêt, pour éviter le déplacement des détenus.
De nos jours, on a pu voir des magistrats publics siéger sur le bord d’une route nationale les jours de grande affluence, pour prononcer éventuellement des suspensions de permis de conduire.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 mars 2005 (Bull.crim. n° 87 p.311) : Aucune disposition légale ni conventionnelle ne fait obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention ordonne la prolongation de la détention après un débat tenu à l’intérieur d’une maison d’arrêt.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale de Madagascar. Art. 205 : Lorsqu’un tribunal ou une section de tribunal siège en audience foraine, toute personne qui se prétend victime ou auteur d’un délit ou d’une contravention, ou civilement responsable de l’auteur, peut se présenter spontanément devant ladite juridiction sans avertissement ni citation préalable.

Signe Exemple concret Auboyer (La vie quotidienne dans l'Inde ancienne) : Dans l'Inde ancienne, la Haute Cour est sédentaire, mais elle se déplace à l'occasion, par exemple pour suivre les armées en campagne..

Signe Exemple concret Exemple. « Le Figaro » en décembre 1998 : Un juge Danois, lassé des absences répétées, pour raison de santé, d’une femme inculpée d’escroquerie, a installé son tribunal dans la maison de l’accusée. La Cour, -juge, procureur et avocat de l’accusée-, a donc siégé autour de la table de la salle à manger.

- Exception. Il arrive aussi qu’un tribunal se déplace exceptionnellement dans une ville autre que celle de son siège pour éviter des troubles sur la voie publique.

Signe Exemple concret Pour le procès de A.Barbès, L.Blanqui, F.Raspail et de l’ouvrier Albert, accusés d’un attentat contre le sûreté de l’État commis le 15 mai 1848, la Seconde République renvoya les accusés devant la Haute cour, mais fixa son siège à Bourges, loin de toute sympathie politique (7 mars 1849).

SIGNALEMENT

Cf. Bertillon*, Criminalistique*, Empreintes digitales*, Police scientifique*, Portrait-robot*, X (Poursuites contre )*.

Le signalement d'un suspect ou d'un prévenu consiste à fournir l'indication des différents éléments de l'aspect extérieur d'une personne permettant de l'identifier. Il est exigé dans certains actes de procédure pénale, notamment au cas où l'identité civile de l'intéressé n'a pas être établie. Depuis Bertillon, la police scientifique a fait de grands progrès.

Signe Législation Code de procédure pénale. Art. 128 :...L'original ou la copie du procès-verbal de la comparution contenant un signalement complet est transmis sans délai au magistrat, avec toutes les indications propres à faciliter la reconnaissance d'identité.

Signe Doctrine Corre (Les criminels) fournit un signalement, à usage scientifique, de Pranzani :L'auteur des crimes de la rue Montaigne, mars 1887 (assassinat de la fille Renaud, de la bonne et de l'enfant de cette dernière ; vol de bijoux et tentative d'effraction après le triple meurtre). Don des langues. avec intelligence moyenne, développement facial prédominant sur le développement cranien (cerveau pesant 1,280 gr ), sensualité et contentement de soi-même dans l'expression physionomique. Signalement anthropométrique : taille 1 mètre 19 ; envergure ou longueur des bras étendus 1 mètre 70 ; tète : longueur 192 mm., largeur 155 mm. ; longueur du pied 118 mm. ; longueur du doigt médius 109 mm. ; couleur des yeux : châtain verdâtre ; particularités : se ronge les ongles.

Signe Exemple concret Exemple. Le Figaro du 29 octobre 1902 souligna l'efficacité de l'anthropométrie, qui permit, pour la première fois, grâce aux empreintes digitales, l'identification et l'arrestation d'un assassin, un certain Scheffer. Le journaliste donnait la description de cet ancien cocher : corpulence ordinaire, visage large et rond, tient coloré, yeux bleus ardoise clair, paupières recouvertes, regard fuyant, cheveux blonds roux foncés, plats sur le devant, touffus et longs par derrière, moustaches blondes assez fortes, dents très belles et espacées, mains grosses ; la mise est soignée.

SIGNATURE

Cf. Abus de blanc-seing*, Actes juridiques*, Extorsion de fonds ou de signature*, Faux en écritures*, Paraphe*, Sceau*.

- Notion. La signature est une annotation écrite portée au bas d’un document ; donnée dans une forme originale mais constante, elle reproduit ordinairement mais pas nécessairement le nom de son auteur. Elle sert à marquer la volonté de son auteur, approuve les termes d’une lettre, entérine les clauses d’un accord, confirme un ordre donné.
On disait jadis « seing » ; forme qui permettait notamment à un haut personnage de tracer un dessin, toujours le même, pour manifester sa volonté quand il ne savait pas écrire.

Signe Doctrine Carbonnier (Droit civil) : La signature est à la fois un procédé d'identification et le signe qu'une volonté proprement juridique s'est manifestée.

- Procédure pénale. Un acte juridique qui ne comporte pas la signature de son auteur est nul, voire inexistant, et ne peut donc produire aucun effet.

Signe Doctrine Chambon (Le juge d’instruction) : Les mandats doivent contenir l’indication du nom et de la qualité du magistrat qui les a décernés, être signés et revêtus de son sceau. Le mandat non signé n’est pas un mandat.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 octobre 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm. 198) : Une ordonnance du juge d’instruction désignant des experts qui ne comporte pas la signature du magistrat qui l’aurait rendue étant inexistante, il s’ensuit que l’expertise pratiquée en exécution d’un tel acte est entachée de nullité.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 décembre 2006 (Bull.crim. n° 324 p.1199) : Est irrecevable un mémoire personnel sur lequel ne figure que la reproduction de la signature du demandeur.

- Droit pénal. Le fait d’obtenir par la contrainte ou la violence qu’une personne appose son seing sur un acte contre sa volonté constitue le délit d’extorsion de signature (art. 312-1 C.pén. français, 400 al.1 ancien).

Signe Doctrine Garraud (Traité de droit pénal) : Le crime d’extorsion de signature est une espèce de vol commis avec violence… Il diffère toutefois de la soustraction frauduleuse à deux points de vue caractéristiques : a) d’abord, dans une certaine mesure, par son objet : ce qui est extorqué par l’agent, c’est un titre juridique contenant obligation ou décharge… b) D’un autre côté, l’extorsion n’a pas lieu, contre le gré du propriétaire ; on peut dire qu’il a été obligé de vouloir mais qu’il a voulu. Entre le vol et l’extorsion, s’il y a une analogie, il n’y a pas une similitude de nature.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 janvier 1991 Gaz. Pal., Rec. 1991 II Chr.crim. 283) : L’élément intentionnel du délit prévu par l’art. 400 alinéa 1 C.pén. est caractérisé par la conscience d’obtenir par la force, la violence ou la contrainte ce qui n’aurait pu être obtenu par un accord librement consenti.

SIGNIFICATION

Cf. Citation*, Exploit*, Huissier de justice*, Notification*.

La signification est un exploit d’huissier qui porte un acte judiciaire à la connaissance d’une partie, notamment une citation devant le tribunal correctionnel.

Signe Doctrine Vincent et Guinchard (Procédure civile) : Le mot signification désigne une espèce particulière de notification, celle qui est effectuée par voie d’huissier.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 janvier 1984 (Bull.crim. n° 7 p.20) : L’art. 281 alinéa 3 C.pr.pén., aux termes duquel l’exploit de signification doit mentionner les nom, prénoms, profession et résidence des témoins ou experts, n’est pas prescrit à peine de nullité.

- On distingue deux types de signification : la signification à personne, par laquelle l’huissier remet le document à l’intéressé lui-même (art. 555 C.pr.pén.), et les significations subsidiaires.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La signification doit être faite par l’huissier instrumentaire ou par un clerc assermenté, autant que possible à la personne même que la citation concerne (on parle alors de signification à personne).

Signe Jurisprudence Cass. (2e civ.) 26 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 II panor. 258) : Aucune disposition légale n’impose à l’huissier de justice l’obligation de se présenter plusieurs fois au domicile de l’intéressé pour parvenir à une signification à personne.

- En droit français, si l’huissier de justice n’a pas trouvé l’intéressé chez lui, il peut procéder, soit à une signification à domicile (en remettant le document à un parent ou un allié), soit à une signification en mairie (en déposant l’acte à la mairie du lieu du domicile). Dans les deux cas il doit avertir l’intéressé de sa démarche par une lettre recommandée avec accusé de réception (art. 556 à 558 C.pr.pén.).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 6 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 74) : Si l’exploit d’huissier portant signification en mairie est daté du 8 novembre 1994, il ne résulte pas des mentions de l’acte que la formalité de l’envoi de la lettre recommandée ait été accomplie; en cet état, et alors qu’aucun récépissé d’envoi ou avis de réception de lettre recommandée ne figure au dossier, la signification ne peut être considérée comme parfaite et n’a pas fait courir le délai d’appel.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 septembre 2007 (Bull.crim. n° 218 p.930) : En cas de citation en mairie, l'inexactitude d'une mention portée dans la lettre d'avis de l'huissier et dans la copie de l'exploit entraîne la nullité de la citation lorsqu'elle est de nature à porter atteinte aux droits du prévenu.

- Enfin, dans le cas où il n’a pu parvenir à trouver le lieu où se tient l’intéressé, l’huissier de justice peut procéder à une signification à Parquet. C’est alors au ministère public qu’il appartiendra de rechercher la personne en cause (art. 559 C.pr.pén.).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 29 janvier 1980 (Bull.crim. n° 37 p.87) : Une signification ne peut être valablement délivrée à Parquet que si la personne à laquelle elle est destinée n’a pas en France de domicile ni de résidence connue.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 juillet 1977 (Bull.crim. n° 265 p.664) : Une signification au parquet est dépourvue d’effets lorsque le parquet possédait des indications précises quant à l’adresse où la prévenue était susceptible de résider.

SILENCE  -  Voir: Droit au silence*.

SIMONIE

Cf. Blasphème*, Sacrilège*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-235, p.525

La simonie est un ancien délit, dirigé contre la religion, consistant à trafiquer d’objets sacrés ou de charges ecclésiastiques.

Signe Philosophie Gousset (Théologie morale) : La simonie, ainsi appelée d’après Simon le Magicien qui voulait acheter des Apôtres le pouvoir de conférer les dons de l’Esprit-Saint, se définit : la volonté délibérée d’acheter ou de vendre à prix d’argent une chose spirituelle ou annexée au spirituel.

Signe Philosophie Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : L'église catholique a converti en péché la Simonie, c'est-à-dire, l'acte d'un homme qui achète ou qui vend un bénéfice à prix d'argent ; et ce péché, les lois l'ont converti en délit.

Signe Droit comparé Code de droit canonique. Can. 1380 : Qui célèbre ou reçoit un sacrement par simonie sera puni d’interdit ou de suspense.

Signe Histoire Jousse (Traité de la justice criminelle) : La simonie, considérée comme un crime sujet aux peines temporelles, est une convention illicite par laquelle on vend ou l’on achète quelque chose de spirituel, ou d’annexé au spirituel.

SIMULATION (SIMULATEUR)

Cf. Fraude*, Mensonge*.

Simuler consiste à présenter comme réel un acte, une situation ou un fait qui en réalité n'existe pas. Un tel mensonge relève de la notion de Fraude*.

Signe Doctrine Garofalo (La criminologie) : Peut-être considérera-t-on un jour comme criminelles toutes ces sortes de tromperies auxquelles on donne le nom de simulations, lorsqu’elles ne sont que des moyens d’obtenir un avantage indu aux dépens des autres.

Signe Droit comparé Code pénal d’Arménie. Art. 327 : Esquiver le service militaire peut être commis … par simulation d’une maladie.

Signe Jurisprudence Cass.com. 4 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Panor. cass. 245) : Une Cour d’appel a pu prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre des sociétés A, B et C, à raison de pratiques anticoncurrentielles, en l’état de ses constatations selon lesquelles les sociétés A, B et C s’étaient livrées à une simulation de concurrence en échangeant des informations préalablement au dépôt de leurs offres respectives et en présentant deux offres distinctes sans faire connaître les liens qui existaient entre elles, tout en manœuvrant pour que ces liens n’apparaissent pas.

On parle particulièrement de simulateur dans le cas du malfaiteur qui feint la folie pour tenter d’échapper à une condamnation pénale.

Signe Doctrine Joly (Le crime, étude sociale) : On cite un simulateur qui joua la folie pendant trois années. On le menait successivement de la Santé à Sainte-Anne et de Sainte-Anne à la Santé, parce qu'on ne pouvait se résoudre à prononcer un diagnostic définitif. Cet homme était très avare; il redoutait une condamnation qui, étant donné son cas, eût entraîné la confiscation de son petit magot.

SIMULATION DE LA NAISSANCE D’UN ENFANT

Cf. Enfant*, Filiation*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 413, p.257

L’art. 227-13 C.pén. français incrimine spécialement la simulation de naissance d’un enfant.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 janvier 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 1483) : La prévenue et son concubin ont ramené du Brésil en France, courant septembre 1993, un nouveau-né dont venait d’accoucher une Brésilienne; ils ont réussi, avec la complicité de deux médecins, à obtenir un faux certificat de naissance et à déclarer l’enfant, le 21 septembre 1993, à la mairie de Rosny-Sous-Bois, comme étant né de ces deux personnes. Les juges ont déclaré les prévenus coupables du délit de simulation prévu par l’art. 227-13 C.pén.

SINCÉRITÉ

Cf. Bonne foi*, Diffamation*, Faux*, Foi contractuelle*, Mensonge*, Parjure*, Serment*, Témoignage*, Vérité-Véracité*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-224, p.230

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-211, p.47 (note 3)

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-218, p.498

Signe Renvoi rubrique Voir : Jolivet, Deux devoirs envers la personne d’autrui : le devoir de respecter la vie et le devoir de respecter la vérité

- Notion. Alors que la Vérité* est l’expression exacte de la réalité objective, la sincérité consiste simplement en l’affirmation de ce que l’on croit en toute conscience être la vérité. La sincérité s'apparente à la franchise.

Signe Philosophie Lavelle (Traité des valeurs) : Le mot sincérité évoque à la fois l’idée d’intériorité et l’idée de pureté, l’intention d’atteindre la source même de son être… La sincérité est comme la vérité de l’individuel.

Signe Philosophie Bentham (Déontologie ou science de la  morale) : La sincérité a un sens plus étendu que la véracité. Ne pas mentionner un fait est un manque de sincérité, ce n'est pas un manque de véracité.

Signe Philosophie Montesquieu (De l'esprit des lois) : Vous trouverez dans les climats du nord des peuples qui ont peu de vices, assez de vertus, beaucoup de sincérité et de franchise.

Signe Philosophie Machiavel (Le prince) : Le prince doit prendre grand soin qu’à le voir et à l’entendre on le croie tout plein de douceur, de sincérité, d’humanité, d’honneur, et de religion.

- Règle morale. Les moralistes, qui condamnent le mensonge, nous demandent simplement de dire ce que nous pensons être la vérité. Ils enseignent qu'une erreur commise ne constitue pas une faute si elle est compréhensible.

Signe Philosophie Aristote (Éthique à Nicomaque) : La fausseté est une chose basse et répréhensible, et la sincérité une chose noble et digne d’éloge.

Signe Philosophie St Matthieu (Évangile) 5, 33 à 37 : Il a été dit aux anciens : tu ne feras pas de faux serments... Eh bien moi je vous dis de ne faire aucun serment : quand vous dites "oui", que ce soit un "oui" ; quand vous dites "non", que ce soit un "non".

Signe Philosophie Fordyce (Éléments de philosophie morale) : La Sincérité ou Véracité dans nos paroles et dans nos actions est une vertu essentielle à la société. Sans cette vertu, le soupçon, la défiance, la fraude, répandraient leur poison sur tout le cours de notre vie, et la conversation ne serait qu'un odieux trafic de dissimulation et de mensonges.

Signe Philosophie V.Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Le mensonge, en rompant l'alliance naturelle de l'homme avec la vérité, lui ôte ce qui fait sa dignité. Voilà pourquoi il n'est pas d'insulte plus grave qu'un démenti, et pourquoi les vertus les plus honorées sont la sincérité et la franchise.

Signe Philosophie Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Ceux qui, pour éluder l'obligation du serment, se servent de termes équivoques ou de restrictions mentales, trompent le prochain et se rendent coupables de parjure devant Dieu, qui ne peut être invoqué pour témoin que de la vérité et de la sincérité.

Signe Philosophie Pierre et Martin (Cours de morale) : La sincérité consiste à dire en toutes circonstances ce que nous croyons être vrai. Le mensonge, au contraire, consiste à déguiser la vérité avec l’intention de tromper.

Le devoir de sincérité est également méconnu en cas de restriction mentale, que ce soit lors d'une déposition sous serment, ou que ce soit dans la pratique du droit des affaires.

Signe Philosophie Héribert Jone (Précis de théologie morale) : On divise la restriction mentale en restriction au sens strict et restriction au sens large... La restriction au sens strict existe quand le véritable sens des paroles ne peut aucunement deviné d'après les circonstances extérieures ; par exemple, quand quelqu'un dit : "Je n'ai pas volé" et sous entend "je n'ai pas volé avec la main gauche, mais avec la main droite" ... La restriction au sens stricte est, comme le mensonge, toujours défendue... Jurer avec une restriction mentale proprement dite est un parjure .

Signe Philosophie Pontas (Dictionnaire des cas de conscience) : Lorsque vous avez prêté serment, ne vous êtes-vous pas servi de paroles équivoques ou de restriction mentale, au lieu de jurer selon l'intention de celui qui exigeait le serment ? Parjure.

Signe Philosophie Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : La restriction mentale est une proposition incomplète en elle-même, qui est complétée, dans l'esprit de celui qui parle, per une expression qu'il tient cachée. Quelques exemples nous donneront une idée de la restriction mentale. On demande si le maître du logis est à la maison ; on répond qu'il n'y est point, "pour vous recevoir", ajoute-t-on intérieurement. C'est là une restriction mentale. Un maître demande à son domestique s'il a quitté la maison pendant son absence. Non, répond celui-ci, en sous-entendant, "pendant l'absence qui a eu lieu il y a un mois". Voilà une restriction mentale.
La question des restrictions mentale a fait beaucoup de bruit parmi les docteurs. Les uns les ont condamnées absolument, les autres les ont justifiées dans tous les cas. Nous pensons que pour juger si une restriction mentale est permise ou défendue, il faut examiner s'il y a dans les circonstances, ou dans le discours, ou dans l'usage, quelque chose qui fasse comprendre qu'on ne veut pas s'expliquer sur la question qui est faite. Lorsque quelque chose indique qu'on ne veut pas faire connaître sa pensée, il n'y a pas de péché, à moins qu'on ne soit obligé de répondre
.

- Science criminelle. En principe celui qui dit ce qu’il croit être la vérité est à l’abri de tout reproche, dès lors du moins que son erreur n’est pas fautive. Ainsi, un témoin qui se trompe de bonne foi n’encourt aucune sanction.

Signe Doctrine Domat (Traité des lois) situe au plus haut niveau les règles qui commandent de rendre à chacun ce qui lui appartient, de ne faire tort à personne, de garder toujours la fidélité et la sincérité.

Signe Histoire Code d'instruction criminelle de 1808. Art. 342 :  La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus... elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense.

Signe Droit comparé Leclère (Codes du Cambodge) : Le témoin doit prononcer lui-même la formule suivante : « Moi, seigneur, je dirai la vérité avec sincérité et pureté de cœur ; si je ne dis pas la vérité, que j'encoure toutes les peines énumérées dans le livre sacré et que tous les malheurs m’accablent dès cette vie ».

- Droit positif. Le droit en vigueur en France va ordinairement en ce sens. Il limite toutefois l’expression de la vérité dans le domaine des propos de nature à porter atteinte à la réputation d’autrui (voir diffamation).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 6 juillet 1993 (Gaz.Pal. 1993 II somm. 455) : S’il est légitime d’informer le public sur le fonctionnement de la justice, le but ainsi poursuivi ne dispense pas des devoirs de prudence, de circonspection, d’objectivité et de sincérité dans l’expression de la pensée.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 28 mai 1991 (Gaz.Pal. 1992 I somm. 16) : L’immunité couvrant les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux est destinée à garantir aussi bien la liberté de la défense que la sincérité des auditions.

SINE DIE

Cf. Audience*.

Une audience est renvoyée sine die lorsque la date de sa reprise n’est pas précisée sur le champ. Cette décision est contraire au principe de droit criminel qui interdit l’interruption du cours de la justice.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 mai 1987 (Bull.crim. n° 210 p.567) : Dès lors que les juges ne sauraient, sans interrompre le cours de la justice, ordonner un sursis à statuer d'une durée indéterminée, encourt la cassation l'arrêt qui, sur les conclusions d'un prévenu tendant à faire déclarer la nullité de la procédure, a renvoyé l'affaire « sine die ».

Signe Droit comparé Projet de Code de procédure pénale du Cameroun (2006). Art. 343 : Le Tribunal ne peut renvoyer une affaire sine die sous peine de poursuites disciplinaires contre le magistrat, auteur du renvoi.

Suite de la lettre S