DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre M
(Douzième et dernière partie)
MOTEUR
Cf. Auteur (auteur principal)*, Auteur moral*, Meneur*.
Un peu vieilli, ce terme s'employait encore au XIXe siècle avec le sens d'Auteur (auteur principal)*. Il est de nos jours supplanté par le mot Meneur*.
Littré (Dictionnaire). Moteur : Celui ou celle qui produit le mouvement.
Digeste (L. LVIII - Paul, Sentences) : Les moteurs de séditions dans lesquels on soulève le peuple, selon la condition des personnes, sont suspendus à une fourche, ou exposés aux bêtes féroces, ou déportés dans une île.
Langlade (Code pénal de 1810) : Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement...
Carrara (Cours de droit criminel) : Celui qui a conçu l'idée et qui en a confié l'exécution à d'autres est l'auteur de l'idée, mais non pas l'auteur de l'offense à la loi. Le droit pénal verra en lui une cause de fait, lui donnera le nom de premier moteur du délit, et le poursuivra rigoureusement, et même, si on veut, aussi rigoureusement que celui qui l'a exécuté.
MOTIFS (des actes humains) - Voir : Mobiles*.
MOTIFS (motivation des jugements et arrêts)
Cf. Arrêt*, Attendu*, Condamnation*, Conjectures*, Cour d'assises*, Dispositif*, Jugement*, Opinion publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-321 p.487
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« Le jugement pénal » (3e
éd.)
- n° 9 p.10 (nécessité d'une motivation)
- n° I p.15 (plan du Livre I consacré aux motifs du jugement)
- n° I-I-I p.17 et s. (développement de ces motifs)
- n° I-III-II-1 (sur les motifs touchant à
l'individualisation de la peine)
- n° I-III-II-5 (sur le pouvoir discrétionnaire du tribunal
lors de l'individualisation de la sanction).
- Notion. Les « Motifs », qui précèdent le « Dispositif », sont la partie du jugement pénal dans laquelle le tribunal expose les points essentiels du dossier et les éléments du débat qui ont emporté sa conviction.
Joly (Procédure civile) : Les motifs énoncent les raisons de fait ou de droit sur lesquelles le tribunal appuie sa solution.
Vitu (Procédure pénale) : Le dispositif est la partie du jugement qui exprime la solution de l'affaire sur l'action publique et sur l'action civile. Les motifs justifient le dispositif.
- Science criminelle. L'exposé des motifs d'un jugement permet au juge de baliser son raisonnement, et aux parties de vérifier que leur cause a été soigneusement examinée. C'est pourquoi on considère que, en principe, tout jugement ou arrêt doit impérativement être motivé à la fois en droit et en fait.
Voir : Faustin Hélie, L’obligation de motiver les jugements
Ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539, art. 110 : Afin qu’il n’y ait aucune cause de doute sur le sens des arrêts, nous voulons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demande d’interprétation.
Code de procédure annamite des Lê. Chap. I, art. 31 : Les tribunaux doivent toujours citer et reproduire dans leurs jugements le texte original des lois et décrets en vertu desquels ils se sont prononcés.
Bluntschli (Droit public général) : Daprès un principe conforme à une justice raisonnée et adoptée par plusieurs constitutions modernes, la sentence doit être expressément motivée (Constitution bavaroise : « Toutes les juridictions sont tenues de motiver leur décision »). Le juge est ainsi forcé de se donner à lui-même, aux parties et au public, les raisons qui l’ont déterminé.
Code de droit canonique. Canon 1622 : Une sentence est entachée d'un vice irrémédiable de nullité si... elle ne contient pas les motifs ou raisons de la décision.
Code de procédure pénale allemand, § 34 (Motivation) : Les décisions qui peuvent être attaquées par une voie de recours ainsi que celles qui rejettent une demande doivent être motivées.
Cass. belge 5 mars 1973 (Pasicrisie 1973 I 620) : Si le jugement attaqué indique la disposition légale qui énonce les éléments constitutifs de l'infraction, il omet toutefois d'indiquer une disposition légale établissant une peine... Dès lors ce jugement n'est pas motivé en droit.
Code de procédure pénale de Bolivie. Art. 124 : Les jugements et autres décisions interlocutoires seront étayés. Ils exprimeront les motifs de faits sur lesquels reposent leurs décisions et la valeur accordée aux différents éléments de preuve.
Catherine II (Instructions pour un Code de lois). 120 - Les sentences doivent être aussi claires et aussi solidement motivées qu’il est possible, et être conçues en termes qui se rapportent expressément à ceux de la loi.
Sur certains points, d'une importance particulière, le législateur exige une motivation spéciale et approfondie tirée des particularités du cas d'espèce (p.ex. pour la mise en détention provisoire).
Cass.crim. 27 novembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 72) :Selon l'art. 132-19 C.pén., en matière correctionnelle la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine.
La motivation des arrêts de la Cour d'assises soulève un délicat problème : dès lors que l'on demande à la Cour et aux jurés de statuer selon leur intime conviction, comment pourront-ils motiver celle-ci ? La Cour EDH vient pourtant de le demander.
Cour EDH 13 janvier 2009 (Gaz.Pal. 14 mai 2009) : Il est important, dans un souci d'expliquer le verdict à l'accusé, mais aussi à l'opinion publique, au "peuple", au nom duquel la décision est rendue, de mettre en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé et d'indique les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions.
- Droit positif. Selon la législation française en vigueur, un Jugement* qui ne comporte pas de motifs est entaché de nullité (art. 485 C.pr.pén.).
Loi du 20 avril 1810, art. 7 : Les arrêts qui ne contiennent pas les motifs sont déclarés nuls.
Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle) : Non seulement tous les jugements doivent être motivés, mais ils doivent l'être sur chaque chef de la prévention, sur chaque chef des réquisitions ou conclusions des parties ; car c'est le devoir du juge, qui repousse un chef quelconque des demandes dont il est saisi, de donner les motifs de son rejet.
Boré (La cassation en matière pénale) : L’obligation pour le juge de motiver sa décision est un principe d’ordre public, qui gouverne la procédure pénale aussi bien la procédure civile. Comme le principe de l’égalité devant la loi, ce principe est une conquête de la Révolution sur l’organisation judiciaire de l’ancienne France ; dans l’ancien droit, aucune décision de justice n’était motivée.
Cass.crim. 17 juin 1981 (Bull.crim. n° 211, p. 569) : Le juge correctionnel ne peut prononcer une peine à raison d’un fait qualifié délit, qu’autant qu’il constate dans sa décision l’existence des circonstances exigées par la loi pour que ce fait soit punissable.
Cass.crim. 13 octobre 2004 (Bull.crim. n° 243 p.885) : L’exigence de motivation … est satisfaite lorsque le juge d’instruction rend une ordonnance conforme au réquisitoire motivé du procureur de la République et s’y réfère explicitement.
Cass.crim. 14 octobre 2009 (Gaz.Pal. 10 novembre 2009) : Satisfait aux exigences légales et conventionnelles invoquées un arrêt d'assises lorsque sont reprises dans l'arrêt de condamnation les réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés composant la Cour d'assises d'appel, statuant dans la continuité des débats, à vote secret et à la majorité qualifiée des deux tiers, ont donné aux questions sur la culpabilité, les unes, principales, posées conformément au dispositif de la décision de renvoi, les autres, subsidiaires, soumises à la discussion des parties et lorsqu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère public et contradictoire des débats.
Cass.crim. 13 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.130) : Tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision; l’insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence. La Cour d’appel n’ayant pas motivé la relaxe des prévenus du chef d’exercice sans déclaration du commerce de vins en gros, la cassation est encourue de ce chef.
MOUCHARD
Cf. Affidé*, Délation*, Dénonciation*, Indicateur*, Mouton*, Pièges et artifices policiers*, Preuve (recherche des)*.
Le mouchard est un espion de la police infiltré dans le milieu de la délinquance, et éventuellement introduit dans un groupe formant une association de malfaiteurs. Sa fonction est ancienne, mais actuellement plutôt dépréciée.
Lois de Manou : Par le moyen d’espions adroits, ayant été voleurs, qui s’associent avec les voleurs, les accompagnent et sont bien au fait de leurs différentes pratiques, qu’il les découvre et les fasse sortir de leurs retraites.
Joly (Le crime, étude sociale) : Appert a entendu un condamné lui dire fièrement : « Monsieur, je suis un voleur, mais je ne suis pas un mouchard ! ».
Lombroso (L’anthropologie criminelle) : La balafre en forme de croix, marque infamante, est pour les faux frères, les affiliés de la police, les suspects, et en général pour les mouchards.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) parle du lépreux moral appelé par la foule un espion, par le peuple un mouchard, par l’administration un agent ?
Vidocq (Les voleurs) : Les mouchards te prendront en flagrant délit pour un deuxième jugement.
MOUTON
Cf. Affidé*, Délation*, Dénonciation*, Indicateur*, Mouchard*, Pièges et artifices policiers*, Preuve (recherche des)*.
Le mouton est un compagnon de cellule donné à un détenu dans le but de capter sa confiance, de le pousser aux confidences, puis de rapporter à la justice ce qu’il est parvenu à apprendre.
Proal (La criminalité politique) : La police politique a inventé les agents provocateurs. Pour alimenter le tribunal révolutionnaire, Robespierre avait institué les "moutons" dans les prisons de Paris.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : En argot de prison, le mouton est un mouchard, qui paraît être sous le poids d'une méchante affaire, et dont l’habileté proverbiale consiste à se faire prendre pour un ami.
Lenotre (Le Tribunal révolutionnaire) rapporte une séance du procès Hébert (le fameux Père Duchesne) : Dix-neuf accusés étaient à ses côtés, parmi lesquels un étudiant en médecine de quarante et un ans, JB Laboureau que nul ne connaissait… Quand le jury rentra en séance, il apportait une réponse positive sur toutes les questions, sauf sur celle qui concernait Laboureau. On le fit rentrer isolément ; le gendarme qui l’escortait, en entendant proclamer son acquittement, se jeta dans ses bras. Le président, les juges, les jurés lui donnèrent avec émotion l’accolade fraternelle. Dumas, le président, le fit placer à côté de lui sur l’estrade, et s’écria : La Justice voit avec plaisir l’Innocence s’asseoir à ses côtés. Cette scène édifiante se transforma en une honteuse mascarade lorsque l’on apprit, par les papiers trouvés chez Robespierre, que Laboureau était un agent de ce dernier, chargé d’espionner les accusés dans leur cellule.
Césaire (L’affaire Petiot) : Dans toutes les polices du monde, les grands classiques donnent des résultats : c’est donc tout naturellement, mais sans s’en parler, que le directeur du bureau de la Gestapo de la rue des Saussaies et son homologue de la rue de la Pompe vont introduire chacun un « mouton » dans l’entourage du « docteur Eugène » (Petiot). Le premier perdra la vie dans cette mission qui lui a été imposée.
MOUVEMENT INSURRECTIONNEL - Voir : Insurrection*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 6, p.9 / n° 20, p.22 / n°28, p.27
MOYEN DILATOIRE
Cf. Durée de la procédure*, Forclusion*, Note en délibéré*, Nullités de procédure*.
- Notion. Un procédé de défense est dit « dilatoire » lorsqu’il ne peut en aucune manière contribuer à la manifestation de la vérité, mais qu’il tend seulement à entraver et à ralentir la procédure.
Dupin (Règles de droit et de morale) :Souvent un accusé gagne plus à attendre qu’à presser son jugement. Les moyens dilatoires doivent surtout être employés lorsqu’il y a un grand nombre d’accusés pour le même fait ; et surtout dans les procès politiques en temps de révolutions. « En pareil cas, disait Ayraut, en usent bien sagement ceux qui laissent faire l’entrée aux autres, et se présentent en seconde ligne pour se justifier, parce que les dernières accusations sont toujours plus douces et plus mollement poursuivies ».
- Caractère. Il s’agit le plus souvent d’un abus du droit de défense dont jamais un avocat digne de ce nom ne
devrait se rendre complice, dès lors qu’il plaide devant un tribunal répressif chargé d’assurer la protection de la société et la réparation du préjudice
subi par la victime.
Les régimes totalitaires tirent argument de cet abus pour restreindre les droits de la défense.
L’ordonnance de Montils-les-Tours de 1453 les dénonçait : Et pour ce que par les subtilités et inventions des avocats, par la longueur de leurs plaidoiries, suites, délais et prolixité de leurs écritures, les causes des parties sont moult retardées en expéditions. Ordonnons qu’il soit enjoint, par serment, aux-dits avocats qu’ils soient brefs…
Desjardins (Les États généraux), les États de 1357 suggéraient ce texte : La partie assignée qui demande un délai pour comparaître est tenue d’affirmer sous serment l’excuse qu’elle propose
Convention, séance du 23 thermidor an I. Duhem prend motif des moyens dilatoires pour demander un nouveau Tribunal révolutionnaire : Qu’avez-vous besoin d’un Code volumineux qui fournira des armes à la chicane et assurera des moyens d’impunité aux coupables ?
Code d'instruction criminelle de 1808. Art. 270 : Le président devra rejeter tout ce qui tendrait à prolonger les débats sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats.
Une Charte déontologique signée entre l’Ordre des avocats de Paris et le Tribunal de commerce de Paris le 10 novembre 1994 énonce : Les avocats facilitent l’exercice du contradictoire par la clarté et la loyauté de leur documentation, afin que la nécessité de travailler dans l’urgence ne soit pas affectée par un glissement du contradictoire vers le dilatoire.
Cass.crim. 5 juin 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 33) : Les juges du fond ont pu rejeter une demande d’expertise psychiatrique qui leur apparaissait purement dilatoire.
Cass.crim. 5 juin 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 186) : Si tout accusé a droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense, il ne saurait tirer argument d’une situation qu’il a délibérément provoquée pour prétendre que ce droit lui a été refusé et tenter de la sorte d’entraver le cours de la justice.
MOYENS DE DÉFENSE - Voir : Causes de non-imputabilité*, Circonstances atténuantes*, Excuses absolutoires*, Excuses atténuantes*, Faits justificatifs*, Immunité diplomatique*, Immunité familiale*, Immunité judiciaire*, Parlementaires*.
MULCTER
Cf. Amende*, Peine*, Sanction*.
En ancien français, mulcter signifiait infliger une amende (et plus généralement une peine). Ce terme vient du latin mulcta : amende. Dans son dictionnaire, Gaffiot précisait qu'il valait mieux dire multa ; c'est bien cette forme qui s'est perpétuée en italien, en espagnol et en portugais, toujours dans le même sens.
Littré (Dictionnaire). Mulcter - Terme de jurisprudence. Condamner à quelque peine.
Du Boys (Histoire criminelle des peuples anciens) : Cicéron dit souvent poena mulcta.
Jubainville (Études de droit celtique) : La confiscation du tiers des biens était une amende, mulcta.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) v° Papisme : Les papistes réfractaires, convaincus en justice de ne point assister au service de la religion anglicane, outre les peines ci-dessus mentionnées, sont encore mulctés par celles qui suivent. Ils sont frappés d'incapacité pour tout office ou emploi public ; ils ne peuvent avoir des armes dans leurs maisons ; ils ne peuvent s'approcher à dix milles de Londres, sous peine de 100 livres d'amende, ni s'éloigner de leur domicile au-delà de cinq milles, sans une permission, ni venir à la cour, sous peine de confiscation de leurs biens.
MULTI-RÉCIDIVE (Multirécidiviste)
Cf. Cheval de retour*, Criminel-né*, Délinquant - Délinquant d'habitude*, Habitude*, Récidive*, Réitération*, Relégation*, Repris de justice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-339, p.506
- Notion. La multi-récidive est le fait par un malfaiteur, condamné une première fois en tant que délinquant primaire, puis condamné une seconde fois en tant que récidiviste, de persister à enfreindre la loi pénale.
Cass.crim. 15 janvier 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 104) : Pour prescrire par commission rogatoire l’écoute des lignes téléphoniques, professionnelle et personnelles, de Me X, avocat chargé de la défense de O..., et désigné, pendant le cours de son exécution, par H..., le juge énonce que Me X a participé au mois de novembre 1993, dans un restaurant de Juan-les-Pins, à un déjeuner réunissant, avec H..., plusieurs fournisseurs habituels de voitures volées, parmi lesquels deux multirécidivistes qui envisageaient l’achat d’un terrain ; ils ajoutent que l’une des personnes mises en examen a été trouvée en possession d’une carte de visite de cet avocat.
Exemple extrême (Ouest-France 14 décembre 2018), sur l'attentat commis le mardi 11 décembre 2018 par un islamiste sur le Marché de Noël de Strasbourg, qui fit quatre morts, quatre blessés graves et huit blessés légers : Cherif Chekatt,né à Strasbourg en 1989, il a grandi dans la cité du Hohberg dans le quartier populaire du Keonigshoffen. « Dès l'âge de 10 ans, il avait un comportement qui relevait déjà du pénal. Il a eu ses premières condamnations à 13 ans. Il a fait l'objet de 67 inscriptions pour diverses interventions et comportements qui systématiquement étaient marqués par la violence » a précisé le ministre de l'Intérieur. « Il était un voyou à 100% . Il a commencé par des vols et des bagarres ». Actif en France, Allemagne et Suisse, Cherif Chekatt a déjà été condamné 27 fois dans les trois pays. Des condamnations assorties de nombreuses peines de prison... En 2008, une affiche de Ben Laden est trouvée dans sa cellule. Il était fiché S, pour sûreté de l'État, par les services antiterroristes, après son dernier passage dans une prison française de 2013 à 2015. Au cours de cette incarcération, il avait attiré l'attention des services de renseignements pour la radicalisation de sa pratique et de son prosélytisme. Il était suivi pour cela depuis sa sortie de prison.
- Règle morale. Si les moralistes penchent pour la clémence au profit des délinquants accidentels, ils conseillent en revanche la sévérité à l'égard de ceux qui se mettent délibérément en marge de la société, et constituent une menace pour la paix publique.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Lorsque le coupable est incorrigible, et l'exemple contagieux, une charité plus grande et plus juste demande nécessairement qu'on punisse ; et c'est une cruauté que de pardonner à un criminel dont l'impunité tourne au préjudice et à la ruine d'un grand nombre d'innocents.
Proal (Le crime et la peine) : La force publique arrête souvent de vieux récidivistes, qui voyagent avec des jeunes gens qu'ils ont dépravés... Les coupables éprouvent un méchant plaisir à se faire des complices.
- Science criminelle. Pour ceux qui placent la défense de la société et des citoyens au premier rang des intérêts
protégés, dès lors qu'un malfaiteur a clairement manifesté son caractère asocial il doit être définitivement exclu de la société.
Depuis quelques décennies, seule la clémence est préconisée par
les pouvoirs législatif, judiciaire et médiatique au bénéfice
des malfaiteurs ; les dirigeants de l'État n'édictent aucune
mesure sérieuse pour assurer la protection des honnêtes gens,
d'une part, et la Nation, d'autre part ; comme le montre
surabondamment l'exemple ci-dessus.
Levasseur (Droit pénal général complémentaire) : La question de la multirécidive pose un problème criminologique particulier : les multirécidivistes sont des individus dont les rechutes dont particulièrement fréquentes. Mais le nombre des condamnations n'est pas fatalement la preuve que l'individu est un multirécidiviste au sens où l'entendent les criminologues et les criminalistes actuels. On peut se trouver en présence d'un multi-occasionnel, c'est-à-dire d'un individu qui est un délinquant d'occasion, mais pour qui un certain nombre d'occasion ont amené l'inscription à son casier judiciaire de diverses condamnations.
Lois de Manou : Que le roi fasse couper deux doigts à un coupeur de bourses pour le premier vol ; pour récidive un pied et une main ; pour la troisième fois qu’il le condamne à mort.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : De simple délit, la récidive pouvait faire du vol léger un crime capital. La peine dans le droit anglo-normand était ainsi graduée : pour le premier vol léger le coupable perdait une oreille, à la première récidive il perdait la seconde, à la deuxième récidive "n'ayant plus d'oreille à perdre" il était envoyé à la potence.
Code criminel de Yougoslavie (1977). Art. 46. En présence d'un acte criminel commis avec préméditation, pour lequel la loi prévoit une peine d'emprisonnement, le tribunal peut infliger une peine plus sévère que celle prévue par la loi dans les cas suivants... Si le coupable a été précédemment condamné à l'emprisonnement pour une durée de plus d'un an, au moins deux fois auparavant, et s'il continue à montrer une tendance à persister dans la commission d'actes délictueux.
- Droit positif français. Le Code pénal de 1793 n'avait pas envisagé le cas des récidives graves. Une loi du 10 août 2007 l'a amendé, afin de fixer une peine plancher en cas de seconde récidive de crime (ou de délit : art. 132-19-1).
Art. 132 -18-1 : Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine... ne peut être inférieure aux seuils suivants... Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.
Exemple (Ouest-France 3 octobre 2008) : Le multirécidiviste B... a été condamné, jeudi, à la perpétuité incompressible, la peine la plus sévère du Code pénal. Il était jugé en appel devant la Cour d'assises du Haut-Rhin, à Colmar, pour trois meurtres, dont deux assortis de viol, commis en 2004.
MUTILATION
Cf. Castration*, Corps de l’homme*, Coups et blessures*, Délit militaire*, Intégrité corporelle*, Méhaing*, Peine -peine corporelle*, Santé*.
- Notion générale. La mutilation consiste dans le fait d’amputer une personne de l’un de ses membres ou de l’un de ses organes. Une telle atteinte à l’intégrité corporelle de la personne est en principe condamnée par les textes consacrés à la protection des droits de l’homme et sanctionnée par la loi interne. Il n'en va autrement que si la santé du patient en dépend.
A.Bailly (Byzance) : L’Impératrice Irène fit crever les yeux de son fils Constantin, héritier du trône, et le laissa traîner, dans les ténèbres, une vie misérable et solitaire. Quant à elle, elle régnait.
- L’automutilation. Quoique condamnée par la règle morale, l’automutilation n’est ordinairement pas punie par le droit français. Elle l’est toutefois lorsqu’elle est commise pour échapper à un devoir social, notamment à une obligation militaire (art. L.321-22 du Code de la défense, ancien art. 418 du Code de justice militaire).
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-103, p.72
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-122, p.82
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Jacques Leclercq (Leçons de droit naturel, T.IV-1) : Le devoir de respecter l'intégrité du corps humain et de ne pas nuire à la santé est une dernière conséquence du respect de la vie. On n'a pas le droit de se mutiler, à moins d'un motif d'une importance morale proportionnée à la gravité de la mutilation.
Bruguès (Dictionnaire de la morale catholique) : Celui qui, par une mutilation volontaire, se rend inapte temporairement ou définitivement au travail ou à un service social, tel que le service militaire... lèse la justice et la charité.
Hugueney (Droit pénal militaire) : Lorsque les blessures faites par l’individu sur lui-même ont pour objet de le soustraire à ses obligations militaires, le dommage causé n’atteint pas simplement l’individu qui attente à son intégrité corporelle, il atteint aussi la société qui, par suite, se trouve privée d’un défenseur.
Code pénal de Moldavie. Art. 353 : Celui qui se sera soustrait à l'accomplissement du service militaire actif... sera puni d'un emprisonnement maximum de 2 à 5 ans s'il a eu recours à l'automutilation.
Cass.crim. 19 décembre 1990 (Gaz.Pal. 1992 I 108, note Doucet) : Déclare à bon droit le prévenu coupable du délit de mutilation volontaire, le Tribunal qui constate que, militaire au moment des faits, il s'est, en avalant le contenu d'une boîte de médicaments et en se blessant à la main, rendu volontairement impropre au service, même de manière temporaire, dans le but de se soustraire à ses obligations militaires.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) :
Cas XVI : Genest peut-il mutiler son fils, qui y consent, pour lui procurer une belle voix ?
Réponse : On ne peut ni se faire une pareille mutilation ni y consentir, à moins qu’elle ne soit absolument nécessaire pour la conservation de
tout le corps, comme elle serait si un membre était gangrené, et par là capable de communiquer sa corruption à tous les autres.
- La mutilation d’autrui. Le fait que des violences aient emporté, non un traumatisme guérissable mais une mutilation permanente, constitue une circonstance aggravante du délit de coups et blessures volontaires (art. 222-9 C.pén.).
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-242, p.140
St Thomas d'Aquin (Somme théologique II-II q.65 a1) : Puisque chaque membre est une partie de tout le corps humain, il existe pour le tout, comme l’imparfait existe pour le parfait. On devra donc traiter un membre selon ce que demande le bien de tout le corps... Une personne privée ne peut pratiquer telle ablation, même avec le consentement du patient ; ce serait commettre une injustice envers la société, à laquelle l’homme appartient avec tous ses membres.
Levasseur (Encyclopédie Dalloz, v° Coups et blessures) : L’ablation d’un organe constitue une mutilation ; tel est le cas par exemple de l’ablation de la rate, qui entraîne au surplus une infirmité permanente.
Loi Salique. T. XXXI, art. 1 : Quiconque aura coupé à un autre homme la main ou le pied, lui aura fait perdre un œil, ou lui aura coupé l’oreille on le nez, sera condamné à payer 4.000 deniers, ou 100 sous d’or.
Cass.crim. 20 août 1983 (Bull.crim. n° 229 p.582) : L’ablation du clitoris d’une enfant, résultant de violences volontaires, constitue une mutilation.
Exemple (Ouest-France 9 mai 2008) : Seize personnes qui cueillaient des noix de cajou, mercredi, en Casamance (sud du Sénégal), ont été mutilées par des inconnus qui leur reprochaient de fréquenter une zone sous leur contrôle. Les agresseurs ont tranché le lobe de l'oreille gauche de leurs victimes.
- La peine consistant en une mutilation. La peine de la mutilation (ou abcision) consiste à priver le condamné de l'un de ses membres : main, pied, oreille (essoriller), œil (énucléer)... Elle entre dans la catégorie des peines corporelles. Ce type de sanction est de nos jours prohibé dans les pays occidentaux.
Cf. Essoriller*, Marque*, Peine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-214, p.428
- Notion. La mutilation est une peine qui consiste dans le fait d’amputer une personne de l’un de ses membres. Elle est en principe prononcée en vertu de la loi ou des usages, par décision judiciaire.
Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : L'abcision est l'action par laquelle, en exécution d'un jugement, le bourreau coupe un membre à un condamné.
- Science criminelle. Cette sanction fut autrefois très fréquente, d'autant qu'elle découlait pour partie de la loi du talion. Elle est de nos jours condamnée par les Conventions relatives aux droits de l'homme.
Code d’Hammourabi : Si un enfant a frappé son père, on lui coupera les mains.
Loi Gombette. T. VI, art. 11 : Lorsqu’un ingénu aura sciemment donné à un esclave fugitif des certificats propres à favoriser son évasion, il sera condamné à avoir la main coupée.
Charlemagne (Capitulaire de Herstal) : Si quelqu’un s’est parjuré, qu’il ne lui soit pas permis de se racheter, mais qu’il perde la main.
Lafond (Voyages autour du monde, 1844) : Les peines les plus usitées au Maroc sont l'amende et la mutilation... la mutilation, parce qu'elle remplace, pour ainsi dire, l'emprisonnement.
Ortolan (Droit pénal) : Les mutilations, comme les autres peines frappant le coupable dans son corps, ne sont pas admissibles dans un système répressif rationnel. Immorales par les sentiments de cruauté, d’abjection, d’abrutissement qu’elles propagent ; diamétralement opposées au but de la correction morale, soit en désespérant l’homme, soit en le stigmatisant d’une trace indélébile, soit en amoindrissant les instruments d’activité que Dieu lui a départis, et par suite les moyens mêmes du travail ; irrévocable quelque erreur qui ait été commise : un seul de ces vices suffirait pour les faire exclure absolument.
La peine de la mutilation est en vigueur dans certains pays musulmans.
Code pénal du Nigeria (État du Zamfara, Shari'ah, janvier 2000) : Art. 145. Sanction du vol. Celui qui commet un vol... sera puni de l'amputation de la main droite à partir de la jointure du poignet ; s'il est condamné pour un deuxième vol, il sera puni de l'amputation du pied gauche ; s'il est condamné pour un troisième vol, il sera puni de l'amputation de la main gauche à partir de la jointure du poignet ; s'il est condamné pour un quatrième vol, il sera puni de l'amputation du pied droit ; s'il est condamné pour un cinquième vol ou plus, il sera emprisonné pour une durée n'excédant pas un an.
Monestier (Faits-divers) : Un Algérien participant au pèlerinage de La Mecque en mars 2000 n’est pas retourné entier dans son pays. Selon le « Quotidien d’Oran » il a profité de la présence des fidèles à la Mosquée pour cambrioler une bijouterie. L’égaré a été trahi par le système de vidéosurveillance. Jugé et condamné, il a été amputé d’une main dans une stricte application des préceptes de la Charia.
- Droit positif. Avec toutes les peines corporelles, au sens strict, la peine de la mutilation fut supprimée en France par la loi du 28 avril 1832, la première à modifier l'esprit répressif du texte de 1810.
Desportes et Le Gunehec (Le nouveau droit pénal) : La très importante loi du 28 avril 1832 a aboli les peines corporelles (carcan, marque, mutilation du poing).
MUTINERIE (Mutin)
Cf. Délit disciplinaire*, Insurrection*, Manifestation*, Marine marchande*, Piraterie*, Rébellion*, Révolte*, Sédition*.
- Notion. Une mutinerie est une forme de Rébellion* contre l’autorité, qui se déclenche dans un petit groupe de personnes, après une lente accumulation de frustrations et de rancœurs, à la suite d’un incident parfois mineur.
Josse de Damhoudère (Causes criminelles) : Quand la ville entière se mutine, lesquels seront à punir ?
Lombroso (L’homme criminel : Un détenu a vécu tranquillement pendant plusieurs années consécutives, sa conduite était exemplaire quand, tout à coup, au grand étonnement de ses chefs, cet homme ne mutine…
L’une des mutinerie les plus connues est celle qui toucha, en 1789, le vaisseau anglais la « Bounty » : les hommes se révoltèrent à la suite du manque de nourriture et de l'excessive sévérité du capitaine.
Mutinerie du Cuirassé Potemkine en 1905 (Encyclopédie Microsoft ® Encarta ) : Le 14 juin, une dispute éclata à bord du Potemkine à propos de la qualité de la viande servie à bord. Les marins qui protestaient furent, à leur grande surprise, menacés de mort par leurs officiers et le capitaine. Cette réaction provoqua la mutinerie prévue ; sept officiers y furent tués. Ayant pris le contrôle du Potemkine, les révolutionnaires mirent le cap sur Odessa, déjà secouée par des troubles. Dans la nuit du 15 juin, la ville brûla et environ 1 200 personnes périrent.
- Science criminelle. Dès lors qu’une mutinerie éclate dans un milieu fermé tel qu’un navire, un régiment, une prison, son incrimination spécifique relève en principe de la police disciplinaire ; mais elle entraîne souvent des sanctions particulièrement lourdes. Au surplus, les infractions graves commises au cours d’une mutinerie tombent sous le coup des incriminations de droit commun.
Jousse (Traité de la justice militaire) : Tous cavaliers ou dragons qui exciteront à quelque sédition, révolte ou mutinerie, ou qui feront aucune assemblée illicite, pour quelque cause que ce soit, doivent être pendus.
Code pénal d'Andorre. Art. 113 : La personne arrêtée, détenue ou condamnée qui se sera évadée... en participant directement ou indirectement à une mutinerie sera condamnée à un emprisonnement de cinq ans.
Code pénal des Philippines. Art. 122 : La peine de la réclusion à temps sera infligée en cas de mutinerie en haute mer.
Code criminel du Canada. Art. 53 : Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque... tente d'inciter ou d'induire un membre des Forces canadiennes à commettre un acte de trahison ou de mutinerie.
Maine (Études sur l’histoire du droit) : En 1782, trois régiments indigènes du Bengale se mutinèrent devant la perspective d'un embarquement sur un navire, « l’eau noire » (la mer) leur inspirant une terreur invincible.
- Droit positif français. De nos jours, la mutinerie est incriminée sous les noms d'insubordination, de refus d'obéissance ou de révolte (voir p.ex. les art. 442 et s. du Code de justice militaire, et les art. 60 et 61 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande). On parle sutout de mutinerie dans les prisons.
Trib. admin. Clermont-Ferrand 9 novembre 1995 (Gaz.Pal. 1999 II Panor.adm. 158) : A la suite d’une mutinerie qui a eu lieu au centre pénitentiaire de Moulins, et à laquelle il n’a pas participé, un détenu de ce centre a été transféré à la maison d’arrêt de Saint-Étienne…
Schmelck (Rev.sc.crim. 1972, 136), rapport concernant la mutinerie de la prison centrale de Toul.
Exemple (Ouest-France 13 avril 2012) : Les quatre détenus qui avaient fomenté une mutinerie, mardi soir, au centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet, près de Rennes ont été jugés hier. Les hommes considérés comme les meneurs ont été condamnés à cinq ans de prison ferme, les deux autres à un et deux ans.
MYRIAMÈTRE
Le myriamètre est une mesure de distances adoptée sous la Révolution, mais rapidement abandonnée, qui valait 10.000 mètres ; elle correspondait à trois lieues de poste. Liée aux délais de communications de l’époque, elle a été utilisée dans le Code d’instruction criminelle pour fixer certains délais de procédure ; elle subsiste dans certains codes étrangers.
Le Poittevin (Dictionnaire des parquets) : Il doit y avoir un délai d’au moins trois jours, outre un jour par myriamètre, entre la citation et l’audience.
Code pénal belge. Art. 120 ter : Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende... : 1° Quiconque, sans autorisation de l'autorité militaire, maritime ou aéronautique, aura exécuté par un procédé quelconque des levés ou opérations de topographie dans un rayon d'un myriamètre... autour d'une place forte, d'un ouvrage de défense...