DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Première partie)
IDENTIFICATION - Voir : Masque*.
IDENTITÉ JUDICIAIRE
Cf. Bertillon*, Criminalistique*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Examen corporel*, Locard*, Police judiciaire*, Police scientifique*, Vérification de l'identité du prévenu*, Vérification d'identité (d'un passant)*.
Sous l’impulsion d’A. Bertillon et du Dr Locard, la police judiciaire a d’elle-même progressivement mis sur pied un service de police scientifique. Ce service a été officialisé par une loi du 27 novembre 1943, qui l’a chargé d’affiner et d’utiliser les méthodes scientifiques propres à l’identification des délinquants. L’art. D.7 C.pr.pén. précise que ce sont les services de la police technique et scientifique qui sont chargés de la conservation et de l’exploitation des traces et indices découverts sur les lieux d’une infraction.
Decocq, Montreuil et Buisson (Droit de la police) : La Direction générale de la police nationale comprend : 1° un organisme central : le service central photographique et d’identité de la police nationale- 2° des organismes régionaux : les services régionaux d’identité judiciaire – 3° des organismes locaux : les services d’identité judiciaire des polices des villes d’une certaine importance – 4° des services interrégionaux : les laboratoires de police scientifique.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Procédure pénale) : Les opérations de vérification d'identité peuvent donner lieu à prise d'empreintes digitales ou de photographies lorsque la personne interpellée maintien son refus de justifier son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts.
Code de procédure pénale allemand, § 81b (Photographies et empreintes digitales) : Lorsque la procédure pénale ou le service de l’identité judiciaire l’exige, il est possible de prendre des photographies et de relever les empreintes digitales de l’inculpé, y compris contre sa volonté, et de prendre ses mensurations ou autres mesures analogues.
Code de procédure pénale de Tunisie. Art. 71 : L'inculpé est soumis à l'examen du service de l'identité judiciaire en vue de faire vérifier son identité et rechercher ses antécédents.
IDÉOLOGIE
Cf. Constitution*, Contrat social*, Despotisme*, Dictature*, Doctrine*, Doctrines criminelles*, Fanatisme*, Langue (française) - Langue nationale, arme politicienne*, Oligarchie*, Philosophie du droit*, Philosophie morale*, République*, Révolution*, Science criminelle*, Sources du droit*, Techniques juridiques*, Théocratie*, Tyrannie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°103 1°, p.58
- Notion. Une idéologie est une doctrine qui repose sur une simple construction de l'esprit, qui ignore les réalités à la fois humaines et sociales, et qui ne tient pas compte des expériences tentées dans le passé. De manière générale, quand ses auteurs s'efforcent de la mettre en pratique, elle aboutit à un échec gravement dommageable tant pour les êtres humains pris individuellement que pour la collectivité prise dans son ensemble. Du point de vue du droit pénal, elle apparaît plus dangereuse encore, car elle conduit ses adeptes à ignorer certaines incriminations nécessaires à la survie de la société, et à édicter des sanctions hors de proportion avec la gravité morale des faits qu'elles visent.
Petit Robert. Sens péjoratif. Doctrinaire - personne dépourvue de réalisme.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : Une idéologie est un système d'idées débouchant sur une certaine représentation du monde souvent rigide et dogmatique conférant un sens au réel en réduisant celui-ci.
Demeulenaere (in Dictionnaire de philosophie politique) : Dans l'usage courant, le mot idéologie est fréquemment présent pour désigner tout système d'idées plus ou moins organisé... Il a pris une connotation négative que l'on attribue à Napoléon.
Ortolan (Cours de législation comparée) : Tout système qui repose sur le principe que l'évidence seule doit déterminer les jugements criminels, est pure idéologie.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : Lorsqu'une doctrine séduit les hommes... elle a plus de prise sur leur sensibilité que sur leur intelligence ; car si le cœur est parfois la dupe de l'esprit, l'esprit est bien plus souvent la dupe du cœur. Un système ne nous agrée point parce que nous le jugeons vrai, mais nous le jugeons vrai parce qu'il nous agrée. Le fanatisme politique ou religieux a toujours pour source principale un besoin avide... auquel la théorie ouvre un débouché.
Le
Bon (La Révolution française et la psychologie des révolutions.)
: La politique jacobine dérivée de
la foi nouvelle était fort simple. Elle consistait en une sorte
de socialisme égalitaire, géré par une dictature ne tolérant
aucune opposition.
D’idées pratiques en rapport avec les nécessités économiques et
la vraie nature de l’homme, les théoriciens qui gouvernent la
France n’en ont aucune. La guillotine et les discours leur
suffisent. Ces derniers sont enfantins :
« Jamais de faits, dit Taine, rien que des abstractions, des
enfilades de sentences sur la Nature, la raison, le peuple, les
tyrans, la liberté, sortes de ballons gonflés et entrechoqués
inutilement dans l’espace. Si l’on ne savait pas que tout cela
aboutit à des effets pratiques et terribles, on croirait à un
jeu de logique, à des exercices d’école, à des parades
d’académie, à des combinaisons d’idéologie
»...
L'action est toujours nuisible quand, dédaignant les réalités,
elle prétend changer violemment le cours des choses. On
n'expérimente pas sur une société comme sur les machines d'un
laboratoire.
Qiu Xialong (Encres de Chine). Dans les années soixante et soixante-dix, les travailleurs chinois avaient été portés au nues, encensés comme les maîtres de la société, les bâtisseurs de l'histoire. Des gens s'étaient entièrement dévoués à la Révolution de Mao ; ils croyaient apporter leur contribution eu meilleur système social de l'histoire de l'humanité, système qui en retour leur promettait beaucoup, en particulier pour leurs vieux jours : pension généreuse, couverture médicale complète, et l'honneur de jouir d'une retraite bien méritée, dans les « lendemains qui chantent » de la Chine communiste. Maintenant, ces travailleurs retraités se retrouvaient au bas de l'échelle, sans ressources. La gloire d'être la « classe dominante » ne voulait plus rien dire. Ils avaient du mal à joindre les deux bouts. Pire, les sociétés d'État, en déclin, ne pouvaient guère tenir leurs promesses passées.
- Point de vue philosophique. Avertis par l'expérience, les moralistes ont été conduits à se méfier des idéologies purement abstraites, ne tenant nul compte des réalités humaines.
Encyclopédie Centesimus annus : La haine et l'injustice ne s'emparent de nations entières et ne les poussent à l'action que lorsqu'elles sont légitimées et organisées par des idéologies qui se fondent plus sur elles que sur la vérité de l'homme.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Utopie et idéologie, par L. Sfez. De nos jours, l'idéologie joue sur de signes qu'elle tente d'inverser, faisant admettre comme bon ce qui est mauvais, vrai ce qui est faux, voilant ce qui lui convient, désignant par ses accusations ce qui ne lui convient pas, organisant dans le même temps des fragments épars pour les unifier, assignant à l'autre la place du diable et s'installant elle-même à la place de Dieu.
Vitu (Le droit criminel français et les convictions religieuses, philosophiques, morales ou politiques) : Les délinquants par idéologie sont loin d’être tous de généreux réformateurs de l’ordre social, des hommes vertueux uniquement soucieux de ne s’en prendre qu’aux structures constitutionnelles sans nuire aux simples citoyens. Les terroristes modernes ne se différencient guère des pires malfaiteurs de droit commun, prêts qu’ils sont à massacrer des population innocentes, à détruire des immeubles par le feu ou l’explosif, à détourner ou détruire des avions, etc.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : Le principe du Jacobin est formé par la combinaison de quelques idées simples, et son évidence s'impose du premier coup à tout esprit qui pense ensemble les termes dont il est l'assemblage. L'homme en général, les droits de l'homme, le contrat social, la liberté, l'égalité, la raison, la nature, le peuple, les tyrans, voilà ces notions élémentaires : précises ou non, elles remplissent le cerveau du nouveau sectaire ; souvent elles n'y sont que des mots grandioses et vagues ; mais il n'importe. Dès qu'elles se sont assemblées en lui, elles deviennent pour lui un axiome qu'il applique à l'instant, tout entier, en toute occasion et à outrance. Des hommes réels, nul souci ; il ne les voit pas ; il n'a pas besoin de les voir ; les yeux clos, il impose son moule à la matière humaine qu'il pétrit... Manifestement un pareil esprit n'est pas sain : des deux facultés qui devraient tirer également et ensemble, l'une est atrophiée, l'autre hypertrophiée ; le contrepoids des faits manque pour balancer le poids des formules.
Idéologie et crimes politiques. En 1997 un homme politique, Boris Eltsine, après un poète, Georges Brassens, a justement dit qu'il ne faut jamais accorder plus de prix à une idéologie politique qu'à une vie humaine.
Fernando Pessoa (Le gardien de troupeau), pour se tourner vers un poète. Avec la philosophie [idéologique] il n'y a pas d'arbres : il n'y a que des idées. Il y a une fenêtre fermée et tout l'univers est à l'extérieur ; et le rêve de ce qu'on pourrait voir, si la fenêtre s'ouvrait, n'est jamais ce qu'on voit si le fenêtre s'ouvre.
A-G. Slama (Le Figaro 9 juin 2001). Le socialisme est ... une famille d'esprit constamment déchirée par le décalage entre la supériorité morale supposée des fins qu'elle poursuit, et l'impureté des moyens dont elle doit user pour y atteindre. La contradiction insupportable entre ses moyens et ses fins le condamne, de façon presque structurelle, à l'hypocrisie.
- Science criminelle. En principe, la liberté de pensée et la liberté d'expression interdisent aux différents législateurs d'incriminer les opinions des justiciables ; les grandes Conventions internationales prohibent l'incrimination des délits d'opinion. Il en va toutefois autrement lorsque des idées, relevant d'une idéologie politique et rendues publiques par l'écrit, l'image ou la parole provoquent à la commission d'agissements graves, tels que des violences contre les personnes ou contre les biens, et plus encore à des meurtres.
Carrel (L'homme cet inconnu) : Aucune civilisation durable ne sera jamais fondé sur des idéologies philosophiques et sociales. L'idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n'a pas plus de chance de survivre que l'idéologie marxiste.
Ali Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans, 2015) : La paix ne peut être obtenue tant qu'il y a des idéologies qui prêchent la haine.
Le Bon (La Révolution française, et la psychologie des Révolutions) : Des principes fondamentaux sur lesquels la Révolution se basa pour établir un droit nouveau... les parties essentielles de ces proclamations, les seules qui aient vraiment survécu, furent l'égalité et la souveraineté populaire. Malgré la faiblesse de son contenu rationnel, le rôle de la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » fut considérable... Mais proclamer un principe ne suffit pas à le faire observer... Chez les Jacobins de la Révolution, comme ceux de nos jours, le mot égalité traduisait simplement une haine jalouse de toutes les supériorités . Pour les effacer, ils prétendaient unifier les mœurs,les costumes, les situations. Tout despotisme, autre que celui exercé par eux, leur semblait odieux.
Commission de réforme du droit du Canada (Étude préliminaire, 1976). Elle condamne implicitement une législation reposant sur une simple idéologie : La législation pénale doit refléter la réalité sociologique du milieu. Un droit pénal bien adapté doit parfaitement s'imbriquer avec celle-ci.
Code pénal de Colombie. Art. 58 - Circonstances aggravantes : 3° Exécution des agissements délictueux inspirée par des raisons d'intolérance ou de discrimination relatives à la race, l'ethnie, l'idéologie, la religion, ou les croyances, le sexe ou l'orientation sexuelle, ou une certaine maladie ou un handicap de la victime.
Code pénal suisse. Art. 261 bis : Celui qui, publiquement, aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique les membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion... sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Code pénal du Guatemala. Art. 396 : Ceux qui assurent l'organisation ou le fonctionnement d'associations qui agissent en accord ou en subordination à des organismes internationaux qui préconisent l'idéologie communiste ou tout autre système totalitaire, ou destinées à commettre des infractions, ou qui prennent part en ces dernières, seront sanctionnés de deux à six ans de prison.
- Droit positif. Les pouvoirs publics français s'en tiennent de manière générale, à cette conception ; même s'ils sont actuellement inspirés par une idéologie démagogique qui emporte certains dérapages conduisant à ne pas placer tous les justiciables sur le même plan.
Code pénal. Art. 212-2 : Lorsqu'ils sont commis en temps de guerre en exécution d'un plan concerté contre ceux qui combattent le système idéologique au nom duquel sont perpétrés des crimes contre l'humanité, les actes visés à l'article 212-1 sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
Cass.crim. 19 mai 1983 (Bull.crim. n°150 p.367) : Le prévenu s’est volontairement et systématiquement soustrait à l’établissement de l’impôt en invoquant une raison d’ordre idéologique ; pour le déclarer coupable de fraude fiscale, les juges énoncent à bon droit que le mobile invoqué ne peut constituer en aucune manière un fait justificatif.
Paris 9 juillet 1986 (Gaz.Pal 1986 II 599) : L'auteur d'un crime contre l'humanité doit avoir agi dans le cadre de son adhésion à une politique d'hégémonie idéologique, telle que l'idéologie nationale socialiste du IIIe Reich.
IDIOTIE
Cf. Démence*, Imbécillité* et Débilité mentale*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°II-5, p.277
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-210, p.240
L’idiot appartient à la catégorie des oligophrènes (littéralement : qui ont peu d’intelligence). Ne dépassant pas trois ans d’âge mental, il ne saurait comprendre les règles élémentaires de la morale, ni dès lors engager sa responsabilité pénale. En pratique, demeurant toujours sous surveillance, il n’est guère dangereux pour autrui.
Larousse médical : L’idiotie est le degré le plus prononcé de l’arriération intellectuelle (oligophrénie), et qui correspond à un âge mental inférieur à deux ans.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La faculté d’action, envisagée en elle-même, est la capacité d’agir et, par rapport à un objet, le pouvoir de disposition … elle présuppose l’usage de la raison, dont sont privés les insensés, les idiots et les enfants jusqu’à un certain âge.
Janet (La morale) : La conscience humaine absout, comme irresponsables, les actions commises pendant le sommeil, dans un état de délire, de démence ou d'idiotisme.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : L'idiotisme et l'imbécillité désignent un état d'avortement des facultés intellectuelles et morales, total dans l'idiotisme, moins complet et susceptible de degrés divers dans l'imbécillité.
Rossi (Traité de droit pénal) : Les maladies qui suppriment ou suspendent l'exercice de nos facultés intellectuelles, et qui sont désignées sous différents noms, tels que démence, manie, fureur, imbécillité, idiotisme, et autres... sont des faits individuels qui détruisent la présomption d'imputabilité pour tous les actes commis en état de maladie.
Code de procédure pénale du Mexique. Art. 495 : Dès que il a des raisons de penser que le prévenu est fou, idiot, imbécile ou souffre de toute autre anomalie mentale, le tribunal ordonne qu'il soit examiné par des médecins experts ; sans préjudice de poursuivre l'instruction de manière ordinaire.
IGNOMINIEUX
Cf. Amende honorable*, Carcan*, Claie*, Infamie (peine infamante)*, Pilori*.
On parle de peine ignominieuse à propos d'une sanction gravement déshonorante.
Larousse des synonymes : Honte, c'est le sentiment humiliant qu'on éprouve de sa conduite. Déshonneur se rapporte à l'opinion d'autrui. Ignominie suppose qu'on est tombé dans un mépris profond, c'est le comble du déshonneur.
Gousset (Théologie morale) : Jésus qui est né pauvre, qui a vécu pauvre, est mort plus pauvre encore sur la croix, après avoir été couvert d'opprobres et d'ignominies.
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : Les mêmes peines nominales ne sont pas les mêmes peines réelles... La même peine ignominieuse, qui flétrirait un homme d'un certain rang, ne sera pas même une tache dans une classe inférieure.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Le plus grand châtiment que les premiers Romains infligeaient à un esclave qui avait commis quelque faute, était de lui attacher une fourche sur le dos ou sur la poitrine, de lui étendre les bras aux deux bouts de la fourche, et de le promener ainsi dans les places publiques; c'était une peine ignominieuse, et rien de plus : les moeurs suffisaient pour maintenir la fidélité des esclaves.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Au Moyen-âge on peut remarquer que les mêmes peines ignominieuses s'appliquaient alors aux gentilshommes et aux vilains. La noblesse n'avait pas encore obtenu ces privilèges singuliers qui s'étendaient jusque sur l'échafaud.
IGNORANCE
Cf. Abus de la faiblesse d'autrui*, Conscience*, Dol-Dol général*, Erreur de droit*, Erreur de fait*, Faute*, Impéritie*, Nul n'est censé ignorer la loi*, Promulgation de la loi*, Publication de la loi*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-320, p.84 / n° I-I-I-322, p.86 et 87
- Notion. Une personne se trouve être dans un état d'ignorance lorsqu'elle ne connaît pas une chose, un fait, une circonstance de l'espèce, les techniques ou procédés propres à la profession qu'elle exerce, ou encore une prescription de l'autorité publique légalement publiée.
Littré (Dictionnaire) : État de celui qui ignore une chose, qui ne la connaît pas... Défaut de connaissance, manque de savoir .
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : Si un prince traverse ses États, travesti et incognito, ses sujets ne sont point blâmables de ce qu’ils ne lui rendent pas les honneurs qui lui sont dus.
Jolivet (Philosophie morale) : L'ignorance est un état purement négatif consistant en l'absence de toute connaissance relative à quelque objet. L'ignorance peut être "vincible" ou "invincible", selon qu'il est ou non en notre pouvoir de la faire disparaître ; "coupable" ou "excusable", selon qu'il est ou non de notre devoir de la faire disparaître.
Carrara (Cours de droit criminel) : L'ignorance consiste dans l'absence de toute notion sur un objet. L'erreur consiste dans une notion fausse relativement à l'objet. L'ignorance est une état négatif de l'âme ; l'erreur est un état positif... Comme l'état d'ignorance est un état purement négatif, il ne peut être cause d'action ; le criminaliste n'a pas l'occasion de porter son examen sur l'ignorance, mais seulement sur l'erreur. [encore faut-il que l'ignorance invoquée par le défendeur ne soit pas fautive]
- L'ignorance excusable. Lorsqu'elle ne saurait être reprochée à une personne, son ignorance en l'espèce de l'un des éléments constitutifs d'une incrimination légale fait obstacle à ce que l'infraction constatée lui soit imputée. Ainsi, ne trouve pas en faute le conducteur d'une automobile qui s'est engagé dans une rue en sens interdit, alors u'aucun panneau ne signalait cette prohibition.
Aristote (Éthique à Nicomaque) : On admet d’ordinaire qu’un acte est involontaire quand il est fait sous la contrainte, ou par ignorance.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique I-II, Q.6, art.8) : Lorsqu'un homme ignore telle circonstance d'un acte qu'il n'était pas tenu de connaître... Cette ignorance est cause pure et simple d'involontaire.
Bautain (Philosophie morale) : Celui qui agit avec ignorance, n'agissant point librement, ne répond point de son acte ; car ne sachant pas ce qu'il fait, il n'y met point l'intention qui donnerait seule une valeur morale à son acte.
Baudin (Cours de philosophie morale) : L'ignorance et l'erreur n'excusent qu'à la condition d'être de bonne foi ; d'où la nécessité de distinguer l'ignorance et l'erreur invincible de l'ignorance et de l'erreur vincible.
Code pénal d'Algérie. Art. 201 : N’est pas punissable celui qui, ayant reçu, en les croyant authentiques, des monnaies métalliques ou papier-monnaie contrefaits, falsifiés, ou altérés ou colorés, les remet en circulation dans l’ignorance de leur vice.
Code pénal d'Argentine. Art. 34 : Ne sont pas punissables ceux qui n'ont pu, au moment des faits, connaître la criminalité de l'acte qu'ils accomplissaient, en raison de l'insuffisance de leurs facultés mentales... ou par suite d'une ignorance non imputable.
Code pénal de Bulgarie. Art. 14 : L'ignorance des circonstances actuelles relatives au corpus delicti exclut l'élément moral de l'infraction.
- L'ignorance coupable. À l'inverse, l'ignorance de quelque chose que l'on devrait savoir constitue une faute engageant la responsabilité. Par exemple un ouvrier peut se voir reprocher de ne pas avoir accompli sa tâche dans les règles de l'art ; règles qu'il est réputé connaître. De même que tout justiciable est réputé connaître la loi applicable en l'espèce.
Liard (Morale et enseignement civique à l'école) : L'ivrogne agit comme une brute ou comme un fou ; il a perdu son bon sens et sa liberté, d'accord. Mais quand il s'est mis à boire, il était de sang-froid et en pleine possession de lui-même ; il n'ignorait pas à quoi l'ivresse peut conduire ; il savait bien qu'en buvant trop il se mettrait dans le cas de commettre, sans le savoir, des actions condamnables. N'est-il pas, dès lors, responsable de son ivresse, et par suite, du mal qu'il peut faire pendant l'ivresse ?
On se montre très exigeant pour admettre l'Erreur de droit* : elle doit être invincible pour être pardonnable (art. 122-3 du Code pénal français).
Code criminel du Canada. Art. 19 : L'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de l'infraction.
Code pénal du Luxembourg. Note sous l'art. 71-2 : L'erreur de droit constitue une cause de justification en matière répressive, lorsqu'en raison de circonstances spéciales à l'espèce elle apparaît comme invincible. Pareille erreur invincible peut résulter des variations survenues dans l'application des textes de loi dont la violation est reprochée au prévenu et qui se trouvaient tantôt suspendus, tantôt remis en vigueur par des organes d'exception et par le truchement d'organisations professionnelles selon des méthodes dérogatoires au droit commun. Il en est ainsi spécialement des dispositions relatives à la réglementation des prix (Cour 16 nov. 1951, P. 15, 237).
Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2090) : Les prévenus ne sont pas fondés à se prévaloir de leur ignorance de la loi française.
Se rend coupable d'une faute professionnelle le spécialiste qui accomplit un acte dommageable par impéritie. Dans les cas graves, il arrive que cette faute soit sanctionnée par le droit criminel.
Code pénal du Salvador. Art. 310 : ... Le juge qui, par négligence ou ignorance inexcusable, rend une sentence manifestement injuste, sera puni de deux à quatre ans de prison.
- Profiter de l'ignorance d'autrui. Commet une infraction celui qui profite de l'état d'ignorance dans lequel se trouve une personne pour porter atteinte à ses intérêts (art. 223-15-2 du Code pénal français).
Code pénal d'Andorre. Art. 133 : Quiconque, abusant de l'inexpérience ou de l'ignorance d'autrui, l'aura incité malicieusement à effectuer des investissements ou des opérations spéculatives notoirement risqués ou évidemment disproportionnés avec sa fortune, sera puni d'un emprisonnement maximum de deux ans et six mois.
ILLICITE / ILLÉGAL /ILLÉGITIME
Cf. Légalité*, Légitimité*, Voie de fait*.
Voir : A.Vitu, L’illicéité
En droit un acte est dit illicite, de manière générale, lorsqu’il heurte une prescription sociale ou morale ; il est plus précisément illégal lorsqu’il va à l’encontre d’une loi positive ; et il est illégitime lorsqu’il méconnaît une règle morale.
Dictionnaire Petit Robert (pour la langue courante) - Illicite : qui est défendu par la morale ou par la loi - Illégal : acte qui contrevient ouvertement à la loi - Illégitime : qui n'est pas conforme au bon droit ou à la morale .
Ahrens (Cours de droit naturel) : Celui qui vole un objet pour le donner à un indigent se propose un but qui est louable en soi, mais il emploie des moyens illicites.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : On peut, par exemple, ne pas obtempérer à un ordre illégalement donné.
Garraud (Anarchie) : Faire l’apologie d’un crime, c’est représenter des actes criminels comme louables et méritoires. Cette manifestation d’opinion … trouble et égare les consciences, fait voir comme légitime ce qui est illégitime, apprend à se révolter contre la loi, fait considérer les coupables comme des victimes.
Paris 24 novembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I somm. 66) : Le prévenu a participé personnellement à la réalisation de l’infraction reprochée en diffusant la publicité illicite.
Cass.crim. 8 novembre 1989 (Bull.crim. n° 405 p.977) : L'illicéité du commerce d'armes ou l'activité d'intermédiaire dans le commerce de matériel de guerre sans autorisation n'est pas subordonnée à leur caractère permanent ou habituel.
Cass.crim. 10 mai 1988 (Bull.crim. n° 203 p.527) : Une Cour d’appel déclare à bon droit un opticien-lunetier, non titulaire du diplôme d’État de docteur en médecine, coupable d’exercice illégal de la médecine à raison de l’utilisation d’un ophtalmomètre destiné à mesurer la réfraction oculaire.
Cass.crim. 10 novembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I somm. 224) : Le fait de s'opposer à ce que le conducteur d’un véhicule quitte son stationnement caractérise la contravention de voie de fait, dès lors que la victime a été intentionnellement et dans un but illégitime privée de sa liberté de déplacement.
IMAGE (Droit à l')
Cf. Consentement (de la victime)*, Domicile*, Droits de l'homme*, Intimité*, Vie privée*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-8, p.252
L’image d'une personne est protégée contre toute diffusion faite sans son consentement, dès lors que sa représentation est assez fidèle et lisible pour que quelqu'un de normalement attentif puisse la reconnaître.
Kayser (La protection de la vie privée) : La jurisprudence s'est efforcée de protéger les personnes contre la réalisation et la publication, sans leur autorisation, de leur image. C'est l'invention de la photographie qui a suscité cette protection, parce qu'elle a permis de réaliser l'image d'une personne d'une manière instantanée, et par conséquent sans autorisation, et de la publier ensuite.
Cass. (1e civ.) 5 avril 2012 n° 11-15328 (Gaz.Pal. 17 mai 2012) : Après avoir relevé, outre la taille de trois millimètres sur deux du visage litigieux, sur une vignette occupant seulement la plus grande face d'un morceau de sucre, la mauvaise définition générale de l'image, la cour d'appel qui estime que la personne représentée est insusceptible d'identification, peut décider qu'aucune atteinte à l'image n'est constituée.
Le consentement d'une personne à la diffusion de son image peut faire l'objet d'un contrat, car nous sommes ici aux limites des attributs de la personne humaine. Cette convention sera soumise au droit commun des obligations.
TGI Paris 21 septembre 2011 n° 09/21251 (Gaz.Pal. 7 juin 2012 p.16) : Le doit à l'image, qui comporte des attributs d'ordre patrimonial, peut valablement donner lieu à l'établissement de contrats de cession des droits d'exploitation de l'image ; de tels contrats sont soumis au régime général des obligations.
En règle générale la protection de l'image d'un être humain est assurée par l'art. 1382 du Code civil.
TGI Paris 5 février 2008 (Gaz.Pal. 2008 J 347) : M. Nicolas Sarkozy a sur son image, quels que soient son statut et sa notoriété, un droit exclusif et absolu.
Cass. (1e civ.) 10 juin 1987 (Gaz.Pal. 1987 II panor. 205) : C'est à bon droit qu'un arrêt a déclaré que la publication par un hebdomadaire de photographies d'une comédienne victime d'un accident, la représentant poussée par son mari dans un fauteuil roulant, sur le toit-terrasse de l'hôpital où elle était soignée, portait atteinte de façon fautive au respect de la vie privée aussi bien qu'au droit à l'image de l'actrice comme de l'homme qui partageait sa vie, s'agissant de photographies faites à l'insu des intéressés et divulguées sans leur autorisation.
Cass. (1e civ.) 1er juillet 2010 (pourvoi n° 09-15479) : Les proches d'une personne peuvent s'opposer à la reproduction de son image après son décès, dès lors qu'ils en éprouvent un préjudice personnel en raison d'une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort.
L'image d'une personne est toutefois protégée sur le plan pénal, soit lorsqu'elle a été prise sans son consentement dans un lieu privé (art. 226-1 C.pén., 368 ancien), soit lorsqu'elle a donné lieu à un montage trompeur (art. 226-8 C.pén., 370 ancien).
Code pénal d'Andorre. Art. 219 : Ceux qui auront porté atteinte à l'intimité d'une personne, sans son consentement, au moyen d'appareils... d'enregistrements d'images... seront punis d'un emprisonnement d'une durée maximale de quatre ans.
Code pénal du Paraguay. Art. 144 - Atteinte au droit de la diffusion de l'image... Encourt une peine de deux ans de prison ou une amende celui qui, sans le consentement de l'intéressé, prend ou transmet une image d'une autre personne se trouvant dans un lieu privé.
Cass.crim. 20 octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 17) : La fixation de l'image d'une personne, vivante ou morte, sans autorisation préalable des personnes ayant pouvoir de l'accorder, est prohibée et la diffusion ou la publication de ladite image sans autorisation entre nécessairement dans le champ d'application des art. 226-1, 226-2 et 226-6 C. pén.
Cass.crim. 16 février 2010 (pourvoi n°
09-81492) : Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs jurés ont porté plainte auprès du procureur de la République pour
atteinte à l'intimité de la vie privée à la suite de l'enregistrement et de la diffusion d'une scène filmée dans une salle de la cour d'assises où ils
s'étaient retirés pour délibérer ;
L'enquête a établi que le prévenu avait filmé, à la faveur d'un reflet sur les parois de verre d'un immeuble faisant face, une scène permettant
d'identifier notamment deux jurés et que cet enregistrement filmé avait été diffusé dans le journal télévisé d'une station régionale...
Pour déclarer la prévention établie, l'arrêt retient que le prévenu a profité d'une opportunité technique pour filmer une scène se déroulant à
l'intérieur d'un lieu où quiconque ne peut pénétrer sans l'autorisation de l'occupant et que la plaignante, ainsi filmée à son insu, a été vue et
reconnue par des téléspectateurs ;
En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'art. 226-1 al. 2 C.pén., selon lequel constitue une atteinte volontaire à
l'intimité de la vie privée le seul fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l'image d'une personne se trouvant dans un
lieu privé.
Toulouse 26 février 1974 (JCP 1975 II 17903) : L'art. 370 exige la réunion d'une double condition, d'une part qu'il y ait un "montage", d'autre part qu'il n'apparaisse pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage.
IMBÉCILLITÉ (Imbécile)
Cf. Démence*, Idiotie* et Débilité mentale*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-210, p.240
L’imbécile relève, après l’idiot, des oligophrènes. Comme son âge mental peut varier de trois à sept ans, il est à même de comprendre les règles élémentaires de la morale ; sans pour autant aller jusqu’à assimiler les règles complexes de la vie en société. Il peut être dangereux pour autrui, car il maîtrise mal ses accès de violence ; mais il n’est pas pour autant un sujet pénal.
Larousse médical : L’imbécillité est une arriération intellectuelle dont l’intensité ne le cède qu’à celle de l’idiotie. L’imbécile ne pourra acquérir l’écriture et son âge mental ne dépassera pas sept ans. L’association fréquente de troubles graves du caractère vient compliquer d’autant les problèmes d’assistance qui ne manquent jamais de se poser.
Joly (Le crime, étude sociale) : Là où il y a folie ou imbécillité, il n’y a ni crime ni délit.
Acollas (Les délits et les peines) : Qu'est-ce que la démence ? Le législateur a compris qu'il ne serait pas sans difficultés pour lui de la définir et il s'est abstenu de le faire ; on est d'accord pour faire rentrer sous ce mot, outre la folie proprement dite, la manie et la monomanie, l'idiotisme ou idiotie, l'imbécillité. [le nouveau Code pénal, sous une expression plus recherchée, s'en est pratiquement tenue là]
À l'opposé, en raison de son état mental l'imbécile doit être rangé dans la catégorie des personnes vulnérables et, par suite, doit être particulièrement protégé.
Code pénal de Bulgarie. Art. 193 : Celui qui enivre par des boissons alcooliques une personne de moins de 16 ans, ou un imbécile irresponsable sera puni d'un emprisonnement jusqu'à six mois ou par une amende...
Code pénal du Kiribati. Art. 135 - Souillure d'une fille entre 13 et 15 ans, ou d'idiot ou imbécile 135 - Quiconque a eu ou a essayé d'avoir des rapports sexuels illégaux avec une fille... de moins de 15 ans ; ou a eu ou essayé d'avoir des rapports sexuels illégaux avec toute femme ou fille idiote ou imbécile dans les circonstances... qui montrent que le contrevenant a su, lors de la commission des faits, que la femme ou la fille était une idiote ou imbécile, est coupable d'un méfait, et est passible d'un emprisonnement de 5 ans au plus.
IMITATION
Cf. Exemple (Peine prononcée pour l')*, Responsabilité - responsabilité subjective*, Tarde*.
Voir : A. Corre, Invention et imitation dans la criminalité
C’est le philosophe G. Tarde* qui a eu le mérite de souligner que la délinquance a souvent pour cause l’imitation par l’agent, soit d’un criminel endurci, soit d’un crime marquant, soit même d’un personnage de roman, de film ou de bande dessinée. On parle ici d’une « loi de l’imitation ».
Tarde (Les lois de l’imitation) : Toute l’histoire romaine s’explique, à l’extérieur, par la loi de l’imitation de haut en bas. A l’intérieur, elle s’explique de la même manière : la plèbe romaine ne s’est élevée qu’en copiant les mœurs, puis les attributions des patriciens, et leurs privilèges, à commencer par le mariage légal.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : L'imitation consiste à copier les actes, les gestes... de notre entourage. Elle agit avec plus de force sur les groupes que sur les individus ; elle peut entraîner les foules aux actions les plus héroïques ou aux pires violences.
Marcel Clément (Du bien commun) : L'imitation joue dans le sens des vertus aussi bien que dans le sens des vices.
Exemple (Le Figaro 2015) : Les jeunes auraient tendance à reproduire ce qu'ils voient sur les réseaux sociaux. Quand leurs amis inondent leur mur Facebook d'images de cigarettes et d'alcool, d'après une étude, ils seront plus à même de s'y adonner... Ainsi le monde virtuel aurait une influence bien réelle sur la santé en abreuvant son public d'images qu'ils reproduira inconsciemment. Un mécanisme d'autorité subliminal déjà actif à travers la publicité, interdite à la cigarette et l'alcool. Une tendance que pourrait suivre Facebook après avoir banni les photos de nus du réseau ?
Le phénomène de l'imitation est connu depuis longtemps, aussi certains auteurs invitent-ils à sanctionner lourdement tout criminel qui risque de faire des émules.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Celui qui, le premier commet quelque crime, et qui l'enseigne, pour ainsi dire, aux autres par l'exemple qu'il en donne, commet une faute plus grande que celui qui se laisse entraîner par le courant.
À l'opposé, en donnant l'exemple de la moralité, les acteurs de la vie publique devraient orienter la population dans le sens de la vertu et du bien commun de l'humanité.
Confucius (La grande étude) : Les anciens princes, pour faire briller les vertus naturelles dans le cœur de tous les hommes, s'appliquaient auparavant à bien gouverner leurs principautés. Pour bien gouverner leurs principautés, ils mettaient auparavant le bon ordre dans leur famille. Pour mettre le bon ordre dans leurs familles, ils travaillaient auparavant à se perfectionner eux-mêmes.
IMMEUBLES - Voir : Meubles et immeubles*.
IMMIGRATION
Cf. Convention européenne des droits de l'Homme*, Émigration*, Étranger*, Liberté physique*, Non-droit (Zones de)*, Traite (d'êtres humains)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-122, p.96
- Notion. L’immigration consiste, pour une personne, à entrer dans un État autre que celui dont elle relève, avec l’intention de s’y fixer de manière durable ou définitive.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Immigration désigne l'action de venir se fixer dans un pays étranger... Migration se dit du déplacement en masse d'un peuple ou d'une fraction de peuple qui change de pays.
- Règle morale. Le devoir général d'humanité, qui pèse sur tous les hommes, emporte pour eux le devoir spécial d'accueillir l'étranger qui a dû fuir son pays par nécessité (et non pour échapper à la justice après avoir commis un crime ou un délit grave).
Encyclique Pacem in terris (du Pape Jean XXIII). Droits d'émigration et d'immigration. 25 - Tout homme... a le droit, moyennant des motifs valables, de se rendre à l'étranger et de s'y fixer. Jamais, l'appartenance à telle ou telle communauté politique ne saurait empêcher qui que ce soit d'être membre de la famille humaine, citoyen de cette communauté universelle où tous les hommes sont rassemblés par des liens communs.
En contrepartie, l'étranger qui entre et s'installe dans un pays
hospitalier voit peser sur lui le devoir impératif d'en
respecter scrupuleusement la Constitution, les lois, les
coutumes et les usages. Selon un vieil adage :
« À Rome, vis comme les Romains
».
Par ailleurs, en cas de flux migratoire, les autorités des États
dont les réfugiés sont originaires ont, selon le droit des gens,
le devoir de faire bénéficier les personnes du pays d'accueil
résidant sur leur sol des mêmes droits dont jouissent leurs
propres ressortissants exilés. Il a ainsi été jugé que si les Musulmans
peuvent élever des mosquées en Europe, les Chrétiens devraient
pouvoir construire une cathédrale en Arabie Saoudite (ce qui
leur est
pourtant interdit).
Déclaration des droits et devoirs de l'homme et du
citoyen (préambule de la Constitution du 5 fructidor an III, 22
août 1795). Devoirs :
Article 3 - Les
obligations de chacun envers la société consistent à la
défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter
ceux qui en sont les organes.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Il me paraît incontestable que, si un Peuple reçoit et traite civilement les étrangers, ceux-ci ne sauraient honnêtement refuser la même courtoisie à ses Citoyens.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.I) : Le droit d'émigrer comporte
deux étapes : l'installation dans le pays et la naturalisation.
Notre conception de l'unité du genre humain et du devoir d'entraide
universelle nous amène à admettre le devoir des sociétés de recevoir
les étrangers non nuisibles qui sont disposés à y vivre
tranquillement et à apporter leur collaboration à l'œuvre
commune...
Étant donné le devoir de société des hommes, il faut admettre que
celui qui vit dans une société a le devoir d'accepter d'en faire
partie, s'il a l'intention d'y rester fixé.
Le Pape François (Discours devant le Parlement européen du 25 novembre 2014) : L'Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l'immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en place des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l'accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d'origine dans le développement sociopolitique... Il est nécessaire d'agir sur les causes et non seulement sur les effets.
- Science criminelle.
Alors que, selon les Conventions internationales, de nos jours
l’Émigration* ne saurait en
principe être prohibée par la loi pénale, au contraire l’Immigration peut
légitimement être réglementée par le pays de destination. En
effet, depuis longtemps, les criminologues de toutes tendances
ont observé qu'un fort afflux d'étrangers peut entraîner un
déséquilibre social et une aggravation de la
criminalité.
La question se pose actuellement en Europe où, à une immigration
individuelle relevant du droit d'asile, a succédé une
immigration de masse. En effet, lorsque le nombre d'étrangers
relevant d'une civilisation radicalement différente de celle du
pays d'accueil atteint un certain seuil, ils ont tendance à se
regrouper pour vivre en commun selon leurs propres us, coutumes
et croyances ; d'une zone de
non-droit, où en fait ne s'applique plus la loi pénale locale,
on en arrive à la constitution de ghettos, où les résidents
vivent selon la loi de leur pays d'origine.
Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : D’après les récentes statistiques des États-unis (1880), il résulte que les États qui reçoivent le maximum d’immigrés, surtout Irlandais ou Italiens, donnent le maximum de la criminalité.
Harouel (Les droits de l'homme contre le peuple) : L’immigration extra-européenne est désormais constituée non plus d'individus, mais de peuples. Il se trouve que si les individus peuvent s'intégrer, les peuples ne s'intègrent pas. Une nation ne peut pas assimiler des peuples, surtout très différents d'elle... L'existence de grandes diasporas ôte aux immigrés tout besoin d'entrer en contact avec les sociétés européennes, dès lors qu'elles ont reconstitué sur le sol européen leur société d'origine avec ses usages et ses codes.
Code pénal d’Espagne. Art. 313 : Celui qui organise ou favorise par tout moyen l’immigration clandestine de travailleurs en Espagne sera puni …
Code pénal finlandais. Chap. XVII Sect.8 (1). Sur l'aide à l'immigration illégale : Celui qui fait entrer ou transiter par la Finlande un étranger dépourvu de passeport valable, ou de tout autre document assimilable … encourt une amende ou un emprisonnement de deux ans au plus.
- Droit positif français.
L'immigration a longtemps été réglementée en France par une
Ordonnance du 2 novembre 1945, qui incriminait notamment, et le
fait de pénétrer irrégulièrement sur le territoire national, et
le fait de faciliter l’entrée ou le séjour irrégulier d’un
étranger en France. Ce texte a été remplacé par le « Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile », qui a
pris effet le 1er mars 2005.
La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 édicte en outre une « Charte
des droits et des devoirs du citoyen français » développant,
principalement à l'attention des immigrés, les
trois principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité.
Toulouse 15 février 2001 (D. 2003 somm. 175) : Est coupable du délit d’entrée ou de séjour irréguliers d’un étranger en France le prévenu tunisien qui est entré illégalement en France à une date inconnue et s’est maintenu sur le territoire national.
Cass.crim. 4 novembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. p.162) : Caractérise le délit prévu à l'art. 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 toute aide directe ou indirecte de nature à faciliter le séjour irrégulier d'un étranger en France.
Cass.crim. 4 mars 2015, n° 13-87185 (Gaz.Pal. 19 mars 2015 p.23) : Ne peut donner lieu à des poursuites pénales l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des renseignements juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci.
Cass.crim. 6 décembre 2011, n° 11-83177, répondant à une Question prioritaire de constitutionnalité : La question posée ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux dès lors que, d'une part, la peine d'emprisonnement prévue par la disposition critiquée, que le juge a le pouvoir de moduler en fonction de la situation soumise à son appréciation, en particulier au regard de motifs humanitaires, a été considérée comme nécessaire par le législateur pour lutter avec efficacité contre l'immigration clandestine et l'exploitation des êtres humains, et que, d'autre part, la sanction n'apparaît pas manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction.
Sur les différents délits visant l'aide à l'immigration clandestine et ses suites, la Chambre criminelle a précisé le 22 juin 2016 : En condamnant M. Brahim X...pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'étrangers en France, travail dissimulé, emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail et soumission de plusieurs personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indignes, et, dès lors que ces délits n'ont pas les mêmes éléments constitutifs et tendent à la protection d'intérêts distincts, le premier participant de la police des étrangers, les deuxième et troisième, de la régulation du marché du travail ainsi que, pour le deuxième, de la garantie d'une égale et loyale concurrence entre entreprises supportant les mêmes charges, et le quatrième de la protection de la dignité de la personne humaine, la cour d'appel n'a pas déclaré ce prévenu coupable d'infractions incompatibles entre elles.
La répression est à bon droit particulièrement sévère envers ceux qui participent à une filière payante d’immigration clandestine, car cette activité relève de la Traite* des êtres humains.
Cass.crim. 11 décembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 90) : Pour prononcer à bon droit une peine d’emprisonnement pour partie sans sursis, l’arrêt attaqué énonce que le prévenu était au service d’une filière internationale et professionnelle d’immigration clandestine à but lucratif.
IMMIXTION DANS UNE FONCTION PUBLIQUE - Voir : Usurpation de fonction*.
IMMONDICES - Voir : Ordures*.
IMMUNITÉS
Cf. Action publique*, Chef de l'État*, Imputabilité*, Inviolabilité*, Parlementaires*, Réfugiés*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-104, p.129
L’immunité est une sorte de passe-droit, de faveur, qui place telle ou telle personne à l’abri de poursuites pénales quant à tel ou tel type d’infractions. La plus connue est peut-être l’immunité diplomatique, qui interdit de poursuivre un Ambassadeur* dans le pays où il est en fonction.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Immunités, par M. Cosnard : Le fondement de l'attribution d'une immunité réside dans une différence de situation, considérée comme suffisamment pertinente par l'ordre juridique pour justifier une différence de traitement juridique la traduisant... Il s'agit donc d'un processus tentant d'établir un équilibre entre les principes de légalité et d'égalité auxquels il porte atteinte, et un autre principe juridiquement protégé.
Cass.crim. 6 octobre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 138) : Si c’est à celui qui se prévaut d’une immunité de prouver que les conditions en sont réunies, il peut l’établir par les voies ordinaires, selon les modes de preuve du droit commun.
Une immunité peut être limitée au droit pénal ou s'étendre au droit civil ; elle peut être définitive ou temporaire, mais dans ce dernier cas il s'agit plutôt d'une inviolabilité.
Digeste de Justinien (48, 5, 38, 10). Papinien : Celui qui occupe une fonction honorable ou un office public, peut être accusé ; mais l'accusation est différée ; s'il donne caution de se présenter, la cause est reculée jusqu'à la fin de sa fonction. Et c'est ainsi que l'a rescrit l'empereur Tibère.
La loi organique instituant le Défenseur des droits le fait bénéficier lui aussi d'une immunité.
Loi organique du 29 mars 2011. Art. 2 al.2 : Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l’occasion des opinions qu’ils émettent ou des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions.
- Pour l’immunité diplomatique, voir ci-dessous
- Pour l’immunité du Chef de l'État, voir Chef de l'État*
- Pour l’immunité familiale, voir ci-dessous
- Pour l’immunité judiciaire, voir ci-dessous
- Pour l’immunité parlementaire, voir : Parlementaires*
- Pour l’immunité des réfugiés, voir : Réfugiés*
- Sur l'inviolabilité du Chef de l'État, voir : Chef de l'État*.
- Sur l'inviolabilité gouvernementale, voir : Ministre*.
- Sur l'inviolabilité parlementaire, voir : Parlementaires*.
IMMUNITÉ DIPLOMATIQUE
Cf. Agents consulaires*, Agents diplomatiques*, Ambassadeur*, Chef d’État étranger*, État étranger*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-210, p.173
Une coutume internationale, qui s’est forgée au fil des siècles, interdit à un État, sur le territoire duquel une infraction a été commise, de diriger l’action publique née de ce fait contre un État étranger ou contre l’un de ses représentants officiels. Les suites de la faute éventuellement commise ne relèvent donc pas du droit criminel local, mais des règles posées sur le plan international.
Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements, Paris 1727) : Si un Ambassadeur commet un homicide, on doit s'adresser à son maître pour le punir... Il n'en serait pas de même si l'Ambassadeur conjurait contre le Prince, ou contre la République ; en ce cas, il serait déchu de tous les privilèges attachés à son caractère. Cela fut décidé en Angleterre du temps de la Reine Élisabeth, à propos de l' Évêque accusé d'avoir formé contre cette Princesse une conspiration en faveur de Marie Stuart, Reine d'Écosse, dont il était l'Ambassadeur.
Nguyen Quoc Dinh (Droit international public) : L’immunité des États étrangers couvre les actes qu’ils accomplissent éventuellement sur le territoire d’un autre État. Elle les protège contre le pouvoir de juridiction et d’exécution de l’État territorial. Il est évidemment inconcevable qu’un État souverain soit soumis à des actes d’autorité de la part d’un autre État dont il est l’égal.
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : À l'égard des auteurs et complices qui bénéficient d'une immunité de juridiction, les tribunaux français sont privés de tout pouvoir de juger, de sorte qu'une action publique engagée contre eux serait irrecevable : il importe peu que l'infraction soit grave ou non.
Code pénal d’Arménie. Art. 14 : La question de la responsabilité criminelle des représentants diplomatiques étrangers et des autres personnes bénéficiant de l'immunité diplomatique, dans le cas de la commission d’un crime par l’un de ceux-ci sur le territoire de la République d’Arménie, est résolue suivant les normes du droit international.
Cass.crim. 23 novembre 2004 (Bull.crim. n°292 p.1096) : La coutume internationale s’oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d’un État étranger. Cette règle s’étend aux organes.et entités qui constituent une émanation de l’État, ainsi qu’à leurs agents en raison des actes relèvent de la souveraineté de l’État concerné.
Cass.crim. 6 septembre 2006 (Bull.crim. n° 209 p.738) : Les fonctionnaires de l'OCDE bénéficient de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité officielle.
Cass.crim. 8 avril 2010 (pourvoi n° 09-88675) :
Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X..., déclaré coupable de fraude fiscale, abus de confiance, trafic d'influence aggravé
et commerce illicite d'armes et de munitions, a été condamné à six ans d'emprisonnement et placé en détention par jugement du tribunal correctionnel, en
date du 27 octobre 2009, dont il a interjeté appel ;
Il a présenté une demande de mise en liberté en soutenant qu' en raison de sa qualité de représentant permanent de la République d'Angola auprès de
l'Unesco, il était protégé par l'inviolabilité attachée à ce statut et que le mandat de dépôt décerné contre lui devait être annulé ;
Pour écarter cette argumentation, l'arrêt retient que l'article 38, 1 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, qui n'accorde aux ressortissants
de l'Etat accréditaire l'immunité de juridiction et l'inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, est
applicable à X..., ressortissant français accrédité auprès de l'Unesco pour le compte de la République d'Angola depuis le 20 juin 2003 et que les faits
reprochés à ce dernier étant sans lien avec l'exercice de ses fonctions, il ne bénéficie ni de l'immunité ni de l'inviolabilité diplomatiques ;
En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens ; en effet, il résulte de l'article 38, 1 de la Convention
de Vienne sur les relations diplomatiques, en date du 18 avril 1961, tel qu'interprété par l'instrument de ratification et auquel renvoie l'article 18, 1
de l'accord de siège conclu le 2 juillet 1954 entre la France et l'Unesco, que les agents diplomatiques ayant la nationalité de l'État accréditaire ne
bénéficient de l'immunité de juridiction et de l'inviolabilité que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.
Exemple de violation (Ouest-France 6 juin 2008) : Deux véhicules diplomatiques américains et britannique ont été stoppés à un barrage de police, jeudi, au Zimbabwe... les pneus ont été crevés, les téléphones saisis et les membres du convoi appréhendés. Ils ont été remis en liberté après six heures de détention. Selon la police, les diplomates auraient pris part à une réunion interdite. Les États Unis ont décidé de saisir le Conseil de sécurité de l'ONU.
IMMUNITÉ FAMILIALE
Cf. Enfants*, Immunité*, Parents*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-209 p.172 / n° I-III-I-204 et 205, p.270 et 271
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-338, p.193 / n°IV-319, p.606
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »
- immunité familiale en général : n° 6 1° et 6
2°, p.9 et s. / n° 338 1°, p.209
- immunité au bénéfice du frère ou de la
sœur : n° 347, p.229
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-123 2°, p.97
- Notion. L’existence de liens familiaux, dont le législateur doit tenir compte du fait que la cohésion des familles forme l’assise de la société, fait échec à l’application de certaines règles du droit criminel.
Puech (Droit pénal général) : Conformément à une tradition qui remonte jusqu’au droit romain, la loi répugne, pour des considérations de famille, à ce qu’une sanction pénale soit prononcée contre celui qui apporte son aide à un délinquant dont il est le proche parent, ou contre celui qui a commis un vol au détriment de l’un des siens.
Code pénal du Japon. Art. 105 (assistance par un proche parent) : Lorsque le crime de recel de malfaiteur est commis au bénéfice du fugitif par l'un de ses proches parents, ce proche peut bénéficier d'une excuse absolutoire.
Seuls les régimes politiques totalitaires méconnaissent cette règle d'humanité.
Plutarque (Vie des hommes illustres - Sylla) : Sylla proscrivait ceux qui avaient reçu et sauvé un proscrit, punissant cet acte d'humanité, sans en excepter un frère, un fils ou un père.
J.Minois, (La Révolution Française) : Au Puy-en-Velay, en 1794, suspectée d'avoir reçu chez elle son propre fils, prêtre réfractaire, Mme Beauzac, sexagénaire, fut condamnée à mort. Au moment de monter à l'échafaud, elle apostropha ainsi ses juges : « Une chienne peut nourrir ses petits, et une mère ne pourrait nourrir son enfant. Vous êtes plus féroces que des tigres ».
- Science criminelle. Trois cas généraux d’immunité peuvent être observés.
1°) Exception à l’obligation de dénoncer les infractions. Quelques textes imposent à chacun de faire part à l’autorité des infractions dont nous prenons connaissance, d’autres nous interdisent de porter assistance à l’auteur d’un crime ou d’un délit. On admet généralement que ce devoir de Dénonciation* ne pèse, ni sur les époux, ni sur les proches parents (notamment : art. 434-1 C.pén.). Ainsi le recel d’un délinquant ne peut être reproché à son conjoint (art. 434-6 al.2).
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.II) : La force des liens de famille a paru au législateur assez puissante pour légitimer, au moins dans certains cas, l’existence d’immunités particulières. Ainsi les parents et alliés sont à l’abri de poursuites pénales lorsque, malgré l’interdiction de la loi, ils ont sciemment recelé celui de leurs proches qu’ils savaient être l’auteur d’un crime ou qu’ils savaient recherché pour ce fait par la justice.
Code annamite de Gia Long, art. 31 : Les esclaves, les gens de service ou les travailleurs à gage qui cacheront le chef de famille ne seront pas incriminés.
Code annamite de Gia Long, art. 341. Commentaire : Il a été décidé, en Chine, que les enfants qui font disparaître la tête de leur père, exposée après exécution capitale pour crime, ne peuvent être punis parce qu’on doit tenir compte du sentiment naturel qui les a poussés à cette action.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 261 :
Ne seront pas obligés de dénoncer la commission d’un délit :
1.° Le conjoint du délinquant.
2.° Les ascendants et les descendants consanguins ou alliés du délinquant et ses collatéraux consanguins ou utérins et ses alliés jusqu’au second
degré inclusivement.
3.° Les enfants naturels à l’égard de leur mère dans tous les cas et à l’égard du père s’ils ont été reconnus, comme aussi leur mère et leur père
dans les mêmes cas.
Tribunal révolutionnaire, 8 thermidor an II. Mme de Cambon, femme de M. de Cambon, premier président du Parlement de Toulouse, est envoyée à la guillotine pour n’avoir pas voulu révéler la cachette de son mari.
2°) Exception à l’obligation de témoigner sous serment. Il est de principe que ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions faites par les proches parents ou alliés d’un prévenu ou d’un accusé (art. 335 et 448 C.pr.pén.). Ces personnes peuvent toutefois être entendues, sans prestation de serment, à titre de simple renseignement. Aux juges et jurés d’apprécier la teneur de leur intervention, en leur intime conviction.
Hobbes (Le citoyen) : Le père n’est pas obligé de porter témoignage contre son fils, ni le mari contre sa femme, ni le fils contre son père.. car ce témoignage serait nul : on présume qu’il est contre nature.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Il s’agit ici moins d’une incapacité que d’une prohibition qu’un sentiment d’humanité et une règle de morale ont fait établir : la loi n’a pas voulu que les plus proches parents vinssent déposer les uns contre les autres ; il a paru que l’impunité du crime était préférable à l’emploi d’un moyen qui effraye la conscience et répugne à la justice elle-même ; que d’ailleurs la déposition des proches parents, si elle est à la décharge de l’accusé, n’est d’aucun poids, et, si elle est à sa charge, perd son autorité, à raison du sentiment de défiance ou d’horreur qu’elle inspire.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : On met au nombre de ceux qui ne peuvent être témoins ceux qui peuvent prendre part à l’intérêt des accusés… On ne reçoit pas par cette raison le témoignage de ceux qui sont liés de parenté ou d’alliance à ces derniers.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 416 :
Sont dispensés de l’obligation de déposer :
1.° Les parents de l’inculpé en ligne directe ascendante ou descendante, son conjoint, ses frères et sœurs consanguins ou utérins, et les collatéraux
consanguins jusqu’au deuxième degré civil, de même que les parents naturels auxquels se réfère le numéro 3.° de l’article 261.
Le juge qui instruit avertira le témoin auquel s’applique l’alinéa précédent qu’il n’a pas l’obligation de déposer contre l’inculpé, mais qu’il peut
faire les déclarations qu’il considère comme opportunes, en consignant la réponse qui sera faite après cet avertissement.
Cass.crim. 12 décembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 II Chr.crim. 276) : Lorsque plusieurs accusés sont dans la cause, les parents ou alliés à un degré prohibé de l’un d’entre eux ne sont admis à déposer sous serment à l’égard d’aucun des accusés soumis au même débat. A dès lors été régulièrement entendu à titre de simples renseignements le conjoint de la sœur d’une coaccusée.
3°) Interdiction des poursuites pour atteinte patrimoniale dans le cadre familial.
Pour ne pas aggraver certains conflits familiaux, notamment ceux portant sur de simples questions patrimoniales, le législateur refuse traditionnellement aux proches parents la possibilité de se traîner les uns contre les autres devant les tribunaux répressifs. « Il n'y a pas de vol entre époux », dit-on ; mais la règle concerne tous les proches.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la propriété (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Livres de jostice et de plet (1260) : Un homme ne peut exercer contre sa femme l’action de larcin.
Garraud (Traité de droit pénal, VI-2704) : Ce sont des raisons de convenance qui s’opposent à la poursuite de membres d’une même famille. La soustraction frauduleuse, dont l’auteur est l’époux, le descendant ou l’ascendant de la personne lésée, est incontestablement un vol puisqu’elle a pour objet l’appropriation de la chose d’autrui. Mais, afin d’éviter le scandale d’une poursuite criminelle, exercée contre des parents ou des alliés très rapprochés, la loi assure à ces personnes une immunité pénale complète ; elle réserve seulement l’action en réparation du préjudice éprouvé.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 103 :
Ne pourront pas exercer les actions pénales les uns contre les autres :
1.° Les conjoints, sauf pour délit ou contravention commis par l’un contre la personne de l’autre ou de ses enfants, et pour les délits d’adultère,
de concubinage et de bigamie.
2.° Les ascendants, descendants, frères et sœurs consanguins ou utérins et les alliés, sauf pour le délit ou la contravention commis par les uns sur
la personne des autres.
L'immunité qui profite aux parents ne s'étend pas aux complices étrangers à la famille.
Digeste de Justinien, 47, II 53 pr. et 1. Ulpien : Si quelqu'un a donné aide ou conseil à une femme afin de dérober les effets de son mari, il sera poursuivi pour vol. Et, s’il a perpétré le vol avec elle, il sera soumis à l'action de vol, quoiqu'elle n'y soit pas.
- Droit positif français. L’art. 380 de l’ancien Code pénal avait centré cette règle de procédure sur le délit de
vol ; le nouveau Code, plus précis, vise spécialement chaque délit auquel elle s’applique (p.ex. art. 311-12 pour le vol, 312-9 pour l’extorsion,
312-12 pour le chantage, 313-3 pour l’escroquerie, 314-4 pour l’abus de confiance…). C’est l’art. 311-12, d'interprétation stricte, qui précise le
domaine de cette immunité quant aux personnes concernées (ascendant, descendant, conjoint).
Une loi du 4 avril 2006 a limité la portée de l'art. 311-12 en lui ajoutant un alinéa qui autorise les poursuites pénales, entre membres de la même
famille, lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité,
relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la propriété (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Cass.crim. 4 janvier 1930 (Gaz.Pal. 1930 I 167) : Si le juge d’instruction a en principe le devoir d’informer sur une plainte avec constitution de partie civile, cette obligation cesse lorsque, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite. Il en est ainsi en l’espèce, l’immunité prévue par l’art. 380 C.pén. s’appliquant à l’abus de confiance, et les faits reprochés au prévenu n’étant dès lors pas susceptibles de comporter une poursuite pénale.
Cass.(Ch.réunies) 25 mars 1845 (S. 1845 I 290, réquisitions Dupin prises d’ordre du Garde des Sceaux, dans l’intérêt de la loi) : Si l’art. 380 C.pén., en considération des rapports étroits qui unissent entre eux le mari et la femme, les ascendants et les descendants, a voulu que les soustractions commises par l’un des époux au préjudice de l’autre, par les enfants et descendants au préjudice de leurs ascendants, et réciproquement par ceux-ci au préjudice de leurs enfants et descendants, ne donnassent lieu qu’à des réparations civiles, une pareille exception ne saurait être étendue au-delà des cas formellement prévus par la loi.
Douai 14 février 1995 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 112) : Le délit spécifiqued'ouverture et de suppression de correspondances n'étant pas assimilable au vol, l'immunité entre époux ne lui est pas applicable.
Haus (rapport sur le projet de Code pénal belge) : Les autres personnes qui ont participé au vol commis entre époux ou entre ascendants ou descendants, ou qui ont recelé tout ou partie des objets volés, doivent être poursuivies ou punies comme auteurs ou complices, ou comme receleurs, conformément aux règles du droit commun.
Exemple (Ouest-France 6 juin 2008) : Le fils avait forcé l'armoire familiale pour dérober des chèques et pouvoir ainsi se payer des sorties en discothèque... Le ministère public requiert trois ans de prison avec sursis et avec mise à l'épreuve durant deux ans... C'est la peine que retient le tribunal pour le voleur qui devra verser 400 € à sa mère.
IMMUNITÉ JUDICIAIRE
Cf. Avocat*, Compte rendu des débats judiciaires*, Faits justificatifs*, Immunité*, Plaidoirie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-104, p.129
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-119, p.357
L’art. 41 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que ne pourront donner lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni les propos tenus, ni les écrits produits devant les tribunaux. Quand bien même ce texte n’existerait pas, il conviendrait d’admettre que la recherche de la vérité au cours des débats implique la liberté d’expression et emporte donc Immunité*.
- L’immunité judiciaire de la loi de 1881 bénéficie principalement aux parties et à leurs avocats.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (en droit positif français)
Cass.crim. 4 juin 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 222) : L’immunité accordée aux discours prononcés et aux écrits produits devant les tribunaux par l’art. 41 de la loi du 29 juillet 1881, destinée à garantir aussi bien la liberté de la défense que la sincérité des auditions, est applicable, sauf le cas ou ils sont étrangers à la cause, aux propos tenus et aux écrits produits devant les juridictions d’instruction comme de jugement.
Cass.crim. 4 février 1980 (Gaz.Pal. 1980 II 622) : N’ayant pas porté sur des faits étrangers à la cause débattue devant le tribunal correctionnel, la déposition du témoin devait bénéficier de l’immunité accordée aux discours prononcés devant les tribunaux par l’art. 41 de la loi due 1881, dont les dispositions d’ordre public sont destinées à garantir aussi bien la sincérité du témoignage que la liberté de la défense.
Cass.crim. 13 février 1975 (Bull.crim. n° 54 p.146) : L'immunité tirée de l'art. 41 de la loi du 29 juillet 1881, en matière d'outrages proférée à l'audience par le prévenu à l'adresse des membres du tribunal, ne peut recevoir application lorsque les propos excèdent les limites des droits de la défense.
Cass.crim. 6 février 2007 (Bull.crim. n°32 p.225) : Pour ouvrir droit à l'immunité prévue par l'art. 41 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881, le compte-rendu d'un débat judiciaire doit mettre en regard les prétentions contraires des parties et permettre, par une narration générale ou partielle, d'apprécier l'ensemble des débats judiciaires, en s'abstenant de toute dénaturation des faits et de toute imputation malveillante, spécialement à l'égard des membres de la juridiction. Tel n'est pas le cas des passages d'un ouvrage dans lequel l'auteur livre sa propre vision d'un procès dans lequel il est prévenu, et prête au magistrat occupant le siège du ministère public un comportement et des motivations justifiant une comparaison avec les juges des cours de justice spéciales durant l'Occupation.
TGI Paris 5 décembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I somm. 71) :L'immunité prévue à l'art. 41 de la loi du 29 juillet 1881 ne couvre que les discours tenus devant les tribunaux. Elle ne saurait s'étendre aux commentaires tenus à l'extérieur du prétoire à l'adresse des journalistes ; la contestation émise à cet égard par le défendeur n'apparaît pas sérieuse et doit être écartée.
- Le fait justificatif général de permission de la loi s’applique aux magistrats, auxiliaires de justice, témoins et experts.
Digeste de Justinien, 47, X, 13, 6. Ulpien : Ce que le magistrat fait par le droit que lui donne sa puissance n'est pas l'objet de l'action d'injures.
Cass.crim. 23 novembre 1950 (Bull.crim. n°259 p.431) : Les magistrats du ministère public tiennent de la nature même des fonctions et du caractère dont ils sont revêtus le droit, sous le seul contrôle des autorités dont ils relèvent, de dire et d’écrire tout ce que dans leur conscience ils estiment être nécessaire à l’accomplissement de la mission dont ils sont chargés.
Cass.crim. 23 juin 1980 (Gaz.Pal. 1981 I 244) : Les juges tiennent de la loi qui les institue le pouvoir de relater et d’apprécier, sans autre limitation que celle dictée par leur conscience, le comportement des justiciables déférés à leur juridiction.
IMMUNITÉ SCIENTIFIQUE
Cf. Doctrine*, Enseignement du droit*, Science criminelle*, Université*.
Il suffit de se rappeler que Galilée fut contraint de renier la
théorie de l'héliocentrisme, pour percevoir combien les
recherches scientifiques peuvent être périlleuses lorsqu'elles
vont à l'encontre de la doctrine consacrée par les autorités
officielles. Ainsi le premier universitaire qui osa diffuser les
documents originaux relatifs aux horreurs de la Guerre de Vendée
subit d'intolérables tracasseries.
Napoléon, qui ne portait pourtant pas les universitaires dans
son cœur, décida de créer
des chaires universitaires assurant à leurs éminents titulaires
la liberté de recherche et la liberté d'enseignement. Les
dirigeants de mai 1968 y mirent fin : ne fallait-il pas couper
toutes les têtes qui dépassent ?
Code Théodosien (extrait) : Constantin, par différentes lois, favorisa les savants, les médecins, les gens de lettres. En particulier il interdit de leur faire de mauvais procès, ou de les maltraiter de quelque façon que ce soit, à peine d'une amende de 100.000 sesterces pour l'agresseur. Son but était de leur permettre de vaquer librement à leurs études.
Le Code de la propriété intellectuelle interdit la reproduction intégrale d'un ouvrage contemporain, mais il tolère les courtes citations qui permettent à un auteur d'illustrer l'ouvrage qu'il écrit personnellement.
Cass. (Ass.plén.) 30 octobre 1987 (Gaz.Pal. 1987 I Panor. 286) : Lorsqu'une œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source, les courtes citations justifiées par le caractère d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées.
Orléans
22 juin 1995 (D. 1995 IR p.213) : Aux termes des art. L
122-4 et L 122-5 C. propr. intell., toute représentation ou
reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement
de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
Lorsque l'œuvre a été
divulguée, l'auteur ne peut cependant interdire les courtes
citations justifiées par le caractère critique, polémique,
pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à
laquelle elles sont incorporées.