DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Quatorzième partie)
EXACTION
Cf. Abus de pouvoir [de droit ou de fait]*, Concussion*, Extorsion de fonds*, Pillage*, Spoliation*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° V-702, p.670
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-202, p.100 / n° II-I-150, p.409
- Notion. Dans son sens
premier, classique, l'exaction constitue une forme de la
concussion se manifestant par l'emploi de l'intimidation par des
fonctionnaires sur des administrés.
Dans son sens commun, actuel c'est l'idée de violence qui
prédomine ; lors d'une période de troubles, l'exaction est
souvent commise, par des ennemis, moins pour s'approprier des
biens que pour le plaisir de
nuire à autrui. Ce terme n'offre donc plus de sens juridique
précis.
Littré (Dictionnaire) : Acte d'un administrateur quelconque qui exige ce qui n'est pas dû ou plus qu'il n'est dû... Contribution exigée d'une population comme amende et punition.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Exaction, dans l'usage ordinaire, signifie une vexation ou une demande injuste. Les levées qui se font sur le public sans commission du Roi, sont autant d'exactions qui comportent contre ceux qui les font, confiscation de corps et de biens.
Montesquieu (De l'esprit des lois) : Toute l'Asie m'attend comme son libérateur, disait Mithridate, tant ont excité de haine contre les Romains les rapines des proconsuls et les exactions des gens d'affaires.
Exemple (Encyclopédie Microsoft Encarta) : Deux années après le début des hostilités entre le Japon et la Chine, l’armée japonaise occupe les grands ports du pays, les centres industriels et les plaines fertiles du Nord ; et elle se livre à de nombreuses exactions (sac de Nankin en 1938).
- Règle morale. Consistant en des violences injustes l'exaction appelle une condamnation morale absolue.
Gousset (Théologie morale) : Les magistrats pèchent s'ils sont infidèles aux devoirs de leur charge... s'ils ne montrent pas la fermeté nécessaire pour prévenir ou arrêter les abus, les injustices, les exactions de la part de leurs subordonnés.
Janet (La morale) : Supposez nos tarifs de douane perçus sans loi et sans règle par un gouvernement arbitraire, vous aurez l'idée qu'il faut se faire des exactions.
Tarde (La philosophie pénale) : Les membres d'un même clan maffieux conspirent ensemble en vue de s'emparer, par toutes les voies légales ou frauduleuses, pacifiques ou sanglantes, de toutes les fonctions électorales et de mettre la main sur le Sceau de la mairie, afin d'exercer toutes les exactions contre le clan adverse.
Chateaubriand (Génie du christianisme) : Les missionnaires espagnols furent des ministres de paix pour les Indiens et s'efforcèrent toujours d'arracher la verge de fer des mains de leurs oppresseurs... Les Indiens regardent encore les ecclésiastiques, dans les établissements espagnols, comme leurs défenseurs naturels, et c'est à eux qu'ils ont recours pour repousser les exactions et les violences auxquelles ils sont encore exposés.
- Science criminelle. Si certains Codes étrangers évoquent les exactions ils le font bien évidemment pour les condamner (ordinairement à titre de crimes).
Garnier (Morale sociale) : Louis le Gros favorise l'association des artisans et marchands contre les exactions des seigneurs : c'est ce que l'on appelle l'établissement des communes.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Dans les guerres terrestres, les particuliers ne peuvent pas se soustraire aux violences et exactions commises par l'ennemi.
Le Bon (Psychologie des foules) : La Révolution française... eut parmi ses facteurs lointains les écrits des philosophes, les exactions de la noblesse, les progrès de la pensée scientifique.
Thonissen (Le droit pénal de la République athénienne) : Lysias demanda la mort d'Ergoclès, comme un acte de légitime vengeance dû aux habitants d'Halicarnasse que l'accusé avait accablé de ses exactions.
Code pénal du Brésil. Art.316 - Excesso de exação : Si un fonctionnaire exige... une contribution sociale qu'il sait ou devrait savoir indue, ou, quand elle est due, emploie dans le recouvrement un procédé vexatoire ou brutal que la loi n'autorise pas : Peine - réclusion, de 3 à 8 ans...
- Droit positif français.
S'il n'existe pas de crime spécifique d'exaction en droit
français, les actes commis au cours d'une telle scène de
violences peuvent recevoir des qualifications spécifiques
(violences envers les personnes, destruction de biens, pillage...).
En toute hypothèse, des exactions constituent une faute civile
appelant réparation intégrale.
Versailles, 26 avril 1989 (Gaz. Pal., Rec 1989 jur p 447) : La participation du demandeur à un mouvement collectif, qui n'entre pas dans le cadre de l'exercice licite d'une grève et au cours duquel ont été commises des exactions intolérables, constitue une faute lourde l'excluant du bénéfice de l'amnistie.
EXAMEN MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Cf. Démence*, Enquête de personnalité*, Examens corporels*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-8, p.304
Voir : Examen psychologique d'un assassin (De Greeff, « Introduction à la criminologie »)
L’art. 81 C.pr.pén. autorise (voire invite) le juge d’instruction à prescrire un examen médical, un examen psychologique, ou toute autre examen de même nature, permettant de connaître le caractère, le tempérament, le comportement de la personne poursuivie. Une telle mesure présente un intérêt certain dans un système pénal qui privilégie la réformation et le reclassement du délinquant.
Pradel (Procédure pénale) : Les examens médical et médico-psychologique sont centrés sur l’individu lui-même, et non sur son milieu comme l’enquête de personnalité.
Cass.crim. 19 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 169) : Le soin de procéder à un examen médico-psychologique ne peut être confié qu’à un médecin.
Exemple (Versailles 2 juin 1993, Gaz.Pal. 1993 II
Chr.crim. 464).
D’après les experts chargés de procéder à son examen médico-psychologique, P. T... serait un homme au Moi fort, entêté, capable de se donner une
discipline régulière, méticuleuse et quotidienne. Son ascension au sein de la Milice ne s’expliquerait que par ses qualités d’organisateur, de commandant
et surtout par l’enjeu narcissique qu’elle représentait. Il aurait toujours eu le goût du pouvoir, de l’autorité immédiate, de l’ascendant qu’il exerçait
sur ses frères et sœurs et sur quiconque par la suite. En cela il aurait toujours été plus un commandant qu’un chef. Son intelligence se situe dans une
zone moyenne supérieure. Dans le domaine psychiatrique, il ne présenterait pas de pathologie mentale de dimension aliénante. Il déclare avoir toujours
agi en pleine lucidité, conscient de ses responsabilités et du rôle qu’il avait à jouer dans la stricte légitimité de ses fonctions. Dans l’ensemble, ses
facultés intellectuelles sont toutes conservées. Son jugement rationnel resterait emprunt d’un dogmatisme absolu. Il ne reconnaît pas, toujours selon les
experts, la validité de l’information judiciaire dont il est l’objet et argue de la partialité de la justice des hommes, se disant victime d’une cabale
orchestrée par les médias. Sa participation aux événements de 39/45, sa collaboration active, son accession à des responsabilités importantes dans un
corps structuré mais parallèle auraient été plus motivés par l’enjeu narcissique qu’elle telle accession a pu représenter que par ses convictions
doctrinales profondes dont il ne se réclame plus. Seule sa fidélité au Maréchal a gardé toute sa « verdeur ». En tout cas, les psychiatres
n’ont décelé en lui aucun trouble qui serait de nature à atténuer sa responsabilité.
EXAMENS (Fraude aux)
Cf. Complicité*, Permis de conduire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 337 1° et 337 2°
- Éléments constitutifs. L’élément matériel d’une Fraude* à un examen public, consiste à faire croire aux examinateurs en des connaissances et capacités que l’on ne possède pas réellement. Peu importe le procédé employé, puisqu’il ne saurait y avoir de tricherie légitime. L’élément moral, à savoir la conscience de tromper autrui, ressort de la nature même des agissements en cause ; il ne doit pas être confondu avec les mobiles qui sont : dans un premier temps d’obtenir le diplôme convoité ; dans un deuxième temps de pouvoir exercer le métier ou l’activité que ce brevet autorise.
Code pénal du Mali. Art. 260: Tout acte accompli dans l'intention d'éluder une disposition de toute nature relative au régime des examens dans les écoles, instituts et facultés constitue le délit de fraude aux examens.
Cass.crim. 19 octobre 1967 (Bull.crim. n° 258 p.608) : La loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics, qui ont pour objet l’acquisition d’un diplôme délivré par l’État, est conçu dans les termes les plus généraux ; elle s’applique notamment aux épreuves du brevet de pilote d’avion.
Cass.crim. 28 juin 2016, pourvoi n° 15-84032 : Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la plainte déposée par l'Université Paris XII pour des fraudes commises dans le cadre de plusieurs examens de la faculté de médecine, une information judiciaire a été ouverte notamment des chefs de fraude dans un examen ou un concours public ; les investigations ont permis l'identification de l'auteur de la fraude ainsi que de plusieurs étudiants susceptibles d'en avoir profité, dont M. David Y...et M. Fabrice X... ; à l'issue de l'information, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour fraude dans un examen ou un concours public et recel de délit ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable. [les sujets avaient été transmis par courriel et récupérés par un prévenu dans sa boîte mail]
- Régime. C’est le fait que le fraudeur va se voir confier une fonction sociale, pour laquelle il n’a pas établi sa compétence, qui confère à la fraude aux examens sa gravité particulière : le titulaire d’un doctorat en médecine ou d’un permis de conduire qui a obtenu son diplôme par la ruse constitue un danger pour la sécurité d’autrui. De ce fait, la sanction doit impérativement être proportionnée au risque créé. La loi du 23 décembre 1901 prévoit un emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans plus une amende.
Exemple (Ouest-France 13 mars 2015) : Un ado augmente ses notes grâce à Internet. Le collégien de 16 ans, en classe de 3e, a récupéré les codes d'accès du principal de son collège de Castres. Ainsi il a pu pénétrer dans le système informatique de saisie des notes des élèves. Oh, il a été prudent et mesuré. Il a seulement fait passer sa moyenne générale du 1er trimestre de 8,76 à 10,62. L'ado devra s'expliquer devant un juge pour enfants.
Code pénal du Burkina Faso. Art. 308 : Est puni d'un emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 500.000 à 1.000.000 Fr., quiconque, par tout moyen et sous quelque forme que ce soit commet une fraude dans ou à l'occasion d'un examen ou d'un concours public ayant pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'obtention d'un diplôme officiel.
Cons. d’État 23 avril 1980 (D. 1980 IR 495) : Au terme de son épreuve, le requérant a été trouvé porteur d’un document dont il a systématiquement refusé de laisser vérifier la teneur. Un tel comportement permettait de le regarder comme pris en flagrant délit de fraude, ce qui habilitait le jury à prononcer la nullité de cet examen.
Exemple. Ouest-France du 26 mars 2004 : Dans l’État indien du Bihar, on ne badine pas avec la régularité des examens. Sur le demi-million d’élèves qui s’étaient inscrits aux épreuves, lundi, 168 ont été surpris en train de tricher. Comme le prévoit le règlement, ils ont été aussitôt exclus et placés en détention provisoire, tout comme 24 parents pris en flagrants délits de complicité. [on comprend pourquoi les Indes fournissent aux entreprises occidentales des ingénieurs particulièrement qualifiés]
L’examinateur qui se prête à cette manœuvre en est complice. Il peut même parfois être poursuivi en outre pour Corruption* ou Népotisme*.
Code annamite de Gia Long. Art. 51 : Celui qui, directeur du jury d’examen de connaissances ou de capacités, se prononcera volontairement sans tenir compte de la réalité (en mettant dans les derniers rangs ceux qui devraient être choisis, et en choisissant ceux qui devraient être classés dans les derniers rangs) sera puni d’une peine de 80 coups de truong. [Dans la Chine impériale, on a vu prononcer la peine de mort pour fraude dans les examens littéraires servant à sélectionner les futurs mandarins]
EXAMENS CORPORELS
Cf. Corps de l’homme*, Empreintes digitales*, Empreintes génétiques*, Examen médico-psychologique*, Fouille à corps*, Palpation de sécurité*.
La recherche des éléments de preuve d’une infraction, et de l’identité de son auteur, peut être facilitée par l’inspection du corps d’une personne et par des prélèvements effectués sur elle (p. ex. prise de sang ou recherche d’ADN). Le recours à ces procédés doit être effectué, sous contrôle judiciaire, selon des modalités donnant toute garantie de respect de la personne humaine et de rigueur scientifique.
Code de procédure pénale allemand, § 81a (Examen
corporel; prise de sang) :
1) Un examen corporel de l’inculpé peut être ordonné en vue de constater des faits importants pour la procédure. A cet effet, les prises de sang
et autres interventions corporelles qui, aux fins de l’instruction, seront effectuées par un médecin selon les règles de l’art, sont permises sans
l’assentiment de l’inculpé, dès lors qu’aucun inconvénient pour sa santé n’est à craindre.
2) La décision appartient au juge, mais, lorsqu’un
retard risque de compromettre le succès de l’instruction, elle peut être prise également par le ministère public et ses auxiliaires.
Pradel (Procédure pénale) : Une loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a ajouté au Code civil un article 16-11 dont l’alinéa 1 dispose : « L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire… ». De ce texte on peut inférer la possibilité de procéder, au besoin par la force, à des prélèvements destinés à permettre une étude génétique, ce qui est d’ailleurs admis dans divers pays européens.
Cass. (1re civ.) 12 juin 2001 (Gaz.Pal. 2001 somm. 1682) : Il ne peut être reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté un père présumé de sa demande en complément d’expertise sur la recherche génétique d’ADN, dès lors que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la Cour d’appel a estimé, qu’aussi fiable que soit l’examen de l’ADN, il ne permettait pas d’obtenir une certitude de paternité supérieure à celle obtenue avec l’examen des sangs dont il n’est pas sérieusement contesté qu’il présente le caractère d’une méthode médicale certaine.
- C’est la prise de sang d’un automobiliste, soupçonné de conduite en état d’ivresse, qui constitue l’examen le plus fréquent (art. L.234-4 et L.234-5 du Code de la route).
Cass.crim. 26 février 1980 (Bull.crim. n° 71 p.169) : Dès lors qu’un automobiliste, à l’encontre duquel les gendarmes ont relevé des faits constituant des présomptions d’excès de vitesse, a refusé de subir l’épreuve de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré puis a opposé un refus à la demande qui lui était faite de se soumettre à une prise de sang, ces constatations caractérisent en tous ses éléments, le délit prévu par l’art. 1er-I dernier alinéa du Code de la route. qui punit des peines édictées au 2e alinéa du même article toute personne qui aura refusé de se soumettre aux vérifications médicales, cliniques et biologiques destinées à établir la preuve de l’état alcoolique.
EXCEPTIO VERITATIS
Cf. Diffamation*, Vérité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-332, p.403
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (en droit positif français)
Expression latine exceptio veritatis désigne le moyen de défense grâce auquel une personne, poursuivie du chef de diffamation, peut obtenir sa relaxe en établissant la vérité des faits imputés au plaignant. Cette exception se rencontre principalement en matière de diffamation, pour l’application de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.
Digeste de Justinien, 47, X, 18, pr. Ulpien : Quant à celui qui a diffamé un coupable, il ne serait ni bon ni juste qu’il soit condamné pour cela : car, que les délits des coupables soient connus, cela est nécessaire et profitable.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La question importante, en matière d’injure et diffamation, est de savoir dans quels cas il faut admettre la preuve de la vérité (exceptio veritatis).
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : Il a fallu attendre une ordonnance du 6 mai 1944 pour que le fait justificatif tiré de la vérité du fait diffamatoire soit étendu à toutes les diffamations. C’est ce que l’on a appelé l’exceptio veritatis.
TGI Paris (1re Ch.), 26 juin 1985 (Gaz.Pal. 1985 II
586) : L’art. 35 de la loi du 29 juillet 1881 interdit la preuve de la vérité des faits diffamatoires, lorsque l’imputation se réfère à des faits
qui remontent à plus de dix années. Cette interdiction, édictée dans un but de paix publique, est générale et absolue. Elle doit être observée tant
devant les Tribunaux civils que devant les juridictions pénales. Il s’ensuit que l’exceptio veritatis invoquée par la prévenue pour justifier ses
allégations concernant des faits remontant à 1943, soit à plus de dix ans, n’est pas recevable.
[cette décision, dépassée, n'est rappelée qu' à titre
d'exemple].
En matière d'imputation diffamatoire, l'exception de vérité
avait été exclue dans trois cas :
a) lorsque l'imputation concerne la vie privée d'une personne
;
b) lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remonte à plus
de dix ans ;
c) lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une
infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une
condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.
Ces deux dernières exclusions viennent d'être abrogées.
Cass.crim. 15 mars 2011 (n° 10-90129 QPC) : La question présente un caractère sérieux dès lors qu'en interdisant au prévenu de diffamation de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années, l'art. 35 3° al.b) est susceptible de mettre en cause la liberté d'expression, l'exercice des droits de la défense et le droit à un procès équitable.
Cons.Const. 7 juin 2013 (n° 2013-319 QPC) : Le c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution ; en effet, par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui n'est pas proportionnée au but poursuivi.
EXCEPTION
Cf. Fin de non-recevoir*, Question prioritaire de constitutionnalité*.
Une exception est un moyen de défense tiré, non du fond du dossier, mais d'une règle de procédure. Elle met parfois définitivement le défendeur à l’abri des poursuites : c’est le cas de l’exception de prescription ou de l’exception de chose jugée. Elle fait parfois simplement obstacle à l’action présentement en cours : c’est le cas de l’exception d’incompétence.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Le prévenu peut proposer dans l’intérêt de sa défense toutes les exceptions et fins de non-recevoir qui ont pour effet, soit de surseoir au jugement de l’action, soit de faire déclarer cette action irrecevable quant à présent, soit de la faire juger éteinte. C’est ainsi qu’il peut proposer l’irrégularité de la citation, l’exception d’incompétence, le défaut d’autorisation de la poursuite (lorsqu’elle est exigée)… enfin toutes les causes d’extinction de la poursuite : la chose jugée, l’amnistie, la prescription.
Cass.crim. 27 avril 2004 (Bull.crim. n° 98 p.379) : Le principe selon lequel nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi est d’ordre public, et constitue une exception péremptoire qui doit être relevée par le juge à tous les stades de la procédure.
Cass.crim. 5 novembre 1984 (Bull.crim. n° 332 p.879) fournit un exemple : Si l’exception tirée de l’interruption de la prescription de l’action publique est d’ordre public et peut à ce titre être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c’est à la condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur.
EXCEPTION D’ILLÉGALITÉ
Cf. Arrêtés*, Constitution*, Contravention*, Légalité*, Législateur*, Loi*, Maire*, Normes*, Principe général du droit*, Question prioritaire de constitutionnalité*, Traité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 117, p.87
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-105 p.28 / I-II-I-101 p.161 / n° I-III-I-103, p.260
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-102, p.428 / III-109, p.440 / n° III-112, p.448 / n° III-131, p.475
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-237, p.525
Un tribunal répressif doit refuser, éventuellement d’office, de faire application d’un texte réglementaire, lorsqu’il constate que ce texte enfreint une
règle supérieure dans la hiérarchie des sources du droit (art. 111-5 C.pén.).
- C’est pourquoi la défense est recevable à soulever l’« exception d’illégalité » du texte que l’accusation invoque à l’appui des
poursuites. Au soutien de cette exception le défendeur peut invoquer une méconnaissance de la Constitution, d’un Traité*
tel la Conv. EDH, d’une Loi* ou d’un Principe général du droit*.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) : La loi vis-à-vis de laquelle la justice ou honnêteté fait défaut n’est pas une loi et n’oblige pas ; elle ne peut même pas être observée … La justice est nécessaire à la loi à un point tel que, sans elle, elle n’a pas de validité et n’est pas obligatoire.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Il faut ici éviter une méprise. Quand une personne est poursuivie pour infraction à un règlement, il n’appartient pas au tribunal de prononcer la nullité de ce règlement ; il empièterait ainsi sur la compétence des juridictions administratives ; son rôle consiste à refuser de prononcer une peine sur le fondement d’un règlement illégal.
Cass.crim. 25 octobre 1961 (Bull.crim. n°240 p.408) : Les dispositions de l’arrêté municipal du 20 octobre 1952 réservant le stationnement rue Fortia aux véhicules de police ou aux véhicules des magistrats ont pour conséquence de créer une classe privilégiée d’usagers ; c’est à tort que le juge du fond a cru pouvoir en apprécier l’opportunité, alors qu’il devait seulement en vérifier la légalité ; de ce point de vue, aucune disposition de loi ne confère au maire le pouvoir de procéder à une affectation privative de la voie publique au profit de quelque catégorie d’usagers que ce soit ; ainsi, le maire de Marseille, en édictant les dispositions ci-dessus, a excédé les pouvoirs qu’il tient des art. 97 et 98 du Code municipal et desquels il résulte que s’il lui appartient de fixer les conditions dans lesquelles a lieu le stationnement des véhicules sur la voie publique, il ne peut le faire que par une mesure générale visant tous les usagers ; d’où il suit que le juge de police devait déclarer l’illégalité des dispositions de l’arrêté servant de base à la poursuite ; qu’en ne le faisant pas et en prononçant une condamnation contre le demandeur, il a violé les textes visés au moyen.
Trib.pol.
Corte 13 mars 1989 (Gaz. Pal. 1989. II.862, note Doucet) :
L’arrêté municipal contesté énonce que, « considérant qu’une
clôture a été établie entre la place principale et la route
départementale qui longe cette place », arrête, article 1er « La
porte métallique donnant accès de la route départementale à la
place publique doit être refermée par les usagers,
automobilistes ou piétons » ; M. le Maire, dans le procès-verbal
de gendarmerie du 25 juillet 1988 déclare qu’il a pris cet
arrêté « afin que les vaches ne viennent plus compromettre la
sécurité des enfants et la tranquillité des habitants ».
Habituellement les municipalités demandent aux propriétaires de
bétail de clôturer leurs champs pour éviter la circulation de
leurs animaux sur les voies publiques ; un texte pénal prévoit
et réprime cette divagation ; il y a une erreur manifeste
interne à cet arrêté qui, pour éviter une errance bovine,
enferme les habitants du village d’Erone au lieu de demander aux
éleveurs de parquer leurs bestiaux ; il convient d’écarter cet
arrêté municipal.
Cass.crim. 16 février 1999 (Bull.crim. n°19 p.44). Cet arrêt accueille l’exception d’illégalité soulevée contre l’arrêté municipal base de la poursuite, qui « a pour effet de rompre l’égalité devant la loi répressive ».
Cass.crim. 18 novembre 1991 (Bull.crim. n° 414
p.1045) : Lorsqu'un acte administratif réglementaire est assorti d'une sanction pénale qu'il est demandé à un Tribunal judiciaire de prononcer,
les juges ont le devoir de s'assurer de sa conformité à la loi.
Il n'appartient pas au Préfet d'édicter une interdiction générale et absolue portant atteinte à la liberté du commerce en l'absence de circonstances
locales précises constituant une menace pour l'ordre public.
L'interdiction sur l'ensemble d'un département de vendre des boissons alcoolisées dans des stations-service entre 22 heures et 6 heures du matin est
entachée d'illégalité faute de mentionner l'existence d'aucune circonstance locale précise, de nature à justifier l'atteinte portée à la liberté du
commerce.
Cass.crim. 8 avril 1992 (Gaz.Pal. 1993 I 8 note Doucet) confirme la légalité d’un arrêté qui interdit sur la voie publique l’offre d’opérations commerciales, et notamment le racolage de clients éventuels, aux abords des lieux et des immeubles destinés à l’exploitation d’un commerce, comportement de nature à troubler l’ordre, la tranquillité publique ainsi que la liberté et la commodité de la circulation.
Depuis la modification de la Constitution en date du 23 juillet 2008, son article 61-1 admet une exception d'inconstitutionnalité en cas d'atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il y a longtemps que nous avons suggéré ce moyen de défense, mais avec plus de modération.
Voir : J-P. Doucet, Les tribunaux répressifs peuvent-ils prononcer une condamnation pénale en s'appuyant sur une incrimination légale formulée en termes inconstitutionnels ?
EXCEPTION PRÉJUDICIELLE - Voir : Question préjudicielle*.
EXCÈS DE POUVOIR - Voir : Pouvoir (excès de)*.
EXCÈS DE VITESSE - Voir : Conduite automobile*.
EXCIPER (de)
"Exciper de", c'est invoquer en sa faveur un argument, tel un moyen de défense : incompétence du tribunal, prescription des faits, légitime défense, contrainte morale...
Denisart (Collection de jurisprudence) : Ils ne pouvaient exciper de la prescription de 30 ans, parce que dans l'espèce il fallait 40 ans.
Villey (Cours de droit criminel) : L'extradé pourrait-il exciper de l'irrégularité ou de l'illégalité de l'extradition ? Oui, à notre avis.
Code d'instruction criminelle du Luxembourg. Art. 535 :... A défaut de cette élection de domicile, l'accusé et la partie civile ne pourront plus exciper de ce qu'il ne leur aurait été fourni aucune communication.
Cass.crim. 15 octobre 1991 (Bull.crim. n° 342 p.854) : Le prévenu poursuivi pour ouverture illicite d'un établissement commercial ne saurait pour la première fois, à l'occasion de son pourvoi, exciper de l'illégalité de la décision préfectorale approuvant le statut local.
Cass.crim. 2 mai 1983 (Bull.crim. n° 121 p.283) : Les juridictions étant d'ordre public en matière répressive, il en résulte que le prévenu est recevable, même pour la première fois devant la Cour de cassation, à exciper de l'incompétence de la juridiction qui a statué en se fondant sur ce que les faits seraient de nature à justifier la compétence d'une autre juridiction.
EXCOMMUNICATION
Cf. Bannissement*, Châtiment*, Exil*, Hors la loi*, Peines*, Proscription*, Sanction (4)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-203, p.412
- Notion. L’excommunication est la décision par laquelle une autorité, relevant parfois du pouvoir temporel mais le plus souvent du pouvoir spirituel, rejette de la communauté tel de ses membres qui a gravement enfreint une loi fondamentale du groupe.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Parmi les Indous, l'exclusion de la caste a les mêmes effets que l'excommunication avait parmi nous dans sa rigueur primitive. Ce n'est rien moins que l'extrême infamie et l'exclusion totale de la société.
- Régime. Celui qui est excommunié se trouve exclu de toute activité communautaire, comme de tous rapports sociaux. Il devient une ombre parmi les siens, et n’a plus d’autre choix que de s’exiler ou d’obtenir son pardon.
J.Auboyer (La vie quotidienne dans l’Inde ancienne) : L’excommunication entraîne des conséquences effroyables : elle condamne celui qui en est l’objet à une mise hors la loi ; à jamais déraciné, expulsé de partout, réprouvé par toutes les castes, il n’a d’autre ressource que de s’expatrier. C’est une mort sociale autant que morale.
Lois de Manou : On ne doit ni manger avec ces criminels, ni sacrifier avec eux ; ni étudier avec eux ; ni s’allier par le mariage avec eux ; qu’ils errent sur la terre dans un état misérable, exclus de tous les devoirs sociaux.
Sophocle (Œdipe Roi), après la mort du Roi Laïos [qu’il a causée sans le savoir] : Quel que soit le coupable, j’interdis à tous, dans ce pays où j’ai le trône et le pouvoir, qu’on le reçoive, qu’on lui parle, qu’on l’associe aux prières et aux sacrifices, qu’on lui accorde la moindre goutte d’eau lustrale. Je veux que tous, au contraire, le jettent hors de leur maison, comme la souillure de notre pays. Je voue le criminel à user misérablement une vie sans joie.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Comme peines, outre la potence et la noyade, les Gaulois avaient encore la mutilation, la confiscation, le bannissement, l'amende et l'excommunication.
Le Bon (Les Révolutions) : Tous les hérétiques critiquant l’orthodoxie jacobine étaient excommuniés, c’est-à-dire envoyés au tribunal révolutionnaire, dont on ne sortait que pour monter sur l’échafaud.
- Cette sanction n’est plus pratiquée en France, et encore très exceptionnellement, qu’au sein de l’Église catholique.
Code de droit canonique. Can. 1331 - À
l’excommunié il est défendu :
1° de participer de quelque façon, en tant que ministre, à la célébration du Sacrifice de l’Eucharistie et aux autres cérémonies du culte quelles
qu’elles soient ;
2° de célébrer les sacrements ou les sacramentaux, et de recevoir les sacrements
3° de remplir des offices ecclésiastiques, des ministères ou n’importe quelle charge, ou de poser des actes de gouvernement.