DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre D
(Treizième partie)
DOL (pénal)
Cf. Actes humains*, Bonne foi*, Concert frauduleux*, Connivence*, Conscience*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Erreur de droit*, Erreur de fait*, Escient*, Faute*, Frauduleusement*, Ignorance*, Imprudence*, Inattention*, Instinct*, Intention*, Malice*, Mobiles*, Négligence*, Sommeil*, Volonté*.
Dictionnaire de droit civil (Paris 1687) : Dol est une tromperie malicieuse inventée pour tromper quelqu'un.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : Toute promesse devient nulle par les exceptions de contrainte, de dol, de fraude, d'injustice.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : On entend par dol toute espèce d’artifices employés pour induire quelqu’un en erreur.
Ghestin (Traité de droit civil) : Le dol est une tromperie commise en vue d'un acte juridique non encore formé.
Les notions de dol civil et de dol pénal ne coïncident pas exactement. Le dol civil consiste dans le fait d'induire autrui en erreur, notamment lors de
la conclusion d'un contrat.
Au sens pénal, le dol consiste dans le fait d'accomplir un acte en connaissance de son illégalité. Le principe de la responsabilité subjective, qui
domine le droit pénal contemporain, invite le législateur à donner une importance particulière à cet aspect de l’infraction.
Le dol pénal peut prendre trois formes, sans parler ici de l’Intention criminelle* ni de la
Volonté*.
- Dol général. Le dol général consiste en ce fait que l’auteur de l'acte reproché par l'accusation l'a commis délibérément, en connaissance de son contexte, et en sachant qu'il était prohibé par la loi sous la menace d’une sanction pénale.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-127, p.181 / n° I-236, p.245 / n° II-119 et 120, p.312
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-322 p.86 / n° I-II-I-307, p.188
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-412, p.207 (p.ex., concernant l'omission de porter secours en péril)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 104, p.39 (p.ex., concernant le délit de bigamie)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-108, p.77 (p.ex., concernant le crime de trahison)
Règle morale. Pour les moralistes, il n'y a faute que si l'intéressé a agi en connaissance de cause.
Vittrant (Théologie morale) : Un péché ne peut être mortel que s'il provient d'un acte humain vraiment délibéré. Il suppose que l'on s'est dit : "Je sais qu'en agissant comme je suis tenté de le faire, je violerai une obligation grave".
Sériaux (Droit canonique) : Le dol est la violation consciente, délibérée, de la loi ou du précepte.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Il n'y a lieu à aucune pénalité si un moine passe la douane ne sachant pas qu'il détient dans son bagage un article sujet aux droits d'importation.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Une double connaissance est requise pour qu'une action soit immorale : 1° La connaissance matérielle de son objet matériel : par exemple, dans l'homicide, celle du fait que l'on tue un homme ; 2° la connaissance morale de sa valeur morale objective, par exemple, dans l'homicide encore, celle de sa malice morale.
Science criminelle. Les purs délits de droit pénal ne peuvent être reprochés à leur auteur que si ce dernier a accompli l'acte prohibé en connaissance de toutes les circonstances de l'espèce.
Digeste de Justinien (47, VI, 1, 1). Ulpien : Est dit savoir celui qui a été prévenu de la chose et a pu l'empêcher ; car nous devons prendre en compte la connaissance accompagnée de volonté.
Roux (Cours de droit criminel) : Les diverses expressions employées dans la loi expriment l'idée que l'auteur du fait a agi de mauvaise foi, par dol, sachant ce qu'il faisait, et voulant les conséquences anti-juridiques de son acte.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le dol général implique un rapport de concordance entre les faits tels que les a compris l’agent et les faits décrits par la loi. L’agent est moralement coupable lorsque les actes matériels dont il a eu conscience coïncident avec ceux qui sont pénalement incriminés.
Casabianca (Introduction au Code pénal d'Italie de 1930) : Le Code, sans s’attarder aux subtilités du libre arbitre, du déterminisme ou du fatalisme, place à la base de l’infraction la capacité de comprendre et de vouloir, en tant que condition essentielle de l’imputabilité pénale.
Carrara (Cours de droit pénal - éd. française) : Le dol se définit comme l'intention plus ou moins parfaite d'accomplir un acte que l'on sait contraire à la loi... Plus exactement, on doit distinguer la pensée de nuire de l'intention de nuire. L'une consiste dans la prévision qu'on nuira ; l'autre, dans la volonté de nuire (animus nocendi).
Cass.crim. 9 octobre 1941 (DA 1941 374) : Pour constituer la complicité, l’aide ou assistance donnée à l’auteur de l’action doit l’avoir été avec connaissance.
Brian-Chaninov (Histoire de la Russie). Lettre de Nicolas I à son frère Constantin, après une émeute : Je vais séparer, pour le jugement, les individus qui ont mal agi avec connaissance de cause, d'avec ceux qui n'ont agi ainsi que par une espèce de délire. [on observera que cette lettre, écrite en français, n'a pas fait l'objet d'une traduction]
- Dol indéterminé. Le dol indéterminé est une variété de l’élément moral de l’infraction ; il consiste en l’acceptation par l’auteur d’un acte prohibé de tous les dommages que cet acte pourra causer. Ainsi celui qui dépose un bloc de béton sur une voie ferrée est pénalement responsable de tout dommage qui pourra en résulter, aussi grave qu’il puisse être. Voir : Tentative*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-128, p.183
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-322, p.87
Constant (Traité de droit pénal) : Il y a des cas où l’infraction existe, même lorsque l’intention de l’agent n’est pas tout à fait précise quant au mal qu’il désire causer. L’auteur cherche l’effet délictueux, mais il lui est impossible d’en déterminer avec exactitude toutes les conséquences ; il en est ainsi lorsqu’il tire dans la foule sans viser des personnes précises.
Exemple (Presse 1975) : Un maniaque de l’attaque du train a vidé un chargeur de carabine sur un train de voyageurs, Lyon-Saint-Étienne, peu après le départ de la gare de Perrache. Bourrée de voyageurs, la rame roulait à bonne allure lorsqu’il a ouvert le feu, sans doute depuis un pont proche des voies. Plusieurs balles traversèrent les vitres de trois wagons et pénétrèrent à l’intérieur. C’est pure chance si aucun voyageur n’a été blessé.
- Dol éventuel. Le dol éventuel est une variété de l’élément moral de l’infraction. On l’observe lorsqu’un prévenu a agi avec conscience ; prévoyant, même s’il ne le souhaitait pas, que son acte pouvait porter atteinte à un intérêt protégé par la loi. On pense ici au jeu stupide consistant à remonter une autoroute à contresens.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-129, p.183
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-308, p.189
Constant (Traité de droit pénal) : En cas de dol éventuel, l’auteur a pu prévoir les conséquences de son acte. Il les a considérées comme possibles ou même probables, mais il ne les a pas directement voulues. Il s’est borné à courir le risque de voir se réaliser le résultat illicite.
Cass.crim. 21 mai 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.164) : Le prévenu devait prévoir toutes les circonstances pouvant accompagner le délit dont il était l’instigateur.
Il a sagement été enseigné que, dans le doute sur les suites éventuelles d'un acte, il est préférable de s'absenir.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : L’attitude sage, quand on est dans le doute au sujet de la propriété d'une chose, est de ne pas la prendre pour soi.
- Dol spécial. Il y a dol spécial, ou intention criminelle, lorsque l’auteur d’un acte menaçant un intérêt protégé par la loi pénale l’accomplit dans le but de porter atteinte à cet intérêt. Ainsi le meurtre suppose l’intention de porter atteinte à la vie de la victime (animus necandi) ; le vol suppose en dol spécial l’intention de déposséder un possesseur de son bien ; la trahison implique l'intention de nuire à la patrie (animus hostilis).
Cf. Animus necandi*, Intention criminelle*, Méchamment*, Meurtre*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-131, p.186
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-324, p.89
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-311, p.163, n° IV-315 p.600
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 221, p.108 (p.ex., concernant l'uxoricide)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 13, p.17 (p.ex., concernant le complot)
Pradel (Droit pénal général) : L’intention de tuer est le dol spécial propre à l’assassinat et au meurtre… En ce cas l’agent recherche un préjudice spécial.
Digeste de Justinien (48, 4, 11). Ulpien : Est coupable de trahison, celui qui est animé d'un esprit ennemi contre la république.
Code pénal de l'Uruguay. Art. 310. Homicide. Celui qui, avec intention de tuer, donne la mort à une certaine personne, sera puni vingt mois de prison à douze années.
Cass.crim. 10 avril 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 162) : Pour renvoyer à bon droit P... devant la cour d'assises sous l'accusation d'homicide volontaire sur la personne de son épouse, l'arrêt attaqué, après avoir exposé les faits, énonce que l'intéressé, de son propre aveu, se serait jeté avec sa femme dans un marécage avec l'intention de la tuer et de se noyer ensuite.
Paris 8 mai 1989 (Gaz.Pal. 1990 I. 49) : Le délit de discrimination est une infraction intentionnelle supposant l’existence d’un dol spécial. Plus particulièrement, il appartient au plaignant ou au ministère public de rechercher ou de démontrer que le refus d’embauche a été inspiré par une intention discriminatoire.
- Dol praeter-intentionnel. Dans le champ limité des infractions intentionnelles (où l’élément moral est constitué par l’intention de porter atteinte à tel intérêt protégé précis), il peut arriver que l’agent cherche à léser un intérêt protégé mineur (p.ex. le droit de propriété) mais que son acte nuise à un intérêt plus important (p.ex. la vie humaine) ; alors les juges ne peuvent lui reprocher que le dommage qu’il avait en vue (sous réserve du dol éventuel).
Cf. Intention criminelle*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-102, p.626
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’hypothèse du délit praeter intentionnel se réalise lorsque l’infraction développe des conséquences plus graves que celles qui étaient prévues ou prévisibles pour l’agent. L’exemple classique est celui de l’individu qui, donnant volontairement des coups à une femme enceinte dont il ignore la grossesse, provoque l’avortement.
Code pénal d’Andorre. Art. 24 : L’action ou omission praeter-intentionnelle sera punie comme l’infraction involontaire ; cependant, la peine pourra être augmentée de la moitié compte tenu de la gravité du fait.
- Dol prémédité. Nous le définirons de manière approfondie en examinant la Préméditation*. Mais il n'est pas sans intérêt d'observer dès maintenant que, dans la hiérarchie des diverses variétés du dol, il se situe au niveau, à la fois le plus élevé de l'élément moral, et le plus dangereux sur le plan social.
Carrara (Cours de droit criminel) : Le premier degré du dol, qui est le plus élevé, se rencontre dans la préméditation, qui réunit la froideur du calcul et la persévérance dans la volonté mauvaise, grâce au laps de temps qui s'écoule entre la détermination et l'action.
DOMAINE PUBLIC - Voir : Biens publics*, Contravention de grande voirie*.
DOMICILE
Cf. Espionnage de la vie privée*, Image*, Intimité*, Lettre missive*, Lieu privé*, Toit*, Vie privée*, Violation de domicile*, Visite domiciliaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-210, p.308
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie privée (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie privée (en droit positif français)
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
- Notion. En droit civil (et ordinairement en procédure pénale), le domicile est le lieu où une personne situe le siège de sa vie sociale, l’endroit où chacun peut chercher à le joindre. En droit criminel, le domicile (ou résidence) est plutôt le lieu où une personne mène sa vie privée et abrite sa sphère d’intimité, hors des regards et de la curiosité d’autrui ; c’est le lieu où elle peut se dire chez elle et se conduire en toute liberté d’esprit. Alors que le domicile est une notion de droit, la résidence est une notion de fait (et comme telle plus conforme à l'esprit du droit criminel).
Malaurie (Droit civil) : Le domicile est le lieu auquel une personne est rattachée… La loi conçoit souvent le domicile comme l’endroit où l’on peut efficacement trouver la personne ; il existe une présomption de présence de la personne en ce lieu.
Garçon (Code pénal annoté) : Le domicile est la maison, la demeure du particulier ; il peut être défini : toute habitation occupée par une personne, le chez-soi de tout individu.
Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle, IV, 1679) : Ce n'est pas au domicile que la compétence est attachée, mais seulement à la résidence. Il n'y a donc pas lieu de faire application des règles du droit civil qui ont établi les conditions du domicile. La résidence n'est qu'un fait ; elle consiste dans le lieu d'habitation habituelle du prévenu au moment où la poursuite est exercée.
Digeste de Justinien (48, 5, 8, 1). Papinien : Il est reconnu que le mot maison signifie toute habitation.
Cass.crim. 9 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 296) : Ne constituent pas un domicile une simple hutte de chasse et le terrain attenant, non entouré d'une clôture constante, lorsque ladite hutte n'est qu'un poste d'observation pour le chasseur, dépourvu des équipements les plus élémentaires propres à caractériser le domicile.
Cass.crim. 29 octobre 1968 (Bull.crim. n° 275 p.659) : Les expressions de « maison habitée » ou « servant à l’habitation » ne s’appliquent pas seulement aux édifices ou constructions où serait établie l’habitation permanente et continuelle ; mais l’habitation peut également résulter d’une demeure temporaire, pour certains besoins, certaines affaires ou certains devoirs; une usine ou un atelier, où le personnel des employés se réunit quotidiennement et demeure pendant la plus grande partie de la journée, constitue bien un lieu habité ou servant d’habitation au sens légal de ce mot.
- Science criminelle. L’inviolabilité du domicile (au sens de sphère d’intimité) constitue l’un des principaux Droits de l’homme*. C’est ce qu’affirment les récentes Déclarations de droits, qui font ainsi obligation aux législateurs nationaux d’incriminer toute violation de domicile. Le domicile ayant des limites territoriales précises, le législateur ne se heurte à aucune difficulté technique ; il peut passer par le classique Délit de résultat*.
Voir : E. Garçon, La violation de domicile ( Éléments constitutifs )
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le droit général de vie personnelle comprend le droit du domicile, ou l'inviolabilité du chez soi dans l'espace, et le secret des lettres, ou le commerce intime de personnes séparées dans l'espace.
Yeltekin (La nature juridique des droits de l’homme) : Le droit au domicile inviolable est le corollaire de la liberté dont chacun doit pouvoir jouir dans sa vie privée.
Rigaux
et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) :
En droit pénal, comme en droit constitutionnel, le domicile
s'entend, quant à son inviolabilité, de toute habitation, même
passagère, occupée par une personne... Il s'agit de l'habitation
au sens le plus large. La maison constitue le type même de
l'habitation. Mais une cabane mobile, une roulotte, une remorque
ou une auto spécialement aménagées à cet effet peuvent être des
habitations.
Non seulement la maison, mais aussi ses dépendances bénéficient
du privilège de l'inviolabilité. Il en est notamment ainsi des
dépendances comprises dans le même ensemble de constructions. On
doit dont considérer comme une portion du domicile un balcon,
une terrasse, sur lesquels on a pu accéder de l'extérieur au
moyen d'une échelle, sans entrer dans la maison ; car le balcon
et la terrasse font corps avec l'appartement dont ils dépendent.
Une cour ou un jardin jouissent de la même protection, à la
condition d'être clôturés.
Le titre en vertu duquel le local est habité est indifférent :
propriété, location, simple tolérance ou permission.
Pothier (Pandectes) : Personne ne peut être arraché par force de sa maison.
Code de procédure pénale espagnol, Art. : 545. - Nul ne pourra pénétrer au domicile d’un espagnol ou d’un étranger résidant en Espagne sans son consentement, sauf dans les cas et de la manière prévus par les lois.
Constitution du Luxembourg. Art. 15 : Le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.
Travaux préparatoires du Code criminel canadien : La sécurité de notre personne est protégée par les textes d'incrimination relatifs à notre personne... Or la demeure d'une personne, de même que les lieux qu'elle occupe, est le prolongement de l'espace entourant sa personne. La protection de l'intimité et de la sécurité de ces lieux présente donc un intérêt particulier. De ce pont de vue, l'introduction par infraction apparaît comme une infraction en soi, dont la sanction vise à protéger directement certains lieux, et qui, pour cette raison, a sa place à titre d'infraction distincte au sein du Code criminel.
Cass.crim. 21 mars 2007 (Bull.crim. n° 89 p.451) : Selon l'art. 8 Conv. EDH, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile doit être prévue par la loi.
- Droit positif. Sur la seule violation de domicile, voir : Violation de domicile*.
Cass.crim. 19 mars 2014, n° 12-87215. En l'espèce il était reproché aux prévenus de s'être introduits dans l'enceinte de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Pour retenir le délit de violation de domicile, les juges du fond énoncèrent que le domicile d'une personne morale couvre non seulement le siège social mais tous les locaux où cette personne morale poursuit ses activités. La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Sur l'occupation du domicile d'autrui.
Cass.crim.
13 avril 2096, n° 15-82400 : Le 2 juillet 2013, Mme N... ,
résidant dans la Manche et propriétaire d'un bien immobilier à
Bordeaux, a appris que celui-ci était occupé par deux familles,
l'une arménienne, l'autre bulgare ; les premières constatations
ont permis d'établir la disparition de biens mobiliers et
l'installation de nouvelles serrures ; après l'expulsion de ces
occupants, le 15 juillet 2013, des poursuites pénales ont été
engagées du chef de violation de domicile contre certains
membres de l'association droit au logement (DAL 33), dont M.
X..., Mmes Y... et Z...;
Pour déclarer les prévenus coupables de violation de domicile,
les juges, après avoir relevé qu'ils sont tous trois membres de
l'association DAL 33, retiennent qu'ils ont participé à
l'installation des familles étrangères dans la maison de Mme
N..., en établissant notamment un inventaire des biens présents,
et ont apporté leur soutien actif à cette action en la
revendiquant tant dans un communiqué qu'auprès de certains
représentants municipaux ;
Mais en prononçant ainsi, sans caractériser à l'encontre de
chacun des trois prévenus l'existence d'une introduction
illicite, à l'aide de manœuvres,
menaces, voies de fait ou contrainte dans ladite propriété, et
sans s'expliquer sur leur degré respectif d'implication en
qualité d'auteur ou, le cas échéant, de complice de l'action
ainsi entreprise, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
d'où il suit que la cassation est encourue.
DOMICILE ÉLU - Voir : Élection de domicile*.
DOMMAGE - Voir : Préjudice*.
DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Cf. Action civile*, Exécution provisoire*, Fonction*, Indexation*, Monnaie*, Préposé*, Réparations civiles*, Restitution (réparation)*, Solidarité*, Torts*, Victime*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-214 et s., p.351 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-224, p.359, sur l'indemnisation en rente ou en capital.
- Notion. L’octroi de dommages-intérêts marque l’aboutissement de l’action civile. Ils consistent en une somme d’argent destinée à réparer intégralement, autant que faire se peut, le préjudice subi par la victime d’une infraction.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La conséquence d’une lésion civile est … la prestation des dommages-intérêts. La conséquence d’une lésion criminelle est la punition, destinée à agir sur la volonté perverse.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : En matière de dommages et intérêts, il y a toujours deux questions à examiner : une de fait, où il s’agit de connaître si celui qui se plaint d’avoir souffert un dommage l’a véritablement souffert ; et une de droit, qui est savoir s’il en est dû, et comment il faut juger.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.II) : L’objet principal de l’action civile est l’obtention de dommages-intérêts, par lesquels la victime s’efforce de compenser à la fois la perte éprouvée et le profit manqué ; leur détermination et les difficultés qu’ils soulèvent relèvent du droit civil.
Digeste de Justinien, 47, VIII, 4, 11. Ulpien : L'estimation doit être faite au temps présent.
Cass (2e civ.) 7 juillet 1993 (Gaz.Pal. 1993 II panor. cass. 304) : Le dommage est définitivement fixé à la date à laquelle le juge rend sa décision et au cas où, postérieurement à cette date, une aggravation survient dans l’état de la victime, les dommages-intérêts ne peuvent excéder la réparation intégrale du préjudice causé par ladite aggravation.
- Intérêts. Quant aux intérêts, on distingue entre les intérêts moratoires, couvrant le temps mis à verser la somme due à la victime, et les intérêts compensatoires touchant le coupable qui a mis une mauvaise volonté évidente à réparer le dommage causé par sa faute.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-225, p.360.
Cons. d'État 14 janvier 1983 (Gaz.Pal. 1983 II somm. 361) : Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par l'entrepreneur, qui a attendu cinq années avant d'être réglé, en condamnant le maître d'ouvrage à lui payer une indemnité de 5.000 F à titre de dommages-intérêts compensatoires.
- Dommages-intérêts procéduraux.Ce sont ceux qui sont dus par l'État (art. 800-2 C.pr.pén.) ou par le plaignant au prévenu acquitté (art. 472 C.pr.pén.).
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-305 et 306, p.368.
- Dommages-intérêts punitifs. Un juge prononce des dommages-intérêts punitifs lorsqu'il fixe la somme qui sera versée à la victime, non seulement en raison des dommages subis par elle, mais aussi en considération de la gravité de la faute commise par le condamné. En principe, notre droit interne n'admet pas les dommages-intérêts punitifs ; mais il arrive en pratique à un tribunal d'en prononcer (discrètement) lorsque l'amende pénale prévue par la loi, nettement insuffisante en l'espèce, ne saurait dissuader le coupable de poursuivre son activité délictueuse.
Code criminel du Canada. Art. 194 : [En principe] un tribunal qui déclare un accusé coupable d’une infraction prévue aux articles 184, 184.5, 193 ou 193.1 peut, sur demande d’une personne lésée, ordonner à l’accusé, lors du prononcé de la sentence, de payer à cette personne des dommages-intérêts punitifs n’excédant pas cinq mille dollars.
Cass (1e civ.) 1er décembre 2010 (Gaz.Pal. 5 mai 2011) sommaire : Le principe d'une condamnation à des dommages-intérêts punitifs n'est pas, en soi, contraire à l'ordre public international français dès lors que le montant alloué est proportionné au regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du débiteur.
DONNÉ-ACTE
Le donné-acte est la déclaration solennelle d’une cour ou d’un tribunal constatant que tel événement s’est produit, que tel propos a été tenu ou que telle formalité a été omise. Il s’agit pour le demandeur de se réserver une preuve pour l’avenir.
Angevin (La pratique de la Cour d’assises) : La partie qui estime que s’est produit un fait préjudiciable à ses droits dispose, pour en obtenir la constatation authentique, qu’elle pourra éventuellement utiliser par la suite, d’une ressource : celle d’en demander acte. C’est pourquoi, des incidents qui surviennent à l’audience de la cour d’assises, la demande de donner acte est l’un des plus fréquents.
Cass.crim. 9 novembre 1988 (Gaz.Pal. 1989 I somm. 182) : La Cour n’est tenue de se prononcer sur la réalité des faits allégués, dans une demande de donné acte, que dans la mesure où lesdits faits se sont produits à l’audience, en présence de la Cour qui a ainsi été en mesure de les constater.
Cass.crim. 6 novembre 2013, n°12-88272 : Une demande de donné acte ne peut aboutir à contourner la prohibition édictée par l'art. 379 C.pr.pén. qui interdit, sauf ordre du président, de faire mention au procès-verbal du contenu des dépositions des témoins.
DONS (mode de complicité)
Cf. Complicité*, Corruption active*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-209, p.333
Un don (une donation) consiste à transmettre à autrui, sans contrepartie, la propriété ou la possession d’une chose. Il se traduit par la remise d’une
somme d’argent, de cadeaux, de présents ou de libéralités.
Une telle faveur relève du droit pénal lorsqu’elle est consentie pour inciter une personne à commettre telle ou telle infraction (il s’agit alors d’un
mode de Complicité*), ou quand elle constitue l’élément matériel de certains délits (p.ex. Corruption
active* ou Corruption passive*).
Garçon (Code pénal annoté) : La provocation par dons existera lorsque le provocateur aura fourni certaines choses à l’auteur du crime avant l’exécution. La loi n’a pas déterminé la nature des choses qui peuvent faire l’objet de la prestation illicite …
Code pénal du Mali. Art. 24 : Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit : Ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, conseils, injonctions, auront provoqué à cette action ou donné des instructions, indications, renseignements, pour la commettre.
Code pénal du Burkina Faso. Art. 138 : Est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans quiconque, pour empêcher ou fausser l'expression des suffrages, par menaces, voies de fait, dons, promesses ou artifices, dissuade ou tente de dissuader un électeur de participer au scrutin ou de choisir librement son bulletin de vote...
Cass.crim. 30 janvier 1962 (Bull.crim. n° 70 p.142) : Celui qui remet une somme d’argent à l’auteur d’une fausse attestation pour le déterminer à la produire se rend coupable de complicité.
Cass.crim. 18 juin 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 176) réprime des pratiques de favoritisme envers certains entrepreneurs ayant effectué des dons sous forme de cadeaux et de prestations diverses.
Cass.crim. 4 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I 225) : Pour déclarer à bon droit le président de l’association « Olympique de Marseille », coupable de corruption active de salariés, l’arrêt attaqué énonce qu’il a usé de promesses et de dons envers des joueurs de l’équipe de football de l’« Union Sportive Valenciennes-Anzin », afin que ceux-ci « lèvent le pied » et lui « facilitent le gain d’un match ».
DOPAGE
Cf. Mise en danger d'autrui*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-40, p.198
Le dopage consiste à utiliser, au cours d’une compétition sportive, des substances de nature à accroître artificiellement les capacités d'un compétiteur. Ce fait, qui peut être l'œuvre du sportif lui-même ou p.ex. de son entraîneur, non seulement fausse le résultat de la compétition, mais encore met en péril la vie de la personne qui a absorbé les substances prohibées. L'expression n'est pas trop forte : j'ai assisté en direct, à la télévision, à la mort du coureur Tom Simpson en 1967.
Au jour où ces lignes sont écrites, cette tricherie
donne lieu aux sanctions administratives prévues par les article L232-21 et s. du Code des sports ; sanctions disciplinaires, prises par les organes
disciplinaires, qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives prévues à l'art. L.
232-9.
Sur le plan pénal, on peut souligner trois dispositions principales :
L'article L.232-25 incrimine le fait de s'opposer à l'exercice des fonctions de contrôle dont sont chargés les agents et personnes habilités.
L'article L.232-26 vise le fait de prescrire en violation des dispositions des 2e et 3e al. de l'article L.232-2 du présent code, de céder,
d'offrir, d'administrer ou d'appliquer à un sportif mentionné à l'art. L. 232-9, une substance ou un procédé mentionné audit article, de faciliter son
utilisation ou d'inciter, de quelque manière que ce soit, ce sportif à leur usage... cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 € d'amende.
L'article L.232-27 concerne les personnes physiques coupables des infractions prévues à l'art. L. 232-26 du présent code encourent également les peines
complémentaires suivantes :
1º La confiscation des substances ou procédés et des objets ou documents qui ont servi à commettre l'infraction ou à en faciliter la commission ;
2º L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'art. 131-35 du code pénal ;
3º La fermeture, pour une durée d'un an au plus, de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre
l'infraction et appartenant à la personne condamnée ;
4º L'interdiction, dans les conditions prévues à l'art. 131-27 du code pénal, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
5º L'interdiction, dans les conditions prévues à l'art. 131-27 du code pénal, d'exercer une fonction publique.
Cons. d’État 25 avril 2001 (Gaz.Pal. 2002 I somm. 186) : L’arrêté du ministre de la jeunesse et des sports et du secrétaire d’État à la santé et à l’action sociale du 2 février 2000 fixe, en application de l’art. 17 de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, la liste des substances et des procédés dont l’usage est interdit ou soumis à certaines restrictions à l’occasion des compétitions sportives.
Les pouvoirs publics agissent sagement lorsqu'ils élaborent une règlementation de police préventive.
Code pénal tchèque. § 288 : Quiconque... par grande quantité, possède, importe, exporte, transporte, offre, vend, fournit ou présente,soit une substance anabolisante ou hormonale, soit une méthode permettant l'augmentation de l'apport d'oxygène dans le corps humain, soit toute autre méthode de dopage... encourt un emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an.
DOSSIER DE L’INSTRUCTION
Cf. Instruction (pénale)*.
Le dossier de la procédure, notamment le dossier de l’instruction menée par le juge d’instruction, est tenu au greffe tout au long de la procédure. Il est mis à la disposition des parties quelques jours avant les principaux actes de procédure. À la fin de la procédure il est archivé (sauf autrefois pour effacer toute trace de certains crimes), en sorte que, sous quelques conditions, il demeure possible, d’obtenir ultérieurement des copies de pièces.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le juge d’instruction traduit son activité d’enquêteur et de juridiction chargée de l’instruction par la constitution d’un dossier soumis aux règles de forme précisées par l’art. 81 al. 2 et 3 C.pr.pén., et par les art. C.143 à C.164 de la circulaire d’application du Code.
Code de procédure pénale de Madagascar. Art. 235 : Si l’inculpé a fait choix d’un conseil … le dossier de la procédure doit être mis à la disposition de celui-ci pendant les trois jours précédant l’interrogatoire.
Cass.crim. 9 février 1982 (Bull.crim. n° 47 p.126) : L’obligation faite au juge d’instruction par l’art. 118, alinéa 3 C.pr.pén. de mettre le dossier de la procédure à la disposition du conseil de l’inculpé 24 heures au plus tard avant chaque interrogatoire impose la communication de toutes les pièces figurant au dossier à cette date.
« Journal d’un Bourgeois de Paris ». Ce document relève une exception au principe voulant que les procédures d’instruction soient archivées. Audit an 1534, le 5 mai un procureur et un couturier furent traînés sur une claie au parvis de Notre-Dame, menés au marché au pourceaux, pendus à chaînes de fer, et ainsi brûlés. Et furent leurs procès avec eux brûlés.
La destruction d'un dossier tombe sous le coup de l'article 322-2 2° C.pén. Sa reconstitution est régie par les art. 648 et s. C.pr.pén.
Cass.crim. 20 février 1957 (Bull.crim. n° 170 p. 288) : En matière de destruction de titres prévue par l'art. 439 C.pén. l'intention frauduleuse est caractérisée par la destruction volontaire de l'acte, quel que soit le mobile auquel ait obéi son auteur.
Exemple (Télétexte TF 1 29 octobre 2009) : Incendie criminel au Palais de justice de Bobigny. Le ou les intrus auraient brisé une fenêtre du Palais de justice de Bobigny. Plusieurs dossiers d'instruction ont été détruits.
Cass.crim. 29 mai 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 203) : Il résulte des dispositions des art. 648 à 651 C.pr.pén. que, lorsque, par suite d'une cause extraordinaire, la minute d'un arrêt, rendu en matière correctionnelle et non exécuté, a été détruite et qu'il n'existe pas d'expédition ou de copie authentique pouvant y suppléer, la procédure est recommencée à partir du point où les pièces se trouvent manquer.
DOSSIER DE PERSONNALITÉ
Cf. Enquête de personnalité*, Individualisation de la sanction*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-8, p.303 (quant à l'individualisation de la peine)
Le dossier de la procédure d’instruction, centré sur les faits délictueux, est complété par un dossier de personnalité qui comprend des renseignements sur les caractères propres du prévenu, sur ses relations familiales et sur sa vie sociale (art. 81 C.pr.pén.). Ce dossier, qui porte sur des éléments extérieurs à l’information, permet aux juges d’individualiser de la sanction.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La recherche de la personnalité de l’inculpé comprend : une enquête sur la personnalité de l’inculpé et une enquête sociale, plus des examens médicaux et médico-psychologiques. Ces examens et enquêtes, dont l’ensemble forme le « dossier de personnalité », sont essentiels dans le droit moderne, car ils permettent de connaître la personnalité du délinquant et de préparer les mesures qui facilitent sa réadaptation sociale.
Larguier (Mémento de procédure pénale) : La loi prévoir 1° une enquête sur la personnalité et sur la situation matérielle, familiale ou sociale de la personne mise en examen... 2° un examen médical et médico-psychologique et toutes autres mesures utiles.
Cass.crim. 1er décembre 1960 (D.1961 385, note M.R.M.P.) : La disposition de l’art. 81, avant-dernier alinéa, C.pr.pén. qui fait un devoir au juge d’instruction de ne pas se borner à rassembler les preuves de la culpabilité ou de la non-culpabilité, mais de réunir, dans la mesure du possible les renseignements qui permettront aux juridictions de jugement de déterminer et de mesurer la peine éventuellement applicable, ne déroge pas à la règle fondamentale d’après laquelle les juridictions d’instruction ont le droit et l’obligation de clore leur information lorsqu’elles estiment que celle-ci est complète.
Cass.crim. 4 mars 1981 (Bull.crim. n° 82 p.223), sommaire : Un enquêteur de personnalité n’est pas chargé d’une mission d’expertise ; il doit dès lors être entendu à l’audience en qualité de témoin.
Cass.crim. 6 juin 2000 (Gaz.Pal. 2000 II Chr.crim. 2533) : Le prévenu a demandé à la chambre d’accusation d’ordonner un supplément d’information afin qu’il soit procédé à son interrogatoire de «curriculum vitae». La juridiction d’instruction a pu écarter cette prétention en se référant à son précédent arrêt ayant déjà refusé de faire droit à la demande d’acte d’information au motif qu’était versé au dossier de personnalité de l’intéressé un interrogatoire de cette nature, établi dans une autre procédure, conservant son actualité à l’époque des faits poursuivis.
DOUANE
Cf. Amende - amendes douanières*, Contrebande*.
Le droit pénal douanier présente quelques particularités par rapport au droit pénal de droit commun, du fait que les pénalités douanières comporte à la fois un aspect répressif et un côté indemnitaire. Son autonomie s'est toutefois quelque peu atténuée au cours de ces dernières années.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le droit pénal douanier constitue une branche tout à fait originale du droit criminel français, caractérisée notamment par son extrême sévérité, et par les multiples dérogations qu'elle apporte aux règles les plus assurées du droit commun répressif.
Cass.crim. 10 février 2010 (Gaz. Pal 22 avril 2010) : L'interdiction d'une double condamnation en raison des mêmes faits ne fait pas obstacle au prononcé des pénalités douanières parallèlement aux sanctions pénales.
La rétention douanière doit s'effectuer dans des conditions respectant les droits de la défense.
Cass.crim. 31 mai 2011, n° 10-88809 (Gaz.Pal. 16 juin 2011 p.26) : Il se déduit de l'art. 6 § 3 Conv. EDH que toute personne, placée en retenue douanière ou en garde à vue, doit, dès le début de ces mesures, être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, pouvoir bénéficier, en l'absence de renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat. Doivent être annulées les auditions recueillies au cours des mesures irrégulières de rétention douanière puis de garde à vue puis doit être procédé ainsi qu'il est prescrit par les art.174 et 206 C.pr.pén.
DOUBLE DEGRÉ DE JURIDICTION
Cf. Appel*, Défense (droits de la)*, Voies de recours*.
Voir : A. Morin / J.Ortolan / Faustin Hélie - Appel : Le double degré de juridiction
Il arrive que la décision rendue par un tribunal de police ou un tribunal correctionnel l'ait été à la suite d'une erreur commise par les parties ou même par le tribunal. C'est pourquoi notre Ancien droit autorisait les parties à porter cette décision devant une juridiction d'un degré supérieur, ce qui, en raison de la complexité de l'organisation judiciaire, allongeait inconsidérément les procédures. Depuis le Code d'instruction criminelle, il n'existe plus que deux degrés : ordinairement premiers juges et cour d'appel. Cette règle du double degré de juridiction est d'ordre public. Elle a été inconsidérément étendue aux cours d'assises.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T. II n° 514) : Le principe du double degré de juridiction est considéré comme une garantie de bonne justice, en ce qu'il permet l'examen du même procès par deux juridictions hiérarchiquement supérieures l'une à l'autre.
Cass.crim. 19 décembre 1983 (Gaz.Pal. 1984 II somm. 282) : La règle du double degré de juridiction, qui est d'ordre public, ne permet en aucun cas de citer pour la première fois devant la Cour d'appel, pour entendre prononcer la fermeture d'un débit de boissons, le propriétaire du fonds qui, en méconnaissance des dispositions de l'art. L 59-I C. déb. boiss., n'a pas été cité devant le Tribunal correctionnel pour y présenter ses observations.
Cass.crim. 14 mars 2007 (Bull.crim. n°81 p.407) : La règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce qu'une constitution de partie civile, irrecevable en première instance, soit régularisée en cause d'appel.
DOUTE
Cf. Conjecture*, Équivoque-univoque*, Hors de cour*, Intime conviction*, Opinions*, Présomption d'innocence*, Preuve*, Soupçon*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-213, p.49 / n° I-II-I-204, p.167
- Notion. Le doute est un état d’esprit qui invite le sujet, appelé à constater la réalité d’un fait, à ne déclarer ce fait établi qu’après en avoir acquis la certitude. En droit on demande simplement au juge d’être parvenu à une certitude raisonnable.
Cuvilier (Vocabulaire philosophique) : Doute : état d’esprit qui suspend son assentiment. Doute scientifique : attitude du savant qui révoque en doute ses propres hypothèses tant qu’elles ne sont pas confirmées par l’expérience. « Le grand principe expérimental est le doute philosophique qui laisse à l’esprit sa liberté et son initiative » (Claude Bernard).
Vergely (Dico de la philosophie) : Le doute relève d’une méthode consistant à extirper de soi tout ce qui fait qu’on adhère à une pensée par précipitation ou préjugé au lieu de penser.
Jolivet (Philosophie morale) : Le doute est un
état d'équilibre entre l'affirmation et la négation, résultant de ce que les motifs d'affirmer balancent les motifs de nier.
Le doute peut être :
- a) Spontané, c'est-à-dire consistant en l'abstention de
l'esprit par défaut d'examen du pour et du contre.
- b) Réfléchi, c'est-à-dire résultant de l'examen des
raisons pour et contre.
- c) Méthodique, c'est-à-dire consistant en la suspension
provisoire de l'assentiment à une assertion tenue jusque là pour
certaine, afin d'en contrôler la valeur.
- d) Universel, c'est-à-dire consistant à tenir toute
assertion pour incertaine. C'est le doute des sceptiques.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Le doute est une suspension de l’esprit qui ne peut se déterminer sur quelque chose à cause des raisons qu’il trouve pour et contre, ou parce qu’il n’a point de raison ni pour ni contre. Le doute est, ou positif, quand l’entendement demeure en suspens, à cause que les raisons qui le pourraient porter à se déterminer d’un côté sont contre-balancées par d’autres raisons également fortes, qui le portent à un parti contraire, ou négatif, lorsque l’esprit demeure en suspens, à cause qu’il ne se trouve aucunes raisons suffisantes qui le puissent faire pencher d’un côté plutôt que de l’autre. Il y a encore un doute légitime, c’est-à-dire, qui est fondé sur des raisons probables, et un doute mal fondé par le défaut de raisons suffisantes.
- Règle morale. Les philosophes considèrent que, si le juge n'est pas parvenu à une certitude raisonnable, il doit prononcer une relaxe plutôt que de prendre le risque de condamner un innocent.
Gayot de Pitaval (Causes célèbres - Le faux Martin Guerre) : Il vaut mieux dans le doute s’exposer à laisser un coupable impuni qu’à perdre un innocent.
Gousset (Théologie morale) : Dans les causes douteuses, s'il s'agit d'une affaire criminelle, on doit prononcer en faveur d'accusé ; autrement on s'exposerait au danger de condamner un innocent.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Cas
II. Justinien, juge, demande si, dans un procès criminel, il doit suivre l’opinion la plus probable.
Réponse. En matière criminelle, quand on n’a que du plus probable, et qu’on ne va point jusqu’à la certitude, il faut suivre le parti le plus doux
pour l’accusé.
- Science criminelle : Principe selon lequel le doute bénéficie à la défense. En droit, il est de principe qu’un tribunal répressif doit pencher vers l’acquittement lorsqu’il éprouve un doute, soit sur l’existence des faits reprochés au défendeur, soit sur la responsabilité morale de ce dernier, soit enfin sur l’existence d’un fait justificatif ou d’une cause de non-imputabilité sérieusement alléguée par la défense et non écartée par l’accusation. Tel est le sens de l’adage In dubio pro reo. On ne saurait qu’approuver cette règle, sans perdre de vue que la remise en liberté d’un malfaiteur cause un trouble grave à l’ordre public.
Établissements de Saint-Louis (II-37) : Lorsque les preuves sont égales de part et d'autre, la sentence doit être rendue en faveur de l'accusé plutôt que pour l'accusateur ; car la justice est plus prête à absoudre qu'à condamner.
Pothier (Pandectes) : Dans les causes pénales, on doit envisager les faits du côté le plus favorable et le plus doux.
Sohet (Institut de droit, 1772) : Dans les cas épineux ou douteux, les juges doivent absoudre plutôt que condamner : parce que dans le doute il vaut mieux laisser un crime impuni que de condamner un innocent.
Lamer (La preuve en droit pénal canadien) : Dans certains cas le droit canadien confère au juge le pouvoir de se substituer complètement au jury dans l’arbitrage des faits, et d’imposer à celui-ci un vedict d’acquittement face à une preuve trop ténue.
Code de procédure pénale de Colombie. Art. 7º. Présomption d'innocence et règle "in dubio pro reo". Toute personne est présumée innocente et doit être traitée comme telle, tant qu'il n'y a pas de décision judiciaire définitive portant sur sa responsabilité pénale. En conséquence, c'est sur l'organe chargé de la poursuite pénale que pèse la charge de la preuve de la responsabilité pénale. Le doute qui se présente sera résolu en faveur de l'accusé.
Garraud (Précis de droit criminel) : La règle que le doute profite à l’accusé exerce son influence sur toutes les phases du procès pénal et donne naissance à une série de corollaires… C’est ainsi que l’on compte en faveur de l’accusé les bulletins blancs.
M.Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe République) : Du point de vue philosophique un coupable impuni cause un trouble social incontestable et grave, et constitue une forme d’erreur judiciaire dont on néglige trop souvent la portée. On ne doit point perdre de vue le caractère exemplaire de la peine ; l’impunité enhardit le criminel.
Mais l'acquittement pénal au bénéfice du doute risque d'avoir de fâcheux effets au regard de la victime, comme de l'ordre social.
C'est pourquoi, le juge doit ordonner toute mesure d'instruction complémentaire avant de prononcer un acquittement au bénéfice du doute.
C'est pourquoi, le législateur doit avoir la sagesse de prévoir des tempéraments, telle jadis la mise Hors de cour*.
Bongert (Histoire du droit pénal) : L'insuffisance de preuves, qui excluait absolument l'application de peines corporelles, n'interdisait toutefois pas au juge le recours au bannissement.
Beccaria (Des délits et des peines) : Il me semble qu'on pourrait bannir ceux qui, accusés d'un crime atroce, sont soupçonnés coupables avec la plus grande vraisemblance, mais sans être convaincus du crime.
Cass.crim. 24 janvier 1936 (D. 1936 I 60) : En déclarant que le doute devait profiter à l’inculpée, le juge de police a méconnu ses pouvoirs d'instruction... Casse...
La décision suivante montre l'utilité de la procédure du " Hors de Cour ", faute de preuve, en vigueur sous l'Ancien régime.
Cass.crim.
6 mai 2014, n° 13-843766 I 60): Pour déclarer Mme X...
coupable de dénonciation calomnieuse, sur le fondement de l'art.
226-10, al. 2, C.pén., l'arrêt énonce notamment que la fausseté
des faits dénoncés résulte de ce que, dans sa décision du 14
octobre 2009, la Cour d'appel a retenu qu'au vu des
constatations des enquêteurs et de l'imprécision d'un certificat
médical produit huit jours après lesdits faits, la réalité des
violences n'était pas démontrée et qu'aucun autre élément
objectif ne venait corroborer les déclarations de la victime ;
Mais en se déterminant ainsi, alors que l'arrêt du précité ne
relevait pas que les faits de violences n'avaient pas été
commis, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article
précité.
- Droit positif. Ce principe reçoit quotidiennement application devant les tribunaux français, tant au niveau de
l’établissement des faits qu’au niveau de leur qualification.
Toutefois, celui qui est acquitté en l'absence de preuve pénale peut être condamné au civil pour faute civile (art. 470-1 C.pr.pén.).
Cass.crim. 22 mars 1966 (Bull.crim. n° 106 p.234) : A défaut de pouvoir établir une faute personnelle à la charge de l’un quelconque des prévenus, le doute doit bénéficier à tous .
Cass.crim. 24 janvier 1936 (D. 1936 I 60): en déclarant que le doute devait profiter à l’inculpée, le juge de police a méconnu ses pouvoirs... Casse...
Caen 1er mars 1996 (Gaz.Pal. 1997 301) : Deux contrôles ayant été effectués il convient de retenir celui de 0,38 mgl, le plus favorable au prévenu ; l’application d’une marge d’erreur de 0,032 mgl aura pour effet de réduire ce taux à 0,34 mgl soit au-dessous de celui qui a fondé les poursuites. Il convient en conséquence de relaxer le prévenu.
Trib.adm. Grenoble 6 mai 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Panor. 16) : Annulation de la suspension d’un permis de conduire, pour le chauffeur d’une automobile qui aurait été contrôlée à la vitesse de 168 km/h, alors que la notice descriptive du constructeur indique une vitesse maximale de 143 km/h et qu’une expertise a constaté une vitesse maximum de 142km/h.
Tribunal révolutionnaire 25 floréal an II. Trois prévenus comparaissent pour avoir bu, en 1792, « À la santé de la Nation, de la Loi, et du Roi ». Si les faits avaient eu lieu avant le 10 août, il n’y avait pas délit ; s’ils s’étaient déroulés après cette date, il y avait délit. Dans le doute, le Tribunal prononça un acquittement.
DOULEUR - Sur la douleur, comme cause de non-imputabilité, voir : J-P. Doucet, " Le jugement pénal " (3e éd.), n° I-II-II-219 p.250.
DRAPEAU - Voir : Symboles*.
DROGUE - Voir : Stupéfiants*.
Voir : Tableau des incriminations en matière de stupéfiants (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations en matière de stupéfiants (en droit positif français)