DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  D
(Première partie)

DACTYLOSCOPIE -  Voir : Bertillon*, Criminalistique*, Empreintes digitales*.

DAMNATION

Cf. Excommunication*, Sanction (4)*.

Le dam est une peine qui consiste en la privation de la vision de Dieu pour l’éternité ; s’y ajoutent des peines touchant les sens et symbolisées par le feu éternel. Le damné est celui qui est atteint par la peine du dam. La damnation est la condamnation à subir la peine du dam.

 Dictionnaire de la foi chrétienne : Damnation – Condamnation aux peines éternelles de l’enfer portée par Dieu sur ceux qui, ayant refusé de se repentir, meurent en état de péché.

 Tarde (La philosophie pénale) : Si être coupable d’un acte cela signifie d’abord en être cause, il s’ensuit qu’en être coupable absolument et infiniment, à l’égard de tous et sans nulle restriction, comme il le faut pour justifier la notion de damnation éternelle, cela signifie en être la cause absolue et première, autrement dit la cause libre, au delà de laquelle on ne saurait remonter dans l’enchaînement de la série causale.

 Garofalo (La criminologie) : En s’appuyant sur un principe religieux, on parlera au malfaiteur du bonheur d’une vie future pour l’homme juste, et de la damnation éternelle qui attend les pervers.

DANGER

Cf. Animaux dangereux*, Choses dangereuses*, Personnes dangereuses*, Mise en danger d’autrui*, Non assistance à personne en péril*.

La doctrine observe à juste titre qu'il convient d'être prudent lorsque l'on parle du danger visant une personne ou une institution. S'agit-il d'un danger réel et imminent, qui appelle une réaction légitime, à la fois rapide et proportionnée ; ou seulement d'un danger redouté ou pressenti, qui n'autorise guère que des mesures préventives ?

 Dictionnaire Larousse des synonymes : Danger se dit d'une disposition des choses qui nous menace, de près ou de loin, de quelque malheur, de quelque dommage grave ou léger : quand on craint le danger on l'évite - Péril est un terme moins général que danger ; c'est proprement une épreuve pressante, immédiate, où il peut y aller de la vie.

 Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La loi du 25 octobre 1941 avait tenté de définir le danger dont est menacée une personne qu'il faut secourir : celle-ci devait être exposée au « péril de perdre la vie ou de souffrir d'une grave lésion corporelle » ; il s'agissait donc d'un danger particulièrement grave, mais la loi ne pouvait guère aller plus loin dans les précisions techniques.

 Carrara (Cours de droit criminel) : Le danger est de deux espèces : autre chose est le danger appréhendé, qui n'a jamais présenté un état de fait rendant imminente la violation du droit, par exemple les inclinaisons mauvaises d'un homme ; autre chose est le danger couru, lequel résulte d'un état de fait qui a rendu à un moment donné cette violation imminente.
Le danger appréhendé ne donne jamais lieu à incrimination, il tombe seulement sous le coup des mesures d'un bon gouvernement. Le danger couru est la base de l'imputation de la tentative.

 Code de procédure pénale suisse. Art. 67 3°: Une perquisition ne peut être opérée de nuit que s'il y a danger imminent.

 Cass.crim. 18 mars 2008, n° 07-83067 (Bull.crim. n° 67 p.85) : Le délit de mise en danger d'autrui ne peut être caractérisé qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.

DANGEROSITÉ -  Voir : Témibilité*.

 Code de procédure pénale. Art. 720-4 : Les décisions prévues par l'alinéa précédent ne peuvent être rendues qu'après une expertise réalisée par un collège de trois experts médicaux... qui se prononcent sur l'état de dangerosité du condamné.

DÉBATS (notion et renvois)

Cf. Auditions*, Clôture des débats*, Compte rendu des débats judiciaires*, Continuité des débats*, Contradiction des débats*, Direction des débats*, Durée des débats*, Langue française*, Oralité des débats*, Ordre des débats*, Ouverture des débats*, Plumitif*, Police des débats*, Président de la juridiction de jugement*, Procédure*, Publicité des débats*, Renvoi (à une audience ultérieure)*, Réouverture des débats*, Résumé des débats*, Suspension des débats*, Vérification de l’identité du prévenu*.

- On parle des « débats » pour désigner l’instruction du procès à l’audience de la juridiction de jugement. Ils sont marqués par l’audition des parties (accusation et défense), des témoins et des experts.

 Par exemple : Procès de Mme Roland devant le Tribunal révolutionnaire

 Voir : Viol d'une jeune fille par un dentiste

DÉBAUCHE

Cf. Dignité de la personne humaine*, Libertinage*, Luxure*, Maison de tolérance*, Maquereau*, Péché*, Pornographie*, Prostitution*, Proxénète*, Proxénétisme*, Souteneur*, Turpitude*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-215, p.340 / n° III-229, p.441

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), p.263 (note 5) 

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la débauche des mineurs n° 211, p.93 / n° 439, p.293 

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-7, p.148 / n° I-II-9, p.150 / n° I-II-101 et s., p.156 et s. / n° 440, p.295

- Notion. On entend par débauche tout excès dans le domaine du boire ou du manger, mais plus encore en matière sexuelle.

 Rigaux et Trousse (Crimes et délits du Code pénal belge) : La débauche constitue une notion plus large que la prostitution, elle vise tout abandon à l’impudicité ; elle est indépendante de toute condition de rétribution.

 Von Liszt (Traité du droit pénal allemand) : Le métier de débauche existe lorsque la personne di sexe féminin se donne à tout homme qui paie la somme demandée.

 Liège 17 novembre 1965 (Jour.Trib. 1966 134) : Le mot débauche a une portée très large ; il s'applique non seulement à la prostitution, mais aussi à tout acte d'immoralité ; pour qu'il y ait débauche, la loi ne requiert pas qu'il y ait relations sexuelles consommées.

- Règle morale. De tels excès sont bien évidemment condamnés tant par les préceptes des grandes religions que par l'enseignement des principaux philosophes.

 Sénèque (De la brièveté de la vie) : Je songe d’abord à ceux qui n’ont pas d’autre passe-temps que le vin et la débauche ; car il n’y a pas d’occupation plus honteuse… S’abaisser à être l’esclave de son ventre et de la débauche, c’est une flétrissure infamante.

 Flornoy (L’aventure inca) Chap. X : Les sentences de Pachacutec … rappelaient les cinq interdictions essentielles de la loi inca : le mensonge, la paresse, le vol, l’assassinat et la débauche.

 Catéchisme bouddhiste, troisième précepte : Ne te livre à aucun plaisir sexuel défendu.

 Lettre aux Thessaloniciens : Ce que Dieu veut, c’est que vous vous absteniez de toute immoralité ; que chacun de vous sache gagner une parfaite maîtrise de son corps pour vivre dans la sainteté et l’honneur, sans se laisser dominer par des passions déréglées.

 St Paul (Lettre aux Philippiens) évoquant les festins des romains : Leur Dieu, c'est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre.

 Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : En dénonçant la luxure, la morale ne jette pas le soupçon sur le plaisir sexuel. Elle dénonce une absolutisation de ce plaisir devenu une fin en soi. Alors l’autre devient le moyen de l’obtention du plaisir ; il est instrumentalisé. Une telle faute est objectivement grave.

 Cuvillier (Manuel de philosophie) : La vie morale, sans chercher à abolir la nature sensible de l’homme, consiste en un certain sens à la dépasser… L’empire sur soi-même, la domination des instincts physiques, apparaît justement comme la condition pour que se continue l’évolution par laquelle l’humanité s’est élevée au dessus de l’existence purement animale.

 Baudin (Cours de philosophie morale) : Nous devons nous respecter nous-mêmes, donc éviter les esclavages de la sensualité, des passions, de l'ivrognerie, de la débauche, etc., tous esclavages intérieurs qui comportent nécessairement l'abandon et la trahison de notre dignité morale.

 Bakounine (Catéchisme révolutionnaire) : Le bourgeois, enfant chéri du capital et du loisir privilégié, fera tourner son loisir en désoeuvrement, en corruption, en débauche.

- Science criminelle. Le dérèglement dans la recherche des plaisirs des sens produit les plus graves dégâts sur le plan individuel (atteinte à la dignité humaine et à la santé), sur le plan familial (atteinte à la foi conjugale, voire abandon de foyer) et sur le plan social (fréquentation d’un milieu criminogène, voir : Crapule*). C'est pourquoi le législateur doit impérativement en condamner les manifestations.

 Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : La grande augmentation des crimes de débauche, qui est un des caractères particuliers de la criminalité moderne, s'accorde avec l'accroissement continue de la prostitution, qui infeste surtout les grands centres.

 Joly (Le crime, étude sociale) : Dans tous les cas, la débauche qui suit presque toujours un vol interrompt les habitudes de travail ou les brise plus violemment encore qu'elles ne l'avaient été jusque-là. Elle affaiblit tous les ressorts de l'activité normale.

 Proal (Le crime et la peine) : Aux jours d'émeute, les révolutionnaires savent bien ce qu'ils font, lorsqu'ils entraînent des ouvriers dans les débits de boissons pour les exciter.

 Code pénal d'Algérie. Art. 343 : Est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans...à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque sciemment...embauche, entraîne ou entretient, même avec son consentement, une personne majeure en vue de la prostitution ou la livre à la prostitution ou à la débauche.

Les pouvoirs publics doivent aller jusqu'à incriminer les actes accessoires à la débauche, notamment le fait d'inciter ou de provoquer à cette activité dégradante.

 Code pénal soviétique de 1962, art. 226 : Le fait de tenir un établissement de débauche, de pratiquer le proxénétisme, de tenir un établissement à l’usage de stupéfiants, ou un établissement de jeux, est puni de la privation de liberté pour une durée de cinq ans au plus.

 Code pénal du Qatar , art. 294 : Quiconque incite à la débauche, au libertinage ou à l'adultère par des propos tenus ou par des attitudes prises en public, encourt de six mois à trois ans de prison.

- Droit positif français. Signe révélateur de la décadence des mœurs, le mot débauche n’apparaît plus dans le Code pénal. L’art. 227-22 C.pén. incrimine toutefois le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur.

Cf. Instigation de mineur à la débauche*.

 Cass.crim. 1er février 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 328) : Pour déclarer le prévenu coupable du délit d'excitation de mineure à la débauche, l'arrêt attaqué constate qu'en mars 1989, il s'est masturbé devant la victime, née en 1973, avec la volonté d'associer cette mineure à son comportement impudique en lui demandant de le photographier. Les juges ajoutent que pareille mise en scène impliquait la volonté d'éveiller les pulsions sexuelles de l'adolescente et que cette volonté s'est prolongée puisque, huit jours plus tard, le prévenu lui a demandé de venir voir les clichés..

- En droit civil, la débauche d’une personne mariée constitue une fin de non-recevoir à une action en subsides qu’elle pourrait exercer.

 Agen (1re Ch.), 7 janvier 1981 (Gaz.Pal. 1982 I somm. 154) : La débauche est une perversion de la nature humaine qui implique, avec l’abolition de toute sentimentalité vraie, la recherche débridée de toutes les jouissances dont au premier rang les jouissances sexuelles souvent les moins raffinées. Un tel dérèglement au regard de la moralité publique a justifié de la part du législateur une certaine sévérité.

DÉBILITÉ MENTALE

Cf. Démence*, Idiotie*, Imbécillité*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-210, p.240

- Notion. Le débile mental, dont l’âge mental va de 7 à 10/11 ans (on est déjà proche de l’âge mental moyen de la population) comprend le sens des règles morales fondamentales et des lois civiles élémentaires. Cependant, plutôt suggestible, vaniteux et coléreux, il manque de contrôle de soi et risque dès lors de commettre des infractions marquées par la violence (coups et blessures, meurtre, viol…).

 Larousse médical : La débilité mentale est un état d’insuffisance congénitale du psychisme qui prédomine sur l’intelligence. Les débiles mentaux font partie des arriérés, dont ils constituent la majorité. Leurs facultés intellectuelles sont plus développées que celles des idiots et des imbéciles. Les limites de la débilité sont difficiles à définir et, en pratique, on doit s’aider de tests mentaux pour les préciser. Le débile est un arriéré affectif. Il peut être instable, hyperémotif, impulsif, puéril. Il est souvent inconscient de ses insuffisances, et sa vanité est une trait remarquable de son caractère. Il manque de sens critique et de jugement.

- Responsabilité pénale. La responsabilité du débile mental relève du cas d’espèce, donc du domaine judiciaire. Il est souvent délicat pour les magistrats de mettre en balance l’intérêt de la société (qui demande une sanction) et l’intérêt du prévenu (qui n’a pas toujours intérêt à être traité en malade).

 Gassin (Criminologie) : C’est une question fort discutée que celle de savoir quelle est l’incidence de la débilité mentale sur la criminalité. On a vu, en étudiant les descriptions psychologiques de la personnalité du délinquant en général au moment de l’acte, qu’il n’existe pas de différence significative de niveau intellectuel général entre les délinquants et les non-délinquants mais qu’il y a, en revanche, un rapport assez étroit entre certains types de délits et ces aspects de l’intelligence que sont le jugement et la compréhension. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il existe un certain nombre de délinquants qui sont des débiles mentaux et il est intéressant de se demander si, dans leur cas, la débilité mentale a eu une influence sur fleur délinquance. Deux sortes de données sont à retenir à cet égard. En premier lieu, les recherches statistiques montrent que la proportion des débiles mentaux délinquants primaires est plus forte que celle des délinquants normaux par rapport au pourcentage des débiles mentaux dans la population totale, alors que le récidivisme semble peu toucher cette catégorie. En second lieu, chez les débiles la criminalité prend surtout la forme de vols sans dissimulation et sans but utilitaire (collectionisme par ex.), de délits sexuels, incendies et coups.

DÉBIT DE BOISSONS

Cf. Alcoolisme*, Ivresse*, Mesures de sûreté*, Tripot*, Zones protégées*.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-320, p.246 et s.

 Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-314, p.238 (sur le fait de servir une boisson alcoolique à une personne déjà ivre)

Lieu de contacts favorisant la vie sociale, le débit de boissons est hélas aussi un lieu où les consommateurs risquent, non seulement de sombrer dans un dégradant état d’ivresse, mais encore, à la longue, de mettre leur santé en danger. C’est pourquoi l’implantation et la gestion des débits de boissons est strictement réglementée par la Code des débits de boissons, qui interdit notamment l’ouverture d’un bar près d’un établissement fréquenté par des enfants.

 Voir : Tableau des incriminations luttant contre l'alcoolisme  (selon la science criminelle)

 Voir : Tableau des incriminations luttant contre l'alcoolisme  (en droit positif français)

 Vitu (Droit pénal spécial) : On admet qu’un débit de boissons existe par le seul fait que ces boissons soient offertes ou vendues, où que ce soit, et de quelque façon que ce soit.

 Code général des États prussiens. Art. 1003. - Le magistrat chargé de la police ne permettra pas, dans les maisons de débauche, le débit de boissons propres à enivrer.

 Lombroso (Sociologie criminelle) : Vous, officier de police... rappelez-vous, pour prévenir les crimes monstrueux : soumettez à une surveillance-spéciale les personnes suspectes, imposez un horaire aux débits de boissons.

 Cass.crim. 22 janvier 1969 (Bull.crim. n° 43 p.98) : Chargé d’assurer la stricte observation des prescriptions du Code des débits de boissons, l’exploitant est appelé à répondre pénalement des infractions audit Code commises dans le débit qu’il exploite ; il lui appartient en conséquence, lorsqu’il acquiert la qualité d’exploitant, de se renseigner sur l’étendue de ses obligations légales.

 Cass.crim. 13 janvier 1981 (Bull.crim. n° 17 p.61) : Une Cour d’appel a déclaré à bon droit le prévenu coupable d’avoir ouvert illicitement un débit de boissons à consommer sur place à moins de dix mètres d’une école de danse classique, peu important que cet établissement n’ait pas reçu seulement des mineurs mais également des majeurs dans une proportion dépassant 50 % des effectifs, dès lors que la participation numérique des mineurs revêtait une certaine importance.

La fermeture d'un débit de boissons, ordonnée par un tribunal répressif, s'analyse en une mesure de police et de sécurité publique.

 Cass.crim. 10 mai 1989 (Bull.crim. n° 183 p.471) : La fermeture définitive d’un débit de boissons est une peine complémentaire qui, constituant une mesure de police et de sécurité publique, échappe à ce titre à l’amnistie par voie de conséquence prévue par l’art. 19 al.1 de la loi du 20 juillet 1988.

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