DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Treizième partie)
Compétence - Voir : Incompétence*.
COMPÉTENCE (nationale)
Cf. Chef de l'État*, Compétence internationale*,
Connexité*, Évocation*, Incompétence*,
Indivisibilité*, Plénitude de juridiction*, Pouvoir (excès de
pouvoir)*, Questions préjudicielles*, Règlement de juges*,
Tribunaux de droit commun*.
Sur l'importance des règles de compétence, voir : Pussort*,
rapportant l'opinion de Louis XIV.
Voir : Faustin Hélie, Théorie générale de la compétence
Voir : Faustin Hélie, Compétence, indivisibilité et connexité
Voir : Levasseur, Compétence et principe de légalité
- Notion. La compétence, c’est l’aptitude légale, pour une autorité de justice ou de police judiciaire, à accomplir un acte judiciaire ou à connaître d’un procès. Puisque cette règle est préalable à toute autre, c’est par elle que doit s’ouvrir un code d’instruction criminelle (à l’exemple de l’Ordonnance de 1670).
Garraud (Traité de l'instruction criminelle) : La compétence est la mesure du pouvoir, c'est-à-dire l'aptitude d'exercer tel pouvoir en en cas donné. Cette expression s'emploie particulièrement par rapport à l'exercice du pouvoir judiciaire ; et la compétence est alors l'aptitude du juge à connaître d'une action ou d'une défense.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La compétence est la mesure du pouvoir. C’est la vocation que possède, d’après la loi, telle ou telle juridiction de connaître de telle ou telle affaire.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Compétence par P.Théry : La compétence est une notion fonctionnelle, qui permet, lorsque plusieurs organes sont investis d'un pouvoir identique, de désigner celui qui va l'exercer concrètement. Cette désignation est effectuée en fonction de critères divers (substantiels, géographiques, chronologiques...) qui permettent de caractériser la situation.
- Caractères des règles de compétence.
Préalables aux faits, elles présentent un caractère continu et
abstrait. Ne pouvant se rendre justice à lui-même, un
justiciable doit toujours parvenir à trouver une juridiction
susceptible de répondre à une requête légitime.
Une règle de compétence peut suffire à ce qu’un officier de justice se penche sur une affaire ; mais elle
ne saurait normalement être mise en
œuvre que par un acte de saisine
émanant du procureur de la République (ou de la victime). Il en est ainsi pour les tribunaux répressifs : même lorsqu’ils sont compétents pour
instruire sur un meurtre, ils doivent attendre d’être saisis par une partie poursuivante pour avoir le droit d’intervenir. Voir :
Saisine*.
Ordonnance criminelle de 1670 (travaux préparatoires) : M. le Président (le Chancelier Séguier) a dit que ce titre I était l’un des plus importants de la procédure criminelle.
Cass.crim. 21 mai 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 705) : D... a présenté une requête en relèvement de l’incapacité électorale attachée à la condamnation dont il a fait l’objet le 18 juillet 1950 par le Tribunal militaire aux armées des troupes françaises en Indochine du Nord, pour attentat à la pudeur et complicité de meurtre ; cette juridiction n’existant plus, le cours de la justice se trouve ainsi interrompu. En application des art. 662 al. 1 et 2 C.pr.pén. et des art. 5 et 382 C.just.milit. et de l’art. 55-1 C.pén., il y a lieu de désigner la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Montpellier qui sera compétente pour statuer sur la requête présentée par D.
- Autorité des règles de compétence. Elles s’imposent impérativement aux juges, car elles sont d’ordre public.
Parlement de Paris, arrêt du 3 mai 1788 : Chaque citoyen a le droit de n’être traduit devant d’autres que ses juges naturels, ceux que la loi désigne.
Constitution du 6 avril 1814. Son article 17 confirmait : Nul ne peut être distrait de ses juges naturels.
Code de droit canonique, Canons 1461 et 1620 : Le juge qui à tout stade de l’affaire reconnaît son incompétence absolue, doit déclarer cette incompétence… Une sentence est entachée d’un vice irrémédiable de nullité si elle a été rendue par un juge dont l’incompétence est absolue.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : En matière pénale les règles de compétence sont toujours d’ordre public, parce qu’elles sont fondées sur la bonne administration de la justice ; elles donnent donc naissance à des nullités absolues.
Cass.crim. 22 février 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 103) : Les règles de compétence des juridictions répressives sont d’ordre public ; il en résulte que les juges correctionnels ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, connaître de litiges que le législateur ne leur a pas attribués.
- Tout tribunal doit donc commencer par vérifier sa compétence dans le cas d’espèce, avant d’accomplir un acte de sa fonction.
Cour sup. du Luxembourg 19 décembre 1958 (Pas. Lux. 1957-1959 377) : L’incompétence du juge répressif, étant d’ordre public, doit être soulevée d’office, même en instance d’appel.
Braas (Précis de procédure) : Le premier devoir d’un magistrat est de vérifier sa compétence, puisqu’elle touche à l’ordre public et qu’elle porte sur l’exercice même de ses prérogatives.
Cass.crim. 6 août 1977 (Bull.crim. n° 276 p.691) : Les juges d’appel ont le droit et le devoir de vérifier leur compétence et de se déclarer incompétents si l’affaire ne rentre pas dans leurs attributions.
- Un juge incompétent ne peut faire autrement que de déclarer avoir été saisi à tort. Il lui est interdit aussi bien de relaxer que d’acquitter.
Pothier (Pandectes) : Ce que fait un juge, en choses qui excèdent sa compétence, est nul.
Garçon (Code pénal annoté, att. 380) : Une juridiction incompétente ne peut pas plus acquitter que condamner ou absoudre ; elle doit refuser de connaître de l’affaire in limine litis. C’est le seul moyen efficace d’atteindre le but de la loi.
Cass.crim. 4 janvier 1990 (Gaz.Pal. 1990. II 387) : En matière répressive, les juridictions sont d’ordre public ; lorsque la Cour d’appel se trouve par l’appel du ministère public, saisie de la cause entière telle qu’elle s’est présentée devant le Tribunal correctionnel, elle doit, d’office, examiner sa compétence et se déclarer incompétente s’il résulte des faits, par elle retenus, que ces faits sont du ressort de la juridiction criminelle.
- Variété des règles de compétence. On distingue la compétence d’attribution, liée à la matière du procès, la compétence territoriale, liée au lieu où les faits ont été perpétrés, et la compétence personnelle, liée à certaines fonctions.
Compétence d’attribution. - La compétence d’attribution, ou compétence matérielle (ratione materiae), est liée à la nature des infractions, donc à la qualification des faits. Le tribunal de police connaît des contraventions, le tribunal correctionnel des délits, et la cour d’assises des crimes.
Cf. Correctionnalisation*, Partage de responsabilité (civile)*, Plénitude de juridiction*, Ultra petita*, Voie de fait*.
Code de procédure pénale allemand, § 6 : Le tribunal doit vérifier d’office sa compétence d’attribution en tout état de la procédure.
Cass.crim. 4 janvier 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 387) : En matière répressive, les juridictions sont d’ordre public. Lorsqu’une Cour d’appel se trouve, par l’appel du ministère public, saisie de la cause entière telle qu’elle s’est présentée devant le Tribunal correctionnel, elle doit, d’office, examiner sa compétence et se déclarer incompétente s’il résulte des faits par elle retenus, que ces faits sont du ressort de la juridiction criminelle. Tel est le cas s’il est établi que les faits constituent le crime de viol aggravé.
Cass.crim. 14 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 106) : La circonstance que l’infraction reprochée entrerait dans la catégorie des crimes contre l’humanité, lesquels sont des crimes de droit commun commis dans certaines circonstances et pour certains motifs, n’est pas de nature à entraîner une dérogation aux règles de compétence posées par le Code de procédure pénale.
- Seule une juridiction ayant plénitude de juridiction peut statuer quelle que soit la qualification finalement donnée faits. Tel est le cas de la Cour d’assises : lorsque les débats font apparaître que l’accusé n’a commis qu’un délit, la cour peut entrer elle-même en condamnation.
Cass.crim. 29 avril 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 169) : Selon l’art. 231 C.pr.pén., la cour d’assises a plénitude de juridiction et elle est, dès lors, compétente pour connaître de toutes les infractions dont elle est régulièrement saisie, même si celles-ci, par l’effet d’une loi nouvelle, entrée en vigueur postérieurement à l’arrêt de renvoi, ne sont plus constitutives de crimes mais de délits au moment où elle est appelée à statuer.
- De toute manière, la compétence d’une juridiction répressive est limitée aux faits dont elle a été saisis au titre de l’action publique. Elle ne saurait, par exemple, condamner le civilement responsable au motif qu’il aurait commis une faute personnelle.
Cass.crim.7 novembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 I 181) : En application de l’art. 2 C.pr.pén., la juridiction répressive est incompétente pour rechercher si le civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l’art. 1382 C. civ.
Compétence territoriale. - Lorsque plusieurs tribunaux répressifs apparaissent compétents ratione loci, il faut déterminer celui qui a vocation à connaître de l’affaire du fait de sa situation géographique. Art. 382 C.pr.pén., pour le tribunal correctionnel, et 522 C.pr.pén. pour le tribunal de police. La question de la compétence territoriale de la cour d’assises est réglée par l’arrêt de renvoi de la chambre de l’instruction.
Cf. Infraction (localisation de l'infraction dans l'espace)*, Juge de proximité*, Lieu des faits*.
Code de procédure pénale allemand, § 7, 8 et
9 :
- Est territorialement compétent le tribunal dans le ressort duquel l’infraction a été commise.
- Si l’infraction s’est réalisée au moyen du contenu d’une publication qui est parue sur le territoire où s’applique la présente loi de l’État, il
faut considérer comme tribunal compétent aux termes de l’alinéa 1 le seul tribunal dans le ressort duquel la publication est intervenue.
Cependant dans les cas où il y a eu préjudice, dans la mesure où la poursuite se réalise par voie de plainte privée, est également compétent le
tribunal dans le ressort duquel la publication a été diffusée si, dans ce ressort, la personne lésée a son domicile ou son lieu de séjour habituel.
- Est également compétent le tribunal dans le ressort duquel l’accusé a son domicile au moment où l’action est exercée.
- Est également compétent le tribunal dans le ressort duquel l’inculpé a été arrêté.
Le Poittevin (Dictionnaire des parquets) : La compétence d’un tribunal est limitée au territoire qui constitue son ressort.
Cass.crim. 4 janvier 1978 (Gaz.Pal. 1978 II 397) : L’exception d’incompétence territoriale est d’ordre public et peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation.
- Selon un principe très général, la juridiction territorialement compétente est celle dont le Ressort* couvre le lieu où les faits se sont produits (compétence ratione loci).
Code de droit canonique (Commentaire Salamanque).
Canon 1412 : Dans les causes pénales, l’accusé, même absent, peut être assigné devant le tribunal du lieu où le délit a été commis.
[Aux facilités qu’apporte l’instruction au lieu du délit, s’ajoutent d’autres raisons qui justifient l’existence de ce for, telles que l’exemplarité
du châtiment du délit et le rétablissement de l’ordre juridique violé par le délit dans le lieu lui-même où il a été commis].
Coutume de Paris (par Brodeau) : La connaissance des crimes et délits appartient aux juges des lieux où ils ont été commis… Lors de la réformation de la Coutume, faite en l’an 1580, a été abrogé l’article de l’ancienne Coutume qui attribuait la connaissance et punition des crimes au juge du domicile des délinquants.
Ordonnance criminelle de 1670. C’est dès son art. 1er qu’elle fixait la compétence territoriales : La connaissance des crimes appartiendra aux juges des lieux où ils auront été commis.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Celui qui a commis un crime doit être poursuivi par devant le juge du lieu où le crime a été commis. La raison en est que l’on peut, plus facilement et à moins de frais, faire la preuve d’un crime dans le lieu où il a été commis que partout ailleurs. Et afin que la punition du crime se faisant dans le lieu où il a été commis, ceux qui en sont les habitants soient détournés d’en commettre de pareils.
Pothier (Traité de la procédure criminelle) : De droit commun la connaissance des crimes appartient au juge du lieu où ils ont été commis. La raison en est que chaque juge ayant autorité dans son territoire pour maintenir l'ordre et la tranquillité publique, c'est une conséquence qu'il a le droit de punir tous ceux qui l'y troublent, soit qu'ils y soient domiciliés, soit qu'ils ne le soient pas. On peut ajouter, pour raison accessoire, que l'instruction du procès se fait plus facilement, plus promptement, et à moins de frais dans le lieu où le crime a été commis.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T. II) : La règle la plus naturelle consiste à rattacher l'activité délictueuse au lieu où le délit a été commis : c'est là que l'ordre public a été troublé, que les effets de l'infraction se sont manifestés le plus gravement et que les preuves seront le plus aisément rassemblées ; c'est aussi le seul lieu de rattachement possible quand l'auteur de l'infraction est inconnu.
Cass.crim. 3 mars 1976 (Bull.crim. n° 80 p.191) : Lorsque le délit objet de la poursuite est complexe et comprend un ensemble de faits qu’il s’agit de constater et d’apprécier au point de vue de leur qualification légale, le juge du lieu où s’est accomplie une partie de ces faits est compétent pour connaître du délit lui-même.
Cass.crim. 9 novembre 2011 (n° 09-86381, Gaz.Pal. 17 novembre 2011 p.27) : Fait l'exacte application de l'article 113-2 C.pén. la cour d'appel qui, pour fonder la compétence des lois et juridictions françaises, retient que « le fait d'escorter des jeunes femmes de l'aéroport à l'hôtel Sheraton à Nice, d'organiser leur séjour dans l'hôtel dans le seul but de les conduire quotidiennement à Monaco où elles auraient des relations sexuelles au préalable rémunérées avec les clients ou les organisateurs de la société Vantage constituent des actes d'aide et d'assistance à la prostitution, que ces actes sont des éléments constitutifs de délit de proxénétisme par aide et assistance, qu'ils ont été commis à Nice et que le juge d'instruction de Nice est compétent en application de l'art. 52 C.pr.pén. ». En effet une infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a été commis sur ce territoire.
Cass.crim. 26 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 125) : Une Chambre d’accusation n’a pu valablement déclarer le magistrat instructeur territorialement incompétent, en se déterminant par le seul examen abstrait de la plainte qui ne permettait pas, en l’état, de dénier la localisation des faits.
- Est aussi territorialement compétent le tribunal du lieu de la résidence du prévenu.
Cass.crim. 4 août 1984 (Gaz.Pal. 1985 I panor. 86) : Lorsque l’auteur présumé d’une infraction a deux résidences habituelles, il peut être poursuivi devant le Tribunal de l’une ou de l’autre.
- Est enfin territorialement compétent le tribunal du lieu d’arrestation du prévenu.
Cass.crim. 27 mai 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm.3) : D’après les art. 43 et 382 C.pr.pén., la compétence du Procureur de la République, ainsi que celle du Tribunal correctionnel, se détermine par le lieu de l’infraction, par celui de la résidence du prévenu ou par celui de son arrestation, même opérée pour une autre cause.
- Par exception, lorsque le procès à venir risque de causer des troubles publics en raison des circonstances de l'affaires ou de la personnalité des accusés, l'art. 665 C.pr.pén. autorise sous certaines conditions le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre (délocalisation). Par exemple, on a vu renvoyer un procès, qui aurait dû se tenir devant la Cour d'assises de Bastia, devant la Cour d'assises d'Aix-en-Provence.
Cass.crim. 8 janvier 1997 (Bull.crim. n° 3 p.3) : La désignation d'une juridiction d'instruction par la Cour de cassation emporte, pour le jugement de l'affaire, la compétence de la Cour d'assises du département où l'instruction a été faite..
Compétence personnelle. - On parle de compétence personnelle (compétence ratione personae) lorsqu’un tribunal est appelé à connaître des agissements commis par telle ou telle catégorie de personnes. Ainsi la Cour d’assises des mineurs* et le Tribunal pour enfant sont compétents pour instruire sur les agissements des mineurs, les juridictions militaires pour les accomplis par les personnes ayant la qualité de militaire, la Cour de justice de la République pour les ministres, la Haute Cour pour le Président de la République.
- La loi qui institue une juridiction à compétence personnelle va à l’encontre du principe de l’égalité des citoyens ; elle est dès lors d’application restrictive. Mais dans son domaine, elle s’impose absolument.
Philippe Auguste, du 1er mai 1210 (Recueil Isambert). Sommaire : Le juge laïc ne pourra arrêter, ni emprisonner un accusé, quand il sera certain qu'il est clerc, à moins que le criminel ne soit prise en flagrant délit pour meurtre ...
Dictionnaire de droit civil (Paris 1687) : Les Écoliers ont l’avantage de ne pouvoir être distraits de la juridiction de l’Université où ils sont inscrits et immatriculés… Ils jouissent de ce privilège six mois après qu’ils ont commencé leurs études, et ils ne le perdent qu’après avoirs discontinué pendant six autre mois. [François Villon bénéficia longtemps de ce privilège de juridiction]
Code de droit canonique. Can. 1401 - De droit propre et exclusif, l’Église connaît : 1° des causes qui regardent les choses spirituelles et celles qui leur sont connexes. 2° de la violation des lois ecclésiastiques et de tous les actes qui ont un caractère de péché ... Can. 1405 - Parmi les causes dont il s’agit au canon 1401, seul le Pontife Romain a le droit de juger : 1° les personnes qui exercent la magistrature suprême de l’État ; 2° les Pères Cardinaux...
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’élément le plus général dont on peut tenir compte, dans la détermination des compétences, tient à la situation personnelle du délinquant. On peut en effet concevoir des organes spécialisés selon l’âge, le sexe, la nationalité…
Cass.crim. 30 mars 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 75) : Aux termes de l'art. 1er de l'ordonnance du 2 février 1945, le mineur de 18 ans auquel est imputée une infraction qualifiée délit ne peut être déféré aux juridictions pénales de droit commun et n'est justiciable que du tribunal pour enfants… Dans la procédure suivie contre elle pour des faits de violences avec arme, vol avec violences, dégradation et port d'arme prohibé commis en 1997, P..., née le 16 septembre 1980, a usurpé l'identité de B..., née le 17 octobre 1976 ; poursuivie comme majeure sous cette fausse identité, elle a été condamnée des chefs de la prévention… Mais en l'état de la véritable identité de la prévenue révélée depuis lors, il apparaît que, celle-ci étant mineure au moment des faits, les juridictions correctionnelles ne pouvaient statuer sur la poursuite sans méconnaître le texte susvisé ;.cassation.
- A l’opposé de la compétence personnelle bénéficiant à l’auteur des faits, certaines lois donnent compétence au tribunal de la victime des faits. Il en est ainsi, par exemple, au profit d’une armée d’occupation.
Desjardins (Les États généraux) : L’Assemblée de la langue d’Oc de 1356 obtint que l’on cessât d’ajourner les habitants devant les prévôts de guerre, à moins qu’ils n’eussent offensé les gens d’armes pendant la durée de leur service.
COMPÉTENCE INTERNATIONALE
Cf. Application de la loi dans l'espace*, Chose jugée - à l'étranger*, Enlèvement d'un justiciable à l'étranger*, Indivisibilité*, Jugement étranger*, Piraterie*, Recel*, Territorialité de la loi*.
- Notion. Certaines Infractions* sont commises, en tous leurs éléments dans un seul pays, et relèvent dès lors des tribunaux répressifs de cet État. Mais d’autres sont perpétrées pour partie dans un pays, pour partie dans un autre (voire dans un espace international) ; alors se pose la question de savoir quelle juridiction a compétence pour examiner l’affaire.
Lombois (Droit pénal international) : Il appartient à chaque État de déterminer les besoins de sa protection et il le fera par deux démarches nécessairement simultanées : la description des comportements interdits et l'indication des circonstances dans lesquelles ce comportement l'affecte ; norme de comportement et norme de compétence vont naturellement ensemble.
- Droit commun, il suffit que l’un des éléments de l’infraction ait été accompli en France pour que les juridictions françaises soient compétentes, et appliquent la loi française. Pour les Délits de résultat*, notamment, sont compétents aussi bien le tribunal du lieu où l’acte dommageable a été perpétré que le tribunal du lieu où l’atteinte a été ressentie.
Donnedieu de Vabres (Les principes du droit international) : Le principe territorial a pour objet l'affirmation de la compétence exclusive d'un État, de ses juridictions et de ses lois propres, à l'égard de tous les actes punissables qui ont été commise sur son territoire.
Trib.corr. Mons 26 mai 1897 (Pas. 1897 III 201) : Les contraventions d’injures et de tapage nocturnes doivent être considérées comme ayant été commises non seulement à l’endroit où se tenaient les contrevenants, mais là où les injures ont été entendues par le plaignant, là où la tranquillité et le repos publics ont été troublés.
Cass.crim. 18 décembre 1908 (S. 1913 I 116) : Il suffit, à raison du caractère complexe du délit d’escroquerie, que les manœuvres frauduleuses, qui en sont l’un des éléments essentiels, aient été accomplis en France, pour que les juges français soient compétents pour en connaître.
Cass.crim. 15 mars 2006 (Bull.crim. n°78 p.291) : Relève de la compétence du Tribunal correctionnel de Strasbourg le délit de fourniture frauduleuse habituelle de visas autorisant l'entrée et le séjour d'étrangers en France dès lors que les faits reprochés, commis sur le territoire bulgare, sont indivisibles de ceux de recel ce visa indûment obtenu et usage dudit visa dans cette ville par une tierce personne.
Cass.crim. 26 septembre 2007 (Bull.crim. n° 224 p.953) : Selon l'art. 113-2 C.pén., il suffit, pour que l'infraction soit réputée commise sur le territoire de la République, qu'un de ses faits constitutifs ait eu lieu sur ce territoire. Dès lors, l'infraction principale, en l'espèce un vol, fait constitutif nécessaire du recel, ayant été commise en France, le recel commis à l'étranger par une personne étrangère peut être poursuivi par les tribunaux français.
Cass.crim. 31 mai 2016, pourvoi n° 15-85920 : Il résulte de l'art. 113-2 C.pén. que la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l'encontre d'une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l'un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République ; il en est de même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, dans le seul cas où il existe un lien d'indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres.
Cass.crim. 23 octobre 2013, n° 13-83499 : La dénonciation faite à un État étranger, aux fins de poursuites, n'emporte pas renonciation, de la part de l'État requérant, à l'exercice de son droit de poursuite ; d'autre part, en dehors des cas où un texte spécial en dispose autrement, et sous réserve de la déduction, lors de l'exécution de la peine, de la détention subie à l'étranger de la peine qui pourrait être ensuite prononcée par la juridiction nationale, les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n'ont pas, en France, l'autorité de la chose jugée, lorsqu'elles concernent des faits commis sur le territoire de la République.
Cass.crim. 9 novembre 2011, n° 05-87745 et
09-86381 : Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., ressortissant helvétique, a été appréhendé à Nice le 23 mai
2005 ; il était soupçonné d'avoir recruté en Suisse des jeunes femmes afin qu'elles se livrent à la prostitution au profit d'une clientèle fortunée à
l'occasion d'une compétition automobile organisée dans la principauté de Monaco ; il a été mis en examen du chef de proxénétisme aggravé ;
pour fonder la compétence des lois et juridictions françaises, l'arrêt retient que " le fait d'escorter des jeunes femmes de l'aéroport à l'hôtel
Sheraton à Nice, d'organiser leur séjour dans l'hôtel dans le seul but de les conduire quotidiennement à Monaco où elles auraient des relations sexuelles
au préalable rémunérées avec les clients ou les organisateurs de la société V... constituent des actes d'aide et d'assistance à la prostitution ; que ces
actes sont des éléments constitutifs de délit de proxénétisme par aide et assistance, qu'ils ont été commis à Nice et que le juge d'instruction de Nice
est compétent en application de l'art. 52 C.pr.pén. " ;
en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'art. 113-2 C.pén. ; en effet une infraction est réputée commise sur le
territoire de la République dés lors qu'un de ses faits constitutifs a été commis sur ce territoire.
Trib.corr. Paris 16 octobre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I
Chr.crim. 46) : Il résulte du dossier que le prévenu était l’organisateur de l’association de malfaiteurs en cause, dont il avait lui-même
recruté les membres, à la tête desquels il se trouvait sous le pseudonyme de « Colonel Maurin », et dont il détenait la liste précise avec
l’attribution des armes pour chacun, ainsi que les rémunérations prévues. Cette association de malfaiteurs, qui avait pour but de renverser un
Gouvernement par les armes et moyennant finances, a été concrétisée par plusieurs faits matériels : le regroupement et la formation des participants, le
débarquement à Cotonou et les tirs effectués à l’encontre de militaires béninois.
Dès lors que c’est en France que le prévenu a recruté ses hommes de main, qui sont tous partis d’Orly comme en attestent les billets d’avion saisis,
un des éléments constitutifs de l’infraction a été accompli en France et, par conséquent, en application de l’art. 693 C.pr.pén., l’ensemble de
l’infraction est réputée avoir été commise sur le Territoire de la République. Par suite, les juridictions françaises sont compétentes ratione loci, sans
qu’il y ait lieu à mise en œuvre de l’art. 689, alinéa 2 du même Code.
Exemple (Le Figaro 15 juin 2008) : La justice espagnole affirme avoir démantelé hier la mafia russe "la plus importante du monde", lors d'un vaste coup de filet policier dans le sud du pays, au cours duquel 18 membres présumés de ce groupe dont les principaux dirigeants, ont été interpellés. Les membres de l'organisation T.M. résidaient en Espagne "d'où ils dirigeaient leurs activités criminelles en Russie, dans plusieurs pays de l'Union européenne et aux États-Unis", a précisé le Parquet.
Ce principe, dégagé à propos des actes principaux constitutifs de l'infraction, est applicable aux actes de complicité.
Cass.crim. 30 octobre 2013, n° 12-83995 : L'acte de complicité d'une infraction principale commise en France relève de la loi française.
La compétence des tribunaux français au profit des victimes de nationalité française suppose que cette qualité existait à l'époque des faits.
Cass.crim. 6 novembre 2013, n° 13-84317 : Seule la possession de la nationalité français au moment de l'infraction commise à l'étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises sur le fondement des art. 113-7 C.pén. et 689 C.pr.pén.
- La compétence des tribunaux nationaux peut être étendue par des conventions internationales à certains crimes commis à l’étranger en raison de leur gravité. Cette technique est développée aux art. 689 et s. C.pr.pén.
Cass.crim. 26 mars 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim.
110) : Les faits dénoncés par les plaignants entrent dans les prévisions de la loi du 2 janvier 1995, portant adaptation de la législation
française aux dispositions de la résolution 827 du conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international, en vue de juger les
personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire, commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis le 1er
janvier 1991.
Il résulte des dispositions des art. 1er et 2 de ladite loi, applicable aux instances en cours, que les juridictions françaises ne peuvent poursuivre
et juger, que s’ils sont trouvés en France, les auteurs ou complices de crimes ou délits définis par la loi française qui constituent, au sens des art. 2
à 5 du statut du tribunal international, des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, des violations des lois ou coutumes de la
guerre, un génocide ou des crimes contre l’humanité.
La présence en France de victimes de telles infractions ne saurait à elle seule justifier la mise en mouvement de l’action publique, dès lors que,
comme en l’espèce, les auteurs ou complices soupçonnés de ces infractions n’ont pas été découverts sur le territoire français.
Cass.crim. 10 janvier 2007 (Bull.crim. n°7 p.17) : Selon les art. 689 et s. C.pr.pén. peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises si elle se trouve en France toute personne qui s'est rendue coupable, hors du territoire de la République, de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants au sens de l'art. 1er de la Convention de New York du 10 décembre 1984.
- Cette compétence, toujours pour certains crimes graves, peut également être étendue par l'accord de l'État du pavillon.
Cass.crim. 8 août 2007 (Bull.crim. n° 190 p. 804) : Justifie sa décision l'arrêt qui, pour déclarer régulier l'arraisonnement en haute mer, par les autorités françaises, d'un voilier immatriculé à Gibraltar, énonce qu'en application de l'art. 17 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de produits psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, et ouverte à la signature le 20 décembre 1988, les autorités britanniques étaient compétentes pour donner auxdites autorités françaises l'autorisation de procéder au contrôle du navire, immatriculé dans un territoire dépendant du Royaume-Uni et battant pavillon britannique, et qu'elles leur ont abandonné toute compétence sur ce navire.
Cass.crim. 29 avril 2009 (Gaz. Pal. 10 septembre 2009) : Afin d'admettre à bon droit la compétence des juridictions françaises pour connaître des infractions de trafic de stupéfiants réputées commises en haute mer par les membres de l'équipage du Junior, l'arrêt attaqué énonce que l'ambassadeur de France à Panama a été informé par une télécopie du ministère des Relations extérieures de cet État que, la veille, celui-ci avait donné son accord à un transfert de la compétence des juridictions panaméennes aux juridictions françaises aux fins de poursuivre les auteurs et complices des infractions précitées.
COMPÉTENCE UNIVERSELLE
Cf. Compétence internationale*.
Une loi dite de compétence universelle peut autoriser les tribunaux d’un pays à statuer sur certains crimes
(notamment les crimes contre l’humanité) qui ont été commis à travers le monde, sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien entre les faits dénoncés et les
intérêts propres de ce pays.
La Belgique avait adopté une loi en ce sens ; mais lorsque des poursuites furent engagées contre le Premier ministre
israélien et contre le Président des États Unis du chef de crimes contre l’humanité, nos voisins durent faire machine arrière.
C’est en matière de
piraterie maritime que l’on rencontre l’exemple le plus net de compétence universelle : lorsqu’un navire de guerre capture un bateau pirate, ce sont
les tribunaux de son pays qui ont compétence pour statuer quel que soit la composition de l’équipage de ce dernier.
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : Le principe de l’universalité du droit de punir ou de la compétence universelle donne compétence aux tribunaux de l’État sur le territoire duquel se trouve, même passagèrement le suspect ; bien sûr, seules des infractions très graves justifient une compétence aussi exceptionnelle et d’une mise en œuvre souvent difficile.
Lombois (Droit pénal international) : La piraterie maritime est une infraction relevant de la compétence universelle. En effet, la juridiction appartient à l’État capteur, alors que tout État peut pratiquer la saisie d’un bâtiment pirate.
Cour EDH 17 mars 2009 (Gaz.Pal. 21 avril 2009) : Les juridictions françaises bénéficient dans certains cas d'une compétence universelle, dont le principe est posé par l'art. 689-1 C.pr.pén. Elles peuvent ainsi juger l'auteur d'une infraction quelle que soit sa nationalité, celle de la victime et le lieu de commission, à la double condition qu'il se trouve sur le territoire français et que cela intervienne en application de certaines conventions internationales.
Cass.crim. 23 octobre 2002 (Gaz.Pal. 2003 J 2411) : L’exercice par une juridiction française de la compétence universelle emporte la compétence de la loi française.
Exemple (Ouest-France 12 octobre 2013) : L'Audience nationale espagnole a jugé recevable, hier, à Madrid, une demande d'enquête contre l'ancien président chinois Hu Jintao. La plus haute juridiction espagnole considère que l'ex-numéro un chinois n'est plus couvert par l'immunité présidentielle et que la justice peut donc l'inclure dans la procédure pour "génocide" au Tibet instruite depuis 2006.
COMPÉTER
Cf. Compétence*.
Verbe en usage dans l'ancien français, qui a disparu du langage contemporain. Il signifiait : appartenir à un simple particulier en vertu d'un droit dont il bénéficie ; relever de la compétence de tel magistrat.
Crivelli (Dictionnaire du droit civil, commercial et criminel) : Compéter est un terme dont on se sert dans la pratique, pour exprimer qu'une chose appartient à une personne en vertu d'un certain droit. On dit, dans ce sens, que l'individu appelé avec d'autres à recueillir une succession, a reçu la portion qui lui compétait dans les biens dont elle se compose. - On s'en sert encore pour dire qu'une affaire est de la compétence d'un juge : il lui compète d'en connaître.
Denisart (Collection de jurisprudence) : Ils pourront librement acquérir tous les biens et meubles qui leur pourront échoir, compéter ou appartenir.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Plusieurs actions peuvent compéter en même temps à quelqu'un ; mais souvent il n'est pas permis de les exercer toutes les deux.
Rothe (Traité de droit naturel) : Convention du 26 messidor an IX, art. 8 : Le recours compètera à toute personne intéressée.