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INTRODUCTION À UNE
CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CONTRATS

Cours de doctorat donné à la
Faculté de droit de Caen en 1966-1967 puis 1967-1968

I -  INTRODUCTION GÉNÉRALE

1 -   FOISONNEMENT DE NOUVEAUX CONTRATS. Le développement de la vie contractuelle, souligné depuis le début du siècle dernier, est tout à la fois quantitatif et qualitatif (1). Non seulement le nombre des contrats conclus augmente, mais encore les types de contrats individualisés par le droit positif sont de plus en plus nombreux. Sans doute faut-il chercher la cause principale de cette évolution dans le développement de la vie économique. Toutefois, il ne faut pas négliger une tendance remarquable à l’affinement des conventions portant sur l’activité humaine.

La conjonction de ces deux courants est à l’origine de l’apparition de contrats au premier abord si nouveaux qu’ils surprennent les analystes (2). C’est ainsi que le contrat dit de « factoring » a été présenté au public comme un véritable monstre défiant l’analyse : il serait tout à la fois un contrat d’entreprise, un contrat de vente, un contrat de mandat et un contrat d’assurance... pour n’en citer que les éléments principaux (3). De même, la convention liant les distributeurs de carburant aux revendeurs a été tenue pour un prêt de matériel, un prêt d’argent et un engagement d’exclusivité (4).

C’est dès lors avec acuité que se pose de nos jours la question de savoir s’il n’est pas « artificiel de vouloir faire rentrer complètement dans les vieilles formes des contrats romains des conventions toutes modernes et ne présentant avec eux que des analogies parfois même lointaines » (5). Ceux qui le pensent proposent de classer ces conventions dans la catégorie informelle des contrats innomés, ou sui generis, qui présenterait l’avantage de laisser toute liberté à la force créatrice de la pratique (6).

2 -   CONTRATS NOMMÉS ET CONTRATS INNOMÉS. La catégorie des contrats innomée découle de la nécessité devant laquelle se sont trouvés les juristes romaine de passer outre à un obstacle technique. La procédure romaine classique ne prévoyait en effet d’action en justice que pour la mise en oeuvre des contrats officiellement reconnus par la loi. Or, comme les autres conventions ne pouvaient être totalement dépourvues de sanction, on finit par admettre que lorsque l’une des parties avait exécuté ses obligations, elle pouvait demander que son cocontractant fût contraint à fournir la contrepartie convenue (7). Au départ, la distinction entre contrats nommés (par la loi) et contrats innomés concernait donc, non pas les règles de fond, mais leur sanction judiciaire.

Les juristes Byzantins de l’École de Beyrouth tentèrent en vain de lui donner une assiette au regard du droit civil. En dépit de tous leurs efforts, ils ne purent aboutir qu’à une classification formelle entre contrats comprenant des obligations du type do ut des (échange), do ut facias (donation avec charge), faciout des (estimation) et facio ut facias (transaction). Cette classification n’a jamais présenté d’autre intérêt que de permettre une présentation harmonieuse des divers contrats n’entrant pas dans les catégories classiques du droit civil (8).

Depuis que tous les contrats sans restriction bénéficient d’une sanction, l’opposition entre contrats nommés et contrats innomés a perdu sa raison d’être (9). Cependant, la majorité des auteurs classiques ne manquent pas de la rappeler en dressant le tableau des différentes classifications relatives aux contrats. Hélas, ils ne s’entendent pas sur le sens qu’il convient de lui donner.

Pour certains, les contrats innomés sont les contrats que la loi ne désigne pas par un terme spécial (10). Ils estiment que leur régime est déterminé, principalement par les règles générales énoncées aux articles 1145 et suivants du Code civil, et accessoirement par les règles propres aux contrats nommés les plus proches (11). Mais ils ne proposent aucune méthode pour conduire le raisonnement par analogie qu’ils prônent, ce qui rend leur théorie inapplicable en fait.

À l’opposé, d’autres auteurs considèrent que cette distinction repose sur une base philosophique et que, contrairement aux contrats nommés, les contrats innomés présentent un caractère subtil et variable (12). Ils reconnaissent toutefois qu’elle est sans intérêt immédiat en droit positif.

Lorsqu’elle ne la combat pas (13), la doctrine récente tente de donner à la notion de contrat innomé un sens plus nuancé. Ainsi R. Savatier (14) faisait entrer dans la catégorie des contrats nommés les contrats dont l’autonomie a été consacrée par une intervention légale ou jurisprudentielle et dans celle des contrats innomés les contrats qui viennent d’apparaître grâce au jeu du principe de l’autonomie de la volonté, mais il ne tire aucune conséquence particulière de cette distinctions.

MM. Mazeaud (15), de même que MM. Marty et Raynaud (16), sont encore plus mesurés. Ils font simplement remarquer que les contrats figurant dans la catégorie des contrats innomés sont des contrats qui donnent naissance à des obligations de natures juridiques différentes, et sont par là même difficiles à analyser puis à faire entrer dans les cadres classiques.

Ces observations traduisent le déclin de la catégorie des contrats innomés. Gény (17) avait bien tenté d’en faire l’un des supports du principe de l’autonomie de la volonté, mais cette conception est erronée : nier l’intérêt de cette catégorie n’affaiblit en rien l’autorité de ce principe. Nous y reviendrons. Pour faire face aux critiques qui peuvent lui être adressées, il convient de se placer sur le terrain de la technique juridique.

À cet égard, on a fait remarquer que l’existence de la catégorie des contrats innomés, ou contrats sui generis (18) , incite les juristes à la paresse intellectuelle. Lorsqu’ils se trouvent en présence d’une convention délicate à analyser, ils ont trop souventtendance à utiliser cette étiquette, alors qu’elle est dépourvue de toute signification puisqu’elle ne commande aucun régime juridique (19). Qualifier un contrat de contrat sui generis, c’est se refuser à le qualifier. Or une telle dérobade est grave, car elle prive les praticiens du guide que constituent les lois supplétives ; elle crée un vide juridique.

Aujourd’hui, la catégorie des contrats innomés apparaît un peu comme une antichambre (20), comme un purgatoire, où les contrats nouveaux attendent d’avoir acquis une pureté suffisante pour se prêter à l’analyse juridique (21). Il est souhaitable de faire disparaître ce temps mort en proposant une classification qui offre des cadres immédiatement applicables. Son point de départ nous est offert par cette remarque que les con­trats innomés sont en fait des contrats à la structure complexe.

3 -   CONTRATS SIMPLES ET CONTRATS COMPLEXES. Il semble que ce soit Planiol, dans son article intitulé « Classification synthétique des contrats » (22), qui ait eu le premier l’idée de distinguer entre les contrats faisant naître une seule obligation, ou des obligations de même type, et les contrats contenant des obligations de natures juridiques différentes. Sa distinction a été reprise par de nombreux auteurs qui parlent en ce sens, soit de contrats complexes (23), soit de mélange de contrats (24), soit de contrats mixtes (25).

Dans la majorité des cas les notions de contrats innomés et de contrats complexes se recouvrent. C’est seulement par accident qu’un contrat simple est parfois qualifié de contrat innomé (cas du contrat médical, qui n’est, en réalité, qu’un louage d’ouvrage pour lequel on a longtemps choisi une étiquette prétendument plus flatteuse, et de la convention d’assistance, reconnue ces dernières années seulement). A l’inverse, jusqu’à ces dernières années, le légis­lateur prenait rarement soin de réglementer les contrats complexes, lesquels demeuraient par là même innomés ; encore, lorsqu’il le faisait, ne s’occupait-il que de points particuliers (pour le contrat d’hôtellerie, sur la question de la responsabilité).

Cependant, abandonner l’opposition entre contrats nommés et contrats innomés au profit de la distinction entre contrats simples et contrats complexes présente un avantage considérable. Alors que la première classification ne peut rien apporter (l’histoire en a administré la preuve), la secon­de nous place d’emblée au centre de la question la plus actuelle, celle de savoir quel régime juridique est applicable aux conventions qui combinent plusieurs contrats élémentaires. C’est ce qu’ont déjà souligné MM. Ourliac et de Malafosse (26) : « Les contrats mixtes préoccupent également la doctrine moderne et certains proposent même d’y voir des contrats innomés ... C’est là esquiver la difficulté ».

C’est dès lors en partant de la distinction entre contrats simples et contrats complexes (27) que nous chercherons à classer de manière systématique l’ensemble des contrats ; le but étant d’établir la méthode permettant de déterminer le régime juridique des plus contournés.

4 -   JUSTIFICATION D’UNE CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES CONTRATS. L’essai de classification des contrats réalisé par Planiol dans son article précité a été vivement critiqué dans son principe même, alors que seul son contenu prête réellement à discussion.

Gény, et après lui M. Terré, ont avancé que toute tentative de classification générale des contrats est critiquable, du fait qu’elle produit nécessairement un effet sclérosant. Déterminant des cadres parfaitement soudés les uns aux autres, elle ne laisserait subsister aucun de ces vides juridiques où le principe de l’autonomie de la volonté trouve son terrain d’élection. Par là même, elle constituerait un frein à l’évolution nécessaire du droit des contrats.

Cette critique ne nous semble nullement fondée. Elle repose en effet sur une appréciation erronée sur le sens d’une telle classification. Sans doute cette dernière serait-elle une mauvaise chose si elle visait à limiter de manière impérative le nombre des contrats possibles, mais ce n’est pas à cela qu’elle tend.

Elle a simplement pour but d’offrir un cadre ou, par la force des choses, tout contrat, aussi original soit-il, trouve nécessairement sa place. Elle se propose donc modestement d’indiquer les règles supplétives applicables aux contrats librement imaginés par les praticiens. Loin de mettre un frein à l’autonomie de la volonté, elle permet aux contractants de connaître parfaitement le domaine que les lois impératives leur abandonnent (28) et les textes qui régiront les points qu’ils ne croient pas utile de préciser.

Sur un plan plus général, on peut noter que le regain de faveur dont les contrats innomés ont bénéficié récemment est lié à une conception quasi-existentialiste du droit. Il correspond au choix de certains auteurs de s’attacher à « l’existence » du contrat plus qu’à « son essence et à leur volonté de sacrifier la rigueur des principes juridiques à l’espoir de mieux adapter le droit positif au nouvel ordre social (29). Si une telle doctrine est flatteuse pour l’esprit, elle est en pratique extrêmement gênante par l’incertitude qu’elle engendre (30). Aussi semble-t-on admettre maintenant qu’une systématisation du droit des contrats spéciaux ne saurait que faciliter l’étude des contrats nouveaux (31).

Si la classification de Planiol n’apparaît pas discutable sur le plan des principes, elle l’est en revanche sur le terrain technique car elle comprend des actes juridiques qui ne sont pas des contrats. Le premier soin à prendre consiste donc à délimiter le domaine de la matière à classer.

5 -   ACTES JURIDIQUES ENTRANT DANS LA CLASSIFICATION ENVISAGÉE. Comme nous n’entendons procéder qu’à une classification des contrats, il importe de commencer par rappeler que le contrat s’analyse en une convention créatrice d’obligations. C’est la naissance d’une ou plusieurs obligations qui caractérise le contrat. Il n’y a donc pas lieu, contrairement à ce qu’avait fait Planiol, d’inclure dans cette classification de simples actes juridiques tels que la constitution d’usufruit ou la stipulation pour autrui.

De même, nous n’aurons pas a examiner les rapports qui existent entre un prêtre (ou une religieuse) et l’établissement privé dans lequel il est chargé d’un enseignement, puisqu’ils n’y sont entrés que sur l’ordre de leur supérieur et n’ont donc pas été réellement parties à un contrat (32). A plus forte raison laisserons-nous de côté les liens qui unissent le prêtre à son évêque (33).

Nous écarterons aussi dès maintenant la transaction en raison de sa nature particulière. Selon l’analyse qu’en propose M. Boyer (34), « La transaction est au carrefour du droit civil et du droit judiciaire; elle est un contrat, et c’est pour cette raison qu’il faut recourir aux techniques du droit civil pour déterminer son régime juridique, mais elle est aussi un équivalent processuel et c’est aux concepts du droit judiciaire qu’il faut faire appel pour expliquer son mécanisme et pour préciser son domaine ». Sa nature mixte donne une place à part à cette convention (35).

Enfin, de manière plus générale, il convient d’écarter les actes juridiques abusivement qualifiés contrats alors qu’ils n’engendrent pas d’obligations. Le fait est fréquent, car la catégorie des mandats est mieux connue que celle des actes juridiques et exerce en conséquence une puissante force d’attraction.

À titre d’exemple, on peut rappeler une décision récente. Le Conseil National du Patronat Français avait accordé son parrainage à un individu désireux de publier un annuaire du patronat français. Certains faits l’ayant conduit à revenir sur sa décision, son cocontractant l’assigna en dommages-intérêts pour rupture abusive de mandat. Le tribunal écarta cette demande en relevant qu’il n’y avait pas mandat d’intérêt commun. Il aurait pu le faire plus simplement en constatant qu’il n’y avait même pas contrat, le C.N.P.F. n’ayant souscrit aucune obligation, non plus d’ailleurs que l’autre partie. On pourrait multiplier les exemples (36).

Mais il ne suffit pas d’établir que tel acte juridique est bien un contrat, encore faut-il l’analyser concrètement pour pouvoir le mettre en place dans la classification. Cette seconde précision mérite elle aussi examen.

6 -   RAPPEL DE LA MÉTHODE D’ANALYSE DES CONTRATS. Si l’on peut constater de fréquentes erreurs d’analyse en matière de contrats, c’est parce qu’ils sont le plus souvent qualifiés, non en eux-mêmes, mais en fonction du régime de responsabilité que cette qualification entraîne. Outre qu’elle est évidemment fautive, cette pratique est regrettable du fait que les règles de la responsabilité civile sont éphémères, alors que la nature des contrats est permanente.

Selon l’opinion la plus répandue, la qualification d’un contrat est déterminée par le mobile économique qui a inspiré les parties (37). Mais, de manière plus précise, on peut dire que ce sont la nature et la portée des obligations assumées par les parties, éléments fondamentaux du contrat, qui sont seules susceptibles de révéler la nature juridique de cet acte (38). La preuve en est que les rédacteurs du Code civil ont toujours pris soin de définir les contrats qu’ils réglementaient par les obligations qui en sont issues. Ils n’ont dérogé à cette règle que dans le cas du mandat, or on sait combien ce contrat a été dévoyé !

Dès à présent, on peut prévoir que c’est à partir de la nature des obligations créées que l’on devra classer les contrats. Cependant une remarque liminaire s’impose. L’obligation de payer une somme d’argent est juridiquement neutre. En soi elle ne peut permettre aucune qualification. Son rôle se limite à permettre l’affinement du résultat obtenu après analyse des autres obligations du contrat. C’est donc vers ces dernières qu’il faudra se tourner par priorité.

Par ailleurs, il est bon de souligner que toute obligation se traduit, au sens large, en une obligation de faire. Qu’il y ait obligation de transférer un droit, obligation d’accomplir une certaine prestation ou obligation de ne pas faire quelque chose, en toute hypothèse le débiteur se trouve contraint d’adopter une certaine attitude. Sans doute, lorsque les obligations n’engagent pas réellement l’activité des cocontractants (cas de l’obligation de donner) est-on tenté de négliger l’aspect humain du contrat, mais dans une recherche de classification des contrats on ne peut se perme e de prendre une telle liberté.

La question de la qualification précise est pratiquement la seule que pose la catégorie des contrats simples. La catégorie des contrats complexes, en revanche, soulève en outre de graves difficultés de régime.

7 -   OBSERVATIONS SUR LES CONTRATS SIMPLES. De manière générale notre Code civil indique les règles applicables à l’ensemble des contrats simples, c’est-à-dire des contrats ne faisant naître qu’une obligation ou des obligations de même nature. Les lacunes que l’on a pu y relever sont rares. La seule qui mérite d’être notée consiste en l’oubli de la convention d’assistance. Encore peut-on se demander si cet oubli n’est pas volontaire, et si le législateur n’a pas craint de sortir ici du domaine contractuel.

Aussi, lorsque l’on se trouve en présence dans la pratique d’un contrat simple, est-on certain, une fois résolue la question de qualification, de se trouver en possession d’un jeu de règles supplétives permettant d’affiner les termes de la convention esquissée par les parties.

Ce n’est pas dire que la matière soit figée. Comme le faisait justement remarquer Planiol, le législateur peut toujours réglementer de nouveaux contrats simples. Seulement ceux-ci ne surgissent pas du néant, ils sont simplement l’affinement d’un contrat simple ancien, son adaptation à un objet nouveau. Ainsi le contrat de passage, par lequel un armateur s’engage à conduire un voyageur d’un port à. un autre, n’était pas spécialement réglementé par le Code de commerce. Pour combler les lacunes, les juges se tournaient vers les textes relatifs au louage d’ouvrage (39), contrat dont relèvent, selon le Code civil, tous les contrats de transport. La loi du 18 juin 1966 réglementant le transport de passagers n’a fait qu’adapter à ce type de transports les règles générales applicables au louage d’ouvrage.

À cet égard, il est bon de souligner que, comme les contrats conclus par les particuliers, les contrats nouveaux ne sont pas entièrement réglementés. Le législateur n’indique généralement que les règles dérogatoires au droit commun, droit commun qui est régi par les textes relatifs au contrat simple de base d’où est issu le contrat nouveau. De la sorte, bien souvent, le commentateur se trouve dans l’obligation de situer le nouveau contrat dans le tableau général des contrats afin de déterminer le contrat de base auquel il s’apparente et d’établir par là même l’ensemble de son régime. Parmi d’autres que présente une classification des contrats, cet intérêt n’est pas négligeable.

En définitive, on peut dire que, si le nombre des contrats simples est extensible à l’infini, leur domaine est en revanche immuable, et, à de rares exceptions près, déjà totalement exploré. Il n’en va pas de même pour les contrats complexes.

8 -   LA NOTION DE CONTRAT COMPLEXE. Le législateur a rarement pris soin de réglementer les contrats complexes ; et il est intervenu plus rarement encore au motif de leur caractère composite (40). Mais surtout il a négligé d’indiquer, d’abord quand il y a complexité, ensuite selon quelle méthode il convient de procéder à l’analyse. Or la question est délicate. Pour le moment, il nous suffit de préciser quand il y a réellement complexité.

Du fait qu’il est très délicat de dégager un régime unique pour une convention qui comprend des éléments appelant chacun un régime juridique différent, la jurisprudence montre une réticence certaine à admettre qu’une telle convention constitue réellement un contrat complexe. Elle l’admet uniquement quand existe entre les divers éléments un lien d’indivisibilité (41). En l’absence d’un tel lien, elle considère que chaque partie de la convention doit être soumise à son propre régime. La simple juxtaposition de contrats simples dans une convention n’emporte pas délit complexe.

Ainsi, lors de l’examen d’un contrat de garage, la Cour de cassation (42) a souligné qu’il convient de soigneusement distinguer entre ses deux éléments, la garde du véhicule d’une part, son entretien d’autre part, aucune interférence n’étant susceptible de se produire entre les deux (43). Dans ces conditions, on se trouve amené à appliquer deux contrats simples (44).

Il est toutefois bon d’observer qu’entre les hypothèses extrêmes de l’indivisibilité absolue et de la simple juxtaposition, s’insère la notion de dépendance. Il y a lien de dépendance entre deux contrats lorsque ceux-ci ne sont pas suffisamment unis pour que l’on puisse leur appliquer un régime unique, mais sont néanmoins si étroitement en rapport que l’on conçoit difficilement que les événements qui affectent l’un des deux n’agissent pas en même temps sur l’autre.

Le lien de dépendance agit non sur le régime de la convention, mais sur l’existence de chacun de ses éléments. En un sens, il traduit la solidarité qui existe entre ces derniers et justifie leur disparition simultanée. Un cas récent semble particulièrement révélateur : un acheteur avait souscrit un emprunt qui dépassait le plafond de crédit autorisé par les textes en vigueur ; les juges annulèrent d’abord la vente, mais ils annulèrent aussi le prêt et le contrat de gage qui y avait été adjoint (45). C’est très généralement un tel lien qui unit les contrats principaux aux contrats de garantie, c’est pourquoi il n’y a pas complexité dans cette hypothèse.

Le lien de dépendance n’ayant pas d’influence sur le régime juridique de la convention, il n’est pas nécessaire de pousser son examen plus avant. Seulel’indivisibilité nous retiendra.

9 -   L’INDIVISIBILITÉ. La constatation de l’existence d’un lien d’indivisibilité (abandonnée à l’appréciation souveraine des juges du fond) (46) est rendue délicate par le halo d’imprécision qui entoure cette notion. Deux conceptions s’opposent en effet. L’une, subjective, abandonne l’indivisibilité à la volonté des parties. L’autre, objective, la soumet à l’imbrication réelle des éléments de la convention.

Comme cela s’observe fréquemment, le droit positif semble s’efforcer de combiner ces deux conceptions. Pour la jurisprudence, l’indivisibilité découle tout à la fois de facteurs psychologiques et économiques (47), elle suppose que les parties ont, tout à la fois, voulu souscrire un acte unique et effectivement poursuivi un seul but. Il n’y aura donc généralement indivisibilité que lorsque les divers contrats ont été fondue dans un acte unique.

Un exemple particulièrement topique est fourni par une ancienne étude (48). Une convention portait en même temps vente de matériaux à extraire (bail de carrière) et location du terrain sur lequel se trouvait le matériel d’exploitation. La cour d’appel ayant refusé d’admettre l’existence d’un lien d’indivisibilité entre ces deux contrats, le commentateur s’interroge sur le bien-fondé de cette décision ; il se demande si l’indivisibilité économique, indéniable en l’espèce, n’était pas suffisante. Mais il reconnaît que l’on peut difficilement ignorer la volonté des parties.

En droit positif, c’est uniquement dans les cas où il est indiscutable que le lien d’indivisibilité produit effet (49).

On remarquera enfin que, contrairement à ce qui a été parfois dit, il n’y a pas lieu de faire appel à la théorie de l’accessoire au niveau de la définition des contrats complexes ; ce type de lien ne produit effet que lors de la détermination du régime applicable. Théorie de la dépendance et théorie de l’accessoire s’appliquent d’ailleurs, non pas alternativement, mais successivement (50).

II -  INTRODUCTION À LA CLASSIFICATION DES CONTRATS SIMPLES

10 -   LA MÉTHODE DE CLASSIFICATION. Selon la définition proposée ci-dessus, les contrats simples sont les contrats qui donnent naissance, soit à une obligation unique, soit à plusieurs obligations de même type. Mais comme la seconde hypothèse se ramène en pratique à la première, nous nous en tiendrons à celle-ci, d’un maniement plus aisé en doctrine.

D’autre part, puisque l’essentiel des contrats simples a été, sauf la convention d’assistance, réglementé par le Code civil, ce sont essentiellement à des questions de frontières qui se présenteront à nous. Il s’agira donc, finalement, de procéder à une simple classification.

Or, comme l’indiquait fort joliment Planiol (51) : « Il faut partir de cette idée que, si l’on veut classer les contrats selon leurs affinités naturelles, à peu près comme on range des animaux dans les vitrines d’un muséum, on doit se régler sur les caractères élémentaires, tels que ceux qui servent à distinguer, en histoire naturelle, les vertébrés des mollusques, ou les oiseaux des reptiles et des mammifères ».

Les éléments qui permettent de classer les contrats gisent évidemment dans les obligations auxquelles ils donnent naissance. Ils concernent donc principalement, soit le contenu de l’obligation, soit son exécution. Accessoirement ce sont les caractères et l’exécution de sa contrepartie, lorsqu’elle existe.

Ces éléments ont été mis en relief par les rédacteurs du Code civil, dans ses articles 1101 à 1107, dont la portée est souvent méconnue. Bigot de Préamaneu (52) a pourtant été fort clair : « Cette division, facile à saisir, et qui renferme tous les genres de contrats, était nécessaire à placer en tête de ce titre, pour faire connaître que le Code rejette ou regarde comme inutiles toutes les autres distinctions et divisions établies par les lois romaines ; c’est à la fois un point de doctrine et de législation ». Le premier de ces éléments est l’objet de l’obligation.

11 -   LE CONTENU DE L’OBLIGATION, SON OBJET. La théorie de l’objet est ordinairement considérée, bien à tort, comme une matière morte. Aussi y règne-t-il une certaine confusion. De manière générale, cependant, on admet qu’elle comporte deux aspects, l’un au niveau du contrat, l’autre au niveau de l’obligation. En effet, comme l’a dit Huc : « le contrat a pour objet de créer une ou plusieurs obligations ; quant à l’obligation créée elle-même par le contrat, elle a pour objet une certaine prestation à accomplir par le débiteur... Donc l’objet du contrat est en réalité distinct de l’objet de l’obligation » (53).

Cependant l’objet du contrat, purement abstrait, est de peu d’intérêt sauf sur le terrain de la licéité. C’est pourquoi, à la suite du Code civil, nombre d’auteurs fondent leur étude dans celle de l’objet de l’obligation (54) « C’est une ellipse que sa commodité légitime » fait remarquer M. le doyen Carbonnier (55). Sans doute est-ce vrai dans la majorité des cas, mais ce ne l’est pas du point du point de vue auquel nous nous plaçons présentement. Ici nous devons nous attacher au seul objet de l’obligation.

Or cet objet peut consister, soit en un transfert d’un droit, soit en une prestation de services (56). Dans le premier cas, le contrat concerne un bien ; dans le second, une personne.

Cette distinction est sans doute celle qui a inspiré 1’article 1101 du Code civil, disposition où se trouve mentionnée la première classifications des contrats. Son caractère fondamental est souligné par ce fait qu’elle est incluse dans la définition même du contrat. Ce texte oppose les obligations de donner, d’une part, aux obligations de faire et de ne pas faire, d’autre part. Mais comme les obligations de faire et de ne pas faire sont de même nature et ne diffèrent qu’au niveau de l’exécution (57), il y a dans le texte une simple opposition entre obligation de donner et obligation de faire.

La notion d’obligation « de donner » prête à discussion. Dans un sens restreint, elle vise simplement l’obligation de transférer un droit réel ; alors que dans une acception large elle concerne tout transfert de la possession ou de la détention d’un bien (58). On peut penser que la seconde est la plus adaptée à notre matière (59). Elle coïncide en effet avec la classification qui découle de l’examen de l’objet de l’obligation et elle conduit de la sorte également à opposer les contrats relatifs aux biens aux contrats relatifs à une prestation de services, disons à une activité humaine.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, quoique fondamentale, cette distinction est rarement invoquée (60). Deux auteurs contemporains (61) en ont toutefois fait usage, lorsqu’ils ont tenté de définir le contrat de travail par rapport aux autres contrats : « Les rapports du contrat de travail et des contrats voisins doivent être envisagée sur deux plans : tout d’abord les rapports du contrat de travail et des contrats ayant pour objet des biens matériels; puis les rapports de ce contrat avec les autres contrats intéressant l’activité de l’homme ».

Dans le même esprit, deux autres spécialistes du droit du travail opposent « les contrats qui comportent un engagement de la personne » aux « contrats patrimoniaux » (62). Si les termes employés peuvent être discutés, l’idée n’en est pas moins proche de celle que nous sommes en train de dégager.

Dans son article précité, Planiol a proposé une classification tripartite : 1°  contrats relatifs au travail ; 2° contrats relatifs aux choses ; 3° contrats relatifs aux droits. Il faisait entrer dans la catégorie des contrats relatifs au travail : le louage de services et le louage d’ouvrage d’une part, le dépôt et le mandat gratuit d’autre part ; dans celle des contrats relatifs aux choses : le commodat, le louage de choses, la constitution d’usufruit et la mise en société d’une part, la donation, la vente, l’échange, la rente viagère et le bail a nourriture d’autre part ; enfin, dans celle des contrats relatifs aux droits, moins solidement charpentée : la donation, la vente, la remise de dette, la confirmation d’un acte nul, la stipulation pour autrui et les contrats de garantie.

Cette troisième catégorie ne résiste pas à l’analyse. Après que l’on en ait extrait les actes qui ne sont pas des contrats (remise de dette par exemple), on constate que les contrats qu’elle contient entrent déjà dans la deuxième catégorie. Comme il n’y a pas de différence de régime notable d’une hypothèse à l’autre, il est inutile de les distinguer. En fait, avec sa classification tripartite, Planiol est lui aussi parti de l’opposition entre contrats relatifs à l’activité humaine et contrats relatifs aux biens.

Deux exemples permettront de mieux sentir l’opposition. Pour distinguer entre le contrat de transport (variété de louage d’ouvrage) et la location du véhicule, il faut rechercher si le contrat a mis ou non à la charge du débiteur l’obligation d’accompagner et de surveiller les objets transportés (63). De même, le contrat de distribution de film est, soit un mandat salarié (variété du louage d’ouvrage), soit une cession des droite de représentation (vente), selon que le bénéficiaire est ou non tenu d’une activité personnelle quant à la diffusion de ce film (64).

Afin de recouvrir à coup sûr l’ensemble des contrats, il est toutefois bon de généraliser cette classification et d’opposer les contrats relatifs à la personne humaine aux contrats relatifs aux biens. Évoquant la classification des naturalistes, nous dirons qu’il s’agit de deux ordres fondamentaux dans la classe des contrats simples. Ce sont donc maintenant les sous-ordres qu’il nous faut examiner.

12 -   LE CONTENU DE L’OBLIGATION, SA CAUSE. C’est tout naturellement le second élément de l’obligation, à savoir sa cause, qui fournit le deuxième degré de la classification. Pour ne pas nous perdre dans le détail de cette théorie, je m’en tiendrai à l’enseignement de mon maître, H.Mazeaud, qui distinguait deux cas : dans les contrats onéreux, la cause de l’obligation est la contrepartie ; dans les contrats à titre gratuit, c’est l’intention libérale.

Cette dualité apparaît aux articles 1105 et 1106 du Code civil qui opposent les contrats de bienfaisance, dans lesquels l’une des parties procure à l’autre un. avantage purement gratuit, aux contrats onéreux, qui assujettissent chacune des parties à donner ou à faire quelque chose.

On sait que l’application de ces textes donne lieu a quelques difficultés, le droit positif hésitant entre une conception objective et une appréciation subjective de la notion d’acte gratuit. La solution raisonnable semble consister en un concours de ces deux conceptions (65). L’étude des différents contrats gratuits nous fournira d’ailleurs l’occasion d’essayer de préciser le critère de distinction entre eux et les contrats onéreux (66).

Pour l’instant, retenons simplement que la distinction entre contrats gratuits et contrats onéreux, qui constituent des sous-ordres est absolument générale.

13 -   L’EXÉCUTION DE L’OBLIGATION. Du point de vue de l’exécution de l’obligation, c’est en premier lieu la durée d’exécution du contrat qui est prise en considération par le législateur. En effet, s’il ne redoute pas trop des contrats instantanés, qui retiennent l’activité du débiteur pendant un temps très bref (cas de la vente), en revanche il craint que les contrats successifs, « n’enchaînent trop longtemps la liberté des contractants » (67).

À cet égard, il est-bon de se rappeler que tous les contrats, y compris les contrats relatifs aux biens, comportent une certaine obligation de faire. C’est ainsi que le louage de chose comporte l’obligation éventuelle de faire jouir paisiblement de ce bien et l’obligation de l’entretenir. De telles obligations sont évidemment successives. Par ailleurs, il est évident que tout contrat relatif à l’activité humaine est un contrat successif.

C’est pourquoi, dans cette catégorie de contrats, la classification tirée de la durée d’exécution est relayée par une classification fondée sur le degré de soumission du prestataire de service aux exigences du bénéficiaire du travail, pendant l’exécution du contrat. Mais alors que la première est consacrée par le Code civil, la seconde est d’origine récente. Elle donne encore lieu à discussions.

Toujours du point de vue de l’exécution du contrat, les articles 1102 et 1103 distinguent entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux. En dépit de son importance pratique, cette distinction ne nous sera d’aucune utilité car elle vise moins l’exécution que l’hypothèse de l’inexécution (68). Son intérêt pratique se situe donc sur un plan qui nous est étranger.

En ce qui concerne l’exécution du contrat, les classifications à retenir sont donc, en premier lieu celle qui oppose contrats successifs et contrats instantanés, en second lieu, à défaut, celle qui a trait au degré d’indépendance du prestataire de services. Elles dessinent les familles de contrats.

Ce stade de la classification générale est d’une grande extrême, car il constitue le terme de la chaîne des distinctions que permet l’examen de l’obligation. Les critères à vernir, relatifs à la contrepartie, présentent une importance moindre.

14 -   LA NATURE DE LA CONTREPARTIE. C’est l’article 1104 du Code civil qui nous indique la principale ligne de partage relative à la nature de la contrepartie, en mettant l’accent sur la différence fondamentale qui existe entre les contrats commutatifs et les contrats aléatoires.

Cette nouvelle distinction est en théorie absolument générale. En fait, elle couvre cependant un domaine assez limité car elle n’a donné naissance à des contrats spéciaux que dans la famille des contrats onéreux relatifs aux biens, Cela tient sans doute au fait que le législateur éprouve une certaine méfiance à l’égard des stipulations faisant appel au hasard.

La faiblesse de cette distinction n’est au reste guère gênante. Comme elle n’intervient que pour déterminer des genres, dans une famille aux règles fondamentales déjà pratiquement toutes établies, elle ne présente qu’un intérêt pratique limité. Le faible nombre d’articles consacrés au contrat de rente viagère en est la preuve.

15 -   L’EXÉCUTION DE LA CONTREPARTIE. Dans sa classification, Planiol avait accordé une très importante place à la distinction entre paiement en nature et paiement en espèces. Cette distinction présente en effet un intérêt pratique considérable (69), surtout en période de dépréciation monétaire, puisque, sous réserve d’éventuelles clauses d’indexation, seuls les contrats prévoyant un paiement en nature sont à l’abri du danger que constitue la perte de valeur de la monnaie.

Cependant, pour notre sujet, cette séparation de présente guère d’importance. Ne déterminant que des espèces de contrats, elle ajoute peu des à chacun des degrés précédente. Par suite, la jurisprudence a très justement décidé que le passage d’une obligation en nature à. une obligation pécuniaire ne produit pas un effet novatoire (70). Le plus souvent, d’ailleurs, cette distinction ne produit aucun effet particulier.

16 -   LA COORDINATION DES DIFFÉRENTES DISTINCTIONS. Nous avons tenté de traduire par un tableau, en forme d’arbre généalogique, le résultat de ces classifications successives. Sa lecture apportera plus que de fastidieux commentaires.

Il nous semble tout de même bon de souligner que l’ensemble des classifications précédentes comprend l’ensemble des contrats fondamentaux, susceptibles de satisfaire tous les besoins élémentaires.

C’est seulement lorsqu’il a éprouvé le besoin d’affiner le régime de tel ou tel contrat, pour l’adapter à certaines situations particulières que le législateur a créé des variétés d’une espèce déjà connue (71). Il en est particulièrement ainsi du contrat de transport et du contrat de bail rural, variétés du louage d’ouvrage et du louage de choses, ou du contrat de mise à disposition d’un véhicule, variété du prêt (72).

La méthode de classification que nous proposons permet de ranger tous les contrats puisque, à chaque niveau, les distinctions retenues présentent un caractère absolument général. Cependant il parait opportun, par souci de simplification, d’écarter de nos tableaux un groupe de contrats très originaux.

17 -   LA SOCIÉTÉ ET L’ASSOCIATION. Théoriquement, il serait possible, au prix de quelques aménagements, de faire figurer la société et l’association dans le tableau que nous venons de dresser. Planiol l’a tenté. Mais cela ne nous semble, ni souhaitable, ni justifié.

Société et association apparaissent en effet des contrats d’une nature particulière, déjà parce qu’elles donnent naissance à une personne morale. Ce qui leur confère en outre une originalité marquée, aux yeux des sociologues, c’est qu’elles réunissent des personnes tentant d’atteindre un même but. Afin de traduire cette particularité, ils leur donnant le nom de contrats mutuels et ils les opposent aux autres contrats, dits antagonistes, où chaque partie vise une fin différente.

Les juristes traduisent cette observation en disant que la société et l’association se distinguent des autres contrats par « la réunion d’intérêts communs » (73).

Bien plus, certains auteurs mettent en doute que 1’acte de constitution d’une société soit réellement un contrat. Ils estiment que l’évolution actuelle en a fait un acte hybride participent à la fois du contrat et de l’institution (74). Aussi ne saurait-on la placer sur le même plan, que la vente ou le louage d’ouvrage.

Par ailleurs, il semble instructif de rappeler que, selon Treilhard (75), le caractère distinctif du contrat de société est l’étendue de son domaine « puisqu’il peut embrasser dans son objet tous les engagements et toutes les conventions ». Effectivement, il semble que l’on pourrait, rien que pour les contrats de société et d’association, établir un tableau semblable à celui que nous venons d’ébaucher.

Ce tableau comprendrait sans doute une gradation voisine puisque l’on peut distinguer, d’une part entre sociétés de capitaux et sociétés de personnes, d’autre part entre groupements à. but intéressé et groupements à but désintéressé. Une telle classification présenterait d’ailleurs une certaine utilité puisque, en ce domaine aussi, on parle parfois de contrat sui generis (76), ce qui fait apparaître une regrettable insuffisance de structures (77).

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il faut faire une place à part aux contrats de société et d’association. Contrats antagonistes et contrats mutuels constituent même les deux embranchements entre lesquels se répartissent tous les contrats, mais nous nous limiterons à l’étude des premiers et abandonnerons les seconds aux spécialistes.

18 -   PLAN. La première distinctions qui éclairent la catégorie des contrats simples de nature antagoniste est celle qui oppose les contrats relatifs aux biens aux contrats relatifs aux personnes. Mais dans quel ordre convient-il de les étudier ?

Historiquement ce sont les contrats relatifs aux biens qui. sont apparus les premiers (le louage d’ouvrage, par exemple, ne s’est que très lentement dégagé du louage de choses). Rationnellement, à bien des égards, les contrats relatifs à la personne hu­maine apparaissent comme une législation d’exception tendant à assurer la protection de la personne humaine. Aussi nous semble-t-il souhaitable d’examiner, d’abord les contrats relatifs aux biens, ensuite seulement les contrats relatifs à. la personne humaine.

N.B. La seconde partie, relative aux contrats complexes, qui a été développée en 1967-1968, est demeurée à l’état de note de cours et n’a pu être rédigée.

 

TABLEAUX

Tableau n° 1 : Tableau général des différents contrats

Tableau n° 2 : Tableau des contrats relatifs à la personne humaine

Tableau n° 3 : Tableau des contrats relatifs aux biens

Tableau n° 4 : Tableau des contrats complexes

 

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QUELQUES ARRÊTS POSTÉRIEURS À CETTE ÉTUDE :

 

COMPLEXITÉ ENTRE CONTRATS RELATIFS AUX BIENS

DEUX OBLIGATIONS D’ESPÈCES DIFFÉRENTES

Paris (3e Ch. A), 5 mars 1985 (D. 1985 IR 492 note A. Honorat) : Le crédit-bail portant sur un immeuble est un contrat complexe. Aux termes de l’art. 1er-2° de la loi du 2 juillet 1966, il est certes une location mais dont la finalité est de permettre aux locataires de devenir propriétaires. Ainsi, la somme que doit payer ce dernier, appelée loyer, recouvre non seulement l’usage des lieux mais également le prix de l’acquisition, par un système d’amortissement progressif et la fixation de valeurs résiduelles.

Le privilège du bailleur prévu par l’art. 2102-1° C. civ. a une portée générale rappelée dans son 3e alinéa, mais il n’en demeure pas moins d’interprétation stricte et ne peut s’appliquer lorsque la créance, ainsi qu’en l’espèce, a pour cause non pas seulement l’occupation des lieux, mais le droit d’acquérir. Elle constitue en réalité une opération de financement, ce qui explique la distorsion entre les loyers dus et l’indemnité réclamée. La société de crédit-bail immobilier ne peut dès lors prétendre bénéficier du privilège du bailleur.

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COMPLEXITÉ ENTRE CONTRATS RELATIFS
À L’ACTIVITÉ HUMAINE ET AUX BIENS

LOUAGE D’OUVRAGE PLUS LOUAGE DE CHOSES

Cass. (3e civ.) 3 mars 1982 (Gaz.Pal. 1982 panor. 244) : Après avoir retenu exactement que le contrat de location-attribution d’un logement est un contrat mixte qui n’est pas seulement soumis aux règles de droit applicables en matière de louage d’immeuble, une Cour d’appel n’a pas violé la loi du contrat en relevant que selon la convention régissant les rapports entre la société coopérative d’HLM et le locataire-attributaire, ce dernier était recevable à agir contre la coopérative en garantie des vices de construction affectant l’immeuble et qu’il était donc en droit, dés la constatation de ces vices, d’obtenir réparation de leurs conséquences.

Trib.Inst.Saint-Denis 26 avril 1985 (Gaz.Pal.. 1986 somm. 376, note  De Belot) : Aux termes du contrat de résidence passé avec la Sonacotra, celle-ci assure au résident diverses prestations : l’hébergement dans une chambre privative meublée, l’usage d’un certain nombre d’équipements collectifs, d’autres prestations telles que le chauffage, l’eau chaude et froide, le nettoyage des draps. En contrepartie, le résident doit verser une redevance mensuelle. Le contrat de résidence dont s’agit n’est pas un contrat de louage d’immeubles mais un contrat sui generis prévoyant un certain nombre de prestations fort diverses.

Paris (1e Ch.) 8 avril 1987 (D. 1987 somm. p.415, note J. Penneau) : Un contrat intitulé « contrat d’exclusivité » par lequel une clinique a concédé à un médecin le droit exclusif de pratiquer, dans des locaux mis à sa disposition et réservés à cet usage, des actes d’électro-radiologie et d’y donner des consultations pour les malades hospitalisés et soignés dans la clinique et pour des malades externes, avec obligation d’observer un tarif d’honoraires n’excédant pas celui de la convention, s’analyse en un contrat sui generis s’apparentant à un contrat d’entreprise. Un tel contrat ne saurait, dans ces conditions, se réduire à un louage de choses ou de locaux à usage professionnel. Il s’ensuit que le Tribunal de grande instance est compétent pour connaître de l’action en résolution de ce contrat et en dommages-intérêts, à l’exclusion du Tribunal d’instance.

LOUAGE D’OUVRAGE PLUS VENTE

La jurisprudence n’admet la complexité que chaque partie du contrat présente une densité suffisante, en sorte que le louage d’ouvrage tend à absorber la vente de certains produits.

Nancy (1e Ch.), 30 août 1979 (Tables Gaz.Pal.) : Le contrat liant une entreprise chargée de la réfection d’une toiture et de la fourniture des matériaux nécessaires au propriétaire de l’immeuble, n’est pas un contrat mixte d’exécution du travail, d’une part, et de vente de matériaux, d’autre part ; c’est un contrat d’entreprise, formant un tout, et permettant au propriétaire de se prévaloir des dispositions de l’art. 1792 C. civ.

Versailles 23 juin 1988 (Gaz.Pal. 1989 somm. p.112) : Le contrat de franchise ne peut se réduire pour le franchisé au paiement des redevances au franchiseur. Ce contrat complexe comporte une multitude d’échanges de services de la part des partenaires.

Il s’agit bien de contrats de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité qui se trouvent constituer toute l’activité du franchiseur en l’espèce. Dès lors, les contrats de franchise relèvent bien des dispositions de l’art. 86 de la loi du 25 janvier 1985.

Versailles (14e Ch.) 28 avril 1989 (Gaz.Pal. 1989 somm.517) : Le contrat préliminaire à une vente en l’état futur d’achèvement constitue un contrat sui generis essentiellement synallagmatique, lequel comporte des obligations réciproques, le vendeur s’engageant en contrepartie d’un dépôt de garantie à réserver à l’acheteur éventuel un immeuble ou une partie d’immeuble. Un tel contrat ne peut être assimilé à une promesse unilatérale de vente acceptée au sens de l’art. 1840 A C. gén. impôts dont les dispositions sont d’interprétation stricte.


NOTES :

(1) Josserand, « Aperçu général des tendances actuelles de la théorie des contrats » (R.T.D.Civ. 1937 21). J.Boulanger, « Usage et abus de la notion de la notion d’indivisibilité (R.T.D.Civ. 1950 1).

(2) Versailles (1re Ch.), 8 juin 1982 (Gaz.Pal. 1982 II somm.246) : Le contrat qui lie le propriétaire d’un « juke boxes » et le débitant de boissons ou l’hôtelier chez lequel cet appareil est placé, n’est pas un contrat de dépôt, le commerçant se contentant d’héberger l’appareil en mettant seulement à la disposition de l’exploitant une partie de l’immeuble et les fournitures nécessaires à son fonctionnement (électricité) contre une rémunération, cette convention attirant une clientèle pour le débitant de boissons ; il n’est pas non plus un contrat de louage d’ouvrage, ni un contrat de société, ni un contrat de mandat, mais un contrat «sui generis», le débitant de boissons ne prenant aucun engagement sur le respect des droits d’auteur, n’intervenant pas dans la diffusion et ne payant pas les redevances à la SACEM.

(3) Le Monde, 6 octobre 1966.

(4) Trib.com. 21 mars 1966 (JCP 1966 II 14690).

(5) E-H. Perreau, note sous Cour de circuit des E.U. novembre 1897 (S. 1901 IV 33).

(6) Notamment Gény, « Science et technique en droit privé positif » T.III, p. 135 n° 209.

(7) Voir : Manier, « Manuel de droit romain », T.II (3e éd.), p.245 n°142 ; Ourliac et de Malafosse, « Droit romain et ancien droit », T.I, p.296 n° 287 ; Accarias, « Théorie des contrats innomés » (Paris 1866).

(8) Certains auteurs s’y réfèrent encore accidentellement. Par exemple : Cornu (R.T.D.Civ. 1962 p. 132, n°6) relativement à la cession d’un cabinet médical.

(9) En ce sens : Larombière, « Théorie et pratique des obligations » (Paris 1885), T.I p.31.

(10) Par exemple : Zacharias, « Cours de droit civil français » par Aubry et Rau, T.II p.462, § 341.

(11) Voir : Demolombe, « Cours de Code Napoléon », T.XXIV, p.32 n°29.

(12) Par exemple : Demolombe, « Traité des contrats », T.I, p.31 n°29. Josserand qualifie ces contrats de « contrats sur mesure » (« Droit civil positif », T.II (3e éd.), p.13 n°19).

(13) Voir notamment, E. Gaudemet, «  Théorie générale des obligations » (éd. 1965), p. 25.

(14) R.Savatier, « Traité des obligations », p.182 n°122

(15) H.L. et J. Mazeaud, « Leçons de droit civil », T.II (2e éd.), p.87 n°111.

(16) Marty et Raynaud, « Droit civil », T.II (1), p.43 n°55.

(17) Rapprocher F.Terré, « L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications » (Paris 1957), p.445 n°559.

(18) Trib. fédéral Suisse (Ch. civ.) 13 avril 1993 (D. 1995 somm. p.12, note M. Vasseur) : La garantie « à première demande » ou encore une garantie proche ou similaire, est un contrat sui generis ou innomé.

(19) la Cour de cassation, en dépit des facilités que cette catégorie lui offre, se refuse généralement à la con­sacrer. Ainsi, par un arrêt du 2 décembre 1892, D. 1893, I, 265, elle a refusé de suivre son rapporteur (Accarias) qui lui proposait de qualifier le contrat d’estimation de contrat innomé. Cependant, pour le contrat médical ; Case. civ. 13 juillet 1937s G.P. 1937 9 11, 3b,4.

(20) Paris (16e Ch. B), 26 novembre 1981 (D. 1982 IR 463 note F. Magnin ) : Le contrat par lequel une partie s’engage à réserver au profit de l’autre partie, moyennant un dépôt de garantie de 5 % du prix de vente, des locaux dans un immeuble terminé, sans pour autant prendre l’engagement de les lui vendre, n’est pas un contrat préliminaire ni une promesse unilatérale de vente, mais un contrat sui generis affecté d’une condition purement potestative et nul en application de l’art. 1174 C. civ.

(21) TGI Paris (5e Ch. 2e sect.), 8 janvier 1982 (JCP 1983 IV 210) :  L’acte par lequel une société qui n’est pas un garagiste professionnel se borne à mettre à la disposition d’un particulier un emplacement de parking non banalisé pour le prix de 81 F. par mois, le propriétaire pouvant disposer de plusieurs voitures et y garer successivement l’une ou l’autre à son gré, n’est pas un contrat de dépôt en raison du défaut d’identification du véhicule, la société exploitante n’ayant pas eu l’intention de prendre en charge les risques concernant un véhicule qui pour elle reste indéterminé, le faible prix demandé confortant cette absence d’intention et la société ne contrôlant en aucune façon l’entrée des véhicules dans l’enceinte du parking qui ne comporte pas moins de 1500 places, l’accès dépendant uniquement des utilisateurs munis des cartes magnétiques par elle délivrées.
L’acte litigieux n’est pas davantage un contrat de louage d’immeuble, lequel implique que la chose louée soit déterminée pour être délivrée afin que le preneur en use à titre privatif, la société n’ayant pas mis à la disposition de son cocontractant un emplacement individualisé permettant une jouissance exclusive mais lui ayant seulement conféré la possibilité de se garer n’importe où il trouve de la place au moment où il pénètre dans le niveau de parking prévu au contrat.
Un tel contrat original et spécifique ne pouvant être assimilé ni à un contrat de dépôt, ni à un contrat de louage d’immeuble, constitue un contrat innomé, uniquement régi par la volonté des parties et échappe en conséquence aux dispositions de l’art. R 32-2 C. organ. jud. aux termes duquel le Tribunal d’instance connaît des actions dont le contrat de louage d’immeuble est l’objet. Par suite, le Tribunal de grande instance est compétent pour en connaître.

(22) Revue critique 1904 p.470.

(23) Esmein, in Planiol et Ripert, T.VI, p.43, n°43.

(24) Ripert et Boulanger, T.II (Paris 1957), p.38, n°89.

(25) E.Gaudemet, note sous Cass.civ. 18 octobre 1911 (S. 1912 I 449).

C. Just. Commun. europ. 19 avril 1994 (D. 1994 IR 128) : Un contrat mixte qui porte à la fois sur l’exécution de travaux et une cession de biens ne relève pas du champ d’application de la directive 71-305 CEE du conseil du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, si l’exécution des travaux présente seulement un caractère accessoire par rapport à la cession de biens.

(26) Ourliac et de Malafosse, « Droit romain et ancien droit » T.I, p.276, § 268.

(27) Des deux expressions, « contrats complexes » et « contrats mixtes », nous retiendrons la première car elle a déjà été employée par la jurisprudence. Par exemple : Paris12 juin 1963 (Gaz.Pal. 1963 II 20 ; D. 1964 472.

(28) M. le Doyen Carbonnier (R.T.D. Civ. 1952 385, n°1) reproche à la théorie de Planiol d’être abstraite et de ne rien apporter de vivant. A cela on peut répondre qu’une classification générale des contrats constitue au moins un tuteur qui soutient les nouveaux types de contrats, et les oriente dans les voies où ils ont le plus de chances de s’insérer dans le droit positif.

(29) Voir les conclusions Chenot sous Cons.d’Etat 10 février 1950 (Lebon p.100).

(30) Voir la remarquable critique de M. Rivero, intitulée « Apologie pour le faiseur de systèmes » (D. 1951 Chr.99).

(31) En ce sens : Marty et Raynaud, « Droit civil » T. I, p.93 n°60.

(32) En ce sens : Cass. Ass.plén. 17 décembre 1965 (D. 1966 97 note Rouast). Pour des religieuses affectées au service d’un hôpital : Cass.civ. 21 novembre 1947 (S. 1948 I 13).

(33) On ne considère pas qu’il y ait contrat, au sens du droit civil, entre le prêtre et l’évêque diocésain, car leurs rapports se situent sur un plan qui échappe au droit laïc (en ce sens : Cass.civ. 24 décembre 1912, D.P. 1918 I 81-87). Cette opinion est cependant discutée par des auteurs qui font remarquer que tout citoyen doit pouvoir invoquer la loi civile. Voir : P. Coulombel, « Le droit privé français devant le fait religieux » (R.T.D. Civ. 1965 1).

(34) Boyer, « La notion de transaction » (Paris 1947), p.490.

(35) Voir aussi : R. Merle, « Essai de contribution à la théorie générale de l’acte déclaratif » (Paris 1948), p.188 n°135 ; Ripert et Boulanger, T.III, p.811 n°2478. 0n notera que, dans le Traité d’Aubry et Rau (6e éd. T.IV, p.241 § 418), la transaction est classée parmi les contrats de garantie.

(36) En voici un autre. L’acte ouvrant un compte courant est souvent qualifié de contrat. Il s’agit pourtant d’une simple convention, puisqu’il a pour objet l’ouverture du compte et non la création d’obligations (voir : Ripert et Roblot, « Droit commercial » (6e éd.), T.I, p.978 n°2013 ; et P.Esmein, « Essai sur la théorie juridique du compte courant », R.T.D.Civ., 1920 79). On le présente pourtant parfois comme un contrat accessoire (Hamel, Lagarde et Jauffret, T.II, p.308 n°1221).
La Cour de cassation estime que, en cas de détournement de fonds, l’art. 408 C.pén. est inapplicable puisque ce contrat n’entre pas dans la liste des contrats énoncés par ce texte (Cass.crim. 20 juin 1931, S.1933 I 35); elle pourrait simplement relever qu’il n’y a pas contrat.

(37) En ce sens, par exemple : A.Tunc, note sous Lyon 30 juillet 1946 (D.1947 377) ; E.Gaudemet, note sous Cass.civ. 18 octobre 1911 (S.1912 I 449) ; Ripert et Boulanger, T.II (Paris 1957), p.3 n°89.

(38) Cette règle a été remarquablement soulignée par R.Rodière, dans sa note sous Cass.com. 19juin 1957 (D.1956 113).

(39) Voir : Josserand, « Les transports », n°819 p.842.

(40) Le seul texte général concernant les contrats complexes semble être l’art. 639 C.G.I. selon lequel, lorqu’une convention comprend des dispositions « dépendantes », il est prélevé un droit unique. Mais on hésite entre une conception objective et une conception subjective de de l’indivisibilité. Voir, G. Lagarde, « Cours d’enregistrement » 1958-1959, p. 174 ; J. Boulanger, R.T.D.Civ. 1950 1.

(41) Par exemple : Cass.soc. 2 mars 1967 (Bull.civ. n°206 p.167), relatif à un contrat de travail et de démarchage.

(42) Cass. 1e civ. 23 octobre 1961 (D. 1962 45 note Rodière).

(43) Pour la juxtaposition d’un contrat de bail et d’un contrat de métayage : Cass.soc. 5 juillet 1951 (Rev.ferm. 1952 384 somm.). Pour le cumul d’un bail commercial et d’un bail d’immeuble : TGI Seine 8 novembre 1966 (Gaz.Pal. 2 mai 1967).

(44) Versailles (12e Ch.) 14 janvier 1999 (Gaz. Pal. 1999 somm. p.634) : La mise à la disposition d'une société de primeur par un transporteur maritime, moyennant un prix avec obligation de restitution, de deux conteneurs frigorifiques pour conserver des denrées périssables, pendant la durée du transport, s'analyse en un contrat de location de meuble. Le fait que le transporteur conserve la maîtrise et la garde de ces conteneurs placés sur son navire, depuis l'embarquement jusqu'au port de destination, ne fait pas obstacle à ce que la jouissance soit transférée à la société de primeur qui en fait un usage temporaire, conforme à leur destination, pour la conservation de ses marchandises pendant la traversée.
L'opération de transport ainsi réalisée ne constitue pas un seul contrat de transport matérialisé par le connaissement ni même un contrat complexe, dès lors qu'elle recouvre deux conventions distinctes et autonomes, sans rapport d'indivisibilité, ni même d'interdépendance juridique.

(45) Paris (1e ch.) 4 avril 1968, Union française des Banques c. Comptoir auto du Rhône (inédit). Voir : Cass.com. 28 avril 1966 (J.C.P. 1966 14794 note M.F. Durand) ; Trib.com. Seine 21 novembre 1947.

(46) Req. 12 janvier 1927 (S. 1927 I 256) ; décision relative à une promesse de vente jointe à un bail.

(47) R.Savatier, « Manuel juridique des baux ruraux » (2e éd.), p.6 n°9 note 2 : « L’indivisibilité résulte de l’intention des parties et du lien qu’elles ont pu établir entre l’exploitation des terres et l’utilisation des bâtiments ».

(48) Demontés, « La protection des fonds de commerce » (Rev. crit. 1933 13).

(49) Cass.soc. 2 mars 1967 (Gaz.Pal. TQ 1966-1970, v° Contrat de travail n°1359 : En l’état d’un contrat confiant à un salarié, outre des fonctions d’employé, des opérations de démarchage et de vente d’un produit, les juges du fond, qui déclarent irrecevables, en raison de l’étroite dépendance des différentes obligations souscrites par les parties, l’action de l’intéressé en résiliation de la convention, du seul chef relatif à l’activité de démarcheur, constatent ainsi l’indivisibilité des clauses et obligations découlant du contrat dont s’agit.

(50) Cette gradation est soulignée par Ourliac et de Juglart («  Fermage et métayage, 3e éd., p.21 n°11 b) : « En cas de destination complexe, il y a lieu d’admettre que l’accessoire doit suivre le sort du principal dès lors que l’indivisibilité des lieux loués résulte de la convention des parties ».

(51) Planiol, « Traité de droit civil » (9e éd.), T. II, p.460, n°1352 bis.

(52) Exposé des motifs au Corps législatif, dans Fenet, Recueil des travaux préparatoires du Code civil, T.XIII, p.22.

(53) Huc, « Commentaire du Code civil », T.VII, p.90 n°63.

(54) Par exemple : Huc, ouvrage précité ; Planiol et Ripert, T.VI par P.Emein, p.266, n°218.

(55) Carbonnier, « Droit civil », T.II § 107.

(56) Voir : H.L.J. Mazeaud, « Leçons de droit civil » T.II (3e éd.), p. 190 n°231.

(57) Voir : Carbonnier, « Droit civil », T.II, § 87.

(58) Colin et Capitant, T.II (9e éd.), p.57 n°82.

(59) En ce sens : Beudant et Lerebours Pigeonnière, T.VIII par Lagarde, p.113, n°163.

(60) Parmi les auteurs faisant état de cette classification, on peut noter : Toullier et Duverger, « Le droit civil français », T.XXI, p.1, n°1. Indiquant les caractères du prêt â usage, ils commencent par cette observation : «  Il s’agit d’un contrat relatif aux biens, au même titre que la vente, l’échange, le louage, le prêt, le nantissement... ».

(61) Durand et Vitu, « Traité de droit du travail », T.II, p.225, n°127.

(62) Rivero et Savatier, « Droit du travail » (4e éd.), p.282.

(63) Cass.com. 9mars 1967 (Bull.civ. n°114 p.114).

(64) Cass.com. 9 mai 1961 (Bull.civ., p.167).

(65) Voir Marty et Raynaud, « Droit civil », T.II (1), p.56, n°65 ; Planiol et Ripert, T.VI par P.Esmein, p.41 n°39 ; J.J. Dupeyroux, « Contribution à la théorie générale de l’acte gratuit » (Paris 1955), p.159.

(66) Paris (1re Ch.), 23 septembre 1998 (D. 1998 IR 250), dans le cadre d’une convention d’assistance : La responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit n’est engagée que s’il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés. L’évacuation par voie d’hélicoptère d’un blessé n’est pas gratuite dès lors que les interventions du service aérien français donnent lieu à un remboursement par l’Administration des frais afférents à leur réalisation, observation faite que le transport est onéreux même s’il ne procure pas de profit au transporteur.

(67) Carbonnier, « Droit civil » T.II, § 147.

(68) Voir : Houin, « La distinction des contrats synallagmatiques et unilatéraux » (Paris 1937), p.253 et s.

(69) Carbonnier, « Droit civil », T.II § 87.

(70) Cass. 1e civ. 15 janvier 1963 (Gaz.Pal. 1963 I 332).

(71) Reims (1re Ch. civ.), 27 septembre 1993 (JCP 1994 IV 805) : Une cession d’office ministériel (notarial, en l’espèce) constitue un contrat sui generis intéressant l’ordre public, lequel exige que le prix des offices représente leur valeur exacte. Cette règle dérogatoire au droit commun de l’erreur ou de la lésion permet au cessionnaire, en dépit du contrôle préalablement exercé par la Chancellerie, de demander la réduction du prix au prix licite quand bien même il aurait eu connaissance de son caractère excessif.

(72) Cass. (2e civ.) 24 juin 1987 (Gaz.Pal. 1987 panor.222) : Les art. 1382 et suiv. C. civ. étant en principe inapplicables à la réparation d’un dommage se rattachant à l’exécution d’un engagement contractuel, encourt la cassation l’arrêt qui, l’épouse du conducteur d’un véhicule mis à sa disposition par un garagiste, blessée dans un accident qu’elle imputait à une déficience du système de freinage, ayant demandé au garagiste la réparation de son préjudice, a retenu pour faire droit à cette demande que la convention passée entre les parties ne pouvait avoir comme conséquence le transfert de l’obligation d’entretien et de vérification d’organes mécaniques aussi importants que le système de freinage et que la qualité de professionnel du garagiste dispensait les époux de prendre les dispositions nécessaires au bon fonctionnement du véhicule, statuant ainsi sur le fondement de l’art. 1384 alinéa 1 C. civ., alors que la Cour retenait qu’il existait entre les parties un contrat « sui generis » caractéristique du commerce des véhicules automobiles.

(73) Baudry Lacantinerie et Wahl, « Traité de droit civil - De la société », p.6, n°9.

(74) Voir : Ripert et Roblot, « Droit commercial », T.I (6e éd.), p.365, n°675.

(75) Exposé des motifs rapportés par Fenet, « Recueil des travaux préparatoires du Code civil », T.XIV p.394.

(76) Par exemple : Cass. 1e civ. 13 février 1967 (Bull. civ. n°59 p.44), pour un contrat de collaboration chirurgicale.

(77) Versailles (12e Ch.) 18 septembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 somm.283) : L’accord passé entre deux établissements financiers aux termes duquel le second convient d’apporter au premier une participation exprimée en pourcentage d’un crédit global accordé par le premier à une société tierce à l’occasion d’une opération de promotion immobilière, cet apport étant expressément et sans équivoque stipulé en « profit et trésorerie », s’analyse en un contrat sui generis de « pool bancaire » échappant aux règles d’un crédit classique de refinancement exclusif de toute prise de risque. Cette convention implique la participation de l’apporteur partiel aux profits et pertes, en proportion de l’apport et sur toute la durée de l’opération de promotion qu’elle soutient.

Signe de fin