Page d'accueil>Table des rubriques>La science criminelle>Pénalistes> La loi pénale>La sanction>Définition du mot "Peine"

PEINE

(Définition proposée par le « Trésor de la Langue Française » du CNRS)

PEINE, subst. fém.

I. A. 1. Ce que l'on fait subir à l'auteur d'un délit, d'une faute ou d'un crime pour le punir, le châtier. Synon. châtiment, punition. Il est dans l'ordre qu'une peine inévitable suive une faute volontaire (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.359). Eh bien, monsieur, vous copierez trois fois (...) le paragraphe 38 de la grammaire latine; et vous offrirez cette peine au seigneur, en le remerciant de vous éprouver ainsi ! (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.180):

1. Si, comme nous l'avons dit, il y a toujours eu dans un groupe humain d'une certaine ampleur, des hommes ayant une conduite anti-sociale, il est aisé de constater que ce ne sont pas les actes de même nature qui ont toujours été regardés comme criminels, qui ont provoqué cette réaction passionnelle qu'est la peine. Traité sociol., 1968, p.214.

Peine du talion. Châtiment infligé selon la loi du talion. La peine si générale du talion n'est-elle pas une satisfaction accordée à la passion de la vengeance? (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p.53). V. infracteur ex. de Karr.

Âme en peine. V. âme I A 2.

THÉOLOGIE CHRÉTIENNE. Châtiment infligé par Dieu à ceux qui ont commis une faute. Les peines de l'enfer, du purgatoire; les peines éternelles. [Les démons] y souffrent [dans l'enfer] (...) la peine du feu (...) parce que le feu de l'enfer, rendu par Dieu capable de brûler un esprit, a reçu aussi la puissance d'agir à distance par un contact virtuel (Théol. cath. t.4, 1 1920, p.400).

2. En particulier

a) Sanction édictée et appliquée par un tribunal à l'encontre de celui qui a contrevenu aux lois de la société. La seule organisation qui se rencontre partout où il y a peine proprement dite se réduit donc à l'établissement d'un tribunal (DURKHEIM, op.cit., p.63).

b) DROIT PÉNAL. Sanction pénale applicable à une personne ayant commis une infraction. L'on vous défendra, sous des peines sévères, de vous concerter ensemble pour obtenir une augmentation de (...) salaire (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p.174). Nul ne peut être détenu sans qu'un jugement ait prononcé une peine à raison de la culpabilité reconnue (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.48). V. appliquer ex. 17:

2. À l'expiration de leur peine, les individus condamnés à moins de deux ans d'emprisonnement, sont mis à la disposition du ministre de la guerre pour tout le temps du service militaire qu'ils doivent à l'État... J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p.3823.

[Suivi d'un déterminatif. pour former le nom d'un type de peine en dr. fr.]

[Le déterminatif stipule la juridiction qui applique la peine]

Peine correctionnelle. Peine de gravité moyenne (notamment l'emprisonnement durant deux mois à cinq ans, une forte amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de délit correctionnel (d'apr. CAP. 1936 et BARR. 1974).

Peine criminelle*.

Peine de (simple) police. Peine légère (notamment un emprisonnement pendant moins de deux mois, une amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de contravention de simple police (d'apr. CAP. 1936 et BARR. 1974):

3. ... il faut avoir présente à l'esprit la classification en trois catégories des diverses infractions telle qu'elle résulte du Code pénal. Celui-ci (Artier) distingue les contraventions punies de peines de police (par exemple, le tapage nocturne), les délits punis de peines correctionnelles (par exemple, le vol simple) et les crimes punis de peines afflictives ou infamantes (par exemple, le meurtre). VEDEL, Dr. constit., 1949, p.343.

[Le déterminatif stipule le statut de la peine dans le verdict du juge]

Peine accessoire*.

Peine complémentaire. « Peine que les juges ont le droit ou même le devoir de prononcer à côté d'une autre peine » (CAP. 1936). V. accessoire ex. 24.

Peine principale. Peine formant l'essentiel de la sanction. V. accessoire ex. 24.

[Le déterminatif stipule le contenu de la peine]

[Le déterminatif est un adj.] Peine afflictive* et infamante; peine (seulement) infamante*. Peine capitale (v. ce mot A; peine pécuniaire). Peine corporelle. Peine qui porte atteinte à l'intégrité corporelle du condamné ou qui l'atteint dans son intégrité ou sa liberté corporelle (d'apr. CAP. 1936).

[Le déterminatif est un groupe nom.] Peine d'emprisonnement, de mort, de prison, de travaux forcés. Les demandes en relèvement de leur peine que peuvent introduire les instituteurs, aussi bien privés que publics, condamnés à une peine d'interdiction (Encyclop. éduc., 1960, p.123). V. agent ex. 52.

SYNT. Requérir une peine contre qqn; sanctionner par une peine; appliquer, édicter, établir, exécuter, infliger une peine; adoucir, aggraver, commuer, mitiger, remettre une peine; faire grâce d'une peine; commutation, exécution, prescription d'une peine; remise de peine; encourir une peine; être passible d'une peine; subir, purger une peine; une peine expire; durée d'une peine; peine légère, lourde, rigoureuse, juste; juge d'application des peines.

B. P. ext., littér. Conséquence fâcheuse qui semble sanctionner une action ou une situation condamnable d'un point de vue moral. Je (...) trouvais dans leur visage, ou souriant ou sombre, le loyer de ma sagesse ou la peine de mes fautes (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.92).

Porter la peine de qqc. Nous pouvons porter aujourd'hui la peine physique d'un excès commis il y a plus d'un siècle (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.53). Madame de Meximieu portait, à quarante-huit ans, la peine de son éducation première, qui avait été ce qu'on appelle toute mondaine, c'est-à-dire cruellement vide (R. BAZIN, Blé, 1907, p.160).

C. Loc. prép.

1. À peine de + subst., verbe à l'inf. (dr., vieilli). Si l'on ne veut pas être passible de (telle peine). Ce registre contiendra une notice sommaire de chaque affaire, et de la condamnation, à peine de cinquante francs d'amende pour chaque omission (Code instr. crim., 1808, p.789). L'électeur doit, à peine de nullité de son vote, voter pour une liste complète et sans panachage (VEDEL, Dr. constit., 1949, p.383).

P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Ils ne peuvent plus l'être [sincères et honnêtes], à peine de recommencer l'impuissance du gouvernement provisoire (SAND, Corresp., t.3, 1852, p.314). Le Centre [Méditerranéen] ne peut vivre que de l'opinion et de l'intérêt qu'il excitera, à peine de languir et de se réduire à une vie tout artificielle et administrative sans avenir (VALÉRY, Regards sur monde act., 1931, p.307).

2. Sous peine de + subst., verbe à l'inf. (dr.). Si on ne veut pas être passible de (telle peine). Tout juge de paix (...) est tenu d'office (...), sous peine d'être poursuivi comme complice de détention arbitraire, de s'y transporter aussitôt (Code instr. crim., 1808, p.792). L'enseignement primaire devint obligatoire, sous peine, pour les parents et leurs complices, de sanctions pénales (Encyclop. éduc., 1960, p.96).

P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Le médecin lui enjoint, sous peine de mort, de rentrer à Paris (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.330). Il est temps de songer à remettre de l'essence, sous peine de tomber en panne «sèche» 20 ou 30 km plus loin (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p.338).

Sous peine de vie (vx). Sous peine de mort.[Ils] écartent les soldats, leur défendent sous peine de vie d'approcher du roi (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.157).

Rem. Sous peine que + prop.au subj. (rare). Le vent du changement souffle en rafales sur la France libérée. Mais la règle doit s'y imposer sous peine que rien ne vaille rien (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.91).

II. A. État affectif, durable, fait de tristesse, de douleur morale ou d'un profond sentiment d'insatisfaction (généralement à la suite ou à cause d'un événement déterminé). Antonyme bonheur, joie, plaisir, satisfaction. De courtes interjections témoignaient de son bonheur actuel qui avait fait cesser cette peine atroce (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.427). La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure (APOLLINAIRE, Alcools, 1913, p.45):

4. ... c'étaient les yeux d'un homme que l'idée fixe obsède et que l'aiguillon d'une peine intolérable touche sans cesse à la fibre la plus sensible de son âme. Cette peine datait du jour où il avait reçu la terrible lettre par laquelle sa sœur lui révélait son projet de suicide. BOURGET, Disciple, 1889, p.225.

Au plur.

[Plur. d'amplification] Littér., vieilli. J'entrai dans ses peines; je partageai sa douleur; j'essuyois de nouveau ses larmes (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.370). V. ex. infra passim.

Moments de peine (qui peuvent être liés à plusieurs événements). J'ai eu cette année de vives peines accompagnées de grandes lumières (DUPANLOUP, Journal, 1868, p.297). Jamais encore, au cours de cette journée capitale, il ne s'était senti plus loin de l'enfance, des joies et des peines d'hier, de toute joie, de toute peine (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p.1365).

Dans le vocab. de la philos., de la psychol. Le plaisir et la peine sont les principaux objets du désir et de l'aversion, et ce n'est point la raison, c'est le sentiment immédiat qui les discerne (COUSIN, Philos. écoss., 1857, p.205). La peine naît donc d'une action partielle qui n'exerce que certaines des énergies disponibles et les exerce parfois avec excès, en même temps que d'un sacrifice des tendances refoulées (BLONDEL, Action, 1893, p.161).

Rem. Peine n'est pas employé dans le discours de la psychologie contemporaine; on y utilise le syntagme douleur morale.

SYNT. Éprouver, ressentir de la peine, une peine profonde; être accablé, chargé, rempli de peine(s); qqc. accroît la peine de qqn, cause de la peine à qqn; compatir à la peine de qqn; confier ses peines à qqn; partager, soulager la peine de qqn; distraire qqn de sa peine; le poids de la peine; peine cruelle, lourde, violente.

Signe de fin