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CODE CRIMINEL DE L'EMPEREUR CHARLES V,
dit "LA CAROLINE"

 

Présentation

Au XVIe siècle, tant s’accentuaient les divergences entre les usages locaux, l’approfondissement du droit canonique, la renaissance du droit romain et les progrès de la doctrine italienne, il apparut nécessaire aux dirigeants de diverses principautés du Saint Empire romain germanique de coordonner les règles de droit criminel observées par leurs différents tribunaux. C’est à la même époque que la royauté française, respectueuse des particularismes locaux, encouragea la rédaction des diverses coutumes suivies à travers le pays.

Parmi les premiers travaux approfondis visant à l’élaboration d’un Code judiciaire, Von Liszt cite l’Ordonnance criminelle de Bamberg de 1507 qui s’appliqua dès 1516 dans certaines principautés brandebourgeoises. C’est sur ce modèle que fut rédigée la Constitution criminelle de Charles-Quint, ou Code criminel de Charles V, dite aussi « La Caroline » ; amorcée à la Diète d’Augsbourg de 1530, elle fut achevée lors de la Diète de Ratisbonne de 1532.

Publié en allemand en 1533, ce document le fut ensuite dans une traduction en français à l’usage des Conseils de guerre des troupes suisses. Cette traduction est due à Franz Adam Vogel, un citoyen de la ville de Colmar, qui fut Grand–Juge des Gardes-Suisses du Roi ; elle est assortie d’excellents commentaires, et a donné lieu à quatre éditions (1734, 1742, 1767 et 1779).

Ce monument législatif, qui touchait à la fois le droit pénal général, le droit pénal spécial et surtout la procédure pénale, était fort en avance sur son temps, du moins en Europe. Il a servi de droit criminel commun aux peuples germaniques pendant près de trois siècles.

La « Caroline » fut également reçue dans certains cantons suisses. Ainsi le Canton de Fribourg l’appliqua de 1741 jusqu’en 1799 ; puis, après la parenthèse napoléonienne, de 1803 jusqu’en 1849, date d’entrée en vigueur d’un Code criminel propre à ce Canton.

Jusqu’à la Révolution, elle s’est même appliqué aux troupes suisses placées au service du Roi de France, car on suivait dans ce cas le principe de la personnalité des lois et non celui de la territorialité des lois. C’est peut-être par cette voie qu’elle a été connue et appréciée des pénalistes français de notre Ancien droit, qui la citent très souvent.

De manière générale, le Code criminel de Charles Quint constitue l’une des sources historiques majeures du droit criminel continental européen.

 

L'empereur Charles V

L'empereur Charles V
(Source : Wikipédia)

 

Accès au texte intégral

Articles 1 à 22

Articles 23 à 49

Articles 50 à 100

Articles 101 à 129

Articles 130 à 159

Articles 160 à 219

Annexes

Table des articles

Première page de 'La Caroline'

 

Rayonnement

Muyart de Vouglans, « Les lois criminelles de France » (Paris 1783) : L’auteur conclut en ces termes sa rubrique consacrée à la notion de faute : Nos lois ne contenant rien de précis sur les différentes espèces de fautes dont nous venons de parler, non plus que sur les degrés de punitions auxquels elles peuvent donner lieu, nous croyons ne pouvoir proposer aux juges de meilleur modèle à suivre dans les différents cas qui peuvent se présenter, que la disposition de l'art. 146 de l'Ordonnance de Charles-Quint pour l'Empire d'Allemagne, vulgairement appelée la Caroline : parce qu’on y trouve rassemblées toutes les questions principales qui peuvent s'élever sur cette matière, en même temps que les règles les plus sages pour conduire à leur décision.

Jousse, « Traité de la justice criminelle » : Cette Constitution est d’une très grande utilité pour l’instruction, l’examen et le jugement des affaires criminelles ; et les juges ne peuvent trop la lire et l’étudier.

Von Liszt, « Traité de droit pénal allemand » : La Caroline s’attache avant tout à la procédure criminelle … Le droit pénal proprement dit est relégué au second plan … Sa langue simple et claire, précise et facile à comprendre, en a fait une œuvre modèle pour son temps.

 

Richesse scientifique

Afin de donner une idée de la richesse de cet ouvrage, on peut en citer quelques articles ; tout en précisant que les commentaires sont plus instructifs encore.

Observations préliminaires (extrait) :

Les abus, qui ont engagé les États de l’Empire à demander une réforme dans l’administration de la Justice Criminelle, peuvent se réduire sous cette idée générale, que les Juges ne doivent jamais perdre de vue ; c’est lorsque par des considérations humaines ils s’oublient jusqu’à faire tort à l’innocent en son corps, en sa vie, en son honneur, ou en ses biens, ou qu’ils épargnent le coupable contre la sévérité des Lois ; l’un et l’autre devenant également abusif : en quoi néanmoins, il faut observer que l’excès dans la sévérité injuste ou mal entendue sera toujours moins excusable ; aussi a-t-il toujours été regardé comme un abus, contre lequel les Juges ne sauraient être trop en garde dans les cas particuliers, tel qu’est d’abord l’emprisonnement d’un Citoyen, qui ne doit avoir lieu que sur des accusations régulièrement formées et sur des soupçons bien fondés, parce qu’il en reste toujours quelque impression peu favorable dans l’esprit du public, quoique par la suite il soit trouvé innocent.

Article 139 et 140

Quiconque oppose une juste défense pour garantir son corps et sa vie, et qui dans cette juste défense tue celui qui l’attaque, n’en est responsable envers personne.

Celui qui est poursuivi, attaqué ou frappé avec des armes mortelles, et qui ne pourra point fuir sans danger de son corps, de sa vie, de son honneur et réputation, peut sans encourir aucune peine, garantir son corps et sa vie par une juste défense, et ne devient point répréhensible lorsqu’il tue ainsi son agresseur : en se tenant sur sa défense, il n’est pas même obligé d’attendre qu’il ait reçu un coup, nonobstant toutes les Lois écrites et Coutumes à ce contraires.

Observations sur les articles 176 et 177

L’aide ou assistance que l’on fournit au Criminel pour commettre son crime, peut être donnée en trois manières différentes. Premièrement, avant que l’action se commette, par exemple, celui qui prêterait son cheval, ses armes ou son domestique pour aider à commettre un meurtre sciemment, et avec connaissance de cause, ou qui offrirait sa maison pour cet effet, et y recevrait le Meurtrier, deviendrait coupable du même crime, et sujet à la peine de mort. ...

La seconde manière d’aider un Criminel, est lorsqu’on lui donne du secours et de l’assistance dans l’action même : par exemple, si on empêchait celui qui est attaqué de se défendre pour donner plus de facilité l’agresseur de le tuer en le tenant, ou en lui arrachant ses armes : de même que dans un vol, si on tenait l’échelle, ou que d’une autre manière on aidait un Voleur à monter par-dessus le mur, ou à forcer une porte. Ceux qui prêtent des pareils secours, méritent la même peine que l’auteur, et le principal agent du crime.

La troisième espèce d’assistance est celle que l’on donne au Criminel après l’action, soit en le protégeant ou en le cachant chez soi, en empêchant qu’il ne soit arrêté, en recevant, cachant, ou vendant les choses que l’on sait avoir été volées ; ces sortes de secours doivent être examinés avec une attention particulière pour savoir, s’ils ne renferment pas une connivence et complicité avec le Criminel ; ce que l’on peut découvrir par le profit qui en sera revenu à la personne qui aura ainsi reçu, caché ou vendu les choses volées : auquel cas ce serait un véritable receleur coupable du crime, ainsi que le Voleur lui-même. ...

Article178. De la punition de ceux, qui tentent de commettre des crimes

Celui qui aura tenté de commettre un crime par quelques actions visibles propres à parvenir à l’exécution dudit crime, quoique par d’autres moyens il ait été empêché de l’exécuter contre sa volonté, une telle mauvaise volonté qui a été suivie de quelques effets, comme il vient d’être dit, doit être punie criminellement, mais avec plus de rigueur dans un cas que dans un autre, eu égard à la situation et à la nature de l’affaire ; c’est pourquoi les Juges doivent consulter, ainsi qu’il sera dit ci-après, pour se déterminer à la punition corporelle, ou à la peine de mort.

Observation sur l'article 178

Ce n’est pas contre la volonté simple et en général, que la Loi ordonne de rendre des Jugements, et de statuer des peines, mais contre une volonté qualifiée, sensible et marquée, en sorte qu’il y ait eu une tentative visible pour parvenir à l’exécution ; ainsi on doit généralement parlant tenir pour constante la maxime qui dit, que la simple volonté n’est point du ressort du Tribunal des hommes.

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Précisions sur le texte mis en ligne

Le texte utilisé est celui de l'édition de 1779. Comme l’ouvrage reproduit était naturellement rédigé dans le français de l’époque, et qu’il était composé avec les caractères typographiques de son temps, nous avons cru devoir en donner une version plus lisible.

Par ailleurs, toujours afin de faciliter la lecture du texte, des renvois de paragraphes ont été ajoutés, et des numéros d’articles figurant en chiffres romains ont été convertis en chiffres actuels.

Dans la même optique, les références en marge du texte (relatives à d'autres auteurs difficilement consultables), n'ont pas été reproduites. Par exemple :

 

Exemple de note

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Notice bibliographique

Les diverses éditions de la "Caroline" sont recensées sur l'excellent site de M. Lareau :

http://www.lareau-law.ca/codification-Switzerland.html

 

Signe de fin