[Page d'accueil][Table des rubriques][La jurisprudence criminelle][Grands arrêts français][L'instruction et le jugement][L'instruction criminelle][Indications générales]

  

 

Section I – Indications générales

A) - Généralités

B) - Les actes judiciaires

C) - La saisine de toute juridiction

D) - Les droits de la défense

E) - Les nullités de l’instruction

F) - La durée de l’instruction

actes judiciaires – acte d’instruction accompli par un juge d’instruction _ nature juridique – acte administratif pouvant constituer une voie de fait (non) – acte judiciaire relevant des seules voies de recours pénales.

TGI Nanterre (réf.) 29 décembre 2000 (Gaz.Pal. 25 octobre 2001)

Consorts G... c. C… et autre

Vu l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, aux termes duquel « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives »,

Vu le rappel de ces dispositions par le décret du 16 Fructidor An III,

Vu la théorie de la voie de fait ;

Attendu que, le jour-même de la délivrance de l’assignation introductive de la présente instance, le 22 décembre 2000, M. X et Mme Y ont rendu une ordonnance rejetant la demande de Mme G... et Mlles G... tendant à la mainlevée des scellés apposés sur l’appartement sis 47, avenue Foch à Paris 16e ;

Que Mme G... et Mlles G... n’en ont pas moins maintenu leurs demandes tendant à voir constater et sanctionner une « voie de fait » à l’encontre de M. X et de Mme Y, juges d’instruction ;

Attendu qu’il est manifeste qu’ayant constaté qu’aucune action ne leur était directement ouverte devant les Tribunaux de l’Ordre judiciaire pour mettre en cause la responsabilité de magistrats appartenant à ce même Ordre à raison d’une prétendue faute personnelle non détachable du service public de la justice, les demanderesses n’ont pas hésité à saisir le juge des référés de céans d’une demande fondée sur l’existence alléguée d’une « voie de fait », imputée à ces mêmes magistrats, pris implicitement en qualité d’agents de l’Administration de la Justice ;

Que le fondement invoqué, tiré de la voie de fait, leur permet de tenter d’obtenir, dans une perspective présentée comme dérogatoire au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, que les actes juridictionnels incriminés - qui ne peuvent alors, dans cette logique, qu’être qualifiés d’actes « d’administration » - soient mis à néant par le juge judiciaire, agissant comme gardien de la propriété et des libertés fondamentales et ayant le pouvoir, afin de sauvegarder ces principes fondamentaux, de faire à M. X et à Mme Y injonction de procéder à la mainlevée des scellés apposés le 7 décembre 2000 sur l’appartement de l’avenue F... ;

Or, attendu qu’à les supposer même illégaux ou inopportuns, le placement sous scellés, décidé par M. X et Mme Y le 7 décembre 2000 - puis le refus d’en donner mainlevée, tel que notifié le 22 décembre 2000 à domicile élu chez leur conseil - ne sont manifestement pas insusceptibles d’être rattachés aux pouvoirs que le Code de procédure pénale confère à tout magistrat instructeur ;

Que, bien au contraire et en vertu d’une évidence qu’il est surprenant de devoir rappeler, ils entrent dans les attributions des juridictions d’instruction ;

Que les décisions ainsi prises ne peuvent être contestées que par l’exercice des voies de recours, seul mode juridiquement admissible de remise en cause de leur contenu ;

Qu’il s’en déduit que la qualification prétendue de « voie de fait », telle que soutenue par Mme G... et Mlles G..., ne peut s’analyser autrement qu’en la recherche d’une responsabilité civile personnelle de M. X et Mme Y, puisque les principes du droit privé, ici revendiqués comme seuls applicables, excluent la recherche d’une faute personnelle dans son acception « administrative » ;

Que, pour ingénieuse que soit l’acrobatie intellectuelle proposée par Mme G... et Mlles G... pour faire admettre, en l’espèce une « voie de fait », elle se heurte définitivement au fait que la fonction judiciaire des magistrats instructeurs que sont M. X et Mme Y est irréductible à une fonction d’administrateurs, ou de quelconques organes de la Puissance publique, qu’ils ne sont pas ;

Que la théorie de la voie de fait est seulement destinée à permettre, le cas échéant, à un juge judiciaire de donner une injonction à une autorité administrative ;

Mais qu’en aucun cas une injonction ne peut être prononcée par un juge à un autre juge du même ordre juridictionnel

Pour ces raisons, qui illustrent un abus caractérisé du droit d’ester en justice, il y a lieu de prononcer une amende civile de 10.000 F….

*

Actes judiciaires – Forme – Nécessité qu’ils soient datés et signés - Exemple.

Cass.crim. 21 novembre 1988 (Bull.crim. n°394 p.1038, Gaz.Pal. 1989 I somm.77, Coste) :

Pour figurer valablement dans la procédure, tout acte établi par le juge d’instruction doit être daté et signé… faute de quoi il doit être considéré comme inexistant.

*

Compétence territoriale – loi fixant la compétence – loi d’ordre public s’imposant aux parties.

Cass.crim. 13 mai 1826 (S. 1826 I 416)

D...

Attendu que les juridictions sont d’ordre public, et qu’il n’est pas au pouvoir des parties de se choisir des juges et de leur conférer une compétence et des attributions qu’ils ne tiendraient pas de la loi ;

Que… en matière criminelle, tout ce qu’ordonne la loi est prescrit dans l’intérêt public, puisque tout ce qui touche à l’honneur, à la liberté, à la sûreté des citoyens, intéresse le public ;

Que l’art. 69 du Code d’instruction criminelle ordonne impérativement au juge d’instruction, qui ne serait pas celui du lieu du délit, ni celui de la résidence du prévenu, ou du lieu où il pourrait être trouvé, de renvoyer la plainte devant le juge d’instruction qui peut en connaître ;

Que, dans l’espèce, le délit dont il s’agit aurait été commis dans l’arrondissement d’Amiens et non dans celui de Paris, et que la résidence des prévenus est dans le même arrondissement ;

Que, dès lors, en jugeant que les défendeurs avaient pu, en cause d’appel, exciper de l’incompétence ratione loci dont ils ne s’étaient pas prévalu en première instance, la Cour royale d’Amiens n’a violé aucune loi, mais s’est conformée aux principes de la matière ;

Par ces motifs… Rejette

NOTE. Cette jurisprudence a été approuvée et généralisée par Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle, T.V, p231 §1693) : Les règles de compétence établies par la loi pour la poursuite des crimes et délits sont fondées sur un intérêt général. Notre droit public a proclamé le principe que « nul ne peut être distrait de ses juges naturels »… Ni la volonté de l’accusé, ni même celle du ministère public ; fussent-elles simultanées, ne sauraient proroger la compétence du juge… Il suit de là que l’exception d’incompétence peut être invoquée en tout état de cause.

*

Durée de la procédure - Caractère raisonnable - Appréciation in concreto.

Cour EDH 19 février 1991 (DS 1992 somm.comm. 330 note Renucci) : L’art. 6 § 1 Conv. EDH reconnaît à toute personne poursuivie au pénal le droit d’obtenir dans un délai raisonnable une décision définitive sur le bien-fondé de l’accusation dirigée contre elle. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause.

*

Nullités de procédure – La première cause de nullité consiste en acte entravant la manifestation de la vérité.

Cass.crim. 17 mars 1960 (arrêt A...i) souligne que la nullité peut résulter d’une entrave à la manifestation de la vérité.

*

Nullités de l’instruction – Retrait des pièces annulées – Retrait indivisible à l’égard de toutes les parties.

Cass.crim. 28 juin 2000 (Bull.crim. n° 252 p.745) :

Il résulte de l’art. 174 C.pr.pén. que le retrait des pièces annulées ne peut être prononcé que d’une manière indivisible, à l’égard de toutes les parties.

*

Nullités de l’instruction – Personnes habilitées à relever une formalité protectrice des droits des parties – Seule personne que cette irrégularité concerne.

Cass.crim. 18 avril 2000 (Bull.crim. n°150 p.446) :

Il résulte de l’art. 802 C.pr.pén. que celui qui invoque l’absence ou l’irrégularité d’une formalité protectrice des droits des parties n’a qualité pour le faire que si cette irrégularité le concerne.

*

procédure pénale - nullités de l’instruction - article 802 c.pr.pén. - violation d’une règle de procédure - annulation en cas d’atteinte aux droits de la défense.

Cass.crim. 18 mars 1976 (DS 1976 548)

B...

Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 172 et 173 C.pr.pén., 591 et 593 du même Code, et de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale...

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, dans l’information suivie contre B... des chefs d’homicides volontaires et tentatives d’homicides volontaires, vols qualifiés avec port d’arme, vols quali­fiés et tentative, le magistrat instructeur a, le 3 mars 1975, ordonné que le dossier de la procédure soit transmis au procureur général dans les conditions prévues par l’art. 181 C.pr.pén. ;

Attendu qu’en cet état, la chambre d’accusation, faisant droit partiellement aux conclusions déposées par le conseil de l’inculpé et aux réquisitions du ministère public, a prononcé l’annu­lation de divers actes de l’information et leur retrait du dossier à raison de l’état mental de B... pendant une période déterminée de l’instruction; que, par contre, elle s’est bornée à ordonner que soient simplement « cancellés » divers autres procès-verbaux, et notamment des procès-verbaux d’interrogatoire ou de confrontation, de façon à rendre illisibles certaines mots ou certains passages;

Attendu que, si les modalités prescrites à cet égard par l’arrêt pour assurer matériellement la suppression des parties annulées de la procédure ne sont pas de la nature de celles que prescrit l’art. 173 C.pr.pén., qui prévoit à cet effet le dépôt des actes annulés au greffe de la Cour d’appel, il n’apparaît pas que la violation des formes qui aurait été ainsi commise ait eu on ait pu avoir pour effet de porter atteinte aux intérêts du demandeur;

Que, dès lors, l’art. 802 nouveau C.pr.pén. fait interdiction à la Cour de cassation de prononcer de ce chef aucune annulation; qu’ainsi le moyen ne saurait être accueilli...

Rejette…

*

Nullité - Effets - Annulation de ce qui a été la suite nécessaire de l’acte annulé.

Cass.crim. 27 février 1997 (B...t, arrêt n° J 95-86.017 D /1070) : L’annulation d’un acte ou d’une décision, qui remet la cause et les parties dans le même état où elles se trouvaient antérieurement, ne postule l’annulation que de ce qui a été la suite nécessaire ou l’exécution de cet acte ou de cette décision.

*

Droits de la défense – Principe essentiel régissant l’ensemble de la procédure même là où le législateur a omis de s’y référer.

Cour d’appel de Bruxelles 11 mai 1976 (Journal des tribunaux belges 1976 p.463) :

Le respect des droits de la défense est un principe essentiel qui gouverne toute la procédure sans qu’il doive être exprimé.

*

Droits de la défense – Principe essentiel bénéficiant à tout prévenu.

Cour EDH 25 juillet 2002 (Gaz.Pal. 29 octobre 2002, P...n c. France) :

n° 98 – La circonstance que le requérant a été poursuivi et condamné pour complicité de crime contre l’humanité ne le prive pas de la garantie des droits et libertés de la Convention.

*

Droits de la défense – Droit à un interprète – Limites.

Cass.crim. 27 novembre 2001 (Bull.crim. n° 245 p.815, R...e), sommaire :

Aucune disposition de loi n’interdit qu’une personne ne parlant pas le français, qui fait l’objet d’un contrôle routier et d’une audition par un officier de police judiciaire, soit entendue avec l’assistance d’un gendarme qui, parlant la langue qu’il comprend, fait office d’interprète.

*

Droits de la défense – Droit d’être informé des faits reprochés – Information devant porter jusqu’aux circonstances aggravantes.

Cass.crim. 21 novembre 2000 (Bull.crim. n° 347 p.1026, A...r) :

Tout prévenu a droit d’être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l’objet ; il doit, par suite, être mis en mesure de se défendre tant sur les divers chefs d’infractions qui lui sont imputés que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d’être retenues à sa charge.

Il doit notamment être mis en mesure de s’expliquer sur la circonstance aggravante de récidive que le tribunal envisage de retenir.

*

Droits de la défense – Droits du défendeur détenu – Droit de faire contrôler la légalité de sa détention par un tribunal.

Cass.crim. 7 novembre 2000 (Bull.crim. n° 329 p.979) :

Selon l’art. 5.4 Conv.EDH, toute personne privée de sa liberté a le droit de demander à un tribunal qu’il soit statué sur la légalité de sa détention.

*

Séparation des fonctions d’instruction et de jugement.

Reims 30 juillet 1992 (Gaz.Pal. 1993 I somm.142) :

La réunion en une même personne des fonctions d’instruire et de juger est incompatible avec la garantie du droit à un juge impartial au sens de la Conv. EDH.

*

Saisine - Interdiction faite aux tribunaux de se saisir eux-mêmes.

Cass.crim. 21 février 1996 (Longchamp, Gaz.Pal. 1996 I Chr. VIII 3 B) :

Il résulte des l’art. 231 et 594 C.pr.pén., que la cour d’assises ne peut connaître d’aucune autre accusation que celle résultant de l’arrêt de mise en accusation qui, devenu définitif, fixe sa compétence.

*

Instruction criminelle – Principes généraux – Présomption d’innocence.

Conseil d’État 29 prairial an VIII :

Il est de principe, en matière criminelle, qu’il faut toujours adopter l’opinion la plus favorable à l’humanité comme à l’innocence.

*

Instruction criminelle – Ordre de la matière – Les règles concernant la composition des juridictions précèdent celles qui ont trait à la compétence.

Versailles 2 avril 2002 (D. 2002 IR 1886)

Les règles touchant à la régularité de la composition d’une formation juridictionnelle pénale doivent être examinées avant qu’il ne soit statué sur la compétence territoriale de la juridiction saisie.

*

Instruction criminelle – But premier – Recherche de la vérité.

Paris 29 avril 1982 (Gaz.Pal. 1983 I 40, Régie nationale ...) :

Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.

*

Instruction criminelle – Principes généraux – Présomption d’innocence.

Conseil d’État 29 prairial an VIII :

Il est de principe, en matière criminelle, qu’il faut toujours adopter l’opinion la plus favorable à l’humanité comme à l’innocence.

*

Instruction criminelle – Principes généraux – Immunité pour les propos tenus et les écrits produits devant les tribunaux –personnes en bénéficiant – Expert (oui).

Cass.crim. 28 mai 1991 (Bull.crim. n°225 p.4574) :

L’immunité couvrant les discours prononcés et les écrits produits devant les tribunaux, destinée à garantir aussi bien la liberté de la défense que la sincérité des auditions, bénéficie à l’expert appelé à déposer à l’audience des juridictions ;

Cette règle ne reçoit exception que dans le cas où les faits diffamatoires sont étrangers à la cause et, s’ils concernent une partie, à la condition que l’action en diffamation ait été expressément réservée par le Tribunal devant lequel les propos ont été tenus ou les écrits produits.

*