DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre I
INQUISITION ( Tribunal de l' )
Cf. Procédure pénale (procédure inquisitoire)*, Tribunaux d'exception*, Tribunal révolutionnaire*.
Voir : Une provençale relaxée par l’Inquisition en 1439
En raison de la prolifération des hérésies au XIIe siècle, et des réactions violentes qu'elles entraînèrent de la part des populations, la papauté décida de donner un cadre légal à la lutte contre les dissidents, intégristes ou néophytes, troublant profondément l'ordre social. Elle le fit en créant une juridiction spécialisée, confiée aux dominicains, qui fonctionnait selon les principes de la procédure inquisitoire, héritée de la procédure romaine du Bas-empire (d'où son nom de Tribunal de l'inquisition, à ne pas confondre avec le Tribunal du Saint-Office propre à l'Espagne).
Bernard Gui (Manuel de l'Inquisiteur - éd. Les belles lettres) : Quiconque, comparaissant en personne, soit spontanément, soit une citation, en tant que suspect, voire accusé du crime d'hérésie ou sous l'imputation d'avoir favorisé ou recélé des hérétiques... devra être entendu ou interrogé ; il sera tenu, tout d'abord, sur requête bienveillante et après discrète monition se l'inquisiteur ou de son substitut, de jurer sur les Saints Évangiles de Dieu de dire la pleine et entière vérité sur le fait d'hérésie et sur les faits connexes.
Du Boys (Histoire du droit criminel de la France) : À une époque de
foi ardente et populaire, l'hérésie en elle-même était un objet d'indignation et de répulsion générales. Mais l'hérésie des Albigeois, contre laquelle fut établie
l'Inquisition comme une arme spéciale et probablement temporaire, avait un caractère tout particulier de destruction sociale... Un auteur qui n'est pas
suspect, M. Schmidt, pasteur protestant, a fait un ouvrage fort curieux sur les Cathares ou Albigeois. Il prouve que la promiscuité la plus impure régnait parmi
tous les membres de cette secte excepté parmi un petit nombre d'entre eux, qui faisaient
vœu de continence et qui s'appelaient les Parfaits. Mais d'abord la
proportion de ces prétendus prédestinés était bien minime, eu égard à la multitude d'adeptes qui pouvaient se donner pleine licence. Ensuite, le communisme charnel
des uns aussi bien que la chasteté absolue des autres conduisaient à l'anéantissement de la famille. Du moment qu'il n'y aurait plus de famille il n'y aurait plus
de transmission d'héritage ; c'était démolir la société dans ses fondements.
Le tribunal, qui fut choisi en principe parmi les membres de l'Ordre de Saint-Dominique, s'appela le tribunal de l'Inquisition. S'il est vrai qu'il innova
quelque chose en matière de procédure, en quoi consistèrent ces innovations. Au moment où l'Inquisition prit naissance en Languedoc, la procédure secrète existait
dans les tribunaux ecclésiastiques de droit commun; elle était recommandée par les jurisconsultes de Bologne comme une tradition du droit romain ; enfin, les
légistes de Louis VIII et de saint Louis avaient déjà tenté de lui faire une place à côté de la procédure accusatoire de la féodalité. Personne ne fut donc étonné
de voir le nouveau tribunal adopter exclusivement cette forme d'instruction déjà si connue sous le nom d'enqueste.
Vacandard (L'inquisition) : Une fois la nécessité reconnue de tribunaux spéciaux et permanents, exclusivement destinés à la répression de l'hérésie, il semblait naturel qu'ils fussent complètement soustraits à l'influence des jalousies et des inimitiés locales, qui pouvaient tendre à la perte d'innocents, ou du favoritisme local, qui pouvait s'exercer pour la protection des coupables ... Justement surgirent des Ordres mendiants qui répondaient aux besoins nouveaux de l'Église, c'est à eux que ces tribunaux furent confiés.
Loiseleur (Les crimes et les peines dans l'Antiquité) : Ce qu'on
peut reprocher au tribunal de l'inquisition, tel qu'il fut définitivement constitué par Grégoire IX, ce n'est pas sa légitimité ; il eut celle qui résulte des
besoins du moment et de l'assentiment du plus grand nombre ; ce n'est pas même sa rigueur. Il admonestait par deux fois avant d'intenter aucune procédure ; il ne
faisait arrêter que les hérétiques obstinés et les relaps. Jusqu'au quatorzième siècle, il n'usa pas de la torture ; il était, à un certain point de vue moins
inhumain et meilleur que la plupart des tribunaux en vigueur à la fin du douzième. Les templiers réclamèrent comme une faveur d'être jugés par ce tribunal. Il
avait des règles, et il savait quelquefois les faire fléchir devant le repentir ; il remplaçait, et les tueries en masse, et les tribunaux sans droit de grâce,
inexorablement attachés à la lettre de la loi, tels que ceux qui étaient institués en vertu de décrets impériaux.
Mais l'Inquisition, aux yeux de l'histoire, a eu deux torts que rien ne saurait pallier. Elle survécut aux nécessités qui l'avaient motivée, et qui seules
pouvaient excuser son existence. Du jour où elle ne fut plus un préservatif social, elle devint un obstacle imposé à la libre expansion de l'esprit humain...
Un autre reproche dont rien ne peut laver l'Inquisition... c'est l'absence de cette claire loyauté qui doit caractériser le justice, c'est sa procédure pleine de
ruses, de réticences, de piéges, de subtilités captieuses, basée sur la délation et sur la trahison.
Warée (Curiosités judiciaires) : L'Hôpital, qui fut élevé à là dignité de chancelier sous le règne de François II, s'opposa fortement à l'établissement du tribunal de l'inquisition que les Guises voulaient introduire en France, afin d'avoir un instrument de plus pour étendre leur autorité. Le chancelier représenta en plein conseil que le pouvoir des souverains ne s'étend point jusque sur les consciences, et qu'un citoyen qui obéissait aux Lois, qui remplissait tous ses devoirs envers ses supérieurs et ses égaux, ne devait plus rien au gouvernement et n'avait à rendre compte qu'à Dieu des mouvements secrets et des pensées qui s'élevaient dans son âme.
ISAMBERT
Cf. Droit (Histoire du)*.
Isambert (François-André), juriste français né en1792 à Aulnay
et mort à Paris en 1857, était le fils d'un simple agriculteur
qui parvint à lui faire faire des études de droit. Remarqué par
l'étendue de son savoir tant sur la jurisprudence qu'en histoire
du droit, il fut vite rangé parmi les grands jurisconsultes de
son temps ; si bien qu'en 1830 il fut nommé conseiller à la Cour de cassation.
On lui doit un « Recueil des anciennes lois françaises depuis 420
jusqu'à la révolution de 1789 ». Cet ouvrage, qui comprend 30 volumes, est d'une valeur inestimable,
aussi bien pour l'étude de l'histoire de France que pour comprendre
l'évolution de la législation française notamment en matière criminelle. Sans doute les textes qu'il reproduit ne sont-ils pas toujours parfaitement exacts au mot
près, ce en raison du peu de fiabilité des documents les plus
anciens dont nous n'avons souvent que des copies douteuses, mais l'ampleur de cette œuvre suffit à excuser
ses quelques imperfections. La connaissance de certains de ces textes peut être de la plus grande utilité pour
les légistes et pour les universitaires : elle permet de méditer des exemples à suivre et de déceler des erreurs à ne pas renouveler.
Isambert (Prolégomènes au Recueil) : L'étude des monuments
législatifs de l'ancienne Monarchie française n'est pas seulement un objet de haute curiosité pour les hommes jaloux de s'instruire. Elle est pour les publicistes,
pour les magistrats, pour les fonctionnaires administratifs et pour les jurisconsultes, un besoin de tous les jours...
Dans le peu qui nous est resté des travaux des assemblées nationales, on retrouve les principes du véritable système représentatif, les idées les plus sages,
en législation et en droit public, le germe de toutes les institutions généreuses, des moyens victorieux pour repousser les abus.
Les cahiers et les doléances des État, sont encore, aux yeux des hommes méditatifs et éclairés, la source la plus pure, où des législateurs puissent venir
puiser ; c'est là qu'on apprend à connaître le bon esprit et le patriotisme de nos ancêtres.
Dans l'exercice de leurs fonctions législatives, les membres des deux chambres n'ont pas de meilleur moyen pour se préserver des fautes qu'on a commises ; et
pour améliorer ce que les temps antérieurs nous ont laissé de bien, que de se pénétrer de l'ensemble et des détails de notre ancienne législation. Devrait-on
écrire ou parler sur les matières soumises à une discussion publique, sans s'être auparavant rendu un compte fidèle de tous les précédents ?
Le mérite d'un législateur consiste moins à créer qu'à profiter de ce qui est, pour asseoir un édifice solide et durable.