DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre F
(Sixième partie)
FÉLONIE (Félon)
Cf. Galères*, Haute-trahison*, Lèse-majesté*, Mines*, Peines*, Trahison*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-107 p.75
/
n° II-II-138, p.185
Liée au régime féodal, la félonie était un crime consistant de la part d’un vassal à commettre une offense grave ou un acte de déloyauté envers son suzerain. La sanction spécifique consistait en la confiscation du fief que le premier tenait du second ; à quoi s’ajoutaient les sanctions de droit commun, notamment l’amende honorable.
Blackstone (Commentaire sur les lois anglaises) :
C’est aux temps de la loi féodale que l’on peut faire remonter l’origine du mot félonie... Il y a félonie toutes les fois qu'on commet quelques
actions qui affectent immédiatement la personne du Souverain, sa Couronne, sa dignité ou ses droits, on manquent à la fidélité qu'on lui doit.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : La
félonie était d’abord la violation d’un engagement politique, où tous les autres engagements étaient compris : le devoir féodal.
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Félonie, ou
infidélité, déloyauté, forfait, est une action violente et injurieuse du vassal envers son seigneur… Comme la principale obligation de fief consiste en
services, honneur, fidélité et amitié de la part du vassal envers son seigneur, le vassal qui commet déloyauté envers lui perd son fief… Un arrêt du
Parlement de Provence de décembre 1675 condamna un vassal pour avoir dépouillé son seigneur dans le cercueil, et lui avoir dérobé ses habits.
Sumner-Maine (Études sur l’ancien droit) :
Si un grand vassal de la couronne devait être jugé pour trahison ou félonie, tous les grands vassaux des rois de France devaient s'assembler de toutes
les parties du territoire dont le roi était suzerain; et ce fut précisément une Cour de ce genre qui dépouilla notre roi Jean des plus belles provinces
de France.
FÉMINICIDE - Voir : Homicide*, Uxoricide*.
AFP 15 novembre 2012 : Le crime de "féminicide", l'homicide
aggravé d'une femme ou d'un transsexuel, sera puni en Argentine
par une peine de prison à vie, selon une loi adoptée dans la
nuit d'hier à aujourd'hui par la Chambre des députés ...
L'homicide est puni en Argentine d'une peine allant de 8 à 25
ans. Mais cette loi prévoit désormais la prison à vie pour la
personne déclarée coupable du meurtre d'une femme ou un
transsexuel « ascendant, descendant, conjoint, ex-conjoint ou
(...) avec laquelle elle entretient ou a entretenu une relation,
ayant ou non cohabité ».
FEMMES
Cf. Âme*, Corps de l'homme*, Égalité*, Homme*, Imputation*, Individu*, Peines*, la Pensée (l'Esprit)*, Personne humaine*, Uxoricide*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-330,
p.497
- Notion. Contrairement
à ce que l'on entend souvent dire de nos jours l'homme et la
femme, loin d'être identiques, sont complémentaires ; cette
caractéristique présente l'immense avantage d'augmenter les
capacités de l'espèce humaine (si vulnérable sur le plan
physique) à survivre et à se développer dans le combat pour la vie
qu'elle mène sur cette terre.
Du fait de leur complémentarité, l'homme et la femme
apparaissent égaux au regard de la dignité humaine ; il ne faut toutefois
pas sous-estimer que la femme a l'immense
privilège, et la responsabilité, de transmettre la Vie*.
Mme
Bentzon (Morale pratique, Cours pour l'enseignement secondaire) :
On agite beaucoup une question oiseuse : la femme est-elle
inférieure à l'homme ? Elle n'est pas inférieure, mais elle est
autre, puisque l'homme et la femme se complètent.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.III) : Le principe d'égalité
doit présider aux relations entre les hommes. Tous les êtres humains
sont égaux, d'une égalité de nature qui leur confère la même
noblesse...
Comme l'homme, la femme est une personne humaine, avec toute la
dignité de l'être humain ; mais elle est une personne humaine
autrement que l'homme. Elle a donc le même droit que l'homme à
épanouir sa personnalité, le même droit à rechercher sa perfection,
mais elle est autre, et sa personnalité s'épanouit dans d'autres
conditions. La règle d'égalité entre l'homme et la femme est une
règle d'égalité dans la différence. La femme n'a pas seulement
un droit égal au développement de son être, elle a un droit égal à
se développer autrement. Imposer à la femme la même vie qu'à
l'homme, lui donner le même statut, c'est violer son droit, qui est
d'être autre.
La différence génétique entre les femmes et les hommes vient d'être rappelée par l'Académie nationale de médecine, du point de vue des effets des médicaments et des traitements. De leur côté, les pénalistes observent que les mêmes sanctions ne sont pas nécessairement applicables aux hommes et aux femmes.
M.
Court (Le Figaro 2 septembre 2016) :
« Les médecins commettent la
faute de ne pas s'informer exactement de la cause de la maladie
des femmes et de la traiter comme s'il s'agissait d'une maladie
masculine... Il faut dès le début interroger soigneusement sur
la cause ; car les maladies des hommes et celles des femmes
diffèrent beaucoup pour leur traitement
». Des propos qui porteraient à
sourire si, plus de deux mille ans après avoir été rédigés par
Hippocrate, ils n'étaient toujours pas appliqués en France. Une
incongruité dont s'est emparée l'Académie nationale de médecine
avec l'espoir de réussir à faire bouger les choses.
- Sociologie. De même
qu'un homme, une femme poursuivie au pénal est présumée s'être
trouvée lors des faits en pleine possession de ses facultés
mentales et de son libre arbitre. Elle peut donc légitimement
être déclarée coupable d'une infraction pénale.
Les criminologues s'interrogent toutefois sur la nature et le
niveau de la criminalité féminine. La question est délicate du fait que nombre d'actes
immoraux ou illicites commis par les femmes sont, tantôt à la limite de la délinquance (cas de la prostitution), tantôt accomplis
de manière occulte et en secret (cas de
l'empoisonnement).
Gassin (Criminologie) :
L'étude différentielle des criminalités féminine et masculine
révèle l'existence de différences caractéristiques entre les
deux sortes de criminalité, non seulement en ce qui concerne
leur volume respectif, mais encore au regard de leur
structure...
Garraud (Traité de droit criminel) : Quelle influence le
sexe peut-il avoir sur la criminalité ? Il faut constater que la criminalité féminine est en moindre proportion que la criminalité masculine.
L'interprétation de ce phénomène a donné lieu à des opinions divergentes. Il a d'abord sa cause dans les différences biologiques et sociales entre
l'homme et la femme. Mais ce sont surtout les rapports entre la prostitution et la criminalité qui l'expliquent... Le caractère psychologique de la
criminalité féminine est d'abord d'être plus tardive que celle de l'homme et ensuite d'être plus grave. La femme a une cruauté plus raffinée, une audace
plus tranquille, une conscience plus sophistique que l'homme criminel. Elle a plus de peine à revenir au bien.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : À Sparte,
les femmes étaient traitées et élevées comme les hommes ; on les soumettait à la même discipline, on les exerçait aux arts de la guerre, à la lutte dans
l'arène. La république en voulait faire ce que la nature n'a pas voulu, et l'on y perdait des deux côtés. Elles n'avaient plus les grâces et les vertus
de la femme, sans prendre les qualités et la force de l'homme... De pareilles institutions ne durent pas, parce que ce qui est contraire à la loi
naturelle ne peut subsister.
Il est à noter que l'Islam professe une opinion spécifique.
Coran
(Sourate IV, v.38) : Les hommes sont supérieurs aux femmes à
cause des qualités par lesquelles Dieu a élevés ceux-là
au-dessus de celles-ci... Les femmes vertueuses sont obéissantes
et soumises : elles conservent soigneusement pendant l'absence
de leurs maris ce que Dieu a ordonné de conservé intact. Vous
réprimanderez celles dont aurez à craindre la désobéissance ;
vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez ;
mais, dès qu'elles vous obéissent, ne leur chercher point
querelle.
- Science criminelle. D'accord avec le droit naturel, la doctrine s'entend pour dire que les femmes peuvent de droit commun se voir imputer les infractions qu'elles ont commises.
Franck (Philosophie du droit pénal) : Il n’y a pas de
droit sans devoir, pas de liberté sans responsabilité. Si dans l’ordre moral la femme est l’égale de l’homme, elle doit aussi être son égale devant la
loi et devant la justice. La responsabilité étant la même, il faut admettre, de part et d’autre, la même culpabilité pour des crimes semblables. Il n’y a
que l’application de la peine qui puisse être différente en raison de l’inégalité des forces.
Stéfani
et Levasseur (Droit pénal et criminologie) : Le sexe féminin
n'est pas une cause d'irresponsabilité pénale ni même seulement
d'atténuation de la responsabilité. Malgré sa faiblesse
physique, son affectivité supérieure, sa nature plus sensible et
moins résistante aux tentations et aux impulsions, la femme est
aussi responsable que l'homme .
Carrara
(Cours de droit criminel - éd. française) : Je pense qu'on ne doit pas voir
dans le sexe féminin une cause de diminution de l'imputation. Le
sexe peut être une raison de modifier la peine, eu égard à la
sensibilité du coupable et de la décence publique ; mais de
raison de soumettre la femme à une moindre imputation, il
n'y en a pas...
L'âge avancé, le sexe, les infirmités sont des raisons pour
appliquer une peine différente aux vieillards, aux femmes et aux
infirmes ; quoiqu'il n'y ait par de raison de diminuer
l'imputation de l'infraction.
La complémentarité de l'homme et de la femme ne saurait faire échec à ce que tous deux soient susceptibles de commettre des infractions pénales.
Exemple (Ouest-France 24 août 2007) : Trois
corps de bébés dans un chalet de Savoie. La mère aurait reconnu les avoir dissimulés dans le congélateur, puis dans des caisses... Comme elle ne prenait
pas de poids quand elle était enceinte, ni sa famille ni son compagnon ne se sont aperçus de rien. Elle a expliqué qu'elle ne voulait pas assumer ses
grossesses. Les bébés seraient nés en 2001, 2003 et 2006. Dans un premier temps, leurs corps étaient placés dans le compartiment congélateur du
réfrigérateur puis, lorsque le père restait seul à la maison et était susceptible d'ouvrir l'appareil, la mère dissimulait les cadavres dans d'autres
endroits avant de les recongeler.
Toutefois, si les femmes peuvent parfaitement se voir imputer les infractions qu'elles ont commises, au niveau des sanctions des différences se manifestent ; ainsi une femme enceinte, une jeune mère ou une mère de famille nombreuse, ne peut se voir infliger certaines peines.
Exemple (Ouest-France
8 juillet 2016). Citée à comparaître devant le Tribunal du
Vatican, une jeune mère est venue à la salle d'audience avec son
nouveau-né Pierre ; elle a présenté la défense suivante (étant
précisé que les peines prononcée par ce Tribunal sont purgées
dans une prison de l'État italien) : Si je suis condamnée et
si la Cour demande à l'Italie d'exécuter cette peine, mon fils
passera les premières années de sa vie en prison. Elle a été
relaxée , mais son co-prévenu a été condamné.
Décret du 31 août 1792. Art. 1 : Les femmes condamnées à la
peine du carcan et qui seront trouvées enceintes au moment de leur condamnation, ne subiront pas cette peine, et ne seront point exposées au public ;
mais elles garderont prison pendant un mois.
Code pénal de 1810. Art. 16 : Les femmes et les filles
condamnées aux travaux forcés n'y seront employées que dans l'intérieur d'une maison de force.
Code pénal de Bolivie. Art. 57 : Quand la peine
privative de liberté touchera une personne gravement malade, ou une femme enceinte ou ayant un enfant de moins de six mois, le juge pourra différer son
exécution.
Cour
EDH. 4 décembre 2012, n°31956/05 (Gaz.Pal. 20 décembre 2012) : La
requérante est une ressortissante de Bosnie Hertzégovine
d'origine rom qui se maria à Rome en 1991. Cinq enfants
naquirent de cette union et l'ensemble de la famille est
installé dans le camp pour nomades "Castel Romano", à Rome. Le
permis de séjour qui lui avait été accordé pour motifs
humanitaires exceptionnels fut révoqué pour des raisons
inconnues. La requérante fut condamnée pour des délits mineurs.
Elle fit l'objet d'un arrêté d'expulsion qu'elle contesta en
vain devant la justice italienne en invoquant le droit au
respect de sa vie familiale.
En l'espèce, les infractions reprochées à la requérante ne
peuvent pas être qualifiées de graves et la Cour relève que
l'ensemble de la famille a vécu sans interruption jusqu'à ce
jour en Italie : la possibilité pour toute la famille de
s'établir en Bosnie- Herzégovine pour y rejoindre la requérante
est donc peu réaliste, les enfants n'ayant aucune attache dans
ce pays .... À la lumière de l'ensemble de ces éléments, la Cour
estime que la mesure litigieuse n'a pas été proportionnée à
l'objectif poursuivi. Il y a donc eu violation de l'article 8 de
la Convention.
On hésite sur le sort qu'il convient de faire à l'épouse d'un individu qui a commis certaines infractions contre la propriété telles que le vol, l'escroquerie ou la fraude contractuelle. Elle peut, semble-t-il, être considérée comme receleuse quand elle n'a pu douter de l'origine délictueuse des revenus du ménage (mais que faire lorsqu'elle élève plusieurs enfants ?).
Loi Gombette. T. XLVII, art. 1 : Si un ingénu a volé des
chevaux ou des bœufs, et que sa femme n’ait pas à l’instant même dénoncé ce crime à l’autorité, elle devra, après que son mari aura été mis à mort, être
privée de sa liberté, et être remise à celui au préjudice de qui le vol a été commis, parce qu’on ne peut douter, par l’expérience réitérée qui en a été
faite, que les femmes ne soient complices des crimes de leurs maris.
Cass.crim. 6 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 II
Chr.crim. 297) : Pour condamner la prévenue du chef de recel, l'arrêt attaqué a pu retenir notamment que malgré ses dénégations elle ne pouvait
ignorer que l'accumulation exceptionnelle d'objets d'art, en quantité et en valeur, à laquelle se livrait son mari, tant au domicile conjugal que dans
leur résidence de campagne ou dans l'appartement de leur fille, avait une origine frauduleuse, alors qu'aucun des époux n'exerçait une activité
professionnelle et que leurs revenus déclarés au fisc entraînaient une imposition annuelle inférieure à 10.000 francs.
FERS
Cf. Chaîne*, Galères*, Mines*, Peines*, Travaux forcés*.
Voir :
Code pénal du 25 septembre 1791
La peine des fers, instituée sous la Révolution, consistait à river un boulet à l’un des pieds du criminel condamné à cette sanction afflictive et infamante. Il était prévu que le forçat pourrait être astreint à des travaux d’intérêt général tels l’extraction dans les mines ou l’assèchement de marais.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : La peine des fers
était une des peines afflictives et infamantes que le Code pénal du 25 septembre 1791 appliquait aux crimes ; et c'était la plus grave après la mort et
la déportation.
Seligman (La justice en France pendant la Révolution) : La
peine des fers consiste dans l’exécution de travaux forcés, les condamnés traînant un boulet attaché à une chaîne de fer.
Cette peine n’est jamais perpétuelle ; le maximum est fixé à vingt-quatre ans. Elle s’applique aux violences graves, viol, enlèvement de mineures pour
les livrer à la prostitution, bigamie, destruction d’état civil, vol avec circonstances aggravantes, faux témoignage, banqueroute frauduleuse.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : Le Code pénal de
1791 substitua une nouvelle dénomination, celle de peine des fers, à l’ancien nom de peine des galères, et un caractère plus général auxquels les
condamnés pouvaient être condamnés.
FIANÇAILLES
- Cf. Mariage*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 113-114 (sur les fiançailles fallacieuses
visant à faciliter la commission d'une infraction)
FICHIERS INFORMATIQUES (Droit commun)
Cf. Vie privée*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la
Personne humaine » (4e éd.), n° II-236 et s., p.340 et s.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la
Société », n° II-II-209, p.500
Un fichier informatique est constitué d’un ensemble cohérent d’informations susceptibles d’être traitées automatiquement par un matériel adapté. Sa capacité de stockage, sa rapidité d’exploitation, en font un instrument précieux pour ceux qui ont des recherches à effectuer. Mais cet avantage peut présenter des inconvénients, notamment pour les libertés individuelles, puisque le recoupement de tous les fichiers concernant une personne pourrait permettre de percer les secrets de sa vie privée. C’est pourquoi les art. 226-16 et s. C.pén. édictent une police de l’utilisation des fichiers informatiques (Loi du 6 août 2004).
Frayssinet (Juris-classeur pénal annexe, V°
Informatique) : L’objet du législateur n’est pas d’empêcher l’usage de l’informatique, les fichiers et traitements automatisés étant
indispensables pour l’individu et le groupe social, mais de prévenir les atteintes aux droits et libertés, et de donner un droit de regard sur l’usage et
les qualités des données le concernant.
Cass.crim. 19 décembre 1995 (Bull.crim. n° 387
p.1133) : La loi accorde sa protection, non seulement aux personnes faisant l’objet du traitement des informations nominatives, mais encore à
toutes celles qui peuvent être directement ou indirectement concernées par l’exploitation de ce traitement.
Cass.crim. 4 mars 1997 (Bull.crim. n°83 p.270) :
La loi vise la mise en mémoire informatisée, sans l’accord exprès de l’intéressé, de données nominatives faisant apparaître, notamment, ses opinions
politiques, philosophiques ou religieuses.
Cass.crim. 14 mars 2006 (Bull.crim. n°69 p.267) :
Constitue une collecte de données nominatives le fait d'identifier des adresses électroniques et de les utiliser, même sans les enregistrer dans un
fichier, pour adresser à leurs titulaires des messages informatiques... Est déloyal le fait de recueillir, à leur insu, les adresses électroniques
personnelles des personnes physiques sur l'espace public d'internet, ce procédé faisant obstacle à leur droit d'opposition.
FICHIERS INFORMATIQUES (des organismes publics)
Cf. Empreintes génétiques*, Empreintes génétiques*, Mesure de sûreté*.
Depuis quelques années l’économie de temps et d’énergie, comme l’efficacité et la fiabilité, des fichiers informatiques en ont imposé l’emploi dans les administrations publiques, notamment pour la lutte contre la criminalité. D’où la création d’un fichier de police concernant les infractions constatées, et d’un fichier des empreintes génétiques. Le grand danger actuel, pour les libertés individuelles, provient de possibles recoupements des divers dossierspar l'État (et par les groupes de pression qui ont leurs entrées dans les diverses administrations).
Cons. d’État 20 octobre 2010 (n° 327916 - Gaz.Pal. 4
novembre 2010 : Toute personne peut à tout moment avoir accès aux données à caractère personnel la concernant contenues dans un fichier.
Exemple (Ouest-France 22 avril 2011) : Le
policier X... comparaîtra devant le tribunal correctionnel pour "détournement de données confidentielles" contenues dans le Système de traitement des
infractions constatées (Stic) et "violation du secret professionnel". Placé en garde à vue, il avait reconnu la divulgation des fiches de police de J.D
et J.H., arguant d'un geste "citoyen" pour dénoncer un fichier controversé.
- Fichier automatisé de la police nationale. Ce fichier a été créé par un décret du 5 juillet 2001. Il est constitué des informations recueillies dans les comptes-rendus d’enquêtes, sur des personnes à l’encontre desquelles sont réunis des indices graves et concordants de participation à un crime, à un délit ou à certaines contraventions de la cinquième classe. Leur traitement s’effectue sous le contrôle du procureur de la République.
Cons. d’État (Gaz.Pal. 2003 somm. 2562) : Le
décret du 5 juillet 2001 autorise le ministère de l’intérieur à mettre en œuvre une application automatisée d’informations nominatives, dénommée «système
de traitement des infractions constatées» (STIC), dont la finalité est l’exploitation des informations contenues dans les procédures établies par les
services de police, dans le cadre de leur mission de police judiciaire, aux fins de recherches criminelles et de statistiques.
La constatation des infractions est une mission confiée par le code de procédure pénale à la police judiciaire et exercée sous le contrôle d’un
magistrat.
La collecte des données par les services de police judiciaire dans le cadre des missions qui leur sont imparties ne préjuge pas de la qualification
éventuelle d’infractions qui sera déterminée par les magistrats de la juridiction compétente. En outre, l’art. 3 du décret attaqué prévoit un contrôle du
procureur de la République territorialement compétent pour le traitement des informations nominatives collectées et la possibilité offerte aux personnes
concernées d’exiger que la qualification des faits finalement retenue par l’autorité judiciaire soit substituée à la qualification initialement
mentionnée dans le fichier.
Le décret attaqué n’est donc pas illégal en tant qu’il autorise l’enregistrement d’informations considérées comme relatives à des infractions
constatées, avant que la juridiction compétente ne se soit prononcée.
C.pén. suisse. Art. 351 bis : 1 La
Confédération gère, en coopération avec les cantons, un système de recherche informatisé de personnes et d’objets (RIPOL) afin d’assister les autorités
fédérales et cantonales dans l’accomplissement des tâches légales suivantes: a. Arrestation de personnes ou recherche de leur lieu de séjour dans le
cadre d’une enquête pénale ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure…
- Fichiers automatisé des empreintes génétiques. - Régi par les art. 706-54 et s. C.pr.pén., ce fichier est destiné à centraliser les empreintes issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l’une des infractions énumérées à l’art. 706-55 (infractions sexuelles, actes de barbarie, proxénétisme …) ; il tend évidemment à faciliter l’identification et la recherche des auteurs de telles infractions. Les dispositions concernant la protection des mineurs figurent aux art. 706-47 et s.
Cass.crim. 22 juin 2004 (Bull.crim. n° 164 p.
603) : L’art. 706-56 C.pr.pén., réprimant le refus de se soumettre à un prélèvement biologique, est applicable à toute personne condamnée pour
l’une des infractions visées à l’art. 706-55 du même Code.
Cass.crim. 10 octobre 2007 (Bull.crim. n° 242
p.1014) : Toute personne condamnée en qualité d'auteur ou de complice pour l'une des infractions mentionnées à l'art. 706-47 C.pr.pén. peut être
inscrite au fichier national informatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes dans les conditions prévues à l'art. 706-53-2 dudit
code.
Exemple (Ouest-France 19 juin 2009) : Images
pédo-pornographiques. Un homme de 61 ans a été condamné à quatre mois de prison dont trois mois avec sursis. Son nom sera porté au fichier des
délinquants sexuels.
L'inscription à ce fichier ne constitue pas une peine complémentaire, mais une mesure de sécurité publique d'application immédiate. Le coupable ne peut pas demander à bénéficier d'une dispense d'inscription.
Cass.crim. 16 janvier 2008 (Gaz.Pal. 5 mars 2009) :
La juridiction de jugement qui prononce une condamnation pour une infraction mentionnée à l'art. 706-47 C.pr.pén. et punie d'une peine supérieure à
cinq ans d'emprisonnement ne peut dispenser le condamné de son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles
ou violentes.
Cass.crim.
13 mai 2015, pourvoi n° 14-81199 : L'inscription au fichier
judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions
sexuelles ou violentes constituant, non une peine au sens de
l'article 7, § 1, de la Conv. EDH, mais une mesure ayant pour
seul objet de prévenir le renouvellement des infractions
concernées et de faciliter l'identification de leurs auteurs,
celle-ci n'est pas soumise au principe de la non-rétroactivité
des lois de fond plus sévères.
FICTION
Cf. Autonomie du droit pénal*, Matérialité*, Présomptions*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », (4e éd.), n° 113, p.
74 / n°133, p.109 / n° III-111, p.395
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal », (3e éd.), n°I-I-I-214, p.52
/
n° I-II-I-102, p.163
- Notion. Une fiction juridique est un procédé technique employé pour faciliter l'adoption législative et la mise en oeuvre judiciaire d'une règle de droit. Elle ne va pas délibérément contre la vérité, mais l'adapte, la transpose, la modèle pour les besoins de la politique criminelle ou de la pratique quotidienne. C'est ainsi que les groupements de personnes, sociétés ou associations, sont actuellement réputés avoir une personnalité morale suffisante pour être des sujets de droit pénal.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) :
La fiction de la loi est une disposition contre la vérité dans une chose, possible et pour une juste cause. Elle n'a pas été inventée pour nuire à la
vérité, mais bien pour l'imiter en adoucissant la rigueur du droit. C'est pourquoi deux fictions ne sont jamais reçues sur un même sujet.
Dictionnaire de la culture juridique. V° Fiction (G.
Wicker) : Lorsqu'elle concourt à la création du droit, la fiction peut se définir comme un mécanisme technique qui consiste en une méconnaissance
volontaire de la réalité en vue de l'obtention d'un résultat de droit.
- Science criminelle. De caractère matériel, orienté vers le concret et le réel, le droit criminel se montre réservé à l'égard des fictions retenues dans d'autres branches du droit ; il en donne par suite une interprétation restrictive.
Tarde (La philosophie pénale) : Ces fictions... valent
bien celles de nos codes, traquenards où s'embusque l'esprit juriste.
Ortolan
(Éléments de droit pénal) : Nous ne poserons pas la question au sujet de l'homme que certaines
législations frappent, en certain cas, d'une déchéance considérable de droits qu'elles appellent mort civile. Cette fiction de mort, que répudie
aujourd'hui la science, n'est point la réalité ; l'homme subsiste avec ses devoirs d'action ou d'inaction, avec les facultés morales qui constituent
l'imputabilité.
Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises) : Les
procédures criminelles sont simples et régulières, d’autant que la loi n’y admet point de fictions, comme dans les causes civiles, car il s’y agit plus
immédiatement de la vie, de la liberté et de la sécurité des personnes.
Code
annamite de Gia Long . Art. 334, note officielle reprise du Code
chinois : La loi sur la fornication entre parents trace une
règle on ne peut plus sévère... Si les filles sont censées
sorties de la famille par le mariage, à cet égard elles sont
pourtant considérées comme si elles continuaient à appartenir à
leur souche d'origine.
Cass.crim. 7 avril 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim.
112) : En admettant que le préjudice moral puisse exister pour une personne morale de droit public autrement que par une fiction de la loi, il ne se
distingue pas de l'atteinte à l'intérêt général dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique.
Rennes 6 juin 1979 (Rev. jurisp. com. 1981 p.101)
: Le réel, qui domine les fictions juridiques, exige que l'on ne donne pas à l'entité juridique de "masse, collectivité d'intérêt"» une existence qui
aille contre le but poursuivi par l'institution.
Dans l'histoire du droit certaines fictions ont été répressives :
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Dans la
fiction qui assimile le proscrit à une bête fauve, nous avons retrouvé la tradition scandinave.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : La
confiscation des biens, qui touchait les enfants et héritiers du proscrit ou du condamné, s'aggravait encore par la fiction appelée "corruption of the
blood".
d'autres fictions ont été protectrices :
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Les
dispositions des lois de presque tous les peuples condamnent comme homicides ceux qui procurent un avortement. Elles découlent naturellement de la
fiction par laquelle un enfant, dans le ventre de sa mère, est réputé né lorsque l'intérêt de sa vie et de sa conservation le demande.
Du Boys (Histoire du droit criminel) :
L'antique jurisprudence anglaise donna une grande extension au bénéfice de clergie. On considéra comme clerc, par une fiction de la loi, tout homme
lettré, c'est-à-dire sachant lire... Il en résultait presque toujours l'acquittement de l'accusé.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : La
religion chrétienne vint prendre le manteau royal et l'étendre sur le pauvre, la veuve et l'orphelin délaissés. Une fiction touchante de la charité éleva
le plus petit et le plus faible au niveau du plus grand, en lui faisant un titre de noblesse de son abandon. Grâce à elle, l'enfant sans parents devint
le pupille du Roi, quand il ne put être celui de personne. Par la suite, cette fiction devint une fiction sociale et s'éleva à d'immenses proportions.
Comme gardien supérieur de la paix des petits, le Roi finit par être considéré comme le tuteur du peuple tout entier, le père du peuple, comme notre
Louis IX... Cette règle est consacrée par la tradition populaire et justifie ce vieux cri de l'opprimé : « Ah ! si le roi le savait ? »