DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre F
(Quatrième partie)
FAUTE
Cf. Délit*, Délit civil*, Délit disciplinaire*, Délits pénaux*, Exprès (faire)*, Impéritie*, Inattention*, Incompétence*, Incrimination*, Morale*, Négligence*, Péché*, Précaution (principe de)*, Prudence*, Qualification*, Quasi-délit*, Réparations civiles*, Sang-froid*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 25, p.46 / n° I-111, p.160 / n° II-100, p.289 / n° II-120, p.313 / etc.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-217, p.56 / n° I-I-I-330, p.93 /n° I-I-I-331, p.94 / etc.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-205, p.99 / n° I-213 et s., p.107 et s. / n° I-218 bis p.115 (loi 10 juillet 2000) / Table alphabétique p.679
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille » , n° 5, p.7 / n° 113, p.56 / p.ex.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » , n° I-4, p.53 / n° I-I-103, p.72 - p.ex.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'intégrité corporelle (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations visant les destructions de biens dangereuses pour les personnes (en droit positif français)
Voir : Pie XII, La faute et la peine dans leur connexion réciproque
Voir : B.-D. de la Soujeole, Faute et peine
- Notion. Le mot faute vient du verbe latin fallere devenu faillir en ancien français. Il traduit un écart par rapport à la voie, tracée par les règles divines, morales ou sociales, qui conduit au bien commun, à la perfection de l’individu et au progrès de l’humanité.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Dans le droit, on appelle faute un manquement qui se fait par imprudence, impéritie ou négligence.
Sériaux (Droit canonique) : La faute est constituée par la violation d’une loi ou d’un précepte à la suite d’une action ou d’une omission que son auteur n’aurait pas dû commettre s’il avait été prudent et diligent.
Malaurie et Aynès (Droit civil) : La faute est la défaillance de l’homme qui n’accomplit pas son devoir. Elle est d’abord une notion morale, saisie par l’évidence, immédiatement ressentie par tous, sauf dans des cas limites et sauf pour les consciences tordues.
- Variétés. Lorsqu’elle enfreint la loi divine, la faute constitue un Péché* ; lorsqu’elle enfreint la loi morale, elle constitue une faute au sens étroit; lorsqu’elle enfreint la loi civile, elle constitue un Délit civil*. En raison de son imprécision, ce terme est en principe étranger au pur droit pénal, où l’on parle plutôt d’Impéritie*, d’Imprudence*, d’Inattention*, de Négligence*.
Bruguès (Dictionnaire de morale) : Tout homme possède en lui comme une aspiration à la plénitude, à la perfection, à l’harmonie. Il fait souvent l’expérience, toujours douloureuse, du manque, de l’échec, de l’absence de ce qui aurait dû être. La Bible utilise l’image de la flèche qui rate sa cible…
Faute civile. - La faute civile caractérise le délit civil général réprimé par les art. 1382 et 1383 C.civ., certains délits civils spéciaux (délit d’atteinte à la présomption d’innocence) et quelques délits pénaux (dits involontaires, comme le délit d’incendie de forêt par imprudence). Elle est notamment constituée par une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence, un manquement à une obligation de sécurité, ou une impéritie professionnelle.
Sur la faute civile d’omission, voir : Cass. civ. 27 février 1951.
Sur l’ancienne identité de la faute pénale d’imprudence et de la faute civile : Cass. crim. 18 novembre 1986.
H.Mazeaud (Cours de droit civil) : La faute est une erreur de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une personne avisée placée dans les mêmes circonstances externes que l’auteur du dommage.
Faute disciplinaire. - La faute disciplinaire résulte de la violation d’une règle fixant la Déontologie* d’un corps ou d’une profession. Elle est réprimée en tant que Délit disciplinaire*.
Cons. d’État 11 janvier 1985 (Gaz.Pal. 1985 somm.347) a considéré que constitue une faute disciplinaire le fait pour un praticien d’avoir remis à une patiente une ordonnance préétablie comportant l’indication de 17 médicaments à prendre contre l’obésité, sans avoir pratiqué un examen adéquat de l’intéressée ou recueilli à son sujet les informations nécessaires.
Cons. d’État 28 septembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Panor. 86) : Un pharmacien d'officine a délivré de grandes quantités de médicaments anabolisants, en méconnaissance des dispositions de l'art. L 568 C. santé publique, qui prohibent la « vente en gros » de médicaments par les pharmaciens d'officine... Eu égard à la quantité des médicaments délivrés et à la gravité des manquements reprochés à ce pharmacien, les faits qui ont motivé la sanction prononcée par la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens sont contraires à l'honneur et sont ainsi exclus du champ d'application de la loi du 3 août 1995 portant amnistie.
Léo
Moulin (La vie quotidienne des religieux au Moyen-âge) :
Veut-on avoir une idée des fautes qui justifiaient des
châtiments ? Voici un ou deux exemples, pour chaque type de
faute.
Pœna levis : est puni le
religieux qui s'est trompé au chœur ou qui n'a pas fait
diligence pour rejoindre la communauté ;
Pœna media : à celui qui n'a
pas assisté à une réunion de la communauté sans la permission du
supérieur, à celui qui a parlé avec les séculiers de choses
futile ;
Pœna gravis : à celui qui
n'observe pas le jeûne, à celui qui s'est conduit de manière
arrogante à l'égard de son supérieur, au grand scandale de la
communauté ;
Pœna gravissima : chez
les carmes, elle frappe le frère qui refuse la peine qui lui a
été infligée pour avoir commis un péché mortel et qui brave
ainsi les autorités.
Exemple (Ouest-France 10 janvier 2014) : JR. arrière de l'équipe de basket des New-York Knicks, s'est vu infliger une amende de 37.000 € pour avoir défait les lacets de deux adversaires pendant des matches de NBA. Attendant un moment de proximité avec des joueurs de l'autre équipe, il avait discrètement dénoué leurs chaussures. Un geste jugé anti-sportif par la NBA.
Faute inexcusable. - Le droit du travail et de la sécurité sociale connaît une variété autonome de la notion civile de faute. Il s'agit d'une faute d'une gravité telle qu'elle fait échec à certaines règles de droit commun. Il semble que la jurisprudence étende actuellement son champ d'application.
Dupeyroux (Droit de la sécurité sociale) : Une définition assez minutieuse fut donnée par un important arrêt des Chambres réunies du 16 juillet 1941. La faute inexcusable "doit s'entendre d'une faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d'élément intentionnel de la faute intentionnelle".
Cass.soc. 19 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 191) : Dès lors que la faute de l’employeur pénalement sanctionnée a joué un rôle déterminant et que, sans elle, l’imprudence du salarié n’aurait pu être commise, l’accident du travail dont ce dernier a été victime est imputable à une faute inexcusable de l’employeur.
Cass. 2e civ. 16 février 2012 (Gaz.Pal. 19 avril 2012) sommaire : La déclaration par le juge répressif de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une faute inexcusable en application de l'art. L.452-1 C.séc.soc.
Cass.soc. 17 juillet 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Panor. 289) : L’auteur d’une faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci (art. L.452-4 C.séc.soc.).
Faute pénale. - Une loi du 10 juillet 2000 (art. 121-3 al.4 C.pén.) s’est efforcée de tracer une
frontière entre la faute civile, qui débordait parfois dans le droit pénal (anciens délits d’homicide et de blessures par imprudence, et la faute pénale
(antérieure au Dol général*). Elle parle en ce sens d’une faute d’imprudence, de négligence, ou de manquement à une
obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il n’est pas établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences
normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait.
Cette définition embrouillée semble avoir été conçue par le législateur pour
permettre de sanctionner les personnes privées quand la faute qui leur est
reprochée apparaît relativement lourde, et pour faciliter la relaxe des agents publics qui n’ont pas commis une faute d’une
trop évidente gravité.
Cass.crim. 12 décembre 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2456) : Ne peuvent être condamnées pour blessures ou homicide involontaires la directrice de l’école et l’institutrice, ayant contribué indirectement à la réalisation du dommage, que s’il est établi qu’au regard de l’article121-3 al.4 C.pén., dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Cass.crim. 13 février 2007 (Bull.crim. n°43 p.257) : Un médecin généraliste, réquisitionné par le préfet pour assurer une garde de nuit, qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour être joint, commet une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne peut ignorer.
Cass.crim. 11 mars 2014, pourvoi n°12-86769 : Le prévenu a commis une faute caractérisée, qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'art. 121-3 C.pén., pour n'avoir pas veillé à prodiguer à son salarié une formation spécifique à la sécurité dans une langue comprise par lui.
Il importe de souligner que, dans notre droit, une faute pénale unique peut parfois donner lieu à plusieurs qualifications, mais qu'elle ne saurait jamais être sanctionnée que par une seule peine.
Cass.crim. 8 mars 2005 (Bull.crim. n° 78 p.175) : Une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine. Encourt la cassation l'arrêt qui condamne le prévenu à plusieurs peines pour des délits et contraventions de blessures involontaires qui procèdent d'une même action coupable.
Faute lucrative. - On parle de nos jours, comme s'il s'agissait d'une découverte, de la faute "lucrative" ; faute qui laisse un bénéfice à celui qui l'a commise après paiement des amendes fixes et des dommages-intérêts. On connaît depuis longtemps la technique permettant d'y faire face : il suffit que le législateur édicte une amende proportionnelle au bénéfice retiré de l'infraction (voire de la porter au double ou au triple, pour équilibrer le cas des fautes non découvertes). Ce procédé semble avoir été quelque peu négligé ces dernières années
Vignolle (La consécration des fautes lucratives - Gaz.Pal. 14 janvier 2010) : Qu'est-ce qu'une faute lucrative ? La faute lucrative est celle qui rapporte plus qu'elle ne coûte.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Souvent l'amende est prévue par la loi comme une peine proportionnelle, soit au bénéfice réalisé par l'agent, soit au préjudice qu'il a causé... Il faut se féliciter de ce que le législateur a institué des amendes proportionnelles.
FAUTEUR
Cf. Agitateur*, Coauteur*, Complicité*, Instigation*, Meneur*, Provocation (à commettre une infraction)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » , n° I-II-315, p.241 (sur le fauteur de trouble)
Jadis le terme fauteur désignait tout homme favorisant autrui ou l’action d’autrui. De nos jours il n’est plus pris qu’en mauvaise part, pour viser un
individu qui participe de manière particulièrement active à une entreprise illicite ou immorale.
- Le fauteur (ce mot ne figure plus dans le vocabulaire juridique actuel) se situe après l’instigateur ; mais plutôt parmi les coauteurs que les
complices.
Code des délits et des peines (brumaire an IV). Art. 71 : A défaut de mandat d’arrêt … aucun gardien de maison d'arrêt ne peut recevoir le prévenu, sous peine d’être poursuivi comme fauteur et complice de détention arbitraire.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : L'accusé... était un certain John Archer, gantier, à qui l'on imputait d'avoir été l'un des principaux fauteurs d'une sédition contre l'archevêque Land.
Accolas (Les délits et les peines) : Les provocateurs du délit étaient aussi dénommés, dans l’ancien droit, promoteurs et fauteurs du délit.
Mémoires historiques de Se-Ma Ts'ien : Quoique Ki-tse ne connût pas Suen Lin-fou, il devina, en entendant sa musique, que cet homme était un fauteur de troubles.
Encyclopédie Microsoft. Autre instrument de la répression mis en place en URSS, dès 1919, afin d’écarter les fauteurs de troubles de l’ordre social : les camps de travail forcé.
E.Peters (Le pèlerin de la haine) : Les sergents examinaient les gens pour déceler d’éventuels fauteurs de troubles, avant qu’ils ne commencent à en causer.