DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Deuxième partie)
ÉDUCATION
Cf. Abandon d’enfant*, Autorité parentale*, Criminalité*, École buissonnière*, Enfant*, Enseignement*, Famille*, Instruction (des mineurs)*, Mineur*, Morale*, Prévention des infractions*, Publication destinée à la jeunesse*, Stage de responsabilité parentale*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », n° 108, p.68 / n° I-4, p.129 / n° I-203, p.205 / n° II-4, p.274 / n° II-108, p.297 / n° III-8, p.362 / n° III-237 bis, p.450
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), p.257 (note 1) / n° II-106, p.262 /n° III, p.312, p.491
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 324 et suivants, p.171 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-3, p.143
Voir : Kant - L’éducation morale (Extraits du Traité de pédagogie, 1803)
Voir : A. Corre, Invention et imitation dans la criminalité
Voir : E. Baudin, La morale de la famille
- Notion. L’éducation, qui consiste à développer les capacités morales, intellectuelles et physiques d’un enfant,
constitue une aide précieuse à la prévention de la délinquance. L’instruction en revanche est neutre de ce point de vue, car elle tend principalement à
la transmission de connaissances techniques qui permettront à un enfant d’entrer dans la vie professionnelle et sociale.
Les deux notions se recouvrent cependant en partie ; c’est
pourquoi il peut y avoir concurremment des cours de morale
spirituelle donnés par l'Église et des cours de morale civique
dispensés par l'École. Mais elles n’en différent pas moins
profondément dans leur essence ; aussi est-il souhaitable que
l’éducation relève du domaine parental et de la fonction
spirituelle, tandis que l’instruction relève du domaine parental
et de la fonction temporelle.
Cuvillier (Dictionnaire philosophique). Au sens large, l’éducation est le processus par lequel une fonction se développe et se perfectionne par l’exercice même. Au sens strict, c’est l’ensemble des procédés par lesquelles on développe méthodiquement les facultés d’un enfant.
Simon Foucher (La morale de Confucius) : Ça été une ancienne coutume parmi les chinois de graver ou de peindre sur leurs vases domestiques des sentences morales et des sortes d'exhortation à la vertu ; en sorte que lorsqu'ils se lavaient ou qu'ils prenaient leurs repas, ils avaient toujours sous les yeux ces sentences et exhortations.
- Règle morale. Il ne fait aucun doute pour les moralistes que les parents doivent prodiguer à leurs enfants une bonne éducation les préparant à remplir leurs devoirs envers eux-mêmes, envers autrui et envers la société.
Leclercq (Leçons de droit naturel - TIII, La Famille) : Les parents, en le mettant au monde, contractent à l'égard de leur enfant l'obligation de façon à le mettre en état d'affronter la vie à son tour... L'aspect principal du pouvoir des parents sur les enfants est le pouvoir d'éducation.
Fordyce (Éléments de philosophie morale) : Le second ordre de devoirs que les parents sont tenus de remplir envers leurs enfants a rapport à leur vie intellectuelle et morale, dont le but est de les rendre propres à remplir les devoirs auxquels ils sont tenus envers eux-mêmes et envers les autres.
Servais et Pinckaers (Les sources de la morale chrétienne) : L’éducation morale débute par l’acceptation de ce qu’on appelle une discipline de vie, basée sur ces règles que sont les lois de la morale.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Pendant le temps de leur formation, les parents doivent à leurs enfants tout ce que requiert le développement et le perfectionnement de leurs diverses personnalités physique, intellectuelle et morale. Les devoirs d'éducation en particulier s'imposent personnellement et strictement aux parents.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : Il se trouve des hommes dans les collèges qui estiment que la discipline n'est pas absolument nécessaire, et que si on voulait laisser les jeunes gens à leur raison et à leur libre arbitre, ils ne s'en conduiraient que mieux. Jusqu'à présent cependant, qui a vu une société ainsi constituée et qui ait eu ce mode de vivre !... Si vous remettez à chacun l'interprétation de la loi naturelle, vous êtes sûrs qu'elle sera toujours commentée et tournée dans le sens des passions et des intérêts individuels... C'est un grand malheur que d'être éduqué selon le système Rousseau, et son Émile en est ta preuve. Le grand éducateur, avec tout son génie, n'a réussi, de son aveu, qu'a faire un homme médiocre, et en vérité, il ne fallait ni tant de science ni tant d'embarras pour produire un si mince résultat. Cela n'empêche pas que l'éducation à là Jean-Jacques a encore des partisans. Une fois qu'une erreur ou un paradoxe a pris possession du monde, on a bien de la peine à l'extirper.
Catéchisme
de morale républicaine pour l'éducation de la jeunesse (An II de
la République) : Une république ne peut subsister que par les
vertus des citoyens qui la composent. La France doit donc porter
la théorie et la pratique de l'éducation, à un point de
perfection qui soit tel que l'exercice de toutes les vertus
devienne comme naturel à tous les hommes.
De toutes les parties de l'éducation, celle qui jette les
premières semences de la morale dans les âmes est la plus
importante.
De
Tocqueville (De la démocratie en Amérique, I, I, 2) -
Nouvelle-Angleterre 1650 : C'est par les prescriptions
relatives à l'éducation publique que, dès le principe, on voit
se révéler dans tout son jour le caractère original de la
civilisation américaine.
« Attendu, dit la loi, que Satan,
l'ennemi du genre humain, trouve dans l'ignorance des hommes ses
plus puissantes armes et qu'il importe que les lumières qu'ont
apportées nos pères ne restent pas ensevelies dans leurs tombes
; attendu que l'éducation des enfants est un des premiers
intérêts de l'État, avec l'assistance du Seigneur...
».
Suivent les dispositions qui créent des écoles dans toutes les
communes... Les magistrats municipaux doivent veiller à ce que
les parents envoient leurs enfants dans les écoles ; ils ont le
droit de prononcer des amendes contre ceux qui s'y refusent.
- Règle sociale. De manière quasi unanime, la doctrine et les Conventions internationales considèrent que l'éducation doit tendre, de manière générale au progrès de la civilisation, et de manière plus spécifique (en ce qui nous concerne) à la lutte contre la criminalité.
Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948.
Article 26. 1°/ Toute personne a droit à l’éducation.
L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne
l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement
élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et
professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures
doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur
mérite.
2°/ L’éducation doit viser au plein épanouissement de la
personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la
compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et
tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement
des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3°/ Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le
genre d’éducation à donner à leurs enfants.
Code de droit canonique. Canon 795 : L’éducation véritable doit avoir pour but la formation intégrale de la personne humaine ayant en vue sa fin dernière en même temps que le bien commun de la société.
Pape François (La joie de l'Amour... dans la famille, n° 263) : Même si les parents ont besoin de l'école pour assurer une instruction de base à leurs enfants, ils ne peuvent jamais déléguer complètement leur formation morale.
John Rawls (Théorie de la justice, n° 78) : Dans une société bien ordonnée, on ne peut pas s'opposer à la pratique de l'instruction [éducation] morale qui inculque un sens de la justice.
Pierre et Martin (Cours de morale) : C’est dans le problème de l’éducation qu’est le grand secret du perfectionnement de l’humanité. Le meilleur service qu’on puisse rendre à son pays, c’est d’élever de bons citoyens … Hélas, l’instruction et la science fournissent quelque fois des armes terribles aux malhonnêtes gens.
Corre (Préface à Aubry "La contagion du meurtre") : L’éducation, sans doute, est un puissant moyen de préservation de l'imitation de la criminalité.
L. Bourgeois (1851-1925) alors ministre de l'Instruction publique : Le suffrage universel exigeait l’instruction universelle ; mais celle-ci n’est rien si l’éducation morale et civique ne vient la féconder.
- Droit positif français. Le Code pénal incrimine, d’une part l’abandon moral d’enfant (art. 227-17), d’autre part le fait de ne pas inscrire un enfant dans un établissement d’enseignement sans excuse valable (art. 227-17-1). Voir le Code de l’éducation (qui est devrait être intitulé: « Code de l'instruction »).
Colmar (1e Ch.) 19 décembre 1979 (Rev. Als.-Lorr. 1980 p.50) : Lorsque le droit de garde est attribué à l’un des époux, l’autre conjoint doit pouvoir conserver des liens affectifs avec son enfant et un droit de regard sur son éducation.
Cons. d’État 19 juin 1981 (D. 1982 IR 56) : L’art. L 211-6 C. trav. subordonne à autorisation l’emploi, dans les spectacles, d’enfants qui n’ont pas dépassé l’âge de la fréquentation scolaire obligatoire. En vertu de l’art. L. 211-7 du même Code, cette autorisation est accordée par le préfet sur avis conforme d’une commission formée au sein du conseil départemental de protection de l’enfance.
EFFIGIE (Pendre en)
Cf. Pendaison*, Publicité de la peine*.
- Notion générale. Pendre quelqu’un en effigie consiste, soit à fabriquer un mannequin, soit à le peindre en
pied, à sa mesure et à sa ressemblance ; puis et à pendre ce mannequin comme on le ferait pour une personne.
Cet action peut se rencontrer dans deux hypothèses.
1° Sanction pénale. Autrefois, lorsqu’un condamné à mort était en fuite ou décédé, pour l’exemple il était pendu en effigie. Cet usage a été illustré dans les premières images du film « Marion du Faouët, chef de voleurs », où l’on voit l’exécuteur descendre la corde le long du tableau de la condamnée de manière à ce que le nœud arrive à entourer exactement son visage.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-114, p.400
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : "Effigie" est le tableau où est peinte la figure du criminel absent condamné à mort.
Ordonnance criminelle de 1670 (T.XVII, art.16) : Les seules condamnations de mort seront exécutées par effigie ; seront les effigies attachées dans la place publique.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Pour parvenir à l’exécution par effigie, il faut « écrouer » le tableau du condamné dans la prison, à défaut de sa personne. Quand le tableau est écroué, l’Exécuteur se transporte à la prison avec tout l’appareil du supplice et l’escorte qui doit accompagner le criminel. Là, on lui remet le tableau, au lieu du criminel fugitif. Le tableau est alors transporté au lieu du supplice, de la même manière que le criminel l’aurait été… l’ensemble avec toute l’ignominie du supplice.
Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements) : Une mère, ayant vu son fils pendu en effigie devant sa porte, aurait arraché la potence et le tableau, et les aurait brûlés.
Jeanclos (Dictionnaire de droit criminel et pénal, Dimensions historiques) : L’exécution par effigie consiste dans une représentation graphique simplifiée d’une personne condamnée ainsi que dans la publication du jugement. Elle est inscrite sur un tableau de bois suspendu sur la place publique principale de la ville.
Tarde (Études pénales et sociales) : Les exécutions par effigie "jusqu'à ce que mort s'en suive" devaient être un spectacle assez grotesque, et si plusieurs fois, comme on l'assure, le condamné par contumace a pu assister, caché derrière une fenêtre, à sa propre pendaison de la sorte, il lui a été permis d'en rire un peu.
Garnot (Histoire de la justice) : Les Grands Jours d'Auvergne, au milieu de XVIIe siècle, débouchent sur347 exécutions en effigie.
Warée (Curiosités judiciaires) : Osmont a été condamné par contumace au carcan et à trois ans de bannissement, jugement qui a été exécuté en effigie place Cambrai ; mais le tableau n’y a été qu’un instant, et on n’a pas fait passer la charrette rue Saint-Jacques, parce que toute la famille y demeure.
2° Injure ou menace. Lors de mouvements populaires, il arrive qu’une personne soit pendue en effigie pour lui manifester des sentiments de haine ou de mépris. Un tel acte peut être considéré, tantôt comme une menace de mort par geste, tantôt comme une simple injure.
Cf. Charivari*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-319, p.379.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : Le soir, ils pendirent en effigie leurs deux députés, qui, à l'Assemblée nationale, « n'ont pas soutenu leurs intérêts ».
Exemple (Le Figaro 15 avril 2000) : Plusieurs centaines de musulmans ont brûlé hier à New Delhi l'effigie de l'écrivain britannique d'origine indienne Salman Rushdie... Les manifestants, sortant de la prière du vendredi, protestaient contre l'autorisation donnée à un "ennemi de l'islam" d'entrer en Inde.
EFFRACTION
Cf. Bris de clôture*, Coffre-fort*, Crocheteur*, Escalade*, Rossignol*, Pince-monseigneur*, Toit*, Violation de domicile*, Vol qualifié*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-116, p.166 / n° I-232 1°, p.239 / n° III-103, p.386 / n° III-315, p.481
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-321, p.610
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-129, p.372 et s.
- Notion. L’effraction consiste en la destruction, rupture ou forcement de toute chose formant clôture ou interdisant un passage : porte, fenêtre, vitre, chaîne, cadenas …
Art. 393 de l’ancien C.pén. : Est qualifié effraction, tout forcement, rupture, dégradation, démolition, enlèvement de murs, toits, planchers, portes, fenêtres, serrures, cadenas, ou autres ustensiles ou instruments servant à fermer ou à empêcher le passage, et de toute espèce de clôture, quelle qu’elle soit.
Code pénal canadien, art. 321 : Constitue une «effraction» le fait : a) soit de briser quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose; b) soit d'ouvrir toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure.
Code pénal du Nicaragua. Art. 30 : Il y a effraction lorsque l’on pénètre dans lieu fermé par un endroit qui n’est pas celui naturellement destiné à entrer dans ce lieu.
Cass.crim. 5 nivôse an 12 : Le simple enlèvement des clous qui attachent une serrure constitue, indépendamment de toute fracture, une effraction dans le sens de la loi pénale.
- Science criminelle. L'effraction, qui peut être incriminée en tant que délit-obstacle (délit de bris de clôture), constitue traditionnellement une circonstance aggravante du vol.
Code d’Hammourabi : Si un homme a perforé une maison, on le tuera et enterrera en face de cette brèche.
Loi salique. T XII, art. 3 : Tout ingénu qui aura pénétré dans une habitation, à l’aide de l’effraction, et y aura dérobé un objet d’une valeur de deux deniers, sera condamné à payer 1.200 deniers, ou 30 sous d’or, outre la valeur de l’objet volé et les frais de poursuite.
Code pénal de la Côte d'ivoire. Art. 393 : Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 300.000 à 3.000.000 Fr. quiconque commet un vol... Art. 394 La peine est un emprisonnement de dix à vingt ans et d'une amende de 500.000 à 5.000.000 Fr. si le vol ou la tentative de vol a été accompagné... d'effraction extérieure.
- Droit positif. L'effraction est définie par l'article 132-73 ci-dessous ; elle se rencontre dans le Code pénal français notamment aux articles 311-4 6° (vol avec effraction) et 434-27 al.3 (évasion avec effraction).
Art. 132-73 C.pén. : L’effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) n° 2277) : L'effraction n'est autre chose que la rupture ou le forcement de tout objet qui sert à fermer ou à empêcher le passage et qui, par là, s'oppose à l'appréhension de la chose d'autrui.
Cass.crim. 5 mai 1998 (Bull.crim. n° 151 p.404) : Le délit d'évasion par effraction n'est constitué que lorsque le détenu, gardé dans un endroit clos, brise le dispositif de fermeture qui fait obstacle à sa fuite.
Exemple (Ouest-France 7 janvier 2005) : Mode opératoire peu discret mais efficace lors du cambriolage d’une bijouterie de Bagnoles-de-l’orne, dimanche, vers 22 h. Le ou les auteurs du vol se sont d’abord introduits par effraction dans le restaurant voisin, séparé de la joaillerie par un mur de briques creuses d’une quinzaine de centimètres. A l’aide d’une masse, ils sont alors parvenus à abattre cette paroi mitoyenne. Résultat, un vol rapide pour un préjudice assez important selon les victimes.
ÉGALITÉ
Cf. Acception de personne*, Balance de la justice*, Convention européenne des droits de l'homme*, Discrimination*, Femmes*, Homme*, Machiavel*, Politique (politiciens)*, Principes généraux du droit*, Privilèges*, Qualité de l'auteur de l'infraction*, Qualité de la victime de l'infraction*, Quiconque*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.) n° 116, p.81 / n° III-110, p.393
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.) n° I-III-I-200, p.267
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.) n° 29, p.23
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur l'égale dignité humaine du mari et de son épouse : n° 101 p.31 / n° 102, p.34
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-11, 29, p.293
- Notion. L’égalité étant définie comme la qualité attachée à deux choses semblables, on comprend que l’égalité sur le plan humain dépende de l’idée que l’on se fait de la Personne humaine*, de l’Individu* et du Citoyen*, dans ses rapports avec les autres êtres humains et avec l’État*. Sa signification varie en effet selon le point de vue auquel on se place.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Égalité morale : principe selon lequel la personne humaine a partout même dignité et même valeur. Égalité juridique : principe selon lequel tous les individus sont égaux devant la loi et jouissent des mêmes droits civils. Égalité politique : principe d’après lequel tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leurs capacités, et jouissent des mêmes droits civiques.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Égalité par O. Jouanjan : Le principe d'égalité n'est pas un principe juridique comme les autres. Il est la charnière des systèmes politico-juridiques modernes.
3e Déclaration des droits de de l'homme et du citoyen (an III, 22 août 1795). Art. 3 : L’égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. L’égalité n’admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs.
Proudhon (De la justice dans la révolution) : Qu'est-ce que l'égalité ? On tourne autour de ce mot, on le prononce du bout des lèvres : en réalité, on n'en veut pas. Le pauvre s'en moque, le riche l'a en horreur, la démocratie le désavoue, personne n'y croit. L'égalité est-elle de par la nature ou contre la nature ? Si l'égalité est de par la nature, elle l'est aussi de par le droit ; comment alors expliquer l'inégalité ? Si elle est contre la nature, en d'autres termes, si c'est l'inégalité qui est naturelle, que signifie la Justice ?
Colliard (Libertés publiques) : Peu de mots sont plus difficiles à définir, ont un contenu plus complexe, un sens plus fuyant. La notion même d’égalité doit être précisée. Les sociologues ont noté l’égalité élévatrice qui tend à élever les petits au rang des grands et porte les hommes à vouloir tous être forts et estimés, et l’égalité nivélatrice dans laquelle Tocqueville voyait « un goût dépravé qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau ». On peut plus juridiquement opposer l’égalité des droits, qui est une égalité d’aptitude, une égalité de possibilité, une égalité virtuelle… à l’égalité de fait qui garantit à tous les hommes un égal exercice actuel des droits.
A de Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Il y a une passion mâle et légitime pour l'égalité qui incite les hommes à vouloir être tous forts et estimés ; cette passion tend à élever les petits au rang des grands. Mais il se rencontre aussi dans le coeur humain un goût dépravé pour l'égalité, qui porte les faibles à préférer l'égalité dans la servitude à l'inégalité dans la liberté. [C'est la seconde tendance qu'exploitent les révolutionnaires, comme le révèle cette apostrophe du Tribunal révolutionnaire à Lavoisier demandant un sursis pour achever une expérience de chimie : « La République n'a pas besoin de savants ! »]
Dans la nature, l’égalité des êtres humains n’existe pas. La Nature part même d’un principe opposé : elle consacre la loi du fort et du plus résistant, du plus ingénieux et du plus rusé. Techniquement, ce principe constitue un élément de progrès de l'Humanité dans son ensemble.
Vauvenargues (Maximes) : Il est faux que l’égalité soit une loi de nature. La loi souveraine est la subordination et la dépendance.
Le Bon (Psychologie du socialisme) : La doctrine de l’évolution a puissamment ébranlé les idées humanitaires des hommes de la Révolution, en montrant partout dans la nature une lutte incessante, terminée toujours par l’écrasement des plus faibles ; loi sanguinaire sans doute, mais génératrice de tous les progrès, et sans laquelle l’humanité ne serait pas sortie de la barbarie primitive, et n’aurait jamais donné naissance à aucune civilisation.
Fabre (Souvenirs entomologiques) : Si les rêves égalitaires pouvaient se réaliser, nous descendrions à la monotonie des sociétés de chenilles processionnaires.
En particulier, constitue une aberration de considérer qu'il y a identité entre l'homme et la femme. Si leur égale dignité d'être humain ne saurait être mise en doute, leur nature tant physique que psychique diffère profondément. On sait que les jeunes filles sont plus précoces et plus vulnérables que les garçons ; mais on sait moins que la maternité modifie profondément la nature profonde de la mère et achève sa maturation.
Carrel (L'homme, cet inconnu), prix Nobel de médecine : L'œuvre de l'homme dans la reproduction est courte. Celle de la femme dure neuf mois. Pendant ce temps, le fœtus est nourri par les substances qui lui arrivent du sang maternel après avoir filtré à travers les membranes du placenta. Tandis que l'enfant prend à sa mère les éléments chimiques dont il construit ses tissus, celle-ci reçoit certaines substances secrétées par les tissus de son enfant... En effet, le fœtus est, en partie, un être d'origine étrangère qui est installé dans le corps de la femme. Pendant toute sa grossesse, cette dernière est soumise à son influence... son état physiologique et psychologique est modifié par lui... On dirait que les femmes n'atteignent leur plein développement qu'après une ou plusieurs grossesses. En somme la présence du fœtus, dont les tissus diffèrent des siens par leur jeunesse, et surtout parce qu'ils sont en partie ceux de son mari, agit profondément sur la femme. On méconnaît en général l'importance qu'a pour elle la fonction génératrice. Cette fonction est pourtant indispensable à son développement optimum.
En morale, notamment catholique, tous les hommes possèdent une même dignité essentielle ; et ce quand bien même ils seraient dissemblables dans leur corps, dans leur esprit ou dans leur statut social.
Jean XXIII (Encyclique Pacem in terris § 44) : Maintenant s'est propagée largement l'idée de l'égalité naturelle de tous les hommes. Aussi, du moins en théorie, ne trouve-t-on plus de justification aux discriminations raciales.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Comme la nature humaine se trouve être la même dans tous les hommes, et qu’il ne saurait y avoir de société qu’entre eux : il s’ensuit que, par le droit naturel, chacun doit estimer et traiter les autres comme lui étant naturellement égaux, c’est-à-dire comme étant aussi bien hommes que lui.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : L’égalité devant la loi est, à côté de la liberté, un droit fondamental de l’homme et une norme fondamentale de l’ordre politique démocratique.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : L'égalité de nature et la similitude de nature de tout le genre humain se double d'une inégalité et de différences accidentelles... Les hommes n'ont pas tous les mêmes capacités, ils n'ont pas tous, ici-bas, le même rôle à jouer ; bien plus, tous ne remplissent pas la mission qu'ils ont reçue, ou ne la remplissent que de façon très variable. Leur valeur humaine diffère ainsi malgré leur égalité foncière... La règle de l'égalité peut s'exprimer ainsi : à mérite égal, à travail égal, à valeur égale, situation égale.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : Tous les hommes sont égaux au point de vue moral et devant la loi ; mais l’inégalité des dons naturels entraîne celle des fonctions.
Franck (Philosophie du droit pénal) : La conscience publique est corrompue par les lois qui devraient la protéger quand la justice a deux poids et deux mesures, quand elle est autre pour les grands que pour les petits, autre pour les riches que pour les pauvres.
Dans l’histoire, on observe que l’idée d’égalité au regard de la loi a été étrangère à de nombreuses nations. P.ex., selon la Loi salique, alors que la mort d’un Franc coûtait 200 sous d’or, la mort d’un Gallo-romain n’en coûtait que 100 ; le conquérant « vaut » toujours plus que le conquis.
Code des Gentoux. Ce règlement brahmanique distinguait, lui, selon la caste à laquelle appartenait, soit le criminel, soit sa victime : Dans les cas de fornication où le présent chapitre n’a pas spécifié d’amende, le magistrat prononcera la sanction après avoir déterminé la caste du criminel et le niveau de son crime.
Digeste de Justinien, 47, IX, 12, 1. Ulpien : Ceux qui, exprès, ont mis le feu dans une ville, s'ils sont d'un état vil, ont coutume d'être exposés aux bêtes féroces ; s'ils sont d'un rang plus élevé ils sont punis de mort, ou au moins déportés dans une île.
Digeste de Justinien (48, 19, 28, 16). Callistrate : En tout supplice, nos ancêtres ont puni plus sévèrement les esclaves que les hommes libres, les hommes mal famés que ceux de bonne réputation.
Digeste de Justinien, 47, XXI, 1. Modestin : La peine pour avoir arraché des bornes n'est pas une amende pécuniaire ; elle doit être déterminée d'après la condition des coupables.
Loi Gombette. T.XXXII : Si un ingénu, sans cause légitime, a enchaîné un autre ingénu, il devra payer à celui-ci 12 sous d’or, outre une amende de 12 sous d’or. S’il a enchaîné un affranchi, il paiera à celui-ci 6 sous d’or, outre une amende de 6 sous d’or. S’il a enchaîné un esclave il lui paiera 3 sous d’or, outre une amende de 3 sous d’or.
Loi Salique. T. XV, art. 2 : Si un Romain a dévalisé un Franc, il sera condamné à payer 2.500 deniers, ou 62 sous d’or et demi. Art. 3 : Si un Franc a dévalisé un Romain, il sera condamné à payer 1.200 deniers, ou 30 sous d’or.
Du Boys (Histoire du droit criminel des peuples anciens) : En tète de la partie du Code Théodosien relative à l'instruction criminelle, nous trouvons consacrés par Constantin des principes d'égalité tout nouveaux dans les fastes de la législation impériale.
Delamare (Traité de la police, 1722). De la police des égyptiens … 5e loi : On ne doit pas, dans la punition des crimes, se régler sur la condition des hommes, mais sur la nature de l’action.
Léo Moulin (La vie quotidienne des religieux au Moyen-âge) : Tous sont égaux devant le châtiment énonce le coutumier d'Eynsham : « Qu'il ait été un homme libre (avant d'entrer au couvent), ou serf, pauvre ou riche, noble ou plébéien, le supérieur n'a pas à s'en préoccuper ; mais il doit punir ou aimer chacun selon les mérites de sa vie ».
J.Minois (La Révolution Française) : Legros, au club des Jacobins, le 1er janvier 1793, a l'aplomb d'affirmer : « Les patriotes ne se comptent pas, ils se pèsent... Un patriote, dans la balance de la justice, doit peser plus que 100.000 aristocrates. Un Jacobin doit peser plus que 10.000 Feuillants. Un républicain doit peser plus de 100.000 monarchiens. Un patriote de la Montagne doit peser plus que 100.000 Brissotins. D'où je conclus que le grand nombre de votants contre la mort de Louis XVI ne doit pas arrêter la Convention, et cela quand bien même il n'y aurait que la minorité de la nation pour vouloir la mort de Capet ».
En droit contemporain, c’est l’égalité des êtres humains devant la loi pénale qui l’emporte nettement sur le plan des principes.
John Rawls (Théorie de la justice, n° 77) : On pense parfois que les droits et libertés de base devraient varier selon les capacités, mais la théorie de la justice comme équité s'y oppose : à condition que le minimum de capacité morale (mentale ?) existe, chacun a droit à toutes les garanties de la justice.
Cour de justice des communautés européennes 17 octobre 1995 (Gaz.Pal. 23 mai 1996) : S’oppose aux dispositions communautaires une réglementation nationale qui garantit la priorité absolue et inconditionnelle aux femmes lors d’une nomination ou d’une promotion, et qui va ainsi au-delà d’une promotion de l’égalité des chances.
Code pénal du Pérou. Art. 10. - Principe d’Égalité - Loi Pénale s’applique avec égalité. Les privilèges qui, pour raisons de fonction ou de charge, sont reconnues à certaines personnes devront être précisément prévues dans les lois ou les traités internationaux.
Code pénal de Macédoine. Art. 137. - Atteintes à l’égalité des citoyens - Celui qui, sur la base d’une différence de genre, de race, de couleur de la peau, d’origine nationale et sociale, de convictions politiques et religieuses, de richesse et de position sociale, da langue ou d’autres caractéristiques ou particularités personnelles, écarte ou limite les droits d’hommes et de citoyens … sera puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans.
Ce principe n'est toutefois pas suivi par la Charia qui distingue, d'une part entre les musulmans (les croyants) et les infidèles, d'autre part entre les hommes et les femmes.
Coran (Sourate IV, v.38) : Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au dessus de celles-ci.
Ali
Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans, 2015) :
L'ex-musulmane Nonie Darwi, dans un article intitulé
« Sharia for
dummies », met en exergue quelques lois : Les non-musulmans ne
sont pas égaux aux musulmans et ils doivent respecter la Charia
s'ils veulent rester en sécurité. Il leur est interdit d'épouser
une musulmane, de consommer publiquement du vin ou du porc, de
réciter leurs écritures, ou de célébrer ouvertement leurs fêtes
religieuses ou leurs funérailles. Il leur est interdit de
construire de nouvelles églises ou de les construire plus haut
que les mosquées...
Sous la Charia, les droits des femmes sont la moitié de ceux des
hommes. Elles sont considérées comme déficientes en intelligence
et leur témoignage devant un tribunal vaut la moitié de celui
d'un homme.
Gondal (Islamisme et Christianisme, 1906) : Selon le premier Khalife, l'infidèle ne saurait, en aucun cas, prétendre à l'égalité avec le fidèle.
- Droit positif. Le principe d’égalité, qui figure dans la devise de la France, constitue la base des textes incriminant les Discriminations*. Il interdit au législateur, sauf rares exceptions légitimes, d’édicter des textes favorisant ou défavorisant certaines catégories de justiciables ; il impose aux juges d’appliquer la loi sans Acception de personnes*.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) : Tous les hommes, durant leur vie, sont soumis à la loi ; ils doivent lui obéir, et deviennent coupables s’ils ne l’observent pas volontairement.
Loi du 4 août 1789, art. 11 : Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités, ecclésiastiques, civils et militaires.
Conseil Constitutionnel 28 janvier 2011 (n° 2010-92 QPC) : Considérant que l'art. 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'art. 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; par suite, le grief tiré de la violation de l'art. 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Principe d’égalité. Il est de principe dans les démocraties que la règle pénale est applicable à toutes les personnes, sans exception, coupables d’avoir enfreint ses dispositions.
Trib. pol., Narbonne 22 janvier 1990 (Gaz.Pal. 1990 I somm. 306) : Le Tribunal doit faire respecter, avant toute application du Code du travail, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.
Monestier (Faits-divers) : Le roi Carl Gustav de Suède n’est pas au-dessus des lois. Il a présenté ses excuses aux citoyens danois pour avoir, le 24 avril 2000, roulé à plus de 250 km/h au volant de sa Ferrari sur une route à vitesse limitée à 110 km/h.
Exceptions. Les pouvoirs publics peuvent traiter différemment les personnes, lorsque leur appartenance à une catégorie particulière le justifie. Il en est ainsi en cas de délit complexe protégeant à la fois certaines personnes et la fonction qu'elles remplissent.
Cass.crim. 16 juillet 2010 (pourvoi n° 10-90081) : Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations distinctes ; si l'amende encourue pour la diffamation publique envers un fonctionnaire public est plus élevée que celle encourue pour la diffamation publique envers un particulier, elle sanctionne, sans disproportion manifeste, l'atteinte portée non seulement à celui qui est visé par les propos incriminés, mais aussi à la fonction qu'il incarne.
Cass.crim. 18 mars 1992 (Gaz.Pal. 1992 II 722) : Un maire peut, par arrêté motivé, non seulement en application de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 et du décret du 1er février 1978, mais aussi conformément à l’art. L. 131-4 C. commun., réserver aux véhicules des handicapés physiques des places de stationnement sur la voie publique dès lors que le principe de l’égalité des citoyens devant la loi est respecté pour la catégorie d’usagers concernée.
Cass.crim. 24 février 1988 (Bull.crim. n°94 p.242) : L’interdiction de toute discrimination fondée sur l’origine nationale ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée contre un étranger reconnu coupable de séjour irrégulier, une peine différente de celle encourue, pour une infraction semblable, par les ressortissants des États membres de la CEE.
ÉGALITÉ DES ARMES
Cf. Débats*, Défense (droits de la)*, Droit au silence*, Procédure pénale - procédure accusatoire*, Procès équitable*.
Cette formule, qui prend tout son sens dans un système accusatoire primitif directement issu du duel judiciaire, signifie que l’accusateur et le défendeur doivent jouir des mêmes prérogatives tout au long du procès pénal. Elle doit à l’évidence n’être appliquée qu’en fonction du contexte juridique.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Un gentilhomme, que Beaumanoir ne désigne que sous le nom de Pierre, s'étant présenté dans la lice comme appelant, à cheval, avec sa cuirasse et son casque à visière, Jehan, qui était roturier, réclama vivement et demanda l'égalité des armes. Pierre dit que « gentilhomme était et en armes, et en gentilhomme se devait de combattre. » L'affaire, soumise aux juges, fut jugée contre Pierre : on confisqua son cheval et son armure au profit du seigneur...
Barnave devant le Tribunal révolutionnaire, le 28 novembre 1793 : Comme le président Herman voulait l’interrompre, Barnave répliqua que si l’accusateur public avait parlé une heure et demi, il avait le droit d’en faire autant.
- Elle s’impose à l'évidence dans un strict droit accusatoire qui favorise le triomphe du plus fort ou du plus riche au détriment de la quête de la vérité, tel le droit anglo-saxon. Mais elle doit être respectée en son esprit dans un droit criminel évolué, tel le droit continental européen nourri des doctrines allemande, belge, espagnole, française et italienne, où l’accusation est confiée à un magistrat instructeur neutre dont la mission consiste tout autant à protéger la société, à veiller aux respects des droits des parties, qu’à rechercher la Vérité*.
Monaco, Projet de Code de procédure pénale : Sont érigées au rang d’obligations ad infinitum le respect de la dignité humaine, les principes de légalité et d’égalité des parties, le droit à l’accès à la justice, à la réparation de son préjudice, à l’information, à la présomption d’innocence, au respect du contradictoire, à l’égalité des armes.
Desmoulins, le 13 germinal an II eut juste le temps d’écrire ces quelques lignes : Si on ne m’avait pas mis au secret ; si on avait levé les scellés et que j’eusse les papiers nécessaires pour établir ma défense ; si on me laissait seulement deux jours, comme je confondrais M. le chevalier Saint-Just, comme je le convaincrai de la plus atroce calomnie ! Saint-Just écrit à loisir et médite pendant quinze jours mon assassinat ; et moi je n’ai point où poser mon écritoire ; je n’ai que quelques heures pour défendre ma vie ! Qu’est-ce autre chose que le duel de l’empereur Commode qui, armé d’une excellente lame, forçait son ennemi à se battre avec un simple fleuret garni de liège ?
- Le principe de l'égalité des armes ne figure qu’implicitement à l’art. 6 Conv. EDH ; mais il est consacré par la Cour EDH et par le droit positif français.
Cour EDH 22 septembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 II 535) : Si le système du droit de préemption de l’Administration fiscale ne prête pas à critiques en tant qu’attribut de la souveraineté de l’État, il n'en va pas de même lorsque son exercice est discrétionnaire et qu'en même temps la procédure n'est pas équitable. La décision de préemption ne peut avoir de légitimité en l’absence d’un débat contradictoire et respectueux du principe de l’égalité des armes, qui permette de discuter la question de la sous-évaluation du prix, et par voie de conséquence, la position de l’Administration fiscale.
Cour EDH 31 juillet 2012, n° 34841/06 (Gaz.Pal. 6 septembre 2012 p.31) : Sur le fond, la Cour rappelle que les principes de la procédure contradictoire et de l'égalité des armes - éléments de la notion plus large de procès équitable - requièrent que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.
Cass.crim. 21 mai 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 177) : Le principe de l’égalité des armes tel qu’il résulte de l’exigence d’un procès équitable, au sens de l’art. 6 de la Conv.EDH, impose que les parties au procès pénal disposent des mêmes droits; il doit en être ainsi, spécialement, du droit à l’exercice des voies de recours.
Cass. (Ass.plén.) 2 mars 2001 (Gaz.Pal. 2001 I 470 note Burguburu) : Le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l’assistance d’un défenseur s’opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non comparant et non excusé sans entendre l’avocat présent à l’audience pour assurer sa défense.
Cass.crim. 11 mai 2010 (Bull.crim. n° 78 p.347) : Le principe de l’égalité des armes en vertu duquel les parties au procès pénal disposent des mêmes droits impose que l’avocat d’une partie ait le droit d’assister à l’audition d’un expert effectuée par le juge d’instruction sur réquisitions du procureur de la République en présence de celui-ci.
ÉGOÏSME
Cf. Charité*, Dévouement (acte de)*, Lâcheté*, Mobile*, Non assistance à personne en péril*, Vice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-215, p.220
- Notion. L’égoïsme est le vice flétrissant une personne qui ramène tout à elle-même, qui agit dans son intérêt propre, sans considération pour la personne d’autrui. Condamné par la morale ce vice constitue l’un des principaux moteurs de la délinquance.
St Paul (Lettre aux Galates) : Que votre liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme.
Ahrens (Cours de droit naturel) : L’égoïsme étend toujours son règne quand les croyances religieuses perdent leur empire. C’est une loi de l’esprit de reconnaître un absolu; si l’homme ne le reconnaît pas au-dessus de lui, il tend à se constituer soi-même comme l’absolu vis-à-vis de ses semblables, et à soumettre tout à sa domination.
Proal (Le crime et la peine) : Au fond, toutes les vertus sociales sont inspirées par l’amour de nos semblables et par l’esprit d'abnégation et de sacrifice ; toutes les passions antisociales, qui conduisent au crime, se ramènent à un égoïsme intense, calculé ou brutal.
Stéfani et Levasseur (Criminologie et science pénitentiaire) : Pour la criminologie psychologique … la personnalité criminelle est définie essentiellement par son égocentrisme (avec ce que cela comporte d’agressivité) et son immaturation.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le meurtrier passionnel n’est pas véritablement déterminé par l’amour, mais par l’égoïsme, la haine ou l’esprit de vengeance.
- Science criminelle. Puisque l’égoïsme apparaît comme un trait de caractère, et non comme un fait matériel, le législateur hésite légitimement à l’incriminer. S’il est fermement condamné par la morale, il n’est que rarement sanctionné par le droit criminel : tel est toutefois le cas avec le délit de Non-assistance à personne en péril*. L’égoïsme, comme la cupidité, peut également être réprimé au niveau des circonstances aggravantes personnelles.
Code pénal suisse. Art. 115 : Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni de la réclusion pour cinq ans au plus.
Paris 6 juin 1990 (D. 1990 IR 222) : Un actionnaire minoritaire ne doit pas provoquer une situation incompatible avec l’intérêt général de la société, dans l’unique dessein de favoriser son intérêt égoïste au détriment de celui des autres actionnaires.