Page d'accueil > Table des rubriques > Dictionnaires de droit criminel > Lettre C : table d'accès > Lettre C (Septième partie)

DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  C
(Septième partie)

CHEF (du chef de)

Cf. Délit*, Délits pénaux*, Incrimination*, Qualification*.

Les tribunaux répressifs emploient l’expression « du chef de » pour préciser la Qualification* que les faits de l’espèce sont susceptibles de recevoir. Par exemple, saisi d’une soustraction du bien d’autrui commise dans des circonstances mal élucidées, le juge d’instruction pourra dire qu’il inculpe le défendeur du chef de vol simple (art. 311-1 et 311-3 C.pén.) et non du chef de vol avec violence (art. 311-1 et 311-5 C.pén.) comme le demandait l’accusation.

Signe Histoire Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Sous les empereurs, ce fut le prince qui remplaça l'État ; et non seulement les actions directes contre sa personne ou son autorité, mais les écrits, les paroles indiscrètes, les signes, les songes, et même le silence, devinrent autant de chefs d'accusation.

Signe Droit comparé Code pénal du Luxembourg. Art. 86 : En matière de condamnation du chef de crimes et délits contre la sûreté extérieure de l’État, celui-ci pourra exiger des héritiers ou ayants-droit du délinquant le paiement des amendes et des frais.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 mars 1990 (Bull.crim. n°) : Est recevable la constitution de partie civile de l’emprunteur, détenteur précaire, du chef de vol de la chose prêtée dès lors que la soustraction frauduleuse le mettant dans l’impossibilité de restituer au propriétaire est de nature à lui porter préjudice.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 5 décembre 1978 (Gaz.Pal. 1979 1 149) : Tout prévenu a droit à être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l’objet ; il doit, par suite, être mis en mesure de se défendre tant sur les divers chefs d’infractions qui lui sont imputés que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d’être retenues à sa charge.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 28 mai 1964 (Bull.crim. n°182 p.391) : Encourt la cassation l’arrêt qui se borne à statuer sur les seuls chefs de faux et d’usage de faux, sans se prononcer sur le chef d’inculpation fondé sur l’article 400 du Code pénal, relatif à l’extorsion de fonds, et dénoncé par la partie civile d’après les termes de sa plainte.

Signe Exemple concret Exemple (Marat, au début du procès de Louis XVI - Moniteur du13-12-1792 p.1478) : Je vous invite à réduire les chefs d'accusation à un très petit nombre, parce que ceux sur lesquelles les preuves ne seraient pas évidentes, affaibliraient ceux sur lesquels elle seront victorieuses.

CHEF DE FAMILLE  -  Le Code Napoléon faisait  du mari le Chef de la famille, avec des prérogatives et des responsabilités propres (art. 213 ancien). Si l'institution du Chef de famille à fait officiellement place à celle d'autorité parentale, il n'en demeure pas moins que, par la force des choses, c'est vers le mari que se tourne d'abord la justice en cas de trouble social. Voir : Responsabilité - responsabilité familiale*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-108, p.296-297

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 13, p.25

CHEF DE L’ÉTAT

Cf. Chef d’État étranger*,  État*, Honneurs*, Immunité*, Inviolabilité*, Lèse-majesté*, Ministre*, Offense*, Pouvoir politique*, Presse*, Responsabilité politique*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »,
 - sur le rôle, les responsabilités et la protection du Chef de l'État : n° II-100 et s. p.301 et s.
 - sur un attentat contre la personne du Chef de l'État : n° II-109, p.312

Par l’effet de la Constitution en vigueur dans un pays, le chef d’un l’État (Empereur, Roi, Président de la République...) incarne peu ou prou la Nation à la tête de laquelle il se trouve. Sans doute les textes pénaux le concernant diffèrent-ils beaucoup en droit comparé ; mais deux questions se posent toujours : comment doit-il être protégé par la loi pénale ? doit-il répondre en justice de toute infraction qu’il peut commettre ?

- Devoirs du chef de l'État. Qu'il soit Empereur, Roi ou Président de la République, le chef de l'État a pour principal devoir de se consacrer pleinement au Bien commun*. On s'accorde, avec Confucius, à considérer qu'il lui appartient de donner l'exemple en menant une vie édifiante.

Signe Philosophie Morale de Zoroastre (trad. Anquetil de Perron) : Zoroastre recommande aux princes et aux chefs la bonté, la justice et la fermeté.

Signe Philosophie St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : On appelle roi celui qui administre le peuple d'une cité en vue de son bien commun [par opposition au tyran].

Signe Philosophie  Pufendorf (Le droit de la nature) : Comme la science du gouvernement est très difficile, et demande un homme tout entier, fût-il le plus grand génie du monde ; il faut que le Souverain renonce à toute autre étude qui n'y a pas quelque rapport ; et que s'oubliant lui-même, pour ainsi dire, il ne vive que pour le peuple. Surtout il doit bien prendre garde de ne pas se livrer aux plaisirs, aux divertissements et aux vaines occupations, qui seraient un grand obstacle à la connaissance et à la pratique de leurs devoirs. Par la même raison il est indispensablement obligé de tâcher d'avoir toujours auprès de lui des personnes sages, prudentes, habiles et expérimentées dans les affaires ; et d'éloigner au contraire les flatteurs, les bouffons, et autres gens dont tout le mérite consiste dans quelque art qui a pour objet des choses frivoles ou de pures bagatelles.

Signe Histoire Soustelle (La vie quotidienne des Aztèques) : La doctrine officielle est que le souverain est désigné par les dieux, que sa charge est pesante, son fardeau terriblement lourd... que l'essentiel de sa tâche, c'est la protection du peuple... L'ordre repose sur lui, et pour que cet ordre soit bon, humain, conforme aux besoins du peuple, il faut que l'empereur modère ses passions... et incarne les vertus que son temps considère comme les plus précieuses et dont on attend le maintien du bon ordre dans l'intérêt de tous.

Signe Doctrine D'Onorio (Un président exemplaire - Le Courrier d'Aix 11 janvier 2014) : Par son sens aigu de l'État et la profonde conscience des devoirs personnels et institutionnels de sa haute charge, le Président René Coty savait ce qu'on attend d'un Président de la République, c'est la dignité, l'autorité, l'exemplarité.

- La protection du chef de l’État. Toute agression contre la personne du Chef de l’État s’analyse en un délit complexe, puisqu’elle cause tout à la fois un dommage individuel et un dommage public. Aussi est-elle ordinairement punie de la manière la plus rigoureuse ; certains législateurs incriminant jusqu'aux simples omissions ou pensées susceptibles d'aboutir à un attentat contre le Prince Voir : Lèse-majesté*.

Signe Histoire Dion Cassius (Histoire romaine, 57, 24) : Cremitius Cordus fut mis en jugement à l'initiative de Séjan parce que, dans une histoire d'Auguste, qu'il avait autrefois composée et qu'Auguste avait lue lui-même, sans dire aucun mal de César ni d'Auguste, il ne les avait pas exaltés.

Signe Droit comparé Code pénal des Ming (traduction Yonglin), art. 196 : En toutes circonstances concernant la santé physique [de l'Empereur] ou des événements extraordinaires, si des fonctionnaires de la Direction de l'Astronomie omettent de les prophétiser ou de les consigner, ils seront punis de 60 coups de gros bâton.

Signe Droit comparé Code pénal belge (état en 1980), art. 101 : L’attentat contre la vie ou la personne du Roi sera punie de mort.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 31 mai 1965 (Bull.crim. n° 146 p.325) : L’offense dressée au Chef de l’État à l’occasion de ses actes politiques atteint nécessairement la personne… Le délit prévu et puni par l’art. 26 de la loi sur la presse est matériellement constitué par toute expression offensante ou de mépris, par toute imputation diffamatoire qui, à l’occasion tant de l’exercice de la première magistrature de l’État que de la vie privée du Président de la République, sont de nature à l’atteindre dans son honneur ou dans sa dignité.

Signe Jurisprudence Cass.Ass.plén. 15 juin 2012, n° 10-85678 (Gaz.Pal. 28 juin 2012 p.22) sommaire : Le Président de la République, en sa qualité de victime, est recevable, en application de l'art. 2 C.pr.pén., à exercer les droits de la partie civile pendant la durée de son mandat.

La vie du Chef de l'État se trouve plus que toute autre menacée, comme l'Histoire nous l'apprend. Aussi tout ses déplacements font-ils l'objet de mesure de police préventive.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 11 janvier 2013) : Toutes les armes individuelles des militaires du 12e régiment de cuirassiers, qui a accueilli mercredi les vœux du Président Hollande aux armées, ont été neutralisées. Les percuteurs des fusils d'assaut et des mitrailleuses, et les platines des pistolets ont été retirés. La section d'alerte a, elle, vu ses munitions enfermées dans des sacs plombés. La mesure, ordonnée par les services de sécurité de la présidence, a ulcéré de nombreux militaires.

- La responsabilité pénale du chef de l’État. Différents systèmes étant concevables, il convient d'évoquer la science criminelle avant d'indiquer le droit positif.

- Science criminelle. Dans un régime de réunion des pouvoirs sur la tête du Chef de l’État, ce dernier ne saurait en aucun cas être assigné devant les tribunaux judiciaires. Dans un régime de séparation des pouvoirs en revanche, on peut a priori concevoir de le soumettre aux règles de droit commun ; mais la nécessité d’assurer la stabilité des institutions impose de limiter les possibilités de poursuites aux cas les plus graves.

Signe Droit comparé Garsillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Les indiens avaient coutume de dire que les lois étaient faites pour tout le monde, et que si un Inca venait à les violer, ils le dégraderaient aussitôt, comme indigne du sang royal, et qu’ils le puniraient avec plus de rigueur que les autres, parce qu’il serait devenu tyran et parjure. [pour autant qu’il ait été bien rapporté, ce principe ne semble jamais avoir reçu application]

Signe Droit comparé Michelet (Histoire de France) : Gustave-Adolphe de Suède était étonnamment juste, et trouvait bon que ses tribunaux suédois le condamnassent en ses affaires privées.

Signe Droit comparé Code de droit canonique (Commentaire Salamanque). Canon 1404 : Le Premier Siège n’est jugé par personne. [Dans ce cas, le « Premier Siège » désigne la personne même du Pontife Romain].

Signe Droit comparé Code de procédure pénale allemand § 49 : Le Président de la République fédérale est entendu à son domicile. Il n’est pas convoqué aux débats. Lecture du procès-verbal de sa déposition doit être faite lors des débats.

Signe Droit comparé Cour suprême des États Unis 23 juillet 1974 (arrêt Nixon, Gaz.Pal. 13 février 1975) : Ni la doctrine de la séparation des trois pouvoirs, ni le besoin de garder secrètes et confidentielles les communications et conversations échangées à un très haut niveau, ne sauraient justifier l’établissement dans une procédure judiciaire d’un privilège inusité créant une immunité absolue et en toutes circonstances en faveur du Président des États Unis.

- Droit positif. Les art. 67 et 68 de la Constitution française ne prévoient qu’une possibilité de poursuites : le Président de la République peut être destitué par le Parlement constitué en Haute Cour, pour le cas où il commettrait un acte constituant un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Cette formulation imprécise apparaît manifestement plus politique que juridique.
Jusqu'à ces derniers temps, la loi française incriminait spécialement l’Offense au Chef de l’État* (art. 26 de la loi du 29 juillet 1881) ; mais cette disposition a été abrogée par une loi du 25 juillet 2013.

Signe Doctrine Pactet et autres (Droit constitutionnel) : La Constitution prévoit désormais deux voies permettant d’engager la responsabilité pénale du Président de la République. La première est la voie internationale dans la mesure où l’art. 53-2 de la Constitution admet la juridiction de la Cour pénale internationale, spécialement par exemple en cas de commission de crimes contre l’humanité. La deuxième voie, interne celle-ci, est celle désormais ouverte par les nouveaux art. 67 et 68 de la Constitution.

Signe Doctrine Gicquel (Droit constitutionnel et institutions politiques) : L’irresponsabilité traditionnelle dont se prévaut le chef de l’État revêt un caractère fonctionnel. Autrement dit, elle protège, non pas la personne, mais le « mandat » que le peuple lui a conféré, à l’exemple des immunités parlementaires... Cette immunité entraîne l’inviolabilité du Président, à l’exclusion des membres de sa famille. Àce titre, d’une manière générale, mais temporaire, il est soustrait à tout acte de procédure (art. 67 al.2). Cependant, au terme de son mandat, le président redevient un citoyen ordinaire, c’est-à-dire un justiciable de droit commun. En conséquence, les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions.

La Cour de cassation a confirmé l'immunité de principe du Chef de l'État pendant la durée de son mandat. C’est tout juste s’il peut être entendu à titre de témoin lors d’une instruction criminelle.

Signe Jurisprudence Cass. (Ass. plén.), 10 octobre 2001 (Bull.crim. n° 206 p.660) : Étant élu directement par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État, le Président de la République ne peut être mis en examen, cité ou renvoyé devant une juridiction pénale de droit commun pendant la durée de son mandat. Il en résulte que la prescription de l’action publique est suspendue pendant cette même durée.

Signe Jurisprudence Cass. (Ass. plén.), 10 octobre 2001 (Bull.crim. n° 206 p.660) : Le Président de la République n’est pas soumis à l’obligation de comparaître en qualité de témoin, dès lors que cette obligation est assortie d’une mesure de contrainte par l’art. 109 C.pr.pén. et qu’elle est pénalement sanctionnée. Il s’ensuit qu’est irrecevable la demande d’une partie civile tendant à l’audition du Président de la République en qualité de témoin.

L'immunité du Chef de l'État se s'étend pas aux membres de son cabinet.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 19 décembre 2012 n° 12-81043 (Gaz.Pal. 24 janvier 2013) : Aucune disposition constitutionnelle, légale ou conventionnelle ne prévoit l'immunité ou l'irresponsabilité pénale des membres du cabinet du Président de la République .

CHEF D’ENTREPRISE (Responsabilité du)

Cf. Auteur légal*, Contravention de police préventive*, Imputation*, Responsabilité - Responsabilité du fait d'autrui*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-109 p.298 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-318 et s. p.200 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-448, p.238

Le législateur impose fréquemment au chef d’entreprise de veiller personnellement au respect des dispositions de police qu’il édicte. Dès lors, toute infraction à ces dispositions lui est a priori pénalement imputable.

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel - T.I, n°529) : Il ne peut y avoir de responsabilité pénale du fait d'autrui sans un fait d'autrui pénalement punissable. Cette infraction matériellement accomplie par une tierce personne constitue l'indispensable base objective à partir de laquelle on peut éventuellement remonter jusqu'à un responsable plus lointain.
Mais cette infraction d'autrui doit présenter certaines particularités : elle doit, en premier lieu, contrevenir à des dispositions réglementaires que le responsable du fait d'autrui avait personnellement l'obligation de faire respecter ; elle doit, d'autre part, comporter légalement un caractère non intentionnel.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 28 février 1956 (J.C.P. 1956. II. 9304, note de Lestang, D. 1956. 391)  : Si en principe nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d’autrui dans les cas exceptionnels où certaines obligations légales imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un subordonné ; que notamment, dans les industries soumises à des règlements édictés dans un intérêt de salubrité ou de sûreté publiques, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs d’entreprises, à qui sont personnellement imposés les conditions et le mode d’exploitation de leur industrie.

En règle générale un chef d'entreprise peut se dégager de sa responsabilité en établissant qu’il a, dans un domaine précis, délégué ses pouvoirs à un cadre compétent et pourvu de l’autorité voulue pour veiller au respect de la loi.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 10 janvier 1963 (Gaz.Pal.1963. I. 267)  : L’arrêt attaqué, en omettant de rechercher si, conformément aux conclusions du prévenu, ledit ouvrier avait été embauché dans un service dont le demandeur avait délégué la direction à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaires pour veiller efficacement à l’observation de la loi, n’a pas répondu à ce moyen péremptoire de défense.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 janvier 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm. 5) : Si le chef d’entreprise est tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées en vue d’assurer la sécurité des travailleurs, il peut être exonéré de sa responsabilité pénale s’il est prouvé qu’il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaires pour veiller efficacement à l’observation des dispositions en vigueur. Si, pour être exonératoire, une telle délégation doit être certaine et exempte d’ambiguïté, il n’est nullement exigé qu’elle porte sur la totalité des pouvoirs propres au chef d’entreprise.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 mai 2003 (Bull.crim. n° 101 p.404) : Un chef d’entreprise, qui a personnellement participé à la réalisation de l’infraction, ne saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de ses pouvoirs.

De droit commun un chef d'entreprise peut invoquer un fait justificatif, notamment l'ordre ou la permission de la loi (cas de la liberté de la presse).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 octobre 1995 (Gaz.Pal. 10 février 1996, p. 15, note Doucet) : Le directeur de la publication d’un journal ne saurait encourir aucune responsabilité du fait de l’insertion d’une annonce dont il ne peut légalement se dispenser.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 octobre 1983 (Bull.crim. no 236, p. 602, Gaz.Pal. 1984. I. 24, note Doucet) : Les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu’elles posent le principe de la liberté de la presse et celui de la responsabilité pénale du directeur de la publication d’un journal ou écrit périodique, quelle que soit la nature de l’article publié, ont pour effet de légitimer, au regard de l’article 37, 1° a, de l’ordonnance n° 43-1383 du 30 juin 1945, un refus d’insertion même non motivé, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que la demande d’insertion porte ou non sur une annonce à caractère publicitaire.

De manière générale, pour les infractions commises dans l'une de ses publications,  la responsabilité du chef d'entreprise est plutôt simplement civile.

Signe Droit comparé Code pénal d'Andorre. Art. 68 : En cas de délit ou de contravention s'accompagnant d'une violation des normes de sécurité et d'hygiène dans le travail, le chef d'entreprise répond solidairement avec l'employé condamné.

CHEF D’ÉTAT ÉTRANGER

Cf. État étranger*, Immunité diplomatique*, Offense*, Presse*.

Le chef d’un État étranger, qu’il s’agisse d’un Prince héréditaire ou d’un dirigeant élu, bénéficie d’un régime particulier. Voir : Chef de l’État*, Offense*.

- La protection pénale des chefs d’États étrangers. Ne serait-ce que par courtoisie envers les dirigeants des pays étrangers, la loi pénale interne doit spécialement protéger, sinon leur personne physique dès lors qu’ils ne résident pas sur le territoire national, du moins leur personne morale. Ainsi, l’art. 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse réprimait l’offense commise publiquement envers un chef d’État étranger, un chef de gouvernement ou ministre des affaires étrangères ; mais cette disposition a été abrogée par une loi du 9 mars 2004.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 juillet 1986 (Gaz.Pal. 1986 II somm. 430) : L’offense envers le chef d’un État étranger est constituée matériellement par toute expression de mépris ou d’invective ou par toute imputation de nature à l’atteindre dans son honneur ou dans sa dignité, à l’occasion de sa vie privée ou de l’exercice de ses fonctions. Les juges du fond ont à bon droit déclaré les prévenus coupables de cette infraction, prévue à l’art. 36 de la loi du 29 juillet 1881, après avoir relevé cette affirmation que la légitimité de ce chef d’État ne reposait que sur la violence et la corruption des volontaires de la sécurité nationale surnommés «tontons macoutes».

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 octobre 1998 (Bull.crim. n° 267 p. 772) sommaire : Pour déclarer à bon droit caractérisé le délit d'offense envers un chef d'état étranger, la Cour d'appel, après avoir énoncé que le droit de critique et de libre discussion des orientations ou des actes politiques trouve ses limites dans l'atteinte à la dignité de la personne, retient notamment que le caractère offensant du propos tient à la suspicion de la sincérité de la volonté même du Roi du Maroc de mettre un terme aux trafics de drogues dans son pays, relève que cette imputation de duplicité est répétée à deux reprises et constate que, dans le contexte de l'article présentant le Maroc comme le premier exportateur mondial de haschich et mettant en cause la responsabilité directe du pouvoir marocain et de membres de la famille royale, cette insistance à attirer l'attention du lecteur sur la personne du Roi est empreinte de malveillance.

Signe Jurisprudence Cour EDH 25 juin  2002 (Gaz.Pal. Tables 2003 v° Droits de l’homme n° 30) : À la différence de la diffamation, le délit d'offense à un chef d'État étranger ne permet pas aux requérants de rapporter la preuve des allégations qu'ils avancent afin de s'exonérer de leur responsabilité pénale. Ceci constitue une mesure excessive pour protéger la réputation ou les droits d'une personne, fût-elle chef d'État ou de gouvernement. L'application de l'art. 36 de la loi du 29 juillet 1881 tend à conférer aux chefs d'État un statut exorbitant de droit commun qui ne saurait se concilier avec la pratique et les conceptions politiques d'aujourd'hui. Cette disposition a en effet pour conséquence de les soustraire à la critique seulement en raison de leur fonction ou statut, sans prise en compte de l'intérêt de celle-ci. Or, selon la Cour, ce privilège dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif. La Cour relève par conséquent que le délit d'offense tend à porter atteinte à la liberté d'expression sans répondre à un « besoin social impérieux » susceptible de justifier cette restriction, en raison du régime dérogatoire à la protection accordée par cette disposition de la loi de 1881.

Signe Exemple concret Exemple (Télétexte F2 22 décembre 2008) : Le procès du journaliste Irakien qui a jeté ses chaussures en direction du visage du Président G. Bush se tiendra le 31 décembre 2008 ; il est inculpé du chef "d'agression contre un chef d'État étranger lors d'une visite officielle".

- La responsabilité pénale des chefs d’État étrangers. Selon une règle coutumière internationale, les Chefs d’État étrangers ne peuvent être attraits devant les tribunaux répressifs d’un autre État, du moins tant qu’ils exercent leurs fonctions. Rapprocher : État étranger*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Christine de Suède prononce une condamnation à mort en France

Signe Exemple concret Christine de Suède s’est trouvée dans ce cas. En novembre 1657, l’ex-reine Christine de Suède séjournait au Château de Fontainebleau. Ayant intercepté des lettres paraissant indiquer que l’un de ses gentilshommes, le marquis Monaldeschi, l’avait trahie, elle ordonna qu’il fût exécuté. Dans la galerie aux Cerfs, trois membres de sa suite le tuèrent. Pour sa défense elle avança qu’elle avait droit de haute justice sur sa suite. Elle ne fut pas poursuivie, mais dut quitter la France.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 13 mars 2001 (Gaz.Pal. 2001 I 772 conclusions Launay) : La coutume internationale s’oppose à ce que les chefs d’État en exercice puissent, en l’absence de dispositions internationales contraires s’imposant aux parties concernées, faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un État étranger.

CHEMINEMENT CRIMINEL

Cf. Conscience (Voix de la)*, Iter criminis*, Passage à l’acte*, Processus criminel*, Velléité*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-133 et s., p.189 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-336 et s., p.100 et s.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 14, p.14

Signe Renvoi rubrique Voir : R. Merle et A. Vitu, Le passage à l'acte

Signe Renvoi rubrique Pour un exemple : L'assassinat de Raspoutine

Par cheminement criminel on entend les différentes étapes que franchit un criminel, entre l’instant où lui vient l’idée de commettre un crime, et le moment où il accomplit le dernier acte dépendant de lui. On parle aussi parfois de Processus criminel* ; mais surtout, d’Iter criminis*.

Signe Doctrine Vitu (Droit pénal spécial) : Le cheminement criminel en matière d’atteintes à la structure constitutionnelle de l’État. Le droit français distingue d’ordinaire, dans l’iter criminis, quatre phases auxquelles il attache des conséquences variables : la résolution criminelle et les actes préparatoires, qui sont impunissables, la tentative et l’infraction consommée, qu’on assimile l’une à l’autre pour la répression … En matière de crimes contre la structure constitutionnelle de l’État… il faut pouvoir étouffer dans l’œuf les conspiration… Aussi de tous temps s’est-on efforcé de frapper les actes préparatoires et même la simple résolution d’agir.

CHÈQUES (Infractions en matière de)

Cf. Carte bancaire*, Escroquerie*, Monnaie*.

Signe renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle  (selon la science criminelle)

Signe renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle  (en droit positif français)

Le chèque est une moyen de paiement qui, en raison de sa souplesse, complète utilement la monnaie légale. On lui reconnaît un rôle de monnaie scripturale ; en sorte que son usage doit être encadré par des incriminations de police, soit pénales, soit disciplinaires.

Signe Doctrine Jeandidier (Répertoire Dalloz de droit pénal, v° Chèque et carte de paiement n°1 et s.) : Le chèque bancaire est un instrument de paiement dit moderne, évitant la manipulation d'espèces, participant de la monnaie scripturale, c'est-à-dire des fonds déposés dans les banques et représentés par des écritures en compte, d'où le nom de cette monnaie ("scriptura" en latin signifiant écriture)... Un "chèque en bois" procède de la fausse monnaie, au petit pied sans doute, puisqu'il n'y a pas contrefaçon, mais fausse monnaie tout de même.

Signe Doctrine Vitu (Droit pénal spécial) : La fonction de monnaie subsidiaire ne peut être assumée par le chèque que s’il inspire confiance … Le législateur a donc dû prévoir des sanctions pénales, non pas tellement pour sauvegarder les intérêts des victimes, que pour protéger un indispensable mécanisme financier.

- L’émission d’un chèque dépourvu de provision préalable a longtemps constitué en France un délit pénal (décret du 30 octobre 1935). Mais depuis une loi du 30 décembre 1991 elle ne caractérise plus qu’un délit disciplinaire sanctionné par une interdiction bancaire.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 30 janvier 1992 (Bull.crim. n° 40 p.95) : En application de l’art. 9 de la loi 91-1382 du 30 décembre 1991 modifiant l’art. 66 du décret du 30 octobre 1935, l’émission de chèque sans provision n’est plus pénalement réprimée.

- En dépit de la dépénalisation d'une partie des actes frauduleux (bien dans le signe des temps), demeurent quelques délits pénaux qui sont maintenant incriminés par le Code monétaire et financier. Nous ne relèverons que les plus significatifs.

D'une part constitue un délit le retrait de la provision après l'émission du chèque (art. L.163-2 al.1).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 février 1975 (Bull.crim. n° 46 p.128) : La loi punit celui qui, ayant disposé d'une provision suffisante après l'émission, l'a retirée de mauvaise foi, avant que le chèque n'ait été présenté au paiement.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 mai 1989 (Bull.crim. n° 210 p.) : Caractérisent suffisamment l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui les juges qui constatent que le tireur savait que le chèque ne serait pas payé lors de sa présentation.

Est d’autre part punissable le fait de bloquer la provision, donc de faire défense au tiré de payer (art. L.163-2 al.1).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 novembre 1980 (Bull.crim. n° 301 p.768) : Il résulte de l'art. 66 du décret du 30 octobre 1935 modifié par la loi 75-4 du 3 janvier 1975 que la défense faite par le tireur de payer un chèque ne constitue un délit que si le tireur a eu l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui.

Par ailleurs, l'art. 163-3 sanctionne spécialement le fait de contrefaire ou de falsifier un chèque.

Signe Jurisprudence Cass.crim.  21 novembre 2001 (n° 01-81375) : Les falsifications de chèques au préjudice des époux Y..., pour lesquelles le prévenu a demandé la requalification en abus de confiance, au motif qu'il aurait seulement rempli, à son nom, la mention d'ordre, non renseignée par le titulaire de compte, sont caractérisées, sous la qualification initiale ; en effet, le fait, pour un simple "transmetteur" d'un chèque , sans une quelconque cause, de modifier l'ordre, pour apposer un nom autre que celui qui devait nécessairement figurer, constitue la matérialité du faux intellectuel ...
l'instrumentum étant un chèque, la qualification spécifique prévaut sur celle générale de faux.

Sont également sanctionnés, notamment, le fait d’émettre un chèque au mépris, soit d’une interdiction bancaire (art. L.163-2 visé ci-dessus), soit d’une interdiction judiciaire (art. L.163-7).

Signe Jurisprudence Cass.crim. 8 février 1982 (Bull.crim. n°43 p.116) : L'arrêt attaqué a justifié la condamnation pour infraction à l'interdiction bancaire d'émettre des chèques prononcée à l'encontre du gérant d'une société pour avoir tiré des chèques sur son compte personnel en dépit de cette interdiction. L'interdiction bancaire d'émettre des chèques, en application de l'art. 65-3 du décret du 30 octobre 1935, empêche en effet le représentant d'une personne morale qui en est frappé d'émettre, tant en qualité de mandataire social qu'à titre personnel, des chèques autres que ceux qui sont certifiés et qui permettent exclusivement de retirer des fonds auprès du tiré.

- Par ailleurs, l'émission d'un chèque sans provision peut constituer un élément du délit d'escroquerie.

Signe Doctrine Jeandidier (Répertoire Dalloz de droit pénal, v° Chèque et carte de paiement n°24) : Pour faire jouer la qualification d'escroquerie, il faut que l'émission d'un ou plusieurs chèques sans provision se combine avec d'autres circonstances, notamment l'intervention de tiers ou d'écrits n'émanant pas de la même personne.

Signe Jurisprudence Cass. (Ass.plén.) 18 janvier 2006 (Bull.crim. n° 1 p.1) : Justifie sa décision la Cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable du délit de tentative d'escroquerie, retient qu'il a ouvert un compte dans un établissement bancaire en remettant quatre chèques, émis par des particuliers en contrepartie d'engagements qu'il n'entendait pas honorer, ainsi qu'un chèque dont il ne pouvait ignorer qu'il fût sans provision, et qui, mettant à profit les délais d'encaissement, a tenté d'obtenir de cette banque le transfert d'une somme sur un compte qu'il venait d'ouvrir au Luxembourg où il avait formé le projet de s'établir, ladite tentative ayant échoué après que le banquier eut découvert que les quatre premiers chèques étaient frappés d'opposition tandis que le dernier était sans provision.

CHEVAL DE RETOUR

Cf. Délinquant*, Gibier de potence*, Malfaiteur*, Malandrin*, Récidive*, Repris de justice*, Multi-rédidiviste*.

Expression d’origine argotique mais passée dans le langage courant. Elle désigne, non pas un vieux malfaiteur, mais un délinquant impénitent (sur lequel la peine ne produit pas d’effet) ; un délinquant dont on sait, le jour où il est libéré de prison, qu’il y reviendra sous peu. C’est à ce genre d’individu que le gardien de la maison d’arrêt dit, en lui ouvrant la porte de la liberté : « Au revoir ! ».

Signe Dictionnaire Littré : Cheval de retour se dit, dans l’argot des prisons, du criminel qui, enclin aux récidives, revient toujours à la prison, au bagne etc.

Signe Exemple concret Sainéan (L'argot ancien). Cheval de retour : celui qui est conduit au bagne pour la deuxième fois.

Signe Exemple concret Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Bibi-Lupin a raison, se dit en lui-même le surveillant, c'est un cheval de retour, c'est Jacques Collin.

Signe Exemple concret E.Sue (Les mystères de Paris) :- Dis donc, Gros-Boiteux... te rappelles-tu, à Melun, j'avais parié avec toi qu’avant un an tu serais repincé ? - C'est vrai, tu as gagné ; j’avais plus de chance pour être cheval de retour que pour être couronné rosière.

Signe Exemple concret Bellemare (Les génies de l’arnaque) : M. a quarante-sept ans, il en a passé quinze derrière les barreaux, toujours pour le même motif : escroquerie, encore escroquerie, toujours escroquerie. C’est vraiment ce qu’on appelle un « cheval de retour ».

CHEVALIER D'INDUSTRIE

Cf. Aigrefin*, Escroc*, Fourbe*, Fripon*, Malfaiteur*, Probité*, Requin d'affaires*, Véreux*.

Pour Littré, un chevalier d'industrie est un individu qui vit d'expédients, un escroc. Avec cette nuance, qu'il affiche un certain vernis d'éducation pouvant faire illusion dans un premier temps.

Signe Philosophie Bentham (Déontologie ou science de la morale) : On entend par chevalier d'industrie un fripon ou un fourbe ; cette expression suppose que l'activité employée à réaliser le but poursuivi repose sur la fraude.

Signe Histoire Du Boys (Histoire du droit criminel) : En Grande Bretagne, jadis, si un vagabond était un chevalier d'industrie par trop dangereux, ou s'il se montrait récalcitrant et incorrigible, deux juges de paix avaient le droit de le mettre en prison jusqu'à la réunion des sessions trimestrielles ; et il pouvait être condamné, par la cour, au bannissement hors du royaume.

Signe Histoire Michelet (Histoire de France) : D'innombrables tripots, aux tournois de leurs tapis verts, voient jouter la chevalerie nouvelle ; un mot a enrichi la langue : chevalier d'industrie.

Signe Exemple concret Dostoïevski (Crime et châtiment) : J’avais déjà rencontré ce Koch ; il se révéla être un acheteur des objets non dégagés ! Hein ? — Oui, un filou quelconque ! Il achète aussi des traites. Un chevalier d’industrie.

Signe Exemple concret E.Sue (Les Mystères de Paris) : M. Badinot, ancien avoué chassé de sa corporation, alors chevalier d'industrie et agent d'affaires équivoques, servait d'espion au baron de Graün.

CHEVEUX  -   Voir : Corps de l'homme*.

Suite de la lettre C