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LA NATURE JURIDIQUE
DE L’ÉTAT DE NÉCESSITÉ

Article rédigé à l’intention des
« Mélanges en l’honneur de Jerry Sainte-Rose » :
sous titrés « La diversité du droit » p.413
( éditions Bruylant, Bruxelles 2012 ).

Dans son étude consacrée à « La condition juridique de l’enfant à naître » (1), M. l’avocat général honoraire Sainte-Rose, observe à juste titre que le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale n’impose nullement une interprétation littérale du texte de loi en cause. Bien au contraire, suivant l’enseignement de St Paul, la tradition juridique française attestée par Domat (2) admet que « la lettre tue alors que l’esprit vivifie » (3).

Cette observation vaut, non seulement pour ce corollaire du principe de la légalité criminelle, mais également pour le principe lui-même. À titre d’illustration, on peut évoquer le vocabulaire de la théorie des preuves : de même qu’il existe des présomptions irréfragables et des présomptions simples, de même le principe de légalité revêt tantôt un caractère irréfragable (ou absolu) tantôt un caractère simple laissant place à des exceptions. Ainsi, la loi disposant que le président doit toujours donner au prévenu ou l’accusé la parole en dernier, à la fin des débats, relève de la première catégorie : elle ne reçoit pas d’exception ; au contraire, le texte du Code pénal énonçant que la légitime défense rend les faits reprochés licites ne saurait être appliqué en cas d’abus ou de détournement de ses dispositions.

Si le principe de légalité comporte des tempéraments c’est tout simplement parce que la loi ne peut présenter qu’un caractère général, abstrait et impersonnel, alors qu’en raison de leur fonction les juges se trouvent confrontés à des faits spéciaux, concrets et individuels. Par suite, afin de rendre bonne justice dans l’espèce qui leur est soumise, les magistrats se trouvent parfois obligés d’étendre ou de restreindre quelque peu la portée des termes employés par le législateur. On l’a bien vu lorsque s’est posée la question de savoir s’il pouvait y avoir vol d’électricité ; avec l’appui de la doctrine, la Cour de cassation a permis aux juges du fond d’étendre cette incrimination à un bien, certes meuble, mais immatériel.

C’est ce que l’on exprime depuis des siècles par la formule : summum jus, summa injuria. Il n’y a pas de pire injustice que de prononcer une sanction incontestablement légale, quoique manifestement illégitime. Aussi nos anciens auteurs estimaient-ils que, dans certains cas exceptionnels, les magistrats jouissent d’une autorité propre pour faire prévaloir une décision légitime sur une décision qui ne reposerait que sur des textes abstraits ; ils les approuvaient notamment de prendre en considération l’état de nécessité dans lequel l’auteur des faits s’était trouvé (4), pour juger que l’acte qui lui était reproché ne constituait pas une infraction pénale (5).

De manière générale, puisqu’il a été conçu dans le but d’interdire aux tribunaux répressifs de condamner un prévenu en dehors des cas prévus par le pouvoir législatif, le principe de légalité perd de son autorité lorsqu’il risque de se retourner contre le défendeur. C’est pourquoi il est généralement admis que les moyens de défense sont d’interprétation large ; on a même parfois soutenu qu’ils relèvent du droit naturel (6) ou des principes généraux du droit (7), et qu’ils s’imposent par suite au législateur lui-même (8).

D’autre part, le législateur excède ses pouvoirs s’il veut prendre parti dans une controverse doctrinale : il doit en effet se garder d’enfermer les magistrats dans un carcan théorique qui leur interdirait d’appliquer la loi répressive en tenant compte des particularités de l’espèce (Doucet, « La loi pénale » 4e éd. n° 103). C’est aux jurisconsultes qu’il appartient de dégager une analyse permettant aux magistrats de répondre, aux questions nouvelles qui se posent, par une sentence qui s’harmonise avec l’ensemble de la législation et de la jurisprudence (9).

Le législateur a raison d’expliciter les principaux moyens de défense qui s’offrent au prévenu ; mais il ne doit, ni déclarer la liste close, ni prendre position sur le périlleux terrain de l’analyse juridique de chacun d’entre eux. Il en est particulièrement ainsi avec l’état de nécessité, qui n’était pas visé par le Code de 1810, qui a été peu à peu admis par la Cour de cassation (10), et qui figure à l’article 122-7 du nouveau Code pénal.

Pour concrétiser l’examen de ce nouveau moyen de défense officiel, nous prendrons l’exemple suivant. Un randonneur est pris dans une tempête de neige non prévue par les services de la météorologie ; menacé de mourir de froid, il a la chance de trouver une cabane de berger ; il force la serrure et pénètre dans ce local où il se met à l’abri. Peut-on lui reprocher les délits de bris de clôture et de violation de domicile ? Depuis toujours (11), et sous les régimes les plus divers (12), on répond à cette question par la négative en faisant valoir que « Nécessité n’a pas de loi », ou que « Nécessité fait loi » (13). Un ancien adage énonçait : Necessitas reducit ad mœrum jus naturae (ce que l’on peut traduire : La nécessité nous permet d’agir conformément aux lois de la nature).

Il convient toutefois d’interpréter ces adages avec une extrême prudence ; et les juges ne doivent les appliquer qu’avec la plus grande circonspection. Il serait en effet désastreux de donner aux justiciables le sentiment que, du moment où ils estiment se trouver dans un état de nécessité, ils peuvent faire allègrement fi de la loi. Ce serait ouvrir la porte à l’anarchie (14).

La doctrine a éprouvé quelques difficultés pour classer l’état de nécessité dans les catégories générales du droit criminel. On peut voir trois raisons à cela.

D’abord, l’article 65 du Code pénal de 1810 interdisait d’excuser une infraction en dehors des cas prévus par le législateur. En sorte que la Cour de cassation a longtemps annulé les décisions de relaxe qui se fondaient sur une excuse non prévue par la loi (Cass.crim. 25 avril 1979, Bull.crim. n° 143 p. 414)

D’autre part, les juges sont très rarement saisis d’actes manifestement couverts par l’état de nécessité. En effet, dans de tels cas le ministère public estime le plus souvent que des poursuites seraient inopportunes et classe purement et simplement le dossier (15). Par exemple, le procureur de la République n’engagea pas de poursuites contre les rescapés du naufrage de la Méduse. Mais le calamiteux renouveau de l’action populaire, résultant de l’adoption des articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale, risque de mettre fin à cette sage politique criminelle.

Enfin, dans le plus grand nombre des espèces soumises aux tribunaux, notamment par les victimes, les juges pouvaient prononcer un acquittement en s’appuyant sur l’article 64 du Code pénal de 1810, qui déclarait exonératoires la contrainte physique et la contrainte morale (encore faillait-il forcer quelque peu les termes de cette disposition).

La question de la nature juridique de l’état de nécessité ne paraissait donc pas présenter un grand intérêt pratique. Mais la consécration légale de ce moyen de défense par le nouveau Code impose de combler cette lacune.

I – Ce que n’est pas l’état de nécessité

A) L’état de nécessité n’est pas une cause de non-imputabilité

Nous venons de relever que le Code pénal de 1810 n’avait pas envisagé l’état de nécessité. Or pendant près de deux siècles la doctrine et la jurisprudence se montrèrent profondément légalistes, en sorte que la tendance générale fut de voir dans l’état de nécessité une simple variante de la contrainte, laquelle était consacrée par l’article 64. On trouve encore des traces de cette assimilation dans certains codes étrangers (16).

Rappelons que la doctrine distingue entre la contrainte physique, d’une part, et la contrainte morale, d’autre part. La première, tout à fait exceptionnelle, suppose en pratique qu’une force de la nature a placé le prévenu dans une situation prohibée par la loi pénale (17) (il en est ainsi de celui qui, sous le coup d’une interdiction de séjourner sur le territoire français, est rejeté sur une côte française par la fureur d’une tempête). La seconde, plus courante, concerne l’hypothèse où, victime d’une menace très grave, un individu est obligé d’agir contre son gré par l’emprise d’une crainte insurmontable (18) (tel est le cas du directeur qui révèle le code du coffre-fort de la banque où il travaille, alors que sa femme et ses enfants sont retenus en otage) (19).

La pratique jurisprudentielle ne soulevait pas de graves difficultés dans la grande majorité des poursuites, car celles-ci concernaient des contraventions à des règlements ou à des arrêtés de police. Il suffisait alors aux juges de dire que l’agent avait été contraint par un cas de force majeure (20), notion fort proche de l’état de nécessité (21).

Cependant une triste affaire attira l’attention du monde judiciaire sur ce moyen de défense par trop négligé. Une jeune femme, en charge d’un enfant de deux ans et dépourvue de tout moyen honnête de se procurer de la nourriture tant pour elle-même que pour lui, déroba un pain dans une boulangerie. Le juge Magnaud la renvoya des fins de la poursuite, estimant qu’il n’était pas possible de condamner au pénal une personne qui avait agi dans un tel état de nécessité (22). La Cour d’appel d’Amiens confirma la relaxe ; mais au motif qu’il y avait absence d’intention frauduleuse (23), ce qui était inexact car la prévenue avait agi délibérément.

Une partie de la doctrine a approuvé ce jugement en se fondant sur la notion de contrainte (24). La Cour de cassation du Luxembourg a repris cette analyse au milieu du siècle dernier (25). Le Code pénal du Royaume d’Italie de 1930, dans la traduction de Pierre de Casabianca, énonçait dans son article 54 que « n’est pas punissable celui qui a commis le fait parce qu’il a été contraint par la nécessité de se préserver ou de préserver autrui du danger actuel d’un grave dommage pour la personne, danger qu’il n’a pas fait naître volontairement, et qui ne pouvait être évité autrement, pourvu que le fait soit proportionné au danger ». Or dans la note explicative, il était précisé que la contrainte physique relevait de l’article 46 ; et, quant à la contrainte morale, il apparaissait un certain flottement puisqu’il était précisé qu’elle comporte des « degrés » dont il faut tenir compte (coacta voluntas est etiam voluntas).

Aujourd’hui, la majorité de la doctrine considère que la contrainte physique ne laisse aucune possibilité de choix à celui qui en est victime, alors que l’état de nécessité offre une option à celui qui s’y trouve confronté. On ne saurait donc assimiler celui-ci à celle-là.

Quant à la contrainte morale, si elle laisse une possibilité théorique de choix à celui qui est menacé, elle atteint son libre arbitre de manière telle qu’il se trouve hors d’état de l’exercer (26). Au contraire, face à l’état de nécessité, l’intéressé demeure en possession de son libre arbitre, même s’il se trouve soumis à de fortes pressions en son for interne (27).

Reprenons l’exemple du randonneur qui, perdu dans une tempête de neige aperçoit un logis, force la porte et se met à l’abri. Il ne saurait invoquer aucune cause de non-imputabilité puisque, sans subir de contrainte morale ou physique externe, sans avoir perdu ses facultés mentales, il a choisi délibérément de forcer la serrure de la porte du local et de pénétrer sans droit, en toute connaissance de cause, dans le domicile d’autrui.

On ne saurait donc voir dans l’état de nécessité une simple variété de la contrainte morale.

B) L’état de nécessité n’est pas un fait justificatif

Au XXe siècle, partant de l’idée préconçue que si un moyen de défense ne relève pas des causes de non-imputabilité c’est parce qu’il constitue un fait justificatif, la doctrine s’est efforcée de rapprocher l’état de nécessité de la légitime défense (28) (l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime se trouvant à l’évidence hors sujet). Elle faisait observer en ce sens que la légitime défense ne constitue qu’un cas particulier d’état de nécessité.

Mais cette analyse n’apparaît pas plus recevable que la précédente (29). Il existe en effet une différence fondamentale entre la légitime défense et l’état de nécessité (30) : la première a pour point de départ une agression humaine délibérée, tandis que le second repose sur une situation résultant de circonstances matérielles accidentelles (31). L’observation en a souvent été faite (32).

Dans ces conditions on conçoit qu’une riposte, proportionnée à une agression humaine délibérément commise en violation de la loi, puisse être considérée comme un acte licite, qu’elle ne puisse être reprochée à son auteur à quelque titre que ce soit, et qu’elle n’ouvre aucun droit à réparation au profit de celui qui a finalement été victime de sa propre agressivité (33).

En revanche, si l’état de nécessité permet d’exclure l’acte reproché du champ du droit pénal spécial, rien n’oblige à le tenir pour licite. On peut sans doute l’écarter du terrain du droit criminel, mais il n’existe aucune raison de l’exclure du domaine du droit civil (34).

Revenons à l’exemple du randonneur pris inopinément dans une tempête de neige. Sans doute ne peut-on lui reprocher les délits pénaux de bris de clôture et de violation de domicile ; mais on ne voit pas pourquoi le propriétaire des lieux devrait faire siens les frais de réparations, et pourquoi il ne serait pas autorisé à demander qu’ils soient mis à la charge de l’auteur des dégradations commises volontairement et librement sur son bien. En bonne justice, l’action en dommages-intérêts doit demeurer ouverte. Reste à définir sur quel fondement.

De nos jours les civilistes ne s’arrêtent plus guère à la notion de pur délit civil (35). Depuis que celle-ci a été submergée par celle de quasi-délit civil, ils raisonnent principalement en termes de faute d’imprudence, de négligence ou d’attention ; ils attribuent même au quasi-délit un domaine de plus en plus large (notamment sous l’influence de la théorie du risque).

Or il y existe une importante différence entre le pur délit civil et le simple quasi-délit civil. Le premier repose en effet sur la notion d’intention (36) de porter une atteinte illicite à la personne d’autrui ou à ses biens (37), alors que le second s’appuie sur la notion de faute ayant causé un dommage à autrui ou à ses biens.

Justement, dans le cas d’état de nécessité l’agent commet intentionnellement un acte illicite. Il apparaît donc parfaitement possible de lui reprocher un délit civil, au sens strict du terme. L’état de nécessité nous place assurément hors du droit pénal, mais pas obligatoirement hors du domaine du droit civil (38).

L’hypothèse envisagée peut à certains égards être rapprochée du cas de conscience. Mais présentement ce n’est pas l’élément moral prévu par la loi qui se situe en première ligne ; c’est le mobile qui prend le dessus. L’agent a entendu sauver sa vie, ce qui est bien compréhensible ; mais cela ne l’autorisait en aucune manière à sacrifier impunément le bien d’autrui (39). On peut donc conclure que l’état de nécessité n’est pas un fait justificatif au sens propre de cette institution.

Nous trouvons-nous alors dans une impasse ? On pourrait d’autant plus le penser que quelques auteurs parlent d’excuse, faute de trouver un terme qui leur paraisse plus adéquat (40). Mais il n’en est rien.

Pour résoudre le problème il convient d’approfondir la structure de l’infraction pénale mieux qu’on ne le fait habituellement, et de préciser la place exacte qu’occupent les divers obstacles à la condamnation lors du déroulement d’un procès pénal.

II – Ce qu’est l’état de nécessité

Nombre des difficultés techniques auxquelles se heurtent les criminalistes, qu’il s’agisse des théoriciens ou des praticiens, proviennent de la distinction artificielle entre règles dites de fond et règles dites de forme (41). Sans doute, pour les besoins de l’enseignement du droit criminel est-il nécessaire au départ d’examiner distinctement les diverses règles relatives à la structure des infractions, aux conditions d’imputation des infractions, aux différentes sanctions pénales, à la preuve des faits matériels et des actes humains, au déclenchement et au déroulement des poursuites, à l’instruction de l’affaire puis au jugement du prévenu, et enfin à l’exécution des peines. Mais il importe ensuite de faire la synthèse de la matière, afin de rétablir les liens qui unissent ses différents éléments.

Or il ne fait aucun de doute que les magistrats chargés des poursuites, puis de l’instruction et du jugement, sont tenus de raisonner selon un schéma bien précis. Ce processus a été conçu, d’une part pour causer le minimum de préjudice au prévenu (encore présumé innocent), d’autre part pour baliser la voie la plus favorable à la manifestation de la vérité, tant sur les faits matériels que sur l’étendue de la responsabilité de leur auteur.

Pour dégager la nature juridique d’une institution du droit criminel, il faut se garder de l’envisager d’un simple point de vue abstrait et statique. Il faut au contraire l’envisager sous un angle concret et dynamique, en la situant dans le mouvement général du procès pénal. Ainsi le droit de grâce ne trouve place qu’une fois le procès pénal achevé par un arrêt ou un jugement définitif ; il apparaît donc étranger au droit judiciaire pénal.

Il en va de même pour l’état de nécessité (42). On ne peut établir sa nature juridique qu’en déterminant le moment où il produit effet dans le cours du procès, règles de fond et règles de forme coordonnées : le droit pénal général, le droit pénal spécial, le droit des preuves, l’enquête de police et l’instruction judiciaire ne formant plus qu’une matière aux éléments indivisibles. Trop d’auteurs traitent les moyens de défense dans un ordre différent de celui qui est en vigueur devant les tribunaux répressifs, ce qui obscurcit leur nature juridique (43).

Les phases successives du raisonnement judiciaire suivi au fil de l’instruction pénale, par les magistrats formés à la science criminelle, sont au nombre de cinq (voir : Doucet, « Le jugement pénal », 3e éd. ; p.9 n°8).

Lors du premier temps le tribunal doit examiner les faits dont il est saisi, afin de vérifier qu’ils tombent bien sous le coup d’une incrimination pénale envisagée en tous ses éléments constitutifs. Dans la négative, le tribunal ne peut que se déclarer saisi à tort et prononcer une relaxe. Dans l’affirmative, il apparaît que la juridiction répressive a été saisie à bon droit et qu’elle se trouve compétente pour statuer sur les faits.

Quand le tribunal a retenu sa compétence, s’ouvre une deuxième phase. La défense peut alors s’efforcer de faire valoir un fait justificatif, soit ordre de la loi et commandement de l’autorité légitime, soit légitime défense. Si elle y parvient, le tribunal devra constater que l’acte reproché est licite à tous égards, que les actions publique et civile ne sont pas fondées au regard du droit criminel et qu’il convient en conséquence de prononcer un acquittement pur et simple.

Dans le cas contraire une troisième phase s’ouvre, où les juges doivent s’assurer que l’infraction constatée peut être rattachée au prévenu par le biais des actes qu’il a accomplis. Auquel cas, il apparaît que le défendeur a été attrait à bon droit devant les tribunaux répressifs, et qu’il fait maintenant figure de coupable.

Mais, dans un quatrième temps, la personne réputée coupable est recevable à soulever une cause de non-imputabilité, soit démence, soit contrainte physique ou morale. Si elle réussit à établir le bien fondé de ce moyen de défense, elle doit être relaxée sur le plan pénal ; mais sur le plan pénal seulement. En effet, par application de l’art. 414-3 du Code civil, la victime est recevable à demander réparation civile à celui qui lui a causé un dommage alors qu’il se trouvait sous l’empire d’un trouble mental. Il va de soi que, en cas de contrainte, la victime est recevable à se tourner contre l’auteur des menaces qui ont poussé le prévenu à agir.

Enfin, dans un cinquième temps, compte tenu de la gravité des faits matériels et de la part de responsabilité du coupable (on range par exemple ici quelques excuses atténuantes), le tribunal prononce la peine qui lui paraît justifiée, dans les limites fixées par la loi.

A) La place de l’état de nécessité dans le procès pénal

Comme nous venons de le voir, une juridiction répressive doit en premier lieu constater l’existence d’une infraction à la loi pénale. À cette fin, il lui incombe de vérifier que tous les éléments composant l’infraction dénoncée sont effectivement réunis. Quels sont-ils ?

Ils se répartissent entre un élément matériel et un élément moral. Seul le premier intéresse notre sujet, mais il n’est pas indifférent pour la suite de l’exposé de noter que l’élément moral peut consister, soit en un simple dol général (accomplissement des faits reprochés par une personne tout à la fois saine d’esprit et libre d’agir selon sa volonté), soit en un dol général plus un dol spécial (intention de porter atteinte à tel intérêt protégé par la loi). Un tribunal ne saurait dès lors retenir l’existence d’une infraction pénale si l’acte reproché est l’œuvre d’un « idiot » au sens médical du terme (c’est-à-dire d’un être humain dont l’âge mental, matériellement constatable par les juges eux-mêmes, est inférieur à trois ans) ; il devra se déclarer saisi à tort et renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction compétente.

Quant à l’élément matériel il comporte normalement (c’est le cas des délits de résultat), outre l’acte concret reproché au prévenu, une double atteinte : d’abord une atteinte à l’ordre social, ensuite une atteinte à tel intérêt juridique public (p.ex. monopole du droit de battre monnaie) ou à tel intérêt juridique privé (p.ex. droit de propriété individuelle). S’il faut impérativement constater une atteinte à l’ordre social, c’est parce que le législateur ne saurait édicter une sanction pénale que si l’intérêt général l’impose. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne présente aucune ambiguïté sur ce point, puisque son article 5 dispose : La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société.

Le corollaire de ce principe ne fait pas, lui non plus, le moindre doute : un tribunal répressif ne saurait attacher une qualification pénale aux faits reprochés quand aucun désordre social n’a été constaté en l’espèce, quand l’acte accompli par le prévenu n’a nullement troublé la société. Ce serait au contraire heurter la conscience populaire que d’appliquer une loi prise à la lettre et non dans son esprit (44), que de condamner celui qui a agi dans état de nécessité manifeste (45). Revenons à notre randonneur perdu ; deux jours après le début des recherches, le grand titre de la presse sera : « Sauvé ! » (46).

Ainsi, un éventuel état de nécessité doit être examiné au stade de la qualification des faits, dès le premier temps du raisonnement pénal qui consiste à mettre face à face le texte de la loi d’incrimination (47) et les faits reprochés (48). Il se situe sur le même plan que le consentement de la victime, là où ce consentement est efficace (49). Il interdit lui aussi de donner aux faits matériels une qualification pénale (50). La loi d’incrimination se trouve ainsi exceptionnellement mise en sommeil (51), comme le précisent certains codes étrangers (52).

La preuve en est que la notion de « nécessité » figure en élément constitutif négatif dans certaines incriminations (53) ; en voici quelques exemples. Si l’on s’en tient au droit français (54), on peut signaler le délit de violences faites « sans nécessité » à un animal (55) et la contravention d’encombrement « sans nécessité » de la voie publique (56). Si l’on se tourne vers les droits étrangers, on peut relever des textes qui ont été édictés, notamment, en Équateur (57), en Tunisie (58) au Cameroun (59) ou au Kazakhstan (60).

Se pose alors la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du fait qu’il existait un état de nécessité. Si le législateur a pris soin de préciser dans l’énoncé des éléments constitutifs du délit que l’acte incriminé n’est punissable que s’il a été perpétré en l’absence d’état de nécessité, c’est au ministère public qu’il appartient d’établir ce point (61). Sans doute s’agit-il pour lui de faire la preuve d’une circonstance de fait négative, ce qui est en général fort délicat ; mais la doctrine la plus autorisée s’exprime fermement en ce sens (62).

Si le législateur n’a pas estimé utile de mentionner l’absence d’état de nécessité lorsqu’il a défini l’incrimination, la considération de l’intérêt général n’en demeure pas moins toujours sous-jacente. Mais c’est alors au défendeur d’établir qu’il s’est trouvé dans une situation telle que quiconque à sa place aurait agi comme il l’a fait, ou du moins que d’éventuels témoins n’auraient pas été scandalisés en le voyant accomplir l’acte qui lui est reproché. On peut même estimer que, pour asseoir sa défense, il suffit au prévenu d’alléguer l’existence d’un état de nécessité et d’établir des circonstances qui confèrent un certain crédit à cette allégation ; c’est alors au tribunal qu’il appartient d’apprécier si l’argument n’a pas été sérieusement réfuté par l’accusation et suffit à légitimer un acquittement.

Les juges du fond jouissent à cet égard d’un souverain pouvoir d’appréciation, ainsi qu’il a été jugé à propos de la contravention de tapage nocturne (63).

Ce qu’il importe présentement d’observer, c’est que la question de savoir s’il y a eu ou non état de nécessité doit être examinée lors de la phase de la qualification positive des faits ; autrement dit dès le premier temps du raisonnement judiciaire, bien avant le moment où peuvent être envisagés d’éventuels faits justificatifs, et plus longtemps encore avant qu’il y ait lieu d’évoquer d’éventuelles causes de non-imputabilité.

B) Le rôle de l’état de nécessité

Nous avons rappelé ci-dessus que le législateur ne peut élaborer ses textes que sur un plan abstrait, général et impersonnel (voir : Doucet, « La loi pénale » 4e éd. p. 36 n° 19) ; il est donc tenu de formuler ses incriminations en des termes qui ne laisseront pas les tribunaux répressifs désarmés face à des agissements de nature à troubler gravement l’ordre public. De leur côté, les tribunaux répressifs doivent statuer sur des faits concrets, spéciaux et individuels, en tenant compte du particularisme de la situation dans laquelle le prévenu s’est trouvé.

Le passage d’un plan à l’autre, qui s’effectue par la qualification des faits, n’est pas toujours aisé ; il suppose parfois une interprétation de la loi poussée jusqu’à ses dernières limites. L’interprète doit alors s’efforcer de se mettre à la place du législateur, et se demander comment celui-ci aurait rédigé l’incrimination s’il avait envisagé la situation présente (64). Aurait-il prévu une exception, une restriction, une condition ?

Saisi de l’exception d’état de nécessité, le juge peut penser que le législateur l’aurait admise dès lors que l’ordre social n’a pas été troublé (65)> ; il doit alors en bonne justice (66) prononcer un acquittement (67). L’état de nécessité apparaît ainsi comme un moyen de défense fondé sur des considérations purement rationnelles (68).

De manière générale, si le principe de légalité s’impose avec force sur tous les plans de la répression (69), il comporte néanmoins des tempéraments sans lesquels il ne pourrait s’appliquer au quotidien. On peut voir dans ces tempéraments des soupapes de sûreté qui ne doivent bien sûr être utilisées qu’avec prudence (70) ; l’état de nécessité en est une parmi d’autres.

Sans prétendre être exhaustif (nous pensons à l’institution des circonstances atténuantes en vigueur au siècle dernier (71)), on peut en évoquer quelques unes.

En premier lieu, notre droit criminel reconnaît au ministère public le pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites. Alors qu’en vertu du principe de légalité il devrait être tenu de saisir les tribunaux de tout acte susceptible de constituer une infraction à la loi pénale, le procureur de la République s’est vu reconnaître la faculté de classer un dossier quand il estime qu’il ne serait pas raisonnable, et peut-être même contraire à l’intérêt bien compris de la société, de faire intervenir la juridiction répressive (72).

Quant au fond, en un sens assez proche de l’état de nécessité, on retiendra la notion de bonne foi de l’auteur, qui permet de faire échec notamment à des poursuites du chef de délit de diffamation (voir : Doucet, « La protection de la personne humaine » 4e éd. p.408 n° II-334). On ne saurait y voir un élément moral négatif, puisqu’elle constitue un mobile, qui est le désir de faire triompher la vérité ; ni un fait justificatif, puisque l’on ne se trouve pas dans le cadre des moyens légaux de défense propres à la matière ; ni même une cause de non-imputabilité, puisque nous sommes présentement en présence d’un problème de qualification des faits. Elle apparaît plutôt comme un moyen de défense judiciaire spécifique permettant aux tribunaux de concilier ces deux intérêts fondamentaux que sont, d’une part le respect de la réputation du plaignant, d’autre part le devoir de témoigner de la vérité (73).

Sur le plan de la procédure, on peut citer le pouvoir discrétionnaire du président de la cour d’assises. L’instruction devant cette juridiction est encadrée par des règles légales très strictes, destinées à assurer la recherche de la vérité dans le respect des sentiments de la victime et des droits de la défense. Mais son président bénéficie d’un pouvoir propre qui lui permet, quand il estime en son âme et conscience que la recherche de la vérité le requiert, de dispenser la cour d’observer telle formalité prescrite par le Code de procédure pénale (74).

En dernier lieu on peut citer la grâce (75), qui émane du chef de l’État. Son application la plus connue est peut-être celle des marins de la Mignonette qui, à court de vivre après la perte de leur navire, en arrivèrent à manger le mousse ; écartant l’état de nécessité afin de bien montrer que la société condamne le cannibalisme, les tribunaux britanniques prononcèrent leur condamnation à mort ; mais leur peine fut commuée par le Reine en six mois d’emprisonnement, pour tenir compte de la situation extrême dans laquelle ils s’étaient trouvés (76). Ainsi, après que la solution dictée par la justice ait été proclamée, les pouvoirs publics peuvent faire intervenir l’équité, la charité, la miséricorde (77). Preuve que cette institution doit être maintenue, en dépit des critiques dont elle fait périodiquement l’objet. Il en va de même de l’état de nécessité.

 


NOTES :

(1) Site « Le droit criminel » (Rubrique Science criminelle - Pénalistes - Loi)

(2) Domat, «  Traité des lois » (1689, XII-9) : Lorsque les expressions de la loi sont défectueuses, il faut y suppléer pour en remplir le sens selon leur esprit

(3) Garçon, « Code pénal annoté »  (1e éd. 1901). Art. 4 n° 24 : Comme les lois civiles, les lois pénales doivent être interprétées par le juge lorsqu’elles sont obscures et cette interprétation ne doit pas s’en tenir à la lettre du texte ; il faut en rechercher le sens par tous les procédés de la dialectique juridique : histoire, travaux préparatoires, but du législateur, rapprochement des textes, sens grammatical et sens usuel des mots et des phrases.

(4) Tiraqueau, « De poenis temperandis » (trad. Laingui), Cause 33, 3° : Certains se réfèreront à ce qu’on dit habituellement : « nécessité n’a pas de loi » … Ou sous une forme « La nécessité rend licite ce qui n’est pas licite dans la loi » … Ou bien encore : « Il faut juger innocent ce que produit la nécessité ».

(5) Muyart de Vouglans, « Les lois criminelles de France » (Paris 1783) p.279 : Si le vol n’est fait que par nécessité, comme lorsqu’étant pressé par une faim extrême, l’on vole du pain ou autre chose comestible, l’on n’est point dans le cas d’être puni comme voleur.

(6) Jousse, « Traité de la justice criminelle » (Paris 1771), T.I p.613 : Les défenses et exceptions sont de droit naturel. Ainsi on ne peut priver un accusé de ce droit.

(7) Trib.féd. de cassation suisse 24 mai 1968 (Jour.trib. 1968 p.106) : Il existe, à côté des causes citées aux art. 32 à 34 du Code pénal, d’autres causes justificatives. Parmi ces causes, il faut citer l’état de nécessité fondé sur les principes généraux du droit et la sauvegarde d’intérêts légitimes.

(8) Rossi, « Traité de droit pénal » (Bruxelles 1835), p.540 : Le législateur, en passant sous silence une cause de justification, a commis un oubli au détriment de l’innocence, ou il a voulu commander une iniquité. Dans le premier cas, on doit réparer son oubli; dans le second on ne doit pas obéir.

(9) Jhering, « L’esprit du droit romain », T.III p.68 : Le législateur doit s’abstenir de construire, c’est-à-dire de faire de la théorie ; sinon il empiète sur le domaine de la science, il se dépouille de son autorité et de sa puissance de législateur pour se mettre sur la même ligne que le juriste. Par suite, les constructions du législateur n’ont qu’une importance théorique, elles peuvent être toujours amendées, voir écartées par la jurisprudence... La science doit laisser à César ce qui est à César, mais il faut aussi que celui-ci abandonne à la science ce qui est du domaine de la science.

(10) Cass.crim. 28 juin 1958 (D.1958 693 note M.R. M.P) emploie l’expression « état de nécessité » pour la première fois, en exigeant que le prévenu n’ait pas créé lui-même le prétendu état de nécessité.

(11) Code brahmanique des Gentoux (éd. 1778), p. 308 : Si un homme, dans un danger immédiat de mort, peut sauver sa vie en commettant une mauvaise action, le magistrat ne le condamnera pas à l’amende.

(12) Code pénal de la Russie soviétique de 1962. Art. 14 : Ne constitue pas une infraction l’acte qui, bien que caractérisé par les éléments constitutifs d’une infraction prévue dans le présent Code, a cependant été commis dans un cas d’extrême nécessité.

(13) St Thomas d’Aquin, « Somme théologique » (éd. du Cerf 1984), I-II, Q.96, a.6 : Si le danger est pressant, ne souffrant pas assez de délai pour qu’on puisse recourir au supérieur, la nécessité entraîne avec elle la dispense ; car la nécessité n’a pas de loi.

(14) Valensin, « Traité de droit naturel » T.II, p. 61 : Ce serait un signe d’anarchie, si de pareils cas se multipliaient dans les rapports sociaux.

(15) Garçon, « Code pénal annoté » (1e éd.) art. 64 n° 118 : Les décisions sont peu nombreuses : non pas, comme on l’a dit, que cette hypothèse se réalise rarement en pratique, mais parce que, le plus souvent, la justification est si claire qu’il n’y a pas de poursuites.

(16) Code pénal d’Andorre. Art. 19 - Sont exempts de responsabilité pénale : 4° Celui qui commet le délit en état de nécessité ou contraint par une force ou une peur irrésistibles.

(17) Jeandidier, « Droit pénal général » (2e éd.) p.393 n° 357 : La contrainte peut être d’abord extérieure à la personne du délinquant et cette modalité évoque le concept civiliste de force majeure. Celle-ci peut résulter des forces de la nature. Il a ainsi été jugé qu’est irresponsable le voiturier qui n’a pu maintenir allumée la lanterne de son véhicule par suite d’un ouragan (Cass.crim. 10 janvier 1979, BC n°16).

(18) Jeandidier, « Droit pénal général » (2e éd.) p.398 n° 361 : Il y a contrainte morale externe lorsque l’agent voit sa liberté abolie par la crainte d’un mal imminent… Pour être opérante, la menace doit avoir entièrement détruit la liberté d’esprit… Comme dans le cas de ce fermier algérien poursuivi pour avoir donné asile çà une bande de quarante rebelles en armes (Cass.crim. 26 février 1959, D.1959 301).

(19) Vittrant, « Théologie morale » (25e éd.) p.16 n°21 : Lorsque la crainte grave a pour effet de restreindre tellement le champ de la conscience que tout choix devient impossible, il ne peut y avoir de liberté, et partant de responsabilité.

(20) Garçon, « Code pénal annoté » (1e éd.) art. 64 n°122 : Un tribunal de police a fait une application juridique de l’art. 64, en relaxant un individu prévenu d’avoir attelé à sa charrette un nombre de chevaux supérieur à celui qui était fixé par un règlement municipal, car il ne l’avait fait que par nécessité, à raison de l’inviabilité de la rue qu’il devait parcourir pour atteindre sa destination et qui venait d’être empierrée. Ce fait constituait un cas de force majeure.

(21) Donnedieu de Vabres, « Traité de droit criminel » (3e éd.) p.218 n° 379 : Il y a quelque analogie entre la force majeure, ou contrainte physique, venant du dehors, et l’état de nécessité. Ce qui crée la différence, c’est que l’auteur du délit nécessaire a eu à exercer un choix.

(22) Trib.corr. Château-Thierry 4 mars 1898 (D.1899 II 329) : La misère et la faim sont susceptibles d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre, et d’amoindrir en lui, dans une certaine mesure, la notion du bien et du mal ; un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n’agit que par l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité sans lequel la nature se refuse à mettre en œuvre notre constitution physique.

(23) Amiens 22 avril 1898 (D.1899 II 329) : Les circonstances exceptionnelles de la cause ne permettent pas d’affirmer que l’intention frauduleuse ait existé, au moment où la fille M... a commis l’acte qui lui est reproché ; le doute doit profiter à la prévenue.

(24) Garçon, « Code pénal annoté » (1e éd.) art. 64 n° 133 : Nous pensons que, si l’état de nécessité était clairement établi, le vol pouvait être justifié même dans la théorie de la contrainte fondée sur l’art.64.

(25) Cour de cassation du Luxembourg 15 juin 1946 (Pas.Lux.) : À défaut d'un texte de loi spécial, l'état de nécessité se confond avec la notion de la contrainte.

(26) Baudin, « Cours de philosophie morale » p.196 : La contrainte morale ne saurait supprimer totalement la culpabilité que lorsqu’elle supprime totalement la liberté, ce qui est fort rare.

(27) Roux, « Cours de droit criminel » T.I p.197 : Entre la contrainte et la nécessité, il y a une différence essentielle. La contrainte oblige à agir, en ne laissant à l’auteur du fait incriminé qu’une issue : celle vers laquelle elle le pousse. La nécessité n’ouvre également qu’une voie ; mais elle n’oblige pas à la prendre : l’agent peut s’abstenir, et sacrifier le bien menacé au respect de la loi ou du bien d’autrui. La contrainte, en un mot, supprime le libre arbitre, et entraîne l’individu malgré lui dans la voie délictuelle. La nécessité lui laisse sa liberté ; et c’est de lui-même que, volontairement, il pénètre sur la route défendue.

(28) Decocq, « Droit pénal général » p. 327 : La thèse aujourd’hui consacrée par la doctrine et la jurisprudence est telle que l’état de nécessité constitue un fait justificatif.

(29) Von Liszt, « Traité du droit pénal allemand » (Paris 1911) p. 219 : L’acte commis par nécessité se distingue de la légitime défense, en ce que celle-ci défend le droit contre l’injustice, tandis que celui-là sauvegarde un droit par le sacrifice d’un autre.

(30) Larguier, « Droit pénal général » (18e éd.) p.71 : L’état de nécessité n’est pas la légitime défense : la légitime défense est un cas particulier d’état de nécessité, dans lequel la nécessité de se défendre en commettant une infraction a été provoquée par l’agresseur qui va devenir victime. Dans l’état de nécessité, la victime n’a en rien lésé l’auteur de l’infraction. On doit dire en réalité que l’état de nécessité constitue un fait justificatif trouvant sa source dans des considérations d’ordre social.

(31) Moriaud, « De la justification du délit par l’état de nécessité » n°10 : Nous pouvons définir l’état de nécessité en droit pénal : Un état de choses tel que la sauvegarde d’un bien nécessite la commission d’un acte en lui-même délictueux.

(32) Vidal et Magnol, « Cours de droit criminel » (9e éd.) T.I p.371 n° 211 : L’acte de légitime défense est dirigé contre l’auteur même de l’attaque injuste… Au contraire, dans l’état de nécessité, la violence employée pour sauver son droit ou son bien frappe un innocent qui n’a nullement mérité d’être ainsi traité, parce qu’il est absolument étranger au danger et à la menace, et est en principe aussi intéressant que son agresseur. Aussi, s’il y a un « droit de légitime défense », il n’y a pas à proprement parler un « droit de nécessité » mais un « état de nécessité », « des cas de nécessité ».

(33) Vouin, « Manuel de droit criminel » p.173 n° 261 : Le fait justificatif opère in rem et justifie tous ceux qui ont participé à l’infraction. Et cette justification est totale … Elle supprime du même coup toute responsabilité civile aussi bien que pénale.

(34) G.Viney, « La responsabilité - conditions » p.685 n°571 : C’est dans la détermination des effets attachés à l’état de nécessité que la divergence d’opinions apparaît de la manière la plus manifeste. Si la plupart des auteurs civilistes admettent généralement que l’état de nécessité supprime le caractère « fautif » de l’acte nécessaire aussi bien au regard de la loi civile que de la loi pénale, ils n’en proposent pas moins de maintenir, dans presque tous les cas, une indemnisation de la victime.

(35) Planiol, « Traité de droit civil » (3e éd.) T.II p.264 n° 815 : Le délit n’a jamais cessé d’être un fait illicite ; mais en outre les jurisconsultes modernes lui attribuent un caractère de plus, tiré de sa propre nature, qui est d’être intentionnel.

(36) Carbonnier, « Droit civil » T.II (3e éd.) p.607 n° 177 : La faute intentionnelle ou délit. Le responsable … non seulement a prévu et accepté les conséquences dommageables, mais encore il les a recherchées. S’il n’avait pas voulu le mal, le mal ne se serait pas produit, et c’est bien pourquoi il en est responsable.

(37) Malaurie et Aynès, « Droit civil - Les obligations » (7e éd.) p.44 n° 58 : La faute intentionnelle ou dolosive suppose la conscience et la volonté de causer le dommage.

(38) Coutume de Bretagne. Art. 645 : Quand le feu est en flammes en plusieurs maisons, on peut abattre les maisons prochaines, pour apaiser et éteindre le feu, afin que les autres soient sauvées ; et tous ceux de qui on peut apercevoir que leurs maisons ont été sauvées, sont tenus à dédommager ceux à qui les maisons ont été abattues, chacun à la discrétion de la Justice.

(39) Ahrens, « Cours de droit naturel » : Quand un homme, dans un cas de vraie nécessité, où il y a danger immédiat pour la vie, attente à la propriété d'un autre pour se procurer à soi-même ou aux siens les moyens de vie dont il a immédiatement besoin, il commet un acte qui, tout en restant injuste, ne doit pas être puni.

(40) Pugnières (Juris-classeur pénal, art. R.644-2 n° 30 : Lorsqu’il est reconnu par le tribunal, l’état de nécessité est une excuse qui entraîne la relaxe du prévenu.

(41) Mommsen, « Le droit pénal romain » T. I, p.6 : La séparation des règles juridiques et de leur application, ou, suivant la formule habituelle, du droit et de la procédure, en général regrettable au point de vue scientifique, ne convient nullement au droit criminel, et est, au moins pour partie, responsable de la faiblesse de la littérature juridique en cette matière.

(42) Puech, « Droit pénal général » p.286 n° 813 : Au-delà des faits justificatifs qui ont leur source dans la loi, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent une valeur justificative autonome à l’état de nécessité, c’est-à-dire à la situation dans laquelle se trouve une personne qui pour se sauvegarder ou sauvegarder autrui à un péril étranger à toute qualification pénale choisit de commettre un acte normalement délictueux plutôt que de laisser le danger se réaliser.

(43) Constant, « Traité de droit pénal » (1966) T.I p.385 et s. traite dans l’ordre suivant  les Circonstances exclusives de criminalité  : Acte ordonné par la loi et commandé par l’autorité - Démence - Force majeure, contrainte - État de nécessité - Légitime défense - Actes accomplis en vue de soutenir la résistance à l’ennemi - Consentement de la victime - Erreur ou ignorance.

(44) Foriers, « De l’état de nécessité en droit pénal » (Bruxelles 1951) p.338 n° 508 : Il y a une frontière à partir de laquelle la loi pénale ne jouerait plus son rôle, aurait des conséquences artificielles, absurdes, contraires à notre éthique.

(45) Vidal et Magnol, « Cours de droit criminel » (9e éd.) T.I p.376 n° 226 : L’impunité des attentats commis sous la pression de la nécessité se rattache à cette idée que l’État ne peut, par la loi positive et pénale, imposer des actes d’héroïsme… On peut ajouter avec la théorie positiviste que l’impunité est ici sans danger social parce que cet acte n’est pas inspiré par des motifs antisociaux.

(46) Donnedieu de Vabres, « Traité de droit criminel » (3e éd.) p.223 n°385 : Pour rendre juridiquement compte de l’impunité qui est assurée à l’auteur du délit nécessaire, on doit renoncer à considérer la personne de l’agent, pour se placer au point de vue objectif, suivant l’ancienne tradition germanique et féodale. L’impunité s’explique et se justifie parce qu’il n’existe aucune raison de punir. L’amendement est inutile, l’acte ne révèle aucune perversité ; l’intimidation de même, car selon toute vraisemblance, les circonstances exceptionnelles qui ont déterminé la commission du délit ne se reproduiront pas. La menace d’une peine serait d’ailleurs inopérante à l’égard d’un homme qui a de pressantes et légitimes raisons d’agir. Le délit nécessaire ne peut, en aucun cas, être considéré comme un acte antisocial.

(47) Pugnières (Juris-classeur pénal, art. R.644-2 n°16) : Le deuxième élément constitutifs de la contravention d’entrave à la libre circulation sur la voie publique est que le dépôt soit fait sans nécessité.

(48) Jolivet, « Traité de philosophie morale » (2e éd.) p. 342 n° 332) : Le cas de nécessité extrême est à résoudre d’après les principes applicables aux conflits de droits. Entre le droit du propriétaire sur son bien et le droit d’autrui à la vie. Il est clair que c’est ce dernier qui doit prévaloir, car les biens de la terre ont pour fin de faire vivre les hommes.

(49) Garraud, dans son « Traité de droit pénal » (3e éd.) T.I p.290 n° 134, a entrevu cet aspect de l’infraction : Lorsqu’une juridiction pénale déclarer un individu coupable d’une infraction, cette déclaration implique qu’elle a constaté … 1° un élément matériel, 2° un élément moral, 3° un élément légal, 4° que l’acte ne se justifiait pas par l’exercice d’un droit (élément injuste).

(50) Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.) p.94 n°133.

(51) Code pénal du Vietnam. Art. 16 1° al.2 : Les actes causant un dommage, alors qu’ils sont commis sous l’effet de circonstances urgentes, ne constituent pas des infractions pénales.

(52) Code pénal du Brésil. Art. 23 - Exclusion de l’illégalité - Il n'y a pas infraction quand l'agent qui a commis l’acte se trouvait dans un état de nécessité.

(53) Von Liszt, « Traité de droit pénal allemand » (Paris 1911) T.I p.207 : L’illégalité de l’infraction n’a pas besoin, puisqu’elle va de soi, d’être spécialement relevée dans la loi. Cependant, le législateur a incorporé l’élément constitutif de l’illégalité dans la définition particulière de certaines infractions. Dans ce cas le jugement devra constater expressément l’illégalité.

(54) Laur (Juris-classeur pénal, art. R.654-1 n° 23) : Si la loi Grammont ne punissait que les mauvais traitements exercés « abusivement », le texte actuel dit « sans nécessité », ce qui a à peu près le même sens et signifie que les mauvais traitements, qui normalement tomberaient sous le coup de la loi, peuvent échapper à la répression s’ils ont un motif légitime ; la nécessité est une sorte de fait justificatif : écornage des bestiaux… [on observera que cet auteur se réfère à la notion d’acte légitime, et qu’il met ce moyen de défense en marge des faits justificatifs]

(55) Code pénal français de 1993. Art. 445-1 : Commet une infraction quiconque … volontairement cause à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité.

(56) Code pénal françaisde 1810. Art. 471 4° : Seront punis d’une amende … 4° Ceux qui auront embarrassé la voie publique, en y déposant ou y laissant, sans nécessité, des matériaux ou des choses quelconques qui empêchent ou diminuent la liberté ou la sûreté du passage.

(57) Code pénal de l’Équateur. Art. 604 : Sera puni d’une amende : 15° Celui qui tire des coups d’armes à feu, sans nécessité, dans un rassemblement, sur une place, dans une rue ou sur une promenade publique.

(58) Code pénal de Tunisie. Art. 102 : Est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 francs, le fonctionnaire ou assimilé qui, sans observer les formalités requises ou sans nécessité démontrée, pénètre dans la demeure d'un particulier contre le gré de celui-ci.

(59) Code pénal du Cameroun. Art. R.367 : Sont punis d'une amende … Ceux qui encombrent la voie publique en y déposant ou en y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui empêchent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage.

(60) Code pénal du Kazakhstan. Art. 144 : Le fait par un employé d’un service médical, sans nécessité professionnelle ou autorisation officielle, de donner des informations sur la maladie ou sur les résultats d’un examen médical d’un patient… sera puni d’un travail correctionnel pour une durée d’un an au plus.

(61) Stéfani et Levasseur, « Procédure pénale » (2e éd.) n° 293 : Personne ne conteste que ce soit au ministère public de faire la preuve que le prévenu … a accompli les agissements constituant l’élément matériel de l’infraction … Il en est ainsi quand bien même l’élément matériel consisterait en un fait négatif.

(62) Trousse, « Novelles de droit pénale belge » T.I (II) n° 3396 : La partie poursuivante doit faire la preuve des éléments matériels de l’infraction. Sur ce point, il n’y a guère d’hésitation que pour les éléments négatifs énoncés dans le texte d’incrimination… Pour qu’il y ait embarras de voirie réprimé par l’art. 551 4° C.pén., il faut que l’auteur ait agi sans nécessité …. Ce n’est pas au prévenu à établir … qu’il s’est trouvé dans la nécessité d’embarrasser la voirie. C’est au ministère public qu’il incombe d’apporter la preuve de l’élément négatif.

(63) Cass.belge 23 octobre 1973 (Pas. 1974 I 197) : Si l’exploitant d’un établissement qui cause des bruits nocturnes nécessairement liés à cette exploitation omet de prendre les mesures adéquates pour empêcher que ces bruits n’excèdent des limites raisonnables, il contrevient à la loi.

(64) Bertaut (Le directeur des confesseurs) Lyon 1674 p. 21 : Il n’y a pas de loi qui oblige en conscience de manière si générale, qu’il ne soit permis en certains cas et pour certaines circonstances, d’agir contre elle. Car le législateur, en faisant une loi universelle, ne peut pas prévoir ni y comprendre tous les cas particuliers qui peuvent arriver, accompagnés de certaines circonstances, tellement équitables, qu’il serait hors de la raison de les comprendre dans la généralité de la loi, et, partant, ils doivent être exceptés, selon l’interprétation de l’intention du législateur, lequel en faisant sa loi, s’il eût été interrogé sur un tel cas, il eût assurément répondu n’entendre qu’ils y fussent compris.

(65) Vitu (Rev.sc.crim. 1986 p.87/91) : Il faut placer au centre de l’état de nécessité la notion de danger grave, danger autour duquel se regroupent les premières conditions de l’état de nécessité.

(66) R. et P. Garraud, « Précis de droit criminel » (15e éd.) p.314 n° 126 : L'explication moderne, mais qui n'est qu’un retour atavique à d’anciennes conceptions, délaisse l’idée de la contrainte morale et ramène le problème à un conflit de droits ou de biens résultant de ce que la lésion de l’un des droits ou des biens est absolument nécessaire à la conservation de l’autre.

(67) Sénèque a pu écrire que La nécessité engendre la loi du moment.

(68) Vouin, « Manuel de droit criminel » p.183 n° 272 : Faute de pouvoir l’établir sur un fondement préconstitué, il faut admettre la justification de l’état de nécessité à partir de considérations purement rationnelles. Beaucoup d’auteurs n’hésitent pas à le faire. Ils relèvent très justement deux ordres d’arguments. D’une part, l’acte accompli en état de nécessité échappe à la loi qui ne peut ni le prohiber ni le punir et reste hors du droit pénal. D’autre part, cet acte ne traduit aucune perversité chez son auteur, ne nuit pas à la société et lui est même utile, si le choix qu’il exprime répond à un jugement de valeur sainement porté.

(69) Levasseur, « Cours de procédure pénale » (Paris 1959-1960) : Le principe de la légalité domine à notre sens, l’ensemble de la répression, et pas seulement, comme la plupart des auteurs semblent le dire, les incriminations et les peines.

(70) Robert, « Droit pénal général » (4e éd.) p.265 : Le nouveau texte offre une grande satisfaction à la doctrine, mais il ne sortira pas l’état de nécessité du rôle subalterne que la pratique judiciaire lui a assigné.

(71) Garçon, « Code pénal annoté » (1e éd.) art. 463 n° 19 : Les circonstances atténuantes peuvent être définies : une excuse judiciaire qui, accordée arbitrairement par le juge, lui permet d’abaisser la peine dans la mesure fixée par la loi… Elles résultent de toutes les circonstances qui diminuent, soit la gravité objective du délit, soit la culpabilité subjective de l’agent, mais qui échappent nécessairement, à raison de la variété des espèces, à toute prévision du législateur.

(72) Vitu, « Procédure pénale » (PUH 1957) p.241 : Dans la mise en mouvement des poursuites, l’attitude du ministère public peut être dictée par deux conceptions opposées. On peut d’abord, s’inspirant du principe dit de la légalité des poursuites, lui imposer de poursuivre toute infraction dont il est informé… Dans ce système, la mise en mouvement de l’action publique n’est pas laissée à l’arbitraire des magistrats chargés de la poursuite. On peut à l’inverse admettre l’opportunité des poursuites ; on laisse alors le parquet libre de donner la suite qu’il veut à l’affaire portée à sa connaissance … L’adoption du principe de légalité dans la mise en mouvement de l’action publique est dangereuse : le parquet peut se voir contraint de poursuivre même des affaires insignifiantes, ou dont la répression peut être plus préjudiciable qu’utile. Le droit français a consacré le principe de l’opportunité. [sous certaines réserves]

(73) Chavanne (Juris-classeur pénal annexes v° Presse) Fasc. 90 n° 117 : La loi punit la diffamation et l’injure, mais la liberté d’opinion est une liberté qu’on ne peut enserrer dans des limites trop étroites sans risquer de mettre la liberté sous le boisseau, et le principe doit rester celui de la libre critique des idées. La jurisprudence a, sur ce point, édifié toute une casuistique de la liberté d’information, très nuancé à l’aide du concept de bonne foi.

(74) Faustin Hélie, « Traité de l’instruction criminelle » (2e éd.) T.VII, p.332 n° 3285 : Le pouvoir discrétionnaire du président est nécessaire. Les débats d’une affaire ne suivent pas exactement la voie ouverte par l’instruction écrite ; ils ne sont pas fatalement enfermés dans les mêmes errements, enchaînés aux mêmes preuves. Des incidents imprévus les traversent sans cesse et les font dévier d’un côté ou d’un autre… Il faut que les preuves produites puissent être complétées, que les pièces dont l’apport paraît utile puissent être apportées, que les vérifications qui deviennent indispensables puissent être faites. C’est à ce besoin de l’audience que répond le pouvoir attribué au président des assises : il pourvoit à toutes les exigences du débat, il résout toutes les difficultés

(75) Merle et Vitu, « Traité de droit criminel » T.I (7e éd.) p.1032 n° 871 : On accuse la grâce de faire double emploi avec d’autres techniques du droit pénal moderne, telles le sursis, la libération conditionnelle, l’amnistie, qui permettent très largement de remédier aux rigueurs ou aux erreurs de la justice pénale. Mais ce reproche n’est guère fondé… La grâce complète ces différents mécanismes lorsqu’ils n’ont pas été mis en œuvre ou ne peuvent pas fonctionner. Parfois, elle permet d’en devancer l’effet d’une manière heureuse.

(76) Renaut (Le droit de grâce doit-il disparaître ? Rev.sc.crim. 1996 575) : La grâce est intimement liée au droit de punir que se reconnaît toute société organisée. C’est l’éternel tandem répression et clémence.

(77) Von Liszt, « Traité du droit pénal allemand » (Paris 1911), TI p.425 § 75 : La grâce doit servir en tant « correctif de la justice par elle-même » (Selbstkorrektur des Gerechtigkeit), et que « soupape de sûreté du droit » (Sicherheitsventil des Rechts),à mettre en valeur, vis-à-vis des généralisations rigides du droit, les exigences de l’équité (mais toujours en faveur du condamné ; elle peut servir à réparer une erreur (réelle ou présumée) du juge ou à aider, aux dépens du droit, au triomphe de la sagesse de l’État. [nous avons souligné la formule « soupape de sûreté du droit », parce que nous n’avons trouvé ce passage de Von Liszt qu’après avoir employé nous-même cette expression]

Signe de fin