Cass.crim. 17 novembre 1848
(S. 1848 I 651)
Transportés de juin
Cent
neuf transportés de juin, actuellement en rade de Cherbourg, se sont pourvus en
cassation contre les décisions des Commissions militaires qui ont ordonné leur
transportation. Ils ont excipé : 1° : d’une prétendue incompétence,
résultant de la forme dans laquelle les Commissions militaires avaient
procédé ; 2° : d’un prétendu excès de pouvoir résultant de ce que la
transportation, sans jugement préalable, n’est pas au nombre des peines
légalement applicables.
M.
V...-Saint L...t, conseiller rapporteur, après avoir exposé les motifs du
pourvoi, a donné lecture des conclusions écrites, par lesquelles M. le
procureur général demande le rejet du pourvoi, tant en la forme qu’au fond, en
ce que les décisions contre lesquelles les demandeurs se sont pourvus n’ont pas
le caractère de décisions judiciaires.
Aux
termes de l’article 2 du décret des 27 novembre et 1er décembre
1790, continue M. le rapporteur, la Cour de cassation est instituée pour
prononcer sur toutes les demandes en cassation contre les jugements rendus en
dernier ressort et pour statuer sur les conflits de juridictions. La première
question que vous avez donc à vous poser, c’est de savoir si les décisions des
Commissions militaires, contre lesquelles le pourvoi est dirigé, constituent de
véritables jugements ?
Sur
ce point, il importe de remettre sous les yeux de la Cour le texte du décret du
27 juin, qui ordonne une instruction contre les insurgés de juin, et décide que
ceux qui seraient reconnus avoir pris part à l’insurrection seraient
transportés. Nous appelons également vote attention sur la discussion à
laquelle a donné lieu ce décret de l’Assemblée nationale. Il paraît bien en
résulter que ce n’est pas à titre de peine, mais comme mesure de sûreté
générale, que l’on a décrété la transportation. C’est en effet un point sur
lequel le rapporteur a particulièrement insisté, et l’Assemblée a d’ailleurs
rejeté tous les amendements ayant pour but de demander que la transportation ne
fût prononcée que contre ceux qui auraient été reconnus coupables par les
tribunaux.
M. Ch. N..., avocat général, a dit en substance : Par les motifs exposés dans le réquisitoire du procureur général et dans le rapport, nous estimons que l’appréciation des actes exercés par voie de délégation, au nom du Pouvoir exécutif, ne rentre pas dans la compétence de la Cour de cassation. J’ajoute que si, par impossible, il pouvait en être autrement, et qu’on dût assimiles à des jugements les décisions des Commissions militaires, le pourvoi en saurait encore être recevable, n’ayant pas été formé en temps utile…
Arrêt (après délibération en la chambre du conseil)
La Cour ;
Attendu que le décret rendu le 27 juin dernier par l’Assemblée nationale a ordonné par son article 1er, comme mesure de sûreté générale, la transportation des individus qui seraient reconnus avoir pris part à l’insurrection du 23 juin et jours suivant ;
Que par son article 4, le Pouvoir exécutif a été chargé de procéder à l’exécution de cette mesure ;
Attendu que les décisions des commissions militaires que le chef du Pouvoir exécutif a établies par son arrêté du 9 juillet pour statuer sur les individus sujets à être transportés, ne sont autres que l’exécution, par voie de délégation, des mesures confiées au Pouvoir exécutif par l’art. 4 du décret ci-dessus cité ; qu’elles n’ont donc aucun caractère judiciaire ;
Qu’il ne peut appartenir à la Cour de cassation de s’immiscer dans une matière qu’une loi formelle attribue expressément au Pouvoir exécutif.
Dit qu’il n’y a lieu de statuer.
*
Cass.crim. 6 juillet 1993 (Gaz.Pal. 1993 II 458 note Doucet, Bull.crim. n° 240 p.601).
R...
Sur
le moyen de cassation pris de la violation des art. L. 11, L.11-1, L.13, L.14,
213 et 214 C.route, du décret n° 92-559 du 25 juin 1992, des art. R.25, R.26
et 43-3 C.pén., des art. 6.1 et 7 de la Conv. EDH, de l’art. 13 de la loi
des 16-24 août 1790, des art. 591 et 593 C.pr.pén.;
En
ce que l’arrêt infirmatif attaqué a dit et jugé que le juge répressif était
incompétent pour constater que la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 était
inapplicable par elle-même et pour déclarer illégal le décret d’application
n° 92-559 du 25 juin 1992 ;
aux
motifs que « le retrait de points » ne constitue pas une peine accessoire, mais
une mesure purement administrative ;
alors que le « retrait de points » instauré par la loi du 10 juillet 1989 a le caractère d’une peine accessoire, attachée à la constatation, par le juge répressif d’une infraction pénale; que c’est à tort que la cour d’appel a dit que le juge répressif était incompétent pour apprécier la légalité du décret d’application de cette loi ;
et alors que le refus, par un juge répressif, de s’interroger sur la légalité d’une peine qui s’attache à la constatation d’une infraction, constitue une infraction aux art. 6.1 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme » ;
Attendu que la Cour d’appel a, à bon droit et sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées, écarté l’exception d’illégalité soulevée par le prévenu et reprise au moyen ;
Qu’en effet, il résulte de l’article L.11-4 C.route, excluant l’application des art. 55-1 C.pén. et 799 C.pr.pén. à la perte de points affectant le permis de conduire, que cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction pénale, accessoire à une condamnation, et qu’en conséquence son fondement légal échappe à l’appréciation du juge répressif...
Rejette...
*
Cass.crim. 6 juillet 1976 (Bull.crim. n° 251 p.659).
M... et autre.
Sur le moyen de cassation pris de la violation des articles 55 et 57 du Code des débits de boissons et 593 C.pr.pén., défaut de motifs et manque de base légale...
Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que M..., condamné le 18 juin 1970 à une des peines prévues à l’art. L.55 al.2 C.déb.boissons, a, malgré cette interdiction, exploité en 1973 et 1974, un débit de boissons à consommer sur place appartenant à X...; que les juges du fond l’ont déclaré coupable d’avoir enfreint ledit article et l’art. L.57 du même code et que l’arrêt a, en outre, prononcé la fermeture définitive du débit irrégulièrement exploité ;
Attendu qu’en cet état, la Cour d’appel a justifié sa décision; qu’en effet, d’une part, l’art. L.57 C.déb.boissons institue, dans son premier alinéa la peine applicable en cas d’infraction aux art. L.54, L.55 et L.56, et dans son deuxième alinéa les peines d’amende et d’emprisonnement encourues en cas de récidive, que les troisième et quatrième alinéas instituent en outre la peine complémentaire de la fermeture de l’établissement qui s’impose au juge et qui est définitive en cas d’infraction aux art. L.55 et L.56, comme dans l’espèce et qui, au contraire, n’est que facultative et temporaire, sauf s’il y a récidive, si l’infraction est celle prévue à l’art. L.54 ;
que d’autre part les dispositions de l’art. L.57 dudit code, qui ordonnent la fermeture du débit irrégulièrement exploité, trouvent application par le seul fait que l’infraction a été commise; que cette mesure présente un caractère réel qui atteint l’entreprise trouvée en défaut, en quelques mains qu’elle soit, alors même que la situation irrégulière aurait effectivement cessé ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis...
Rejette...
Note. - De même, Cass.crim. 5 décembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 II somm. 271) : La fermeture d’un débit de boissons prise par le juge d’instruction en application de l’art. 629-1 C. santé publ. constitue une mesure de sûreté à caractère réel et, dès lors, ne lui sont pas applicables les dispositions conventionnelles relatives aux droits de l’homme.
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Conseil constitutionnel 20 janvier 1994 (Gaz.Pal. 1994 1 Lég. p.229)
Aux termes de l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée »;
Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s’étendent au régime des mesures de sûreté qui les assortissent; en l’absence de disproportion manifeste avec l’infraction commise, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur ;
Il est loisible au législateur de fixer les modalités d’exécution de la peine et notamment de prévoir les mesures énumérées à l’art. 132-23 C.pén. ainsi que de déterminer des périodes de sûreté interdisant au condamné de bénéficier de ces mesures ;
L’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion.
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Cass.crim. 28 septembre 1838 (S. 1839 I 445)
F...
Attendu, en droit, que les peines attachées à l’infraction des règlements de police doivent être prononcées exclusivement contre ceux qui s’en sont rendus coupables, lors même qu’ils n’ont pas encore atteint leur majorité, puisque les art. 74 C.pén. et 1384 C.civ. n’assujettissent les pères et mères qu’à la réparation civile du dommage résultant des contraventions commises par leurs enfants mineurs, habitant avec eux, et les affranchissent même de toute responsabilité, quand ils prouvent l’impossibilité où ils ont été d’empêcher le fait constitutif de ces contraventions ;
Attendu, en fait, que F..., fils puîné, négociant marchand-drapier, est prévenu, suivant le procès-verbal dressé à sa charge le 20 août dernier, d’avoir laissé vaguer dans la rue, sans être muselé, conformément aux arrêtés, un chien bouledogue qui lui appartient; - Qu’il s’est borné à exciper de sa minorité, pour prétendre que son père pouvait seul être poursuivi à ce sujet ;
Que le jugement dénoncé ne déclare point d’ailleurs que les témoins entendus à l’appui de la prévention aient déposé, comme le prévenu l’alléguait, que ledit chien ne soit pas sa propriété personnelle, ni qu’il n’en fût pas naturellement le gardien au moment de la contravention dont il s’agit; - Que néanmoins ce jugement, tout en reconnaissant qu’on voit souvent avec lui le chien en question, a relaxé de la poursuite ledit F..., sur le motif que tout ce dont il jouit est à son père, et que celui-ci aurait dû être personnellement actionné; d’où résulte la fausse application tant des art. 74 C.pén., et 1384 C.civ, que l’art. 159 C.instr.crim.;
Casse...
Note. - Ce principe a été rappelé par Rennes 29 octobre 1984 (Gaz.Pal. 1985 I 191) : Nul n’est punissable qu’à raison de son fait personne ; aucune condamnation ne saurait donc être prononcée à l’encontre de ceux qui n’ont pas participé à l’infraction, ni comme auteur, ni comme complice, et sont totalement étrangers aux faits délictueux.
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Peines complémentaires. En cas de pluralité de condamnations à l’interdiction d’émettre des chèques, cette peine ne se cumule que dans la limite du maximum prévu par la loi : Cass.crim. 5 octobre 1978 (F...).
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Peines disciplinaires. Voir Cass. (Ch.réunies) 31 janvier 1888 (V...), prononçant contre un juge d’instruction la peine de la censure.
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