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Cass.crim. 29 janvier 1936 (DH 1936 134)
C...
Sur le moyen pris de la violation des art. 1er, 2, 3, 4 de la loi du 25 mai 1836, modifiée par la loi du 23 avr. 1924, et de l’art. 410 C.pén., violation du principe de la personnalité des peines et de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, manque de base légale...
Attendu que toute décision judiciaire doit être motivée; que l’insuffisance des motifs équivaut à l’absence de motifs et qu’il appartient au juge correctionnel de constater l’existence de tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime;
Attendu que l’arrêt attaqué, après avoir énoncé que le prévenu n’a accompli aucun acte positif susceptible de lui être reproché, constate seulement qu’il a laissé organiser une loterie irrégulière dont sa qualité de président de la société L.B... ne lui permettait pas d’ignorer l’existence;
Attendu qu’en ne visant ainsi qu’une simple abstention sans spécifier aucun fait de nature à constituer l’infraction réprimée, la Cour d’appel n’a pu, par l’insuffisance de ses motifs, donner à sa décision une base légale;
Par ces motifs, Casse...
Note. - De même, Cass.crim. 23 novembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I somm. 162, Bull.crim. n° 376 p.919) : Sauf lorsque la loi en dispose autrement, nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.
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Cass.crim. 28 février 1956 (JCP 1956 II 9304 note de Lestang, D.1956 391).
W...
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’art. 25 de la loi du 15 avril 1829, modifié par la loi du 9 février 1949; - Vu ledit article ;
Attendu que l’art. 25 de la loi du 15 avril 1829, modifié par la loi du 9 février 1949, punit des peines correctionnelles qu’il édicte quiconque aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le poisson ou à le détruire; que le même article ajoute, dans son troisième alinéa, qu’aucune transaction par l’Administration n’est possible pour cette infraction, sauf s’il s’agit de pollution involontaire provoquée par des déversements industriels;
Attendu qu’après avoir exposé que le 7 mai 1949 les eaux de la rivière la Fecht ont été polluées, en aval de la papeterie S..., par un écoulement d’eaux résiduaires déversées par l’égout de ladite usine, et qu’il en est résulté la destruction de très nombreux poissons, l’arrêt attaqué, pour relaxer W..., gérant-directeur de l’entreprise, de la prévention de déversement dans un cours d’eau de substances nuisibles au poisson, énonce que le susnommé avait « doté l’Usine S... d’une installation moderne de décantation des eaux résiduaires donnant toutes satisfactions et suffisante en tout cas puisque le fait reproché au prévenu est sans précédent si bien que les importantes quantités de poissons détruits accidentellement ont pu vivre en temps normal dans les eaux de la Fecht », ajoutant que « la pollution des eaux est due à un accident imprévisible qui s’est produit en l’absence du prévenu »;
Mais attendu que contrevient aux dispositions de l’art. 25 de la loi du 15 avril 1829, modifié par la loi du 9 février 1949, quiconque a déversé volontairement, dans un cours d’eau des substances quelles qu’elles soient, de nature à enivrer le poison ou à le détruire et quels qu’aient été, d’ailleurs les mobiles qui ont guidé l’auteur de ce déversement; - Que, d’autre part, si en principe nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d’autrui dans les cas exceptionnels où certaines obligations légales imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un subordonné; que notamment, dans les industries soumises à des règlements édictés dans un intérêt de salubrité ou de sûreté publiques, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs d’entreprises, à qui sont personnellement imposés les conditions et le mode d’exploitation de leur industrie;
Attendu, en conséquence, que l’arrêt attaqué, qui constate, d’une part qu’un déversement d’eau résiduaire nuisible au poisson, et provenant de la papeterie S... a été volontairement effectué, le 7 mai 1949, dans la rivière la Fecht, et que ce déversement a, en fait, causé la destruction du poisson, d’autre part, que W... était le gérant-directeur de ladite papeterie, n’a pas donné une base légale à sa décision de relaxe et a par suite violé le texte visé au moyen;
Par ces motifs, Casse... (dans le seul intérêt de la loi)
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Cass.crim. 10 janvier 1963 (Gaz Pal. 1963 I 267, Bull.crim. n° 19 p.36).
B...
Sur le moyen de cassation pris de la violation des art. 64 et 172 du Livre II du Code du travail, et de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810...
Attendu que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que l’ouvrier étranger C... a été embauché sur un chantier de la Compagnie générale de travaux publics à Orly (Seine) et travaillait sur ce chantier le 25 janvier 1961, alors que sa carte de travail ne lui permettait de se livrer à une activité salariée que dans le département du Loir-et-Cher;
Attendu que, par conclusions régulièrement déposées devant la Cour, le demandeur a soutenu que cet ouvrier étranger avait été embauché par le directeur régional du centre que possède la société à Montlhéry pour travailler sur un chantier à Orly, et qu’en ce qui le concernait il n’avait pris aucune part personnelle dans cette embauche, tout à fait étrangère à ses fonctions de président-directeur général;
Attendu que l’arrêt attaqué, en omettant de rechercher si, conformément à ces conclusions, ledit ouvrier avait été embauché dans un service dont le demandeur avait délégué la direction à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l’autorité nécessaires pour veiller efficacement à l’observation de la loi, n’a pas répondu à ce moyen péremptoire de défense;
Qu’il suit de là que la Cour d’Appel n’a pas justifié sa décision ;
Par ces motifs, casse...
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Cass.crim. 30 mai 1996 (Le P..., Gaz.Pal. 1996 II Chronique) :
Celui qui, en fait, exploite personnellement un débit de boissons est chargé d’assurer, dans son établissement, le respect des dispositions du Code des débits de boissons; il est pénalement responsable des infractions qui y sont constatées.
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Sur la responsabilité pénale des très jeunes enfants, voir : Cass.crim. 13 décembre 1956, (arrêt L...).
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Cass.crim. 26 novembre 1963 (Gaz.Pal. 1964 I 189 et notre note, Sté A... G...) :
L’amende est une peine ; toute peine est personnelle, sauf les exceptions spécialement prévues par la loi ; elle ne peut donc être prononcée contre un être moral, tel qu’une société anonyme, laquelle peut seulement être déclarée civilement responsable en cas d’infraction à la loi commise par ses dirigeants ou préposés.
Note. Ce principe était parfaitement établi avant le nouveau Code pénal ; voir aussi : Cass.crim. 18 février 1927 (S. 1928 I 291, M...). Il reste valable d’un point de vue technique.
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Cass.crim. 18 avril 2000 (Bull.crim. n° 153 p.451) sommaire :
Il résulte de l’art. 121-2 C.pén. que la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être mise en œuvre que si elle est expressément prévue par une disposition spéciale pour l’infraction considérée.
Note. D’un point de vue purement technique, cette décision confirme que notre droit ne retient la responsabilité pénale des personnes morales que dans certains cas précis. Autant dire que nous demeurons régis par le principe de la non-responsabilité pénale des personnes morales.
C’est la sagesse : le noyau dur du droit pénal est constitué par des infractions intentionnelles ; or une personne morale ne saurait nourrir une telle intention, et ne peut vraiment se voir reprocher que des infractions de police.
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Cass.crim. 7 juillet 1998 (Bull.crim. n°216 p. 626, 3e
moyen)
Société Z... - R...
Sur
le troisième moyen de cassation proposé pour la société Z...-R... et pris
de la violation des articles 121-2 et 121-3 du nouveau Code pénal, 324-9 et
362-6 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et
manque de base légale :
en ce que l’arrêt confirmatif a reconnu la société anonyme Z...-R... coupable du délit de recours aux services d’une entreprise clandestine ;
aux
motifs que l’implication du directeur général, administrateur de fait de la SA
Z...-R..., associée surabondamment à celle de son fils, également membre
du conseil d’administration, amène à retenir la responsabilité pénale de la société
anonyme conformément à l’article L 362-6 du Code du travail ;
alors, d’une part, que la responsabilité pénale d’une personne morale ne peut être recherchée du fait des agissements de ses administrateurs ou représentants qu’à la condition que ces faits aient été réalisés pour son compte ; qu’ainsi la seule référence à l’implication d’organes ou de représentants de la société dans la commission de l’infraction poursuivie ne suffit pas à caractériser cet élément constitutif de la responsabilité pénale de la société; que, dés lors, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
alors, d’autre part, que seules les fautes
intentionnelles commises par les organes ou les représentants des personnes
morales peuvent engager la responsabilité de celles-ci ; qu’en s’abstenant
de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie par
lesquels les requérants faisaient valoir que, si R. R... revêtait la
qualité de représentant de la société, son fils
ne possédait ni
la qualité d’organe ni celle de représentant de la société ; que les
pièces du dossier démontraient que R. R... ignorait le caractère
clandestin de l’entreprise G..., circonstances d’où il résultait que les
conditions nécessaires à la responsabilité pénale de la société n’étaient pas
réunies, la Cour n’a pas légalement justifié sa décision ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, pour l’exécution de marchés de travaux qui lui étaient confiés, la société Z...-R... a eu recours, entre les mois de mai 1994 et décembre 1995, aux services de F. G..., qui exerçait une activité de carreleur et employait plusieurs salariés sans avoir accompli l’une quelconque des obligations prévues par l’article L. 324-10 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ; qu’à la suite de ces faits, le ministère public a fait citer devant le tribunal correctionnel, notamment la société Z...-R... et son directeur général, R. R..., pour infraction à l’article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que, pour les déclarer coupables de ce chef, la Cour d’appel énonce que R. R..., directeur général chargé, par délégation, de l’administration de la société Z...-R..., ne pouvait ignorer le caractère clandestin de l’entreprise de F. G... ; que les juges relèvent, notamment, que le prévenu avait recruté lui-même l’un des salariés employé par cette entreprise ; qu’ils ajoutent que la participation de F. G... à l’exécution des travaux, avait été organisée, en connaissance de sa situation, par F. R..., administrateur de la société, lequel se trouvait placé sous l’étroite surveillance de son père R. R... ; que les juges retiennent encore que ce dernier savait, en raison de son expérience, que la société qu’il dirigeait était dans l’incapacité de terminer dans les délais contractuels les chantiers importants qu’elle avait en charge sans l’aide d’un sous-traitant irrégulier ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempts d’insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que R. R..., organe de la société Z...-R..., a eu sciemment recours, pour le compte de cette société, aux services d’un entrepreneur clandestin, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ; et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois…
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Cass.crim. 14 décembre 1999 (Bull.crim. n° 306 p.947)
Société S... C...
La Cour, sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des art. 111-4, 121-2, 131-38, 131-39, 222-19 al. 1er, 222-21, 222-44 et 222-46 C.pén., 2, 427, 485, 512, 591 et 593 C.pr.pén., défaut de motifs, manque de base légale.
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, et du jugement qu’il confirme, que les cinq entreprises du bâtiment chargées des travaux de gros œuvre du chantier de la ligne de métro Météor ont constitué une société en participation (SEP) et convenu de déléguer à un directeur de chantier les pouvoirs nécessaires pour lui permettre de prendre toutes mesures destinées à assurer, sur le site, l’hygiène et la sécurité de l’ensemble du personnel détaché sur le chantier; que chaque dirigeant a donné, par écrit, délégation de pouvoirs à B. C..., directeur de travaux, salarié de la société S... B... ; qu’aux termes de cet écrit, ce dernier a reçu le pouvoir d’engager les dépenses sur le chantier;
Attendu qu’un salarié de la société S... C..., faisant
partie de la SEP, a été blessé au cours d’une manœuvre de translation de
l’outil de coffrage; qu’à la suite de ces faits, les cinq sociétés intervenant
sur le chantier ont été poursuivies pour blessures involontaires;
Attendu que, pour déclarer la société S... C...,
employeur de la victime, coupable de ce délit, les juges relèvent qu’en ne
mettant pas à la disposition des travailleurs un instrument de travail
approprié, comme il en avait la mission et le pouvoir, B. C... a
enfreint les dispositions des articles L.233-5-1 et R.233-1 du Code du travail
et constatent que ce manquement est à l’origine des blessures subies par la
victime; qu’ils énoncent, qu’ayant reçu une délégation de pouvoirs régulière en
matière de sécurité du président du conseil d’administration de la société S...
C..., B. C... doit être considéré comme le représentant de cette
personne morale au sens de l’article 121-2 du Code pénal ; qu’ils en déduisent
qu’il a engagé la responsabilité pénale de cette personne morale en commettant
l’infraction de blessures involontaires pour le compte de celle-ci;
Attendu qu’en cet état, les juges ont justifié leur
décision, dès lors que la délégation de pouvoirs en matière de sécurité a été
consentie, par le représentant légal de chacune des entreprises intervenant sur
le chantier, à un préposé de l’une d’entre elles qui disposait effectivement
des pouvoirs, de la compétence et des moyens nécessaires à l’exécution de sa
mission; que, par ailleurs, le délégataire de pouvoirs représente la personne
morale, au sens de l’article 121-2 du Code pénal, en matière d’hygiène et de
sécurité;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
et attendu que l’arrêt est régulier en la forme…
Rejette…
*
Cass.crim. 9 novembre 1999 (Bull.crim. n° 252 p.786)
R...
La Cour, sur le moyen unique de cassation, pris de la violation par refus d’application de l’art. L. 131-2.6° du Code des communes, violation par fausse application des art. 221-6, 221-7, 121-1 du Code pénal, 1134, 1382 et 1384 du Code civil, ensemble violation de l’art. 593 C.pr.pén. non réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale.
Attendu qu’il résulte de l’arrêt et du jugement qu’il confirme que, le 1er janvier 1996 vers midi, sur le territoire de la commune du Freney-d’Oisans, une avalanche a provoqué l’ensevelissement de plusieurs skieurs sur la piste noire de Sarenne et le décès de l’un d’eux, D. A... ;
Que C. R...l, directeur des pistes, A.
R..., chef du secteur de Sarenne, tous deux au service de la société
d’aménagement touristique de l’Alpe-d’Huez (SATA), société d’économie mixte
chargée du fonctionnement des remontées mécaniques et de l’exploitation du
domaine skiable, et cette société elle-même, sont poursuivis pour homicide
involontaire;
Attendu que, pour déclarer C. R... et A.
R... coupables de ce délit, l’arrêt confirmatif attaqué énonce qu’ils ont
décidé d’ouvrir, pour la première fois, la piste sur laquelle s’est produit
l’accident, sans avoir, au préalable, déclenché des avalanches qui étaient
prévisibles, compte tenu notamment du fort risque signalé par le bulletin de la
station météorologique ;
Que, pour retenir, en outre, la responsabilité pénale
de la SATA, les juges, après avoir analysé les obligations contractuelles du
concessionnaire, tant envers la commune qu’envers les usagers du domaine
skiable, relèvent que le pouvoir de police du maire en matière de prévention
des avalanches, prévu par l’article L. 131-2.6° du Code des communes, devenu l’article
L. 2212-2.5° du Code général des collectivités territoriales, n’exclut pas, en
cas de méconnaissance des obligations de sécurité prévues par la loi, les
règlements ou le contrat, « la responsabilité de l’exploitant vis-à-vis de
l’usager, dans le cadre d’une délégation de service public industriel et
commercial relevant, sur ce point, du droit privé »;
Que l’arrêt ajoute qu’en prenant
d’un commun accord la décision fautive d’ouverture de la piste, C.
R... et A. R... ont, à l’égard du public, « exercé le pouvoir de
décision de la SATA, dans le cadre du contrat de remontées mécaniques et de son
obligation accessoire de sécurité », et avaient donc la qualité de
représentants de la société, au sens de l’article 121-2 du Code pénal;
Attendu qu’en l’état de ces
énonciations, d’où il se déduit que ces prévenus, pourvus de la compétence, de
l’autorité et des moyens nécessaires, avaient reçu une délégation de pouvoirs
de la part des organes de la personne morale, la cour d’appel, qui a répondu
sans insuffisance aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa
décision;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Rejette...
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Cass.crim. 30 octobre 2001 (Gaz.Pal. 1er octobre 2002 p.13) : Pour retenir à bon droit, la responsabilité pénale des personnes morales, en application de l’art. 121-2 C.pén., les juges relèvent que B… et E…, titulaires de délégations de pouvoirs, ont commis l’infraction pour le compte desdites sociétés.
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Cass.crim. 30 mai 2000 (Bull.crim. n° 206 p.607) :
Le salarié d’une société, titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, est un représentant de la personne morale au sens de l’art. 121-2 C.pén ; il engage donc la responsabilité pénale de celle-ci en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu’il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation.
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Cass.crim.
2 décembre 1980
(Bull.crim. n° 32 p.843, S. S...) :
Même dans des poursuites exercées en vertu de la loi du 29
juillet 1881, la juridiction correctionnelle a le pouvoir d’apprécier le mode
de participation du prévenu aux faits spécifiés et qualifiés dans la poursuite.
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Cass.crim. 9 avril 1813, (Bull.crim. n° 72, p.181).
Dame S..r et M...
Vu les art. 408 et 413 C.instr.crim.;
Attendu que l’art. 386 C.pén. punit de la peine afflictive et infamante de la réclusion, les vols commis par deux ou plusieurs personnes, dans un lieu habité ou servant à l’habitation; qu’il est déclaré par le jugement attaqué, « qu’il résulte de l’instruction que, pendant que la femme S... a commis le vol, le nommé M... a fait sentinelle devant la maison; qu’un vol commis dans une maison par un individu, tandis qu’un autre fait la garde en dehors de cette maison, est évidemment un vol commis par deux personnes, puisque, dans ce cas, les deux individus coopèrent au fait même du vol; que ce vol rentre donc dans l’application de la première disposition de l’art. 386 C.pén. »;
Que le Tribunal correctionnel de Coblentz saisi, par l’appel du Procureur impérial criminel, de la connaissance du jugement du tribunal de Bonn, rendu en faveur des prévenus, devait faire droit au réquisitoire de ce magistrat, tendant à leur renvoi devant le juge d’instruction;
Qu’en retenant le jugement de l’affaire, sous le prétexte que n’étant pas entré dans la maison où le vol a été commis, ce vol ne devait pas être considéré comme le fait de deux personnes, et en les condamnant l’un et l’autre à un emprisonnement de deux ans, le Tribunal correctionnel de Coblentz a fait une fausse application de l’art. 401 C.pén., et violé manifestement les règles de compétence établies par la loi;
D’après ces motifs, casse...
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Cass.crim. 9 juin 1848 (S. 1848 I 527, I...) :
Le coauteur d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment l’action, et devient par la force des choses légalement son complice.
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Cass.crim. 17 décembre 1859 (D..., ci-dessous). En matière contraventionnelle, ou la théorie de la complicité n’est pas applicable, un comparse peut être poursuivi en tant que coauteur.
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Cass.crim. 24 août 1827 (DP 1827 I 474).
L... et L...
Attendu qu’il résulte de la déclaration du jury, que A.L... et J-B. L... sont coupables d’avoir volé, ensemble et de concert, de la laine, dans la maison habitée par le nommé P..., chez lequel ledit A.L... demeurait en qualité de domestique à gages;
Que ce fait constitue le crime prévu par l’art. 386 C.pén., non seulement à l’égard de A.L..., domestique à gages, mais à l’égard de J-B.L..., quoi qu’il n’eût pas cette qualité;
Attendu, en effet, qu’aux termes de l’art. 59 C.pén. les complices d’un crime doivent être punis de la même peine que les auteurs mêmes; que le terme complice, dont se sert cet article, est une expression générale qui embrasse tous ceux qui concourent à une action défendue par la loi pénale, soit qu’ils l’aient provoquée avec les circonstances énumérées dans l’art. 60, soit qu’ils l’aient sciemment préparée ou facilitée, soit qu’ils aient coopéré à la perpétration de l’action même, et que, par là, ils s’en soient rendus co-auteurs;
Que des individus qui se concertent pour commettre un délit, et, concourent simultanément aux faits qui le consomment, sont nécessairement complices les uns des autres;
Que l’aggravation de peine, qui résulte de la qualité de l’un deux, doit s’étendre sur tous ; d’où résulte que l’arrêt attaqué a fait aux demandeurs une juste application de la peine;
Rejette...
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Cass.crim. 25 juillet 1912 (Gaz.Pal. 1912 II 452, M...)
Aucun principe de droit ni aucune
disposition de la loi ne s’opposent à ce que, dans une poursuite contre le
complice seul, les juges modifient la qualification des faits déclarés
constants à la charge de l’auteur principal par un précédent jugement devenu
définitif. La chose jugée dans ce précédent jugement ne peut pas être opposée
au complice qui n’y était pas partie.
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Cass.crim. 25 octobre 1962 (Bull.crim. n° 292 p.606, Gaz.Pal. 1962 II 283)
L....
Pourvoi
en cassation formé, dans le seul intérêt de la loi, par le procureur général
près la Cour de cassation, d’ordre du Garde des Sceaux, contre un arrêt rendu
le 16 novembre 1961 par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris,
qui a dit n’y avoir lieu à suivre dans une procédure suivie contre L...r, du
chef de tentative d’assassinat.
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l’art. 2 C. pén., défaut de motifs, manque de base légale;
Attendu qu’il résulte de l’exposé des faits de l’arrêt attaqué que L..., docteur en médecine et familier d’une dame W..., aurait conçu le projet d’attenter à la vie d’un sieur G..., fils adoptif de ladite dame W..., avec laquelle celui-ci vivait en mauvaise intelligence et aurait chargé R..., hôtelier au Cap-d’Antibes, d’exécuter ce projet; qu’il aurait eu avec R..., au cours du mois de novembre 1957, divers entretiens, au cours desquels il aurait dépeint G..., alors sous-lieutenant de parachutistes à Alger, comme étant le déshonneur de sa famille et la honte de l’armée; que R..., bien que répugnant à accomplir l’acte qui lui était demandé, et résolu, dès le début, à ne pas le commettre, aurait cependant donné le change sur ses intentions et feint d’accepter de jouer le rôle qui lui était proposé pour éviter que d’autres en fussent chargés; qu’il aurait, en conséquence, accepté de multiplier avec L... des entrevues qui auraient abouti, de la part de celui-ci, à un premier versement de 3.000.000 F, sur les 13.000.000 F qui devaient être le prix du service rendu, à la désignation de la victime, le 27 novembre, au bar de l’hôtel Aletti, à Alger, à des démarches répétées en novembre 1957 et janvier 1958 pour hâter le moment de passer à l’action, à s’enquérir de l’emploi du temps de G..., libéré du service militaire et élève steward à l’aéroport d’Orly, et enfin arrêter le moment, le lieu et les modalités du meurtre;
Que le 28 janvier 1958, après avoir, la veille, informé G... de l’agression dont il était menacé et obtenu de lui qu’il secondât ses desseins, R... aurait procédé à un simulacre d’enlèvement, persuadé L... de l’accomplissement de sa mission et obtenu de lui, le jour même et le lendemain, en trois versements, les 10.000.000 F complémentaires dont l’octroi était conditionné par la réussite de l’entreprise;
Attendu que l’arrêt attaqué ajoute qu’en dépit de certaines erreurs et contradictions dont la matérialité n’est pas discutable et des dénégations de L... qui, tout en reconnaissant avoir eu avec R... des contacts répétés à l’époque des faits, entend les placer sous le signe exclusif d’opérations immobilières dont il avait été chargé, la déposition de R..., partiellement vérifiée exacte par les données de la procédure, est susceptible de retenir l’attention dans la mesure où peuvent s’en dégager les éléments d’une infraction à la loi pénale; que si l’information ne permet de concevoir aucun doute sur la résolution criminelle de l’inculpé et sur la persistance de sa volonté homicide jusqu’à l’acte final auquel elle tendait, il importe de rechercher si, dans la phase de la réalisation des faits, certains actes matériels peuvent caractériser un commencement d’exécution; qu’en donnant des instructions à un tiers, et en lui remettant des fonds en vue de commettre un meurtre, de même qu’en lui désignant la victime et en préparant les modalités d’un enlèvement dont la perpétration était confiée audit tiers, L... n’était pas engagé personnellement dans la phase d’exécution du meurtre; qu’il l’était d’autant moins que celui dont il attendait l’intervention lui avait, en fait, refusé son concours; que les actes relevés à sa charge n’ayant pas un lien suffisamment direct et immédiat avec l’action de tuer ne peuvent être considérés comme étant constitutifs d’un commencement d’exécution; que ces actes répondent, sans doute, à la définition de la complicité donnée par l’art. 60 § l C.pén., mais échappent à la répression, par suite de la défaillance de R...;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré n’y avoir lieu à suivre au motif que l’agent avait volontairement inexécuté l’ordre de tuer la victime, alors que les agissements de l’inculpé, qui avait accompli tous les actes matériels lui incombant et devant aboutir à la consommation du crime, constituaient un commencement d’exécution punissable, ladite tentative n’ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de sa volonté;
Mais attendu qu’en l’état des constatations de fait précitées, les juges du fond ont pu déclarer qu’aucune infraction punissable ne pouvait être relevée contre L... et ainsi justifier leur décision de non-lieu; qu’il en résulte, en effet, que les actes retenus à la charge dudit L..., inculpé de tentative d’assassinat. ne constituaient que des actes préparatoires du meurtre dont l’exécution matérielle avait été confiée à R... et ne sauraient être considérés comme un commencement d’exécution, au sens de l’art. 2 C.pén.; que le commencement d’exécution n’est caractérisé que par des actes devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la période d’exécution;
Qu’en outre, si ces mêmes actes pouvaient être qualifiés d’actes de complicité, soit par provocation, soit par instructions données, ils ne sauraient tomber sous le coup de la loi pénale, en l’absence d’un fait principal punissable;
Qu’enfin il en est de même, en ce qui concerne la provocation non suivie d’effet, lorsque cette provocation n’est pas prévue et réprimée par un texte formel;
Par ces motifs, rejette le pourvoi...
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Cass.crim. 30 mai 1989 (Bull.crim. n°222 p.562, Rev.sc.crim. 1990 325 observations A.Vitu, reproduites ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur)
H...
La Cour,
Sur le second moyen de cassation proposé pour H...
et pris de la violation des articles 59, 60 et 296 C.pén., 593 C.pr.pén.,
défaut de motifs et manque de base légale :
en ce que l’arrêt attaqué a renvoyé H... devant la cour d’assises des Landes sous l’accusation de complicité d’assassinats et de destructions de biens immobiliers par incendie ;
alors, d’une part, que l’arrêt attaqué qui ne retient que l’existence des relations privilégiées existant entre H... et A..., lui-même renvoyé pour complicité de ces crimes, et des vives tensions existant entre l’inculpé et l’une des victimes n’a pas mis en évidence le moindre élément constitutif des infractions qui lui sont reprochées et n’a, dès lors, pas justifié légalement la décision de mise en accusation ;
alors, d’autre part, que la complicité de complicité n’est pas punissable ; qu’en renvoyant H... devant la cour d’assises des Landes sous l’accusation de s’être rendu complice par menaces et instructions à A... des crimes d’assassinats et de destructions par incendie dont A... lui-même aurait été complice par instructions données aux auteurs principaux, la Cour n a pas légalement justifié sa décision ;
Attendu qu’après avoir exposé les circonstances dans lesquelles B..., M... et A... auraient volontairement donné la mort à J-C B..., L. G... et M. L... au cours d’une expédition contre le « Club de chasse de B... » et auraient mis le feu aux bâtiments, la chambre d’accusation rapporte que les trois inculpés précités auraient été recrutés par l’intermédiaire d’A... qui leur aurait transmis les instructions nécessaires ; que les juges relèvent que l’opération aurait été décidée par « deux personnalités du milieu bordelais » H... et A... ; que, pour considérer que ce dernier était l’intermédiaire chargé de communiquer à B..., responsable de l’équipe d’exécutants, les instructions émanant d’H..., la chambre d’accusation se fonde sur la nature des relations existant entre celui-ci et la victime B..., relations qui, récemment, se seraient dégradées, en raison de l’emprise qu’H... aurait prétendu exercer sur l’établissement de celui-là ; qu’enfin les juges notent le comportement qu’auraient eu H... et A... dans la nuit du crime puis la mise en cause du premier par B... à l’occasion de propos tenus par ce dernier, relatifs aux faits en cause, et les réactions d’H... lorsqu’il en aurait été informé ;
Attendu, d’une part, qu’en l’état de ces énonciations dont elle déduit qu’H... serait à l’origine des instructions communiquées à B... afin de parvenir à la réalisation des crimes et délit poursuivis, la chambre d’accusation a caractérisé à l’égard du demandeur les éléments constitutifs de la complicité par instructions ; qu’en effet l’article 60 C.pén. n’exige pas que les instructions soient données directement par leur auteur pour que la complicité de celui-ci soit légalement constituée ;
Attendu, d’autre part, que la chambre d’accusation en statuant sur les charges de culpabilité apprécie souverainement au point de vue du fait tous les éléments constitutifs des infractions et que la Cour de Cassation n’a d’autre pouvoir que de vérifier si la qualification qu’elle a donnée aux faits justifie le renvoi de l’accusé devant la cour d’assises ;
Attendu que les faits relevés dans l’arrêt de renvoi, à les supposer établis, constituent à la charge d’H... le crime de complicité d’assassinats et de délit connexe de complicité de destruction de biens immobiliers ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli…
Rejette…
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observations de M. le Professeur André Vitu (Rev.sc.crim. 1990 325, Chronique)
Sans être l’une des questions les plus délicates suscitées par l’interprétation des articles 59 et 60 du Code pénal, la complicité de complicité a pourtant attiré l’attention de la plupart des criminalistes français depuis un siècle.
Une minorité d’entre eux (E. Garçon, J. A. Roux et, plus récemment, P. Bouzat) refuse d’admettre que soit réprimé l’acte d’un complice indirect, ou complice de complice : ainsi l’individu qui indique l’adresse d’une avorteuse au mari d’une femme enceinte ne pourrait pas être tenu pour complice de cette femme, si elle se soumet à des manœuvres d’interruption de sa grossesse. Car l’acte du complice direct (ici le mari) n’étant pas, en soi, un délit punissable, le complice indirect ne pourrait donc pas emprunter la criminalité d’un acte qui, lui-même, ne constitue pas une infraction. L’interprétation restrictive de l’article 60 du code pénal interdirait d’ailleurs d’étendre la répression de la complicité au-delà du cercle étroit des complices immédiats dont ce texte donne l’énumération.
La plupart des auteurs contemporains ont au contraire suivi R. Garraud (Traité théorique et pratique de droit pénal français, 3e éd., III, n° 952), pour qui l’article 60 n’est nullement limitatif. En parlant, dès sa première phrase, d’une façon impersonnelle, d’aide à une action qualifiée crime ou délit, ce texte laisse bien entendre que toute participation criminelle doit être retenue, proche ou lointaine ; on ajouterait au texte légal si l’on exigeait que, pour être punissable, la complicité soit seulement l’activité d’un coopérant immédiat. Mais, tandis que certains auteurs affirment cette solution tout uniment et sans aller plus loin qu’une position de principe (ainsi G. Vidal et J. Magnol, A. Chavanne, R. Merle et A. Vitu, Mme M.-L. Rassat, J. Pradel), d’autres, sans renier pour autant la position répressive de leurs collègues, mais plus prudemment, estiment que tout est question d’espèce : on ne peut retenir la complicité de complicité que si l’on démontre que l’auxiliaire indirect s’est associé à l’acte principal par une intervention matérielle nettement établie et dans une intention indiscutable ; faute de cette démonstration, l’acte du complice médiat échapperait à la répression (L. Hugueney, J. Larguier, M. Puech, J.-P. Doucet, W. Jeandidier).
La discussion doctrinale s’est nourrie d’un tout petit nombre d’arrêts de la Cour de cassation qui, jusqu’à une date très récente, présentaient tous cette particularité de concerner exclusivement le délit d’avortement. La première décision de la Chambre criminelle est ancienne (Crim. 23 mai 1844, Bull.crim. n° 179) : jugé en cour d’assises (à l’époque, l’avortement était un crime), le complice d’une femme poursuivie pour s’être fait avorter avait cru déceler un vice de complexité dans la question posée au jury, et dans laquelle on lui reprochait « d’avoir donné ou fait donner des instructions pour commettre le crime ». La Cour de cassation écarte le moyen : « celui qui, affectant de ne pas se mettre en rapport direct avec l’auteur principal du crime, donne à un tiers des instructions nécessaires pour commettre ce crime afin qu’il les transmette à celui qui doit le commettre, est aussi coupable que s’il les donnait directement ». A. Chauveau et F. Hélie (Théorie du code pénal, 5e éd., I, n° 296) et A. Blanche (Études pratiques sur le Code pénal, 2e éd., II, n° 95), qui détaillent cet arrêt, l’approuvent sans réserve, tant la solution leur parait aller de soi.
L’avortement étant devenu un délit correctionnel depuis 1923, les arrêts rendus après cette date seront, eux, plus nuancés. Ils approuvent les décisions de condamnation dont les constatations établissent, avec certitude, que le complice indirect a collaboré, activement et en connaissance de cause, à des agissements dont il savait le caractère délictueux (Crim. 8 juillet 1943, JCP 1944 II 2651; 22 juillet 1943, Bull.crim. n°76, S. 1943 1 115, Gaz. Pal. 1943 2 109, J.C.P. 1944 II 2641). En revanche, la cassation est encourue si les motifs de la condamnation n’expliquent pas avec suffisamment de précision en quoi l’intervenant lointain a pu être tenu lui-même pour un complice, bien que ne s’étant pas trouvé en rapport immédiat avec la femme avortée ou avec l’avorteur (Crim. 17 nov. 1944, Gaz. Pal. 1945 1 43, cette Revue, 1946.67, obs. L. Hugueney, et commenté par M. Puech, Les grands arrêts de la jurisprudence criminelle, I, p. 351 et s. ; 29 nov. 1946, Gaz. Pal. 1947 1 25, cette Revue, 1947.87, obs. L. Hugueney ; 4 janv. 1975, Gaz. Pal. 1975. 1. 343, note P. J. D., cette Revue, 1976.707, obs. J. Larguier).
Les arrêts de 1944 et 1946 ont été souvent présentés, par la doctrine, comme ayant refusé de réprimer la complicité de complicité, ce qui, par rapprochement avec les décisions rendues en 1943, a conduit nombre d’auteurs à écrire que la jurisprudence est incertaine. En réalité, une interprétation plus exacte de ces arrêts montre que la Chambre criminelle n’écartait nullement la possibilité de réprimer la complicité de complicité : ses décisions de cassation se fondaient uniquement, en 1944, 1946 et aussi en 1975, sur l’insuffisance des motifs de condamnation.
Est-ce à dire que la Cour de cassation se retranche toujours derrière les constatations de fait retenues par les juridictions inférieures pour approuver ou censurer les décisions soumises à son examen ? Un arrêt récent (Crim. 30 mai 1989, Bull.crim. n°222), révèle qu’au-delà de l’examen des circonstances de fait et de la pertinence des motifs qui s’appuient sur elles la Haute juridiction ne répugne pas à poser une affirmation plus théorique et à renouer avec la position qu’elle avait adoptée, en ce domaine, dans son vieil arrêt de 1844.
Voici les éléments de l’espèce qui lui a donné l’occasion de prendre parti. A la suite des relations devenues difficiles avec des gens dont il avait décidé de se débarrasser, un Sieur H... donne des instructions à un nommé A..., qui recrute trois tueurs auxquels il transmet les indications reçues ; les trois hommes exécutent les victimes désignées et mettent le feu au bâtiment où elles vivaient. Au vu des énonciations détaillées décrivant le comportement de H... tout au long de la genèse des faits, la Chambre criminelle approuve la chambre d’accusation d’avoir décidé le renvoi de l’intéressé devant la cour d’assises des chefs de complicité des crimes commis par les tueurs. Mais, en outre, pour répondre plus directement au pourvoi du demandeur qui soutenait que la complicité de complicité n’est pas punissable, la cour ajoute : « l’article 60 du Code pénal n’exige pas que les instructions soient données directement par leur auteur pour que la complicité de celui-ci soit légalement constituée ». Cette formule générale rejoint la position doctrinale majoritaire, qui interprète de façon non limitative l’article 60 et accepte, comme constitutive de complicité, la participation indirecte tout autant que la complicité la plus immédiate.
Arrivé à ce point des explications, deux précisions s’imposent.
1) L’assimilation de la complicité indirecte à la complicité directe ne doit pas être limitée à la seule hypothèse de la fourniture d’instructions, comme on pourrait le soutenir à la lecture de l’arrêt de 1989. Les raisons de décider sont les mêmes pour la provocation, la fourniture de moyens propres à l’action, l’aide ou l’assistance : un provocateur doit être poursuivi même si, moyennant finances, il charge un intermédiaire de recruter l’homme de main qui agira au nom du mandant ; la présence d’un tel intermédiaire ne change rien à la criminalité des agissements du provocateur. Il ne faudrait donc pas tirer de l’arrêt H... le principe d’une limitation propre à réduire l’ampleur de l’article 60 du Code pénal.
2) On dit ordinairement de la provocation, telle qu’elle est définie par l’article 60 en son alinéa 1er, qu’elle doit être « directe ». Le mot prend ici un autre sens que celui qui a été envisagé jusqu’à présent. Quand on affirme que la provocation doit être, non seulement qualifiée (c’est-à-dire résulter de dons, promesses, menaces...), individuelle (autrement dit, adressée personnellement à celui qu’on veut amener à agir), mais aussi directe, on entend par là que cette provocation doit tendre à la commission d’une infraction précise, indiquée avec une suffisante netteté à celui qui agira : le mot « directe » vise alors le point d’application de la provocation, le but final auquel il tend.
Dans la complicité de complicité, le mot « directe » désigne au contraire le lien qui unit l’activité du complice lointain avec l’infraction à commettre.
Les réflexions qui précèdent permettent de ramener à sa juste mesure un autre arrêt récent (Crim. 1er sept. 1987, Bull.crim. n° 308), dont il serait erroné de prétendre qu’à l’inverse de la décision de 1989 il écarte la répression de la complicité de complicité. Dans cette autre espèce, le commanditaire d’un assassinat voulait distinguer, dans l’activité des deux tueurs qui avaient exécuté la victime; le rôle du fournisseur de l’arme, le seul avec lequel lui, le commanditaire, aurait été en rapport, et celui du tireur, auteur véritable et unique du crime : d’où il déduisait l’impossibilité d’être poursuivi-pour complicité de complicité. Mais l’argumentation a été écartée par la Chambre criminelle : celle-ci se retranche derrière les appréciations souveraines de la chambre d’accusation, pour qui les faits démontraient que les deux exécutants étaient co-auteurs de l’assassinat, et le commanditaire leur complice direct. La Cour de cassation ajoute - le point est important - qu’est vain le grief « d’avoir retenu contre le demandeur des faits qui constitueraient une complicité au second degré non punissable légalement ». Entendue dans son sens obvie, la formule ne signifie nullement que la complicité de complicité serait impunissable, mais bien qu’il est inutile d’en discuter en l’espèce, puisque les faits constatés sont tels que le demandeur est bel et bien un complice direct, et non un complice médiat, au second degré, comme il le soutenait. Les mots soulignés n’ont donc pas la valeur d’une affirmation de principe.
II n’existe donc point de contradiction entre l’arrêt du 1er septembre 1987 et celui du 30 mai 1989. Le premier se contente de juger suffisamment motivées les affirmations de la chambre d’accusation, tandis que le second, outre une constatation semblable, s’élève à une affirmation théorique qui méritait d’être soulignée, et qui est de nature à écarter définitivement l’affirmation, trop répandue dans la doctrine, que la jurisprudence de la Cour de cassation demeure incertaine.
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Cass.crim. 17 décembre 1859 (S. 1860 I 298)
D...
Vu l’art. 35 de la loi du 29 ventôse an 11, et
les art. 59 et 60 C.pén.;
Attendu que l’arrêt attaqué constate, en fait, que C.S... et A..., consultés par des malades en grand nombre, soumettaient au sommeil magnétique E.S...; que celle-ci indiquait la cause de la maladie, prescrivait les remèdes à employer, et que D..., officier de santé, ayant diplôme, écrivait les prescriptions, signait l’ordonnance et la remettait aux consultants moyennant salaire;
Que l’arrêt attaqué ajoute que ces faits constituent l’exercice illégal de la médecine, prévu et puni par l’art. 35 de la loi du 29 ventôse an 11; que l’intervention de l’officier de santé D... n’a pu légitimer le fait incriminé, sa présence n’ayant été qu’un artifice employé pour la préparation du délit;
Attendu que, après avoir sanctionné la condamnation contre les trois premiers prévenus, l’arrêt attaqué a prononcé la relaxe de l’officier de santé D... par l’unique motif que le fait incriminé par l’art. 35 de la loi de ventôse an 11, étant puni d’une amende de simple police, appartenait, aux termes de l’art. 1er C.pén., à la classe des contraventions; qu’en cette matière la complicité est formellement exclue par les art. 59 et 60 du même Code; qu’elle ne peut résulter que d’une disposition expresse de la loi; et que, dès lors, D..., ayant été poursuivi comme complice, devait être renvoyé de la plainte;
Attendu que, s’il est vrai, en principe, qu’en matière de contraventions la complicité n’est pas admise, rien cependant ne fait obstacle à ce que les tribunaux de répression puissent rechercher si la contravention n’était pas de nature à être commise simultanément par plusieurs personnes;
Que, dans les actes de complicité, on a toujours distingué ceux qui, extrinsèques à l’acte, tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, et ceux qui, par la simultanéité d’action et l’assistance réciproque, constituent la perpétration même; que, lorsque ces derniers ont été commis, il existe bien moins des complices que des coauteurs;
Attendu qu’au procès, en cessant de considérer D... comme complice, il y aurait encore à rechercher s’il ne devait pas être réputé coauteur de la contravention; qu’à cet égard toutes les constatations de l’arrêt établissent que le fait incriminé a été l’œuvre commune et simultanée des inculpés;
Attendu qu’on objecterait en vain que celui qui est revêtu du titre d’officier de santé ne peut être considéré comme coauteur d’un délit qui consiste à avoir exercé la médecine sans titre; qu’en effet, le diplôme ne donne à l’officier de santé que le droit d’exercer par lui-même, d’après son propre examen et sans contrôle; que, s’il ne juge ni ne prescrit, si, comme le reconnaît l’arrêt, il s’abdique complètement, si sa présence n’est plus qu’un artifice, et s’il se borne à couvrir de son nom et de sa signature la pratique illégale d’un tiers, il devient, par une participation solidaire, le coopérateur de celui-ci et l’un des auteurs de la violation de la loi;
Attendu, en conséquence, qu’en refusant d’appliquer à D... l’art. 35 de la loi du 29 ventôse an 11 et en le renvoyant des poursuites, l’arrêt attaqué a formellement violé les dispositions de cet article et faussement interprété les art. 59 et 60 C.pén.;
Par ces motifs, Casse...
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Cass.crim. 26 octobre 1912
(S. 1914 I 225).
J...
Attendu que la complicité d’une action qualifiée crime ou délit consiste dans les faits ou actes spécialement déterminés par la loi; qu’on ne saurait leur assimiler l’inaction de celui qui, volontairement ne s’oppose pas à la perpétration d’un crime ou d’un délit, quelque blâmable que puisse être cette inaction au point de vue de la morale;
Attendu que l’art. 60 C.pén. déclare « complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action, ou donné des instructions pour la commettre; ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l’action, sachant qu’ils devaient y servir; ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l’auront consommée »;
Attendu que l’arrêt attaqué expose que, le 3 septembre 1910, à Vincennes, une dizaine d’ouvriers plombiers en état de grève ont, dans l’intérieur du local où se réunissait le comité de la grève, depuis 8 h 1/4 jusqu’à 11 h du matin, retenu et entouré constamment un autre ouvrier non gréviste, E. J...s; qu’ils l’ont accablé de sarcasmes, de reproches et de menaces, jusqu’au moment de l’intervention du commissaire de police; que l’arrêt ajoute que le prévenu J...r fut, à partir de 10 h 1/2 du matin, présent dans ledit local, où il était venu en sa qualité de secrétaire général du syndicat des plombiers et que, s’il n’a été ni coauteur ni agent provocateur des violences ci-dessus définies, et exercées contre J...s, il doit être retenu comme en ayant été complice par aide et assistance; qu’en effet, « J...r fut aussitôt informé de la mainmise opérée par les grévistes sur la personne de Jacobs et sur le plomb dont celui-ci était porteur; qu’il jeta les yeux sur J...s, qui se trouvait en face de lui, qu’il se contenta de sourire, en déclarant toutefois inutile la saisie du plomb; qu’il se joignit à deux membres du comité de grève et procéda avec eux à une distribution de secours aux grévistes; qu’en laissant ainsi le délit de violences se perpétuer et se continuer sous ses yeux, sans s’y opposer, ainsi qu’il avait qualité et autorité pour le faire, Jour en a évidemment facilité l’exécution, et par cela même s’est rendu complice du délit précité »;
Mais attendu que les faits ainsi constatés à la charge de J...r ne justifient pas la qualification qu’ils ont reçue ni la peine appliquée; qu’en effet, il en résulte uniquement que le prévenu a facilité le délit de violences par une inaction ou abstention, et non par un acte positif pouvant seul caractériser l’aide ou assistance spécifiée par l’art. 60 C.pén.;
Qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué manque de base légale et doit être annulé...
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Cass.crim. 27 octobre 1971 (Bull.crim. n° 284 p.698)
I... et D...
Sur le moyen de cassation pris par D... de la violation des art. 60 al.3, 379, 401 C.pén., 593 C.pr.pén. et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale...
Attendu que, pour retenir à la charge de D..., brigadier des Douanes, la prévention de complicité de vol, la Cour d’appel a énoncé que la sortie des magasins de dédouanement du Port, de marchandises volumineuses, n’a pu avoir lieu sans l’accord préalable des agents de l’administration des Douanes chargés de contrôler la régularité des opérations et le payement des droits fiscaux; que les magasiniers J... et V..., employés de la compagnie des experts maritimes, ont affirmé avoir obtenu, en prévision de l’enlèvement frauduleux, courant septembre 1969, de 30 rouleaux de skaï, l’accord de D...; que ce dernier a lui-même reconnu avoir accepté de « fermer les yeux » sur la fraude, par amitié pour J...;
Que les juges d’appel ont relevé, en outre, que si un doute subsiste sur la participation de D... à certaines soustractions, il résulte par contre, des déclarations de J..., étayées par l’ensemble des éléments de la cause, que ce gradé des Douanes, présent sur les lieux lors des chargements, était intervenu, dans les mêmes conditions que pour le vol de skaï, à l’occasion d’autres enlèvements...;
Qu’ils ont conclu, qu’en autorisant la sortie irrégulière de ces différentes marchandises par abus de pouvoirs qu’il tenait de ses fonctions, D... avait, par une action positive, apporté, avec connaissance, aux auteurs des soustractions, une aide dans les faits qui avaient préparé ou facilité leur action;
Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, l’arrêt attaqué a fait l’exacte application de la loi; qu’en effet, si la complicité par aide et assistance ne peut s’induire d’une simple inaction ou abstention, elle se trouve caractérisée, par contre, par la promesse du prévenu de ne pas s’opposer, comme il aurait dû le faire, aux délits projetés, procurant ainsi aux auteurs de ceux-ci l’assurance de pouvoir les commettre sans être inquiétés;
D’où il suit que le moyen doit être écarté...
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Cass.crim. 23 juillet 1927 (S. 1929 1 73).
S..., T..t et P...
Sur le moyen pris, en ce qui concerne S... et T..., de la violation pour fausse application des art. 90, 379, 401, 406 et 408 C.pén., en ce que l’arrêt attaqué a qualifié à tort abus de confiance un fait qui présentait tous les caractères du vol :
Attendu qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que P..., représentant de la maison de joaillerie L..., à la suite de pourparlers relatifs à un achat de bijoux par S... et T..., et pour laisser à ceux-ci le temps de se procurer les fonds nécessaires au payement du prix, confia en dépôt et déposa dans leurs bureaux une mallette contenant une quantité importante de bijoux; que ce dépôt a eu lieu sur l’invitation même de T..., qui a dit à P... : « Vous pouvez laisser là votre mallette en toute sécurité »; que P... a reconnu à plusieurs reprises au cours de l’information qu’il avait confié cet objet à la garde des prévenus;
Attendu que, de ces constatations souveraines, la Cour d’appel a pu juridiquement déduire qu’il y avait eu dépôt, volontairement consenti par P... et accepté par S... et T... et que dès lors, le fait par ceux-ci d’avoir détourné, emporté et fracturé la mallette constituait non le délit de soustraction frauduleuse, mais celui d’abus de confiance;
D’où il suit qu’en faisant application aux prévenus des art. 408 et 406 C.pén. l’arrêt attaqué n’a commis aucune violation de la loi;
Sur le moyen pris, en ce qui concerne P..., de la violation de l’art. 60 C.pén., en ce que l’arrêt attaqué s’est refusé de le considérer comme complice du délit commis par S... et T... alors qu’il a fourni sciemment à ceux-ci le moyen de s’approprier définitivement les objets obtenus à l’aide dudit délit :
Attendu que les faits de complicité reprochés à P... consistaient à avoir hébergé et logé en son domicile S... et T... le lendemain du détournement commis par eux et d’avoir acheté, à leur demande, une balance destinée à faciliter le partage des bijoux;
Attendu que la Cour d’appel a déclaré à bon droit que ces faits, intervenus tous deux après la consommation du délit, ne pouvaient être retenus comme constitutifs de la complicité par aide ou assistance, laquelle ne peut résulter, aux termes de l’art. 60. C.pén., que de faits antérieurs ou concomitants à la perpétration du délit; que le moyen n’est donc pas fondé...
Rejette...
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Cass.crim. 30 avril 1963 (Bull.crim. n°157 p.319)
M. H...
La Cour
Sur le moyen unique de cassation, pris de la
violation des art. 59, 60, 379 et 401 du Code pénal, de l’article 7 de la loi
du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale;
En ce que l’arrêt attaqué a condamné le demandeur
comme complice des vols et tentative de vols, commis par les auteurs
principaux, pour les
avoir aidés et
assistés, en connaissance de cause, dans lesdites soustractions et tentative
précitées;
alors que
d’une part, il ne résulte pas de l’ordonnance de renvoi que la tentative de vol retenue par les juges du
tond ait été comprise dans la prévention et que l’inculpé ait été appelé
à s’expliquer
sur ce fait, et ait accepté le débat;
alors que d’autre part, les juges du fond n’ont pas
relevé les faits constitutifs de la complicité des vols retenus à l’encontre
des auteurs principaux ;
Attendu qu’il appert
de l’arrêt attaqué que le demandeur a été déclaré complice par aide et
assistance de deux femmes qui pratiquaient le vol au rendez-moi; que s’il est
indiqué par les juges du fait qu’ils ont été tous trois arrêtés lors d’une
dernière tentative qui échoua, aucune complicité de tentative- de vol n’a été
retenue contre lui de ce chef et il n’est pas fait mention dans la condamnation
prononcée de l’application des articles 2 et 3 du Code pénal;
Attendu d’autre part qu’il résulte des énonciations de
l’arrêt précité et des motifs non contraires du jugement qu’il adopte, que
M. H... « a reconnu être le complice des deux femmes, que son
rôle consistait à les attendre dans la voiture lors de chacune de leurs
expéditions de façon à assurer leur fuite si besoin en était »; qu’il
avait chaque fois touché pour cela certaines sommes;
Que la Cour d’appel a dès lors, à bon droit, retenu que
le prévenu avait aidé et assisté ces deux femmes dans les soustractions
frauduleuses par elles commises, cette
aide et assistance s’étant manifestée dans les faits qui ont préparé, facilité
et consommé le délit puisqu’il est constaté que c’était
en accord avec les auteurs des vols que M. H... les
accompagnait pour assurer leur fuite, moyennant rétribution;
Qu’elle a ainsi justifié la condamnation prononcée, les
éléments légaux de l’infraction existant au temps même où le délit a été commis ;
Qu’il suit de là que le moyen ne saurait être accueilli
dans aucune de ses branches;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme;
Rejette…
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Cass.crim. 8 novembre 1972 (Bull.crim. n° 329 p.850)
M...c
Sur le moyen de cassation pris de la violation et fausse application des art. 379 et s. C.pén., 50 et 60 du même Code, 593 C.pr.pén. et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale...
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que J-L. M... aurait commis un vol à main armée, en s’emparant du contenu du tiroir-caisse d’un commerçant chez lequel il serait entré seul; que son frère Y. M... l’aurait assuré de son concours après avoir été informé de ce projet; que tous deux auraient circulé en automobile, pendant plusieurs heures, à la recherche d’une victime, en emportant dans leur véhicule une carabine 22 long rifle, dont Y. M... aurait antérieurement scié le canon; qu’enfin Y. M... aurait tenté de repousser les témoins du vol au moment où ils tentaient d’appréhender son frère;
Attendu que ces faits, à les supposer établis, caractérisent les éléments du crime de complicité de vol qualifié, prévus et punis par les art. 59, 60 et 381 C.pén.; qu’en particulier, constitue un acte de complicité par aide ou assistance une intervention tendant à assurer la fuite de l’auteur principal, dès lors que cette protection résulte d’un accord préalable à l’infraction;
Attendu enfin que, si la chambre d’accusation a renvoyé le demandeur à titre de coauteur et non de complice, les faits constituent, en tout état de cause, un crime, dont la qualification incombe à la cour d’assises qui n’est pas liée par celle de l’arrêt de renvoi;
D’où il suit que le moyen doit être rejeté.
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Cass.crim.19 mars 1986 (Bull.crim. n° 112 p. 289)
A...
Sur la première branche du moyen de cassation pris de la violation des art. 59, 60, 460 et 461 C.pén., et de l’art. 349 C.pr.pén...
Attendu que, d’une part, la complicité par aide ou assistance n’est punissable que si cette aide ou cette assistance ont été prêtées avec connaissance à l’auteur principal dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé son action;
Attendu que, d’autre part, la complicité par fourniture de moyens n’est punissable que si celui qui a procuré les moyens savait qu’ils devaient servir à l’action;
Attendu, enfin, que la complicité par instructions n’est punissable que si les instructions ont été données en vue de commettre une action qualifiée crime ou délit;
Attendu que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n° 10, 11, 12 et 13 telles qu’elles sont rapportées dans le moyen sous la forme d’une question type ;
Mais attendu que ces questions laissent incertain le point de savoir si l’aide ou l’assistance ont été prêtées en connaissance de cause, si la fourniture de moyens a été procurée sachant qu’ils devaient servir à l’action et si les instructions ont été données en vue de commettre le crime de vol qualifié;
Qu’ainsi les questions posées n’ont pu servir de base à la condamnation prononcée;
Que la cassation est encourue de ce chef...
Note. – Cass.crim 19 juin 2001 (Gaz.Pal. 14 mai 2002 p.46) a confirmé cette jurisprudence pour le nouveau Code pénal : La complicité par aide et assistance prévue par l’alinéa 1er de l’article 121-7 du Code pénal n’est punissable que si cette aide a été apportée sciemment à l’auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l’infraction.
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Cass.crim. 13 janvier 1955 (Gaz.Pal. 1955 I 190)
N...
La Cour,
Sur le moyen de cassation, pris de la violation des
art. 59, 60, 295 et 304 C.pén., de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut
de motifs et manque de base légale…
Attendu qu’aux termes du
paragraphe 2 de l’article 60 C.pén., seront punis comme complices d’une action
qualifiée crime ou délit, ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou
tout autre moyen qui aura servi à l’action sachant qu’ils devaient y servir;
Attendu que l’arrêt attaqué
énonce que N... aurait chargé R... de se rendre chez S..., son débiteur,
pour l’obliger à rembourser le montant d’un prêt qu’il lui avait consenti; que
dans le but de lui permettre d’accomplir cette démarche avec succès et
éventuellement contraindre S... à ce remboursement, N... aurait remis à
R... deux pistolets automatiques; que, s’étant rendu au domicile de S...
qu’il n’aurait pu joindre, R... aurait été interpellé par L..., mari de la
concierge de l’immeuble, qui, après quelques mots échangés, l’aurait menacé
d’appeler la police; que R.. aurait alors tiré sur L... et l’aurait blessé
mortellement;
Attendu que l’arrêt attaqué ajoute que l’arme dont s’est servi R... pour tuer L... était l’une de celles remises par N...; que le meurtre de L... s’inscrit donc comme un incident dans le cadre d’une action criminelle dirigée par N... contre S... et que N... s’est ainsi rendu complice du meurtre commis par R... ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi l’arrêt attaqué a violé les dispositions de l’article 60 susvisé; qu’en effet, en l’état de ces constatations, il n’apparaît pas qu’il existe entre le meurtre commis par R... sur la personne de L... et la remise de l’arme qui a servi à la consommation de ce crime, la relation exigée par les dispositions dudit article, de laquelle on pouvait induire que N... a remis l’arme à R... sachant que ce dernier s’en servirait pour tuer L... ; que si N... a pu se rendre coupable de complicité de tentative d’extorsion de fonds ou même de tentative d’assassinat ainsi que d’association de malfaiteurs, il ne saurait en l’état être renvoyé devant la Cour d’assises pour complicité du meurtre commis par R... sur la personne de L... ;
Par ces motifs, casse...
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Cass.crim. 21 mai 1996, H... (Gaz.Pal. 1996 II Chronique IX 3°) : Le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui qualifient l’acte poursuivi, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui.
Note. - En l’espèce, le prévenu était l’instigateur des faits, donc leur auteur moral, et avait dès lors pleinement engagé sa responsabilité subjective.
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Cass.crim. 25 juillet 1912, après délibération en Chambre du conseil (S. 1914 I 116)
M...
Sur le moyen tiré de la violation des art. 59 et 60 C.pén., 408 C.instr.crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut et contradiction de motifs, en ce que l’arrêt a condamné le demandeur par application de l’art. 400 § 5 C.pén., comme complice de P... qui avait été condamné, par un jugement devenu définitif, comme auteur principal, par application de l’art. 408 C.pén., alors que le complice et l’auteur principal doivent être punis de la même peine, et alors surtout que la peine prévue par l’art. 408 C.pén., est moins élevée que celle édictée par l’art. 400 § 5 du même Code;
Attendu qu’aucun principe de droit ni aucune disposition de la loi ne s’opposent à ce que, dans une poursuite contre le complice seul, les juges modifient la qualification des faits déclarés constants, à la charge de l’auteur principal, par un précédent jugement devenu définitif; que la chose jugée dans ce précédent jugement ne peut pas être opposée au complice, qui n’y était pas partie, et que la contradiction résultant de la qualification de ces décisions ne présente aucune violation de la loi;
Qu’ainsi, dans l’espèce, la Cour d’appel a décidé à bon droit que les faits qui avaient motivé la condamnation de l’auteur principal étaient prévus et réprimés par l’art. 400 § 5 C.pén., contrairement au jugement de condamnation de l’auteur principal, qui avait déclaré ces mêmes faits constitutifs du délit prévu et réprimé par l’art. 408 C.pén.; qu’il importe peu que la peine édictée par l’art. 400 soit plus élevée que celle qui a été prévue par l’art. 408, alors que la peine de quatre mois de prison, prononcée par l’arrêt attaqué contre le complice, est inférieure au maximum de la peine encourue par l’auteur principal.
D’où il suit qu’aucun des textes et des principes visés au moyen n’a été violé...
Rejette...
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Cass.crim. 10 octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr. I 4°).<
Association « Le Foyer ... »
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l’art. 1384 C.civ., défaut de motifs, manque de base légale; en ce que l’arrêt attaqué a déclaré l’association Le Foyer ... civilement responsable des délits commis par trois mineurs, et l’a condamnée à payer à la victime la somme de 1.000 F de dommages-intérêts...
Pour déclarer l’association Le Foyer ... responsable des délits commis par les mineurs B..., A... et R..., et la condamner au paiement de dommages-intérêts envers la victime, la Cour d’appel énonce que la décision du juge des enfants confiant à une personne physique ou morale la garde d’un mineur en danger par application des art. 375 et s. C.civ., transfère au gardien la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes, celle-ci n’étant pas fondée sur l’autorité parentale mais sur la garde.
En statuant ainsi la Cour d’appel a fait application de l’art. 1384 al.1 C.civ.; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli...
Rejette...
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Cour de cassation (Ass. Plén.) 13 décembre 2002 (Gaz.Pal. 24 décembre 2002 et 30 mars 2003, qui reproduit deux arrêts rendus le même jour dans le même sens, avec une note)
Arrêt « jeu de rugby entre adolescents »
La Cour ; Sur le pourvoi en cassation formé contre un arrêt rendu le 16 décembre 1999 par la Cour d’appel de Douai ;
Vu l’article 1384, alinéas 1er, 4 et 7 du Code civil ;
Attendu que, pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur un mineur habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été directement causé par le fait, même non fautif, du mineur; que seule la cause étrangère ou la faute de la victime peut exonérer les père et mère de cette responsabilité;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’au cours d’une partie de ballon improvisée entre adolescents, Vincent X a été blessé, au moment où il se relevait, par la chute de Maxime Z, porteur du ballon, elle-même provoquée par le plaquage de Jérôme Y; que les époux X et leur fils Vincent, devenu majeur et assisté de son père en qualité de curateur (les consorts X) ont demandé réparation de leurs préjudices aux époux Y et aux époux Z tant comme civilement responsables que comme représentants légaux de leurs fils mineurs Jérôme et Maxime, ainsi qu’à leurs assureurs, les compagnies U... et A... en présence de la Caisse primaire d’assurance maladie de M... ; qu’en cause d’appel, Jérôme Y et Maxime Z devenus majeurs, sont intervenus à l’instance, de même que la compagnie A... aux droits de l’U..., ainsi que l’Union des mutuelles ... auprès de laquelle les époux X avaient souscrit un contrat d’assurance;
Attendu que, pour rejeter les demandes des consorts X et de leur assureur, l’arrêt retient qu’aucune faute n’est établie à l’encontre de Jérôme Y et de Maxime Z ; qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs…
Casse…
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