Vie et caractère de Saint Yves, patron des avocats.
Texte proposé par M. Jean-Louis Charvet, vice-président du tribunal de grande instance d'Avignon, 6 novembre 2005.
Ouvrage consulté: Alexandre Masseron (avocat au barreau de Brest, ancien bâtonnier) :
Saint Yves d'après les témoins de sa vie. Éditions Albin Michel. Paris. 1952.
Illustration : Fresque de l'Église Saint-Nicolas-de-Port (photo J-P Doucet)
Yves naquit le 17 octobre 1253 au manoir de Ker Martin, à Minihy, près de Tréguier, dans l’actuel département des Côtes d’Armor ; son père se nommait Haelori, sa mère Azo ; ils étaient nobles.
L'un de ses biographes, Arthur de la Borderie, donna de sa vie le résumé qui suit :
1253. Naissance de Saint Yves. 1267. Il va étudier à l'Université de Paris. 1277-1279. Il étudie le droit à Orléans. 1280. Retour d'Yves en Bretagne après ses études. 1280 à 1284. Séjour d'Yves à Rennes comme official de l'archidiacre Maurice. 1281. Il suit l'enseignement théologique des Cordeliers de Rennes et conçoit le premier dessein de sa vie ascétique. 1284. Il quitte Rennes, devient official de l'évêque de Tréguier, et en même temps prêtre et recteur de Trédrez. 1290. Il commence ses prédications. 1292. Il adopte son costume de bure blanche et embrasse les hautes pratiques de l'ascétisme. 1292. Il laisse la cure de Trédrez pour celle de Louannec, qu'il occupe jusqu'à sa mort. 1293. Il fonde la chapelle de Notre Dame de Ker Martin. 1297. Il confirme et complète cette fondation. 1298 à 1300. Il résigne les fonctions d'official de l'église de Tréguier. 1303, 19 mai. Mort de Saint Yves |
Malgré quelques incertitudes sur sa chronologie, sa vie est bien connue grâce au procès de canonisation, ouvert par une bulle du 26 février 1330 du pape d'Avignon Jean XXII (un français), procès au terme duquel Clément VI, autre pape français d'Avignon, le proclama saint, par bulle du 19 mai 1347, soit exactement 44 ans après sa mort ; plus de deux cents témoignages furent recueillis sur sa vie, qui permettent d'en avoir une représentation très fidèle à la réalité.
Ses vertus dominantes étaient la pauvreté et la charité.
Il menait une vie fort frugale. Ses repas se composaient le plus souvent de pain de seigle, de légumes, fèves ou pois, sans aucun condiment, ni beurre ; une fois par an, à Pâques, il mangeait un oeuf, parfois deux. Il buvait presque toujours de l'eau pure, très rarement du vin, de la cervoise ou du bouchet, espèce d'hypocras fait d'eau, de sucre et de cannelle. Il jeûnait trois fois par semaine. Il dormait toujours par terre, dans une pièce sans chauffage, n'ayant pour oreiller qu'une pierre, ou, au mieux, un ou deux livres. Ses vêtements étaient de la plus extrême simplicité : une cotte à manches longues et larges sans boutons, une housse, fort longues toutes deux, taillées dans une étoffe grossière ; ses chaussures, de gros souliers à courroies. Pour se mortifier, il portait à même la peau un cilice, et souffrait la compagnie d'une multitude de poux ; il ne voulait pas s’en débarrasser ; comme un vieux compagnon d’études voulait lui rendre ce service, il lui dit : « Remettez-les donc à leur pâture ». Il dormait peu, consacrant tous ses loisirs à l’étude ou à la prière. Il fut enfin d’une chasteté à l’abri de toute épreuve.
Tout ce qu’il possédait ou ce qu’on lui offrait, il le donnait aux pauvres, qu’il nourrissait, vêtait, logeait ; il fit construire pour eux une maison dans son domaine. Il ne se contentait pas de ces dons matériels, leur prodiguant aussi de saintes paroles.
Il fut à la fois prêtre, magistrat et avocat.
Comme prêtre, il était particulièrement apprécié pour ses talents de prédicateur. Il prêchait parfois deux ou trois fois le même jour. Il était doté d’une extrême sensibilité, pleurait souvent et faisait pleurer ses ouailles.
Comme magistrat, il avait à coeur de concilier les parties ; un témoin affirme qu’ainsi deux affaires sur trois portées devant lui se réglaient sans jugement ; il rendait une prompte justice, n'ayant égards ni pour le rang ni pour la fortune ; on le représente souvent assis entre un riche, tenant une bourse, et un pauvre : c'est vers le pauvre que se tourne son regard ; mais personne ne soutint qu'il fut injuste au détriment des riches et des puissants ; il était simplement profondément épris d'équité.
Ce sont cet amour de l'équité, cette grande charité qui le conduisirent à être aussi l'avocat des pauvres, des mineurs, des veuves et des orphelins ; avant d'assister ces malheureux, il s'assurait que leur cause était juste ; puis, sans ménager ses efforts, sans espoir de rémunération ni de dédommagement, il mettait tous ses talents à leur service ; et lorsque ses confrères l'invectivaient durement, le traitant de coquin, de truand ou de gueux, il n'avait pour toute réponse qu'un large sourire, non de moquerie, mais de béatitude.
On dit qu'il fut le premier avocat à entrer au paradis, et peut-être le dernier. Il est le patron des avocats, et devrait être celui des magistrats, à supposer que ces derniers en aient besoin d'un.
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( proposée dans l’Enclos paroissial de Guimiliau )
Saint-Yves, tant que tu as vécu parmi nous
Tu as été l’avocat des pauvres,
Le défenseur des veuves et des orphelins,
La Providence de tous les nécessiteux ;
Écoute aujourd’hui notre prière.
Obtiens nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée.
Fais que nous sachions défendre nos droits,
Sans porter préjudice aux autres,
En cherchant avant tout la réconciliation et la paix.
Suscite des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé
Pour que « justice soit rendue dans l’amour ».
Donne nous un coeur de pauvre,
Capable de résister à l’attrait des richesses,
Capable de compatir à la misère des autres
Et de partager.
Toi, le modèle des prêtres,
Qui parcourais nos campagnes
Bouleversant les foules par le feu de ta parole
Et le rayonnement de ta vie,
Obtiens à notre pays les prêtres dont il a besoin.
Saint-Yves, priez pour nous,
Et priez pour ceux que nous avons du mal à aimer.
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